ÉPIDÉMIE COVID-19 : UNE FONDATION RÉSISTANTE
LA FRAGILITÉ, FORCE DE RÉSILIENCE

Par Jean Vendroux
Président de la Fondation Anne de Gaulle

La vague épidémique de Covid-19 qui monte en France et en Europe fin février, va déferler sur tous nos établissements de santé début mars et frapper avec une force particulière le secteur médicosocial, spécialement en Ile de France.

Nos foyers d’accueil yvelinois vont être impactés durement par l’épidémie, les personnes handicapées déficientes intellectuelles que nous accueillons, se révélant particulièrement fragiles face au virus.

Le foyer d’accueil médicalisé Saint-Louis à Versailles va être touché en premier début mars puis le virus s’introduit au foyer de vie de Vertcœur, en vallée de Chevreuse, où la moyenne d’âge de nos résidentes se situe au-delà de 65 ans…  Ce n’est ni leur âge ni leur état de santé parfois précaire, même s’ils constituent indéniablement des facteurs aggravants de la maladie, qui va révéler la grande fragilité de nos résidents(es), et au-delà, de nos foyers d’accueil face à un tel fléau, mais cette affection singulière, cette spontanéité chaleureuse et naturelle qui les caractérisent.

Leurs expressions, leurs émotions si bien et si souvent traduites par la gestuelle et surtout le toucher et bien entendu leur difficulté, ou bien souvent leur incapacité, à comprendre et s’approprier les gestes barrières les plus élémentaires vont malheureusement constituer le vecteur idéal à la propagation virale.

Le virus va alors se transmettre à une vitesse considérable, telle une véritable trainée de poudre, contaminant et infectant les résidents(es) et leurs accompagnants.

Ce virus et son cortège mortifère va donc gagner et prospérer sur l’empathie, la générosité, la compassion ; dans nos foyers, la chaîne de transmission du virus va être une chaîne de tendresse et de bienveillance.

La résistance va s’organiser très vite au niveau de nos équipes de salariés et bénévoles avec la mobilisation de tous, enfin de tous ceux qui ne seront pas eux-mêmes touchés par la maladie. Notre priorité légitime va être d’assurer la protection de tous nos salariés et soignants dans un contexte particulièrement difficile en raison des difficultés majeures d’approvisionnement auxquelles nos établissements vont devoir faire face au cours des deux premières semaines de l’épidémie : nos autorités de tutelles – département et ARS – présentes quand nous les sollicitons, à l’écoute de nos récriminations vont être dans l’incapacité logistique totale d’y répondre, face à l’ampleur de la pénurie concernant les masques et les équipement de protection individuelle et la priorisation évidente des structures de soins primaires et des EHPAD. Il nous a donc fallu ferrailler avec les circuits d’approvisionnement, patienter devant les entrepôts, démarcher les élus…

La bonne volonté et le dévouement de nos salariés n’ont malheureusement pas suffi ; respecter scrupuleusement, « administrativement », les gestes barrières à ce stade débutant de l’épidémie, avec les carences que nous connaissions en matériel de protection, aurait suscité un sentiment partagé de distanciation affective, d’abandon presque et pour le moins de désintérêt pour ces résidents(es) inquiets et désemparés.

La formidable dimension humaine de cet accompagnement ne s’est jamais totalement volatilisée derrière les consignes de prudence et de sécurité, et là aussi, sur ce champ d’empathie et de dévouement, le virus a prospéré. Deux tiers de nos salariés titulaires étaient en arrêt maladie le week-end pascal qui a symbolisé la crête de la vague épidémique, la plupart présentant une forme symptomatique de l’infection virale.

Les résistants ont été nombreux parmi les familles des résidents accueillis, particulièrement au foyer Saint-Louis où la moyenne d’âge est nettement plus jeune, puisque plus de la moitié de nos résidents ont pu regagner leur famille dès le début du confinement. La solidarité et l’« esprit de famille » de tous ces parents ont été remarquables et unanimement salués ; cette décision engageante, déstabilisante et souvent éprouvante dans la durée pour ces proches, a permis de pallier aux nombreuses absences du personnel accompagnant et de maintenir l’ouverture de l’une des deux maisonnées pour la surveillance des résidents restés sur place.

Nos foyers se sont rapidement transformés en « hôpitaux de campagne » ; ces foyers non médicalisés se sont adaptés, souvent avec les moyens du bord, pour différer autant que faire se peut, les transferts de nos résidents les plus atteints vers des structures hospitalières, lorsque leur maintien « à domicile » n’était véritablement plus possible pour des raisons de surveillance ou de lourdeur de prise en charge. Néanmoins et grâce à un formidable investissement collectif (salariés, médecin traitant, infirmière…), plusieurs résidentes ont pu bénéficier d’une assistance en oxygène dans leur chambre et échapper, au moins pour un certain temps, à une hospitalisation angoissante.

Nicolas à Saint-Louis, Solange et Sylvie à Vertcœur , nous ont malheureusement rappelés que le transfert en SAMU pour un environnement inconnu, inhospitalier (!) pour les plus fragiles, pouvait être un chemin sans retour ; ces trois départs, dans cette ambiance déshumanisante de visites interdites pour les proches, de solitude extrême de fin de vie, et d’enterrements dans la plus stricte intimité, ont été vécus avec une dignité et une retenue émouvantes, mélange de gratitude envers tous les soignants et de regards mouillés de chagrin mais résolument tournés vers le Ciel.

L’heure est toujours aujourd’hui, alors même que la vague commence tout juste à se retirer, au recueillement. Mais au-delà de ces épreuves terribles que notre Fondation vient de traverser, au-delà de la peine et de la douleur des proches et de nos salariés, nous devons nous projeter et regarder devant ; notre grand projet de développement yvelinois, précisément parce qu’il décloisonne la prise en charge des personnes vulnérables et autorise un accompagnement médicalisé de fin de vie, est la réponse idoine, au-delà d’une solution adaptée et adaptable aux besoins des familles et des tutelles, à des crises de cette ampleur. Nous allons trouver, dans cette pandémie, des arguments supplémentaires pour défendre, si besoin en était, les atouts de nos projets futurs et puiser, dans cette catastrophe humaine et sanitaire, une force, une conviction et une énergie décuplées.

Nous allons enfin capitaliser sur l’analyse des évènements, de leur enchaînement et de leur maîtrise, pour nous préparer à d’autres combats, répliques épidémiques ou non, améliorer les procédures, finaliser les protocoles, formaliser les consignes de nos autorités de tutelle.

Il nous faudra être mieux armés, moins pauvrement devrais-je dire.

Notre fragilité demeure et demeurera, partagée, assumée, accompagnée.

N’oublions jamais que c’est dans cette fragilité qui nous enseigne et nous fait grandir, richesse inaltérable, que nous avons puisé, tous ensemble, cette formidable force de résilience.

« Cette enfant est aussi une grâce. Elle est ma joie, elle m’aide à dépasser tous les échecs et tous les honneurs,
à voir toujours plus haut. »

Charles de Gaulle

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