Le vendredi 1er février 2019, la Mairie d’Evreux et la Fondation Charles de Gaulle ont présenté  le projet d’édification d’une statue à l’effigie du général de Gaulle sur la place éponyme à Evreux (elle porte le nom du Général depuis sa visite en 1944).

Devant plus de 60 personnes, Guy Lefrand, maire d’Evreux, et Jacques Godfrain, président d’honneur de la Fondation Charles de Gaulle ont introduit l’artiste-ébeniste Romain Legret sélectionné pour la réalisation de la statue, et ont souligné la volonté « de perpétuer l’action » et de « pérenniser la mémoire du général de Gaulle en Normandie ».

Une maquette de cette même statue a été présentée pour la première fois au public par M. Legret. Sa version définitive en bronze sera inaugurée le 18 juin 2019 !

Pour en savoir plus sur le projet et pour réaliser un don (la souscription toujours ouverte jusqu’au 18 juin) :

 

Discours de Romain Legret, ébeniste et artiste-sculpteur, sélectionné pour la réalisation de la statue du général de Gaulle à Evreux, le 1er février 2019

Tout d’abord je tiens à remercier sincèrement Monsieur Le Ministre, Monsieur Le Maire pour m’avoir permis de réaliser ce projet qui dans mon histoire personnel est rempli de sens. Je tiens aussi à remercier tous les donateurs qui ont pris part à cette aventure et dont la mémoire restera présente dans le bronze de cette statue. Un grand merci également à Madame Beauvillard pour son énergie positive, sans oublier Monsieur Fumagalli. Je remercie aussi les anciens combattants qui font vivre notre mémoire collective ainsi que les membres de la presse, les Maires et toutes les personnes ici présentes. Les raisons ? L’histoire a toujours occupé une place importante dans ma construction personnelle. Sans repère et sans la bonne connaissance de son Histoire, je pense qu’un peuple ne peut pas avancer. Notre pays s’est construit peu à peu au fil des siècles grâce à de grands Hommes et aussi de grandes Femmes, notre France a vu son visage peu à peu apparaître. Ce visage, pour moi, ressemble un peu à cette détermination et à cette force de conviction que l’on peut retrouver dans ce tableau de Delacroix « La Liberté guidant le Peuple ». Notre pays est celui des droits de l’homme, de la liberté des individus, du respect de chacun, de la détermination mais aussi du sacrifice de certain au bénéfices du plus grand nombre. C’est cette conception de notre pays, notre fierté, notre passé et aussi notre avenir que j’ai essayé de faire apparaître dans cette statue. Certes nous avons connu de nombreuses périodes de troubles, de doutes, d’hésitations, de violences ou encore de cahots, mais à chaque fois quelque chose de positif, de constructif en est ressorti. Parmi le grand nombre de citations de Churchill celle-ci me semble tout à fait vraie : « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre », je crois que tout est dit. Le devoir de mémoire est effectivement extrêmement important, il faut se souvenir que certains se sont battus et ont résisté pour défendre leurs visions de la liberté, de la grandeur et des valeurs de notre pays, le payant parfois de leur propre vie. Nos jeunes générations ne doivent pas oublier.

Pour moi, quel est le sens de ce projet :

Pour ce projet, j’ai voulu tenter de représenter le général De Gaulle du 26 Août 1944, l’homme investi par l’Histoire, cet homme dont même le nom, De Gaulle, représente la France, le De Gaulle magnifié, légitimé et incarnant la réussite de la persévérance, de l’obstination, du refus, garant de nos valeurs, inflexible, déterminé et tenace. Dès que j’ai vu l’affiche informant de l’appel aux dons pour la réalisation de la statue, j’ai tout mis en œuvre pour m’investir à ma manière dans ce projet. Il est effectivement important de rester au fil des décennies sur ce chemin et de continuer à rendre hommage, au travers d’entreprises comme celle que Monsieur Le Maire à porter pour notre ville. Cette grande figure de notre Histoire en partant à Londres à emmener avec elle les dernières braises de notre fierté d’être français. Lors du 18 juin 1940, certains et certaines en entendant les paroles de cet homme encore inconnu s’en sont saisis, ont voulu espérer et secrètement, dans l’ombre, ont veillé à ce qu’elles ne s’éteignent jamais. Ce sont tous ces êtres que j’ai aussi voulu mettre en lumière et remercier au travers de ce dernier géant de notre Histoire commune.

La genèse de la statue :

Lorsque j’ai vu une affiche dans Evreux concernant un appel aux dons pour la réalisation d’une statue du Général de Gaulle, je me suis senti tout de suite impliqué. J’ai été immédiatement porté par ce projet pour moi chargé de sens et je me suis tout de suite mis au travail, je me suis documenté, j’ai dessiné. Je me suis dit que c’était peut-être une chance pour moi de me faire de nouveau plaisir en renouant avec cette discipline qui m’a toujours attiré. Cela faisait 9 ans que je n’avais pas modelé car en effet, mon travail d’artisan ébéniste ne me laisse pas beaucoup de temps pour avoir des activités parallèles. Puis un jour, j’ai sorti de l’un des tiroirs de mon atelier mes ébauchoirs et ma plastiline, histoire de voir où j’en étais et j’ai commencé à modeler une tête. Par chance, elle s’est mise à ressembler petit à petit à celle du général, cela m’a un peu rassuré ! Et puis je me suis lancé dans la réalisation d’une petite figurine d’environ 35 cm, le général en marche et faisant le salut militaire. Le dossier pour répondre à ce projet de la ville d’Évreux une fois réalisé, j’ai attendu et surtout espéré et puis lorsque j’ai reçu le courrier de la Fondation Charles de Gaulle me disant que j’avais été retenu, la charge de cette responsabilité s’est d’un seule coup présentée à moi et le doute s’est installé. Je me suis même dit, « Tu es un grand malade, dans quoi tu viens de t’embarquer, est-ce que tu en es capable, et si tu échoues ? », je dois avouer que j’ai eu tout de même très peur! Je suis un homme de défit, j’aime la difficulté et le challenge mais tout de même, celui-là était de taille (2 mètres) et je ne me suis senti libéré (quoi que…) qu’une fois la dernière étoile posée sur le képi du général !

La réalisation du modèle en plâtre :

J’ai tout d’abord fait des recherches pour me documenter sur la taille du général, sa pointure (du 47) ou encore son uniforme. J’ai visionné les films de sa descente des Champs Élysées en faisant de nombreux arrêts sur image pour saisir un maximum de détails, pour essayer de m’imprégner et j’ai aussi peu à peu constitué une veille documentaire qui m’a été précieuse avec des photos le représentant de face, de profils, de dos, statique ou en mouvement. J’ai également fait une recherche de dimensions en sélectionnant les meilleures photos qui allaient me permettre de trouver une échelle de mesures afin d’essayer d’être le plus fidèle possible à la réalité. Et puis avec un lot important de questions et beaucoup d’appréhension étant donné tout ce que le Général de Gaulle représente, je me suis lancé. Il fallut tout d’abord réaliser la structure qui allait recevoir les couches successives de plâtre. Une fois le modèle terminé, c’est-à-dire aujourd’hui, c’est au tour du travail de fonderie de prendre la relève. La première opération consiste tout d’abord à concevoir un moule en résine élastomère de la statue. Une fois celui-ci réalisé, il faut extraire le modèle en plâtre, refermer le moule et y injecter de la cire. Grâce à cette méthode, un modèle en cire identique à celui en plâtre est réalisé. Il faut maintenant noyer ce modèle en cire dans un nouveau moule en plâtre, le mettre au four et une fois la cire écoulée, la remplacer par le bronze en fusion. Il ne reste plus qu’à casser le moule en plâtre et à faire sur le bronze les reprises de ciselures, ébarber, limer et réaliser la dernière étape, la mise en patine.

Mon parcours :

Alors pour la petite anecdote, je suis ébéniste, je ne suis pas sculpteur. J’ai fait une école d’Art à Paris qui s’appelle l’école Boulle et qui enseigne l’ébénisterie bien évidement mais aussi tout les métiers qui gravitent autour de l’ameublement, comme la marqueterie, la tapisserie, la sculpture sur bois, l’architecture d’intérieur, la menuiserie en siège etc. Lorsque j’étais étudiant, j’étais très curieux (je le suis toujours) et j’allais voir mes camarades de l’atelier de sculpture travailler avec leurs ciseaux et leurs gouges mais à cette époque j’étais plus centré sur le travail du placage et la conception de meuble. Pour tout dire, je ne me serais jamais imaginé sculpteur sur bois car je pense que je n’aurais pas eu la patience d’enlever la matière avec l’outil pour obtenir le volume recherché, cela m’a toujours paru insurmontable pour moi et je respecte profondément les artisans qui maîtrisent cet forme d’art, ce sont eux les véritables artistes. Lorsque j’ai fait mon DMA (diplôme des métiers d’Art), j’avais choisi de faire une copie d’un bureau plat Louis XV d’un célèbre ébéniste de la cour, BVRB (Bernard Van Riesen Burgh) avec décors de marqueteries en bois de rose, bois de violette et amarante. Au fur et à mesure que mon projet avançait dans l’atelier d’ébénisterie, je me suis mis en recherche des bronzes le décorant, tels les descentes de chutes, les astragales, les écoinçons, les sabots, et c’est à ce moment là que les choses se sont compliquées. En effet, je n’ai pas réussi à les trouver dans le commerce, bien évidemment car ils étaient trop spécifiques alors je me suis rendu dans plusieurs ateliers Parisien d’ébénisterie pour essayer de les rassembler. J’en ai trouvé certains mais d’autres me manquaient alors j’étais au pied du mur, il fallait que je me lance et pour la première fois, j’ai modelé les éléments dont j’avais besoin. C’est précisément à ce moment là que j’ai découvert mon attirance pour le modelage. Cette technique m’a permis d’effectuer certains bronzes de mon meuble et plus tard de réaliser mes premières sculptures. Le procédé du modelage consiste à travailler en ajoutant de la matière au fur et à mesure d’un travail, ce qui permet de corriger, de tordre, de modifier à loisir en enlevant ou en remettant de la matière (principalement des terres plastiques comme l’argile, la terre glaise, les pâtes à modeler comme la plastiline, la cire, les pâtes-autodurcissantes ou encore le plâtre), chose évidemment impossible avec la sculpture sur bois car une fois que le copeau est parti, c’est trop tard, voir catastrophique. J’ai toujours été sensible au travail de Rodin, de Claudel, de Giacometti qui jetaient leur gestes au travers du modelé de leurs sculptures et c’est exactement cela qui m’intéresse, la trace du mouvement, de l’instant, de celle de l’argile écrasé avec énergie, de la trace des doigts ou de la paume de l’homme qui cherche, qui hésite et qui tâtonne mais aussi le relief de la matière ou encore les différentes couleurs liées à l’oxydation du bronze.

Je tiens à remercier une nouvelle fois sincèrement Monsieur Le Maire pour m’avoir permis au travers de ce projet qu’il a porté pour notre ville de réaliser un travail qui me tenait vraiment à cœur. Ce fut un honneur pour moi de contribuer à ma façon à ce travail et à ce devoir de mémoire, en rendant de mes mains hommage à ce géant du XXe siècle. Des hommes aussi important que le général de Gaulle, il y en a dans le meilleur des cas un par siècle, il nous reste 80 ans pour trouver le notre.

 

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