IL Y A 56 ANS : VISITE DU GÉNÉRAL DE GAULLE À SAINT-QUENTIN

par Pierre Tréfouret,
Ingénieur, Directeur du Cabinet du Président du CNES
et natif de la ville de Saint-Quentin (Aisne)

12 juin 1964… le Général de Gaulle se rend à Saint-Quentin ; moins de 20 ans après la libération de cette ville ! En ce mois de juin, la guerre est encore très présente dans les esprits, et surtout dans cette région picarde ; c’est bien pire que si nous évoquions aujourd’hui un drame intervenu en l’an 2000. D’ailleurs, lorsque je regarde les quelques images qui restent de cette visite, je mesure l’enthousiasme de toute la population. Les trottoirs sont remplis et la grande Place de l’Hôtel de Ville, d’où il s’exprimera, est bondée. La télévision n’est pas encore dans chacun des foyers et les réseaux sociaux n’existent pas encore !

Il s’agit de l’un de mes plus vieux et plus émouvants souvenirs. Ces quelques secondes où sa voiture est passée devant l’entreprise familiale, en remontant la rue de la Sellerie, debout dans sa célèbre Simca noire découverte, ayant à sa droite le maire de l’époque, Pierre Laroche, pour rejoindre la place de l’Hôtel de Ville, m’ont marqué de façon indélébile pour la vie entière. Sous un beau soleil, la foule était agglutinée sur le trottoir devant notre immeuble. Ma mère m’a pris par la main pour être au premier rang, l’applaudir et prendre cette photo qui aujourd’hui se trouve encore sur mon bureau.

Mes grands-parents et mes parents étaient des personnes discrètes, et tout particulièrement sur le plan politique. Mais là, il s’agissait moins de la venue d’un homme politique ou même du Président de la République, il s’agissait pour ma famille mais aussi pour l’ensemble des habitants de cette ville, de la venue du sauveur de la France.  Mes grands-parents avaient préféré se mettre à la fenêtre pour écouter le discours. Le lendemain, un salarié de l’entreprise avait été très fier de pouvoir dire à mes parents que pendant le discours, Madame de Gaulle s’était rendue au béguinage (EHPAD de ce temps) saluer les anciens et notamment sa Maman âgée. Chaque habitant avait pu être de la fête.

Il faudra attendre le 29 mars 2002 pour qu’un autre Président, en la personne de Jacques Chirac, fasse l’honneur de sa visite à la ville de Saint-Quentin.

Si on resitue cet évènement dans son contexte, il faut comprendre que le voyage d’un Président de la République en 1964 n’a rien à voir avec celui qui aurait lieu de nos jours. Sa venue à Saint-Quentin s’intègre dans un important et long déplacement en Picardie, du 11 au 14 juin, l’amenant à Soissons, Laon, Saint-Quentin, Abbeville, Amiens, Creil, Beauvais et enfin Compiègne. Evoquant ce souvenir, Pierre André, Sénateur-Maire Honoraire de Saint-Quentin m’a offert un CD du discours du Général de Gaulle dont je n’avais évidemment aucune mémoire eu égard à mes 7 ans en ce 12 juin 1964 !

Le discours est extraordinaire au sens propre de ce mot : il ne dure que 16 minutes uniquement avec des mots simples, compréhensibles par tous et allant droit au cœur de la population. Ce n’est pas un discours fleuve mais néanmoins aucun sujet important n’est omis. Il rend d’abord hommage à une ville qui a su se redresser et marque ainsi ses encouragements à ses habitants. Sa venue intervient pourtant dans un contexte social difficile avec le risque de fermeture de la plus grosse usine de la ville (Bull) sur laquelle les habitants mettaient beaucoup d’espoirs en terme d’emplois. Il traite du sujet avec la hauteur de sa fonction sans entrer dans une promesse technique ou détaillée. Il affirme simplement qu’une réponse sera trouvée. Sa parole suffit.  Effectivement en janvier 1965 une filiale issue du regroupement de la CGE avec Alsthom s’installera dans l’usine Bull de Saint-Quentin. Sa parole vaut engagement. Bien évidemment, il évoque la participation pour expliquer que le progrès et le travail doivent profiter à tous. L’affaire algérienne est traitée à travers la capacité de la France à avoir intégré un million de personnes. Il souligne notre contribution à la Paix dans le monde, tout en restant sur nos gardes grâce à une défense indépendante et sans que la France soit placée sous protectorat. A propos de l’Asie du Sud-Est, il propose une troisième voie pour sortir de la guerre en disant cette très belle phrase : « tous les hommes sont des hommes ». Il exprime sa foi dans la coopération, meilleur placement que la France puisse faire. Le Général termine par un plaidoyer fort pour les Institutions au service de l’intérêt général et de la France. Tout est dit en un discours concis, puissant avec une vision hors norme.

Écouter le discours du général de Gaulle à Saint-Quentin, le 12 juin 1964

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