De Gaulle, mémorialiste

 

Charles de Gaulle écrit depuis son adolescence mais peu de lecteurs ont eu connaissance de ses quatre grands ouvrages antérieurs à la guerre (La Discorde chez l’ennemiLe Fil de l’épéeVers l’Armée de métierLa France et son armée) et de ses articles – une vingtaine. L’édition première des Discours et Messages parue en 1946 a un écho limité. C’est seulement lorsque paraît le premier tome des Mémoires de guerre en 1954 que le talent de l’auteur est consacré par le monde des lettres.

Les Mémoires de guerre : une œuvre historique et politique

Dans les trois tomes de ses Mémoires de guerre, parues entre 1954 et 1959, le général de Gaulle relate avec grand style sa vision de la guerre et de l’épopée de la France Libre. La majeure partie de l’œuvre est écrite à Colombey, pendant sa « traversée du désert » entre 1953 et 1958. La parution des deux premiers volumes, L’Appel en octobre 1954 et L’Unité en 1956 sont de véritables événements littéraires. La critique salue unanimement la clarté du récit, la finesse des portraits et l’art de la formule. Diffusées à plus de 2,5 millions de volumes en France et traduite en 25 langues, les Mémoires de guerre ont contribué à donner une portée internationale à l’œuvre du général de Gaulle.

L’œuvre a également une dimension historique : alors que les archives de guerre sont inaccessibles, le récit minutieux du Général s’appuie sur des documents d’époque inédits et recoupe des comptes rendus anglais ou américains qu’il ne pouvait connaître.

La publication de cette œuvre monumentale contribue également à la construction du mythe gaullien et enracine la « mémoire gaulliste » : à travers l’histoire de la France Libre, le général de Gaulle donne sa vision du conflit, quitte à omettre ou à condenser certains épisodes qui contrediraient l’image d’indépendance et de grandeur de la France résistante qu’il entend mettre en avant.

Mémoires d’espoir : une œuvre testamentaire inachevée

Dernière œuvre du général de Gaulle, demeurée inachevée, les Mémoires d’espoir sont rédigées dans les 18 mois qui séparent sa démission de la présidence de la République à son décès. Leur composition, calquée sur celle des Mémoires de guerre, devait initialement comprendre trois volumes et relater ses années d’exercice du pouvoir entre 1958 et 1969. Le Renouveau (mai 1958-juin 1952) paraît un mois avant sa mort en octobre 1970, les deux premiers chapitres de L’Effort (juillet 1962 – décembre 1965) sont publiés en mars 1971, alors que Le Terme (janvier 1966 – avril 1969) restait à l’état de projet. Les deux tomes s’écoulent en quelques jours à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires et dès 1974, l’œuvre est traduite dans plus de 16 langues. Les critiques sont toutefois plus contrastées que pour son récit de guerre : on reproche au Général son ton trop partisan et un moindre brio de style.

L’intérêt documentaire de l’œuvre est indéniable car elle révèle non seulement les ressorts de la politique visant à mettre un terme au conflit algérien mais aussi l’art de mener des réformes intérieures et de prendre des initiatives diplomatiques qui en moins de quatre ans ont donné une assise internationale à l’autorité du président. L’art de dresser des portraits finement ciselés de ces partenaires étrangers est également remarquable. Cet ultime ouvrage permet de mieux comprendre la pratique gaullienne des institutions de la Ve République. Mémorialiste engagé, le général de Gaulle entend par cette œuvre remplir une mission patriotique et pédagogique visant à expliquer son œuvre et à préparer l’avenir.

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