LA PHOTO COMMENTÉE DE LA SEMAINE

par Philippe Goulliaud,
Journaliste

Le général de Gaulle accueillit par Robert Galley à Pierrelatte, le 24 septembre 1963 (Photo G. Ménager/ Paris Match).

La visite du général de Gaulle à Pierrelatte, le 24 septembre 1963
L’ambition gaulliste de l’indépendance nationale

Assurer l’indépendance énergétique et militaire de la France a toujours été pour le général de Gaulle une priorité depuis son retour au pouvoir en 1958. Et pour le fondateur de la Ve République le nucléaire, civil et militaire, permet d’atteindre cet objectif. « Il surveillait le développement de cette filière comme le lait sur le feu », selon l’expression de Robert Galley, l’un des artisans de la force de dissuasion française.

Ainsi, le 24 septembre 1963, le président de la République est-il venu visiter Pierrelatte, dans la Drôme. Cette usine du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) doit permettre de produire de l’uranium enrichi destiné à la fabrication de la bombe atomique à hydrogène. C’est alors un immense chantier que découvre le chef de l’État. On le voit sur cette photo descendre de sa voiture, revêtu d’une longue combinaison de protection immaculée. Ses gardes du corps, également protégés par une combinaison spéciale, ne le quittent pas des yeux.

Robert Galley, futur ministre de la Recherche scientifique, fait au président les honneurs de la visite. Le gendre du Maréchal Leclerc, lui-même Compagnon de la Libération, a été chargé par le chef de l’État de coordonner ce programme hautement stratégique et de diriger le Centre de Pierrelatte.

Dans une interview au magazine Le Point, en 2012, peu avant sa mort, Galley racontait non sans humour cette visite de De Gaulle : « Comme il lui fallait un tablier de protection, les membres de son cabinet m’avaient demandé à plusieurs reprises et de façon insistante de prévoir « grand, très grand ». Ils m’emmerdaient. Mais en bon soldat j’ai obéi. Le tablier a été tellement grand que le Général donnait l’impression d’avoir une traîne que son aide de camp a tenue pendant toute la visite. »

Le général de Gaulle est revenu à Pierrelatte le 6 novembre 1967. Le complexe atomique dispose alors de ses quatre unités : usines « basse », « moyenne », « haute » et « très haute ». « Par un vrai prodige de capacités à tous égards, scientifiques, techniques, ouvrières, Pierrelatte est achevée dans les délais espérés et tenus, et par la concentration de volontés, d’efforts et de travaux qui est absolument évidente », déclare ce jour-là le président. « Ce sont des réalisations comme celles-ci qui permettent de juger ce que vaut un peuple, ce qu’il vaut dans l’époque moderne, ce qu’il veut et ce qu’il sait faire » , ajoute-t-il. « Nous avons voulu qu’une telle réalisation contribue à écarter de nous la guerre. Mais en même temps nous en faisons une base pour le développement industriel, un développement nouveau de l’énergie atomique. »

L’usine de Pierrelatte symbolise aux yeux du Général cette politique de modernisation, cette ambition de l’indépendance nationale qui constitue l’un des principes fondamentaux du gaullisme.

Philippe Goulliaud

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