LE MONDE D’APRES : OSER LA « SOCIETE PARTICIPATIVE » DU GENERAL DE GAULLE
PAR JACQUES GODFRAIN ET LIONEL TOURTIER

Faire revivre au 21ème siècle la participation dans sa dimension politique

A l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort du général de Gaulle, la Fondation sous la conduite de son président d’honneur, Jacques Godrain et de Jean-Marie Dedeyan, Vice-Président, a engagé depuis novembre 2019 un travail prospectif sur l’avenir de la participation.

En effet, la perspective d’une « révolution numérique » va profondément changer notre société, aussi bien dans ses modalités de fonctionnement au quotidien, de « gouvernance » démocratique, que dans la nature même du contrat de travail des salariés. Aussi nous a-t-il semblé nécessaire de revenir aux fondamentaux de la participation, et plus encore de la « société participative », pour déterminer si celles-ci conservaient leur intérêt social et politique, voire, plus encore, leur modernité.

Pour ce faire, une série de consultations de personnalités a été réalisées, avec des profils variés pour prendre en compte la diversité des opinions et des préoccupations sociétales, ce qui a donné lieu à des débats riches mais ponctués parfois par certains désaccords. La Fondation a ainsi échangé avec de grands patrons d’entreprise et de PME, des professeurs d’université, ceux en particulier qui avaient collaboré sur le projet d’« entreprise à  mission », des experts en relations sociales, des avocats en droit social, des spécialistes du numérique, des praticiens de la participation, etc. C’est au total dix-sept personnes qui ont été interviewées, étant précisé que quatre entretiens programmés ont malheureusement dû être reportés en raison du confinement.

En effet, la crise de mars 2020 est intervenue brutalement, télescopant le champ de la réflexion engagée, sans pour autant le condamner : car au-delà de l’épidémie elle-même, c’est bien tout un système qui est bouleversé, remettant en question notre modèle de développement économique ainsi que la pratique de notre démocratie face aux angoisses de la population. Toutes les personnes auditionnées, avant et au tout début de la crise, ont déclaré que cette initiative était non seulement bienvenue mais nécessaire pour construire un nouveau monde, une nouvelle société, face aux aspirations, nombreuses et parfois contradictoires, du peuple français.

Une démarche bienvenue, face à des attentes multiples de changement

Toutefois, si l’enchaînement des faits autour de la crise mondiale traduit de fortes attentes de changement, pour autant, aucune vision politique n’émerge réellement pour dessiner les contours de ce que serait une autre société. C’est vrai en France, mais aussi en Europe, soumise à la tentation d’un repli identitaire.

Bien sûr, il y a le retour des « vieilles lunes » marxistes qui n’ont tiré aucune réelle leçon de l’expérience du communisme. Mais l’on sent bien, ça et là, la tentation, exprimée plus ou moins timidement dans la presse, de réduire le droit de propriété, de capter l’épargne individuelle, tout cela pour compenser les conséquences financières de la crise. Le plus surprenant, c’est que ces propositions émanent parfois d’organisations qui ne se revendiquaient pas, jusqu’à présent, de la pensée de Marx ou de celle de Lénine. Or, le droit de propriété est non seulement constitutionnel dans la cinquième république, mais comme le rappelle Jacques Godfrain, la généralisation de la propriété privée est le principe essentiel de la participation voulue par le général de Gaulle.

Il y a aussi des velléités « anarcho-écologiques », celles de tout détruire pour rebâtir on ne sait pas très bien quel monde, si ce n’est celui où le poids d’une « dictature verte » multiplierait les interdits, ce qui est contraire à la philosophie gaulliste : celle d’un Homme qui maîtrise librement son destin.

Enfin, il y a la tentation des conservateurs, reprenant cyniquement la formule du film « Le Guépard » : changer pour que rien ne change.

Les quatre socles de la pensée gaulliste

C’est dans ce contexte où toutes les explosions sociales sont possibles, voire le risque d’une confrontation civile, qu’il est judicieux de relire les écrits du général de Gaulle et ses convictions de base. Ainsi qu’Alain Kerhervé le soulignait dans son livre, « Une révolution en héritage, la politique sociale de Charles de Gaulle »[1], le gaullisme est une philosophie de l’action[2] qui a abouti à une doctrine autour de plusieurs axes interdépendants qui en assurent la cohérence d’ensemble : « La Nation ; l’Etat et les rapports entre les individus et lui ; le programme économique ET social inspiré aussi bien du socialisme que du libéralisme ; enfin les relations entre les Etats. »

Le terme doctrine ne fait pas l’unanimité chez les gaullistes et les historiens. Ce sont plutôt de solides convictions face auxquelles l’évolution actuelle du monde suscite effectivement de nombreuses interrogations.

  1. La souveraineté de la nation n’est-elle pas déjà fragilisée par le pouvoir des géants du numérique ? Ce constat établi dans différents rapports parlementaires se confirme de jour en jour, comme l’a souligné Jean-Marie Dedeyan dans un article bien documenté sur « Les défis de l’intelligence artificielle » paru dans la revue ESPOIR[3] en novembre 2019. N’est-il pas trop tard pour reprendre la main ? C’est la problématique que posent plusieurs experts, parmi les meilleurs dans ce domaine : Philippe Delmas, ancien numéro deux d’Airbus, dans son livre « Un pouvoir implacable et doux », ou Laurent Alexandre et Jean-François Copé dans « L’intelligence artificielle va-t-elle aussi tuer la démocratie ? », ou encore Christophe Victor, « Le monde qui vient, ou comment reprendre le contrôle sur les technologies », pour ne citer que quelques références. L’on pourrait y ajouter « La guerre des métaux rares, ou la face cachée de la transition énergétique et numérique[4] » de Guillaume pitron, préfacé par Hubert Védrine. Toute proportion gardée, ne sommes-nous pas dans l’expectative des chars de Guderian qui ne pouvaient passer par les Ardennes… Quel aurait été la conduite du général de Gaulle face à ces défis majeurs, au demeurant trop peu discutés dans les sphères politiques[5] ? A celui qui a doté notre pays de la force nucléaire, on devine en partie la réponse.

 

  1. Les rapports entre l’Etat et les individus ne sont-ils pas altérés par une perte de la cohésion sociale, conduisant elle-même à une perte de l’autorité ainsi qu’à la contestation de l’ordre républicain ? Dans un discours en septembre 1958, le Général disait : « La nation française refleurira ou périra suivant que l’Etat aura ou n’aura pas assez de force, de constance, de prestige, pour la conduire là où elle doit aller». Dix ans plus tard, il complétait ses propos dans une lettre au comte de Paris : « La fonction de l’Etat consiste tout à la fois à assurer le succès de l’ordre sur l’anarchie et à réformer ce qui n’est plus conforme aux exigences de l’époque. Faute, parfois qu’il l’ait remplie, le malheur national s’est installé ». En France c’est l’Etat qui a créé la Nation et c’est la Nation qui justifie l’Etat. Dans ces temps troublés, il revient à l’Etat de diriger la manœuvre : celle de maintenir l’unité nationale face à la montée des communautarismes, mais aussi celle d’assurer la cohésion sociale face aux fractures en cours du numérique. Dans « Il faut dire que les temps ont changé, chronique d’une mutation inquiète ». Daniel Cohen s’interrogeait en 2018 sur « l’immense frayeur qui traverse la société d’aujourd’hui » avec la dictature des algorithmes, le formatage des esprits par les réseaux sociaux, etc. Comme le suggère Nicolas Colin dans « un contrat social pour l’âge entrepreneurial », n’est-il pas temps de reproposer une suite au programme du Conseil National de la Résistance, mais en phase avec le monde d’aujourd’hui ? Ceux qui veulent maintenir vivante la mémoire du général de Gaulle, en démontrer la modernité en ce 21ème siècle, n’ont-ils pas des réflexions à suggérer aux instances politiques sur ces enjeux dans le strict respect de la pensée du gaullisme ?

 

  1. Quant à la rupture de l’équilibre entre l’économique et le social qui sévit dans notre pays, là encore le général de Gaulle avait montré qu’il était possible de concilier les deux dimensions en positionnant le rôle de l’Etat au bon niveau d’intervention. La montée en puissance de l’industrie durant les trente glorieuses, par exemple, a permis ainsi de dégager une productivité suffisante pour augmenter les salaires, contribuer à l’équilibre de la protection sociale et favoriser la promotion sociale. La désindustrialisation de la France depuis au moins 20 ans, produit l’effet inverse. Ainsi, la déformation de la structure des emplois dans notre pays, constatée par nombre d’économistes, ne conduit-elle pas à un « néo-prolétariat », lequel sera amplifié par la disruption digitale dans les organisations ? C’est une des hypothèses avancées par France Stratégie avec qui nous avons été en contact, ou encore celle de Stéphane Mallard dans son livre « Disruption, intelligence artificielle, fin du salariat, humanité augmentée». Cette menace est concrète, et, dirions-nous, en cours, devant nos yeux avec l’ubérisation de certains métiers via des plateformes.

 

  1. Enfin, concernant la relation entre les Etats, quelle leçon en tirons-nous comme gaullistes, face à une mondialisation ressentie comme « malheureuse » par une majorité de nos concitoyens ? De Gaulle a toujours été favorable à la libre concurrence, l’ouverture des marchés internationaux pour favoriser la modernisation de l’économie française, mais il plaçait l’Etat comme un régulateur de la gestion économique et sociale du pays. Il n’aurait certainement pas accepté le protectionnisme et un repli sur soi, ni les excès du néolibéralisme venu du monde anglo-saxon. Quel sentiment nous inspire également la perte de notre influence internationale, face à des puissances émergentes, y compris au sein d’une communauté européenne hyper-bureaucratique et en mal de solidarité, ce dont le général de Gaulle nous avait alerté ? Pour De Gaulle, une économie forte, avec des fleurons industriels et technologiques, devait placer la France au premier rang du progrès mondial et favoriser ainsi son influence géopolitique. En avons-nous encore les moyens ? Quelle réponse apporter à l’atteinte de notre souveraineté lorsque des pays pratiquent un législation extra territoriale qui confine parfois au chantage économique ?

Lorsque la France fut défaite, découragée, humiliée, De Gaulle mobilisa les énergies pour combattre l’envahisseur, et redonner ainsi sa fierté à la nation. Chez un gaulliste le désespoir n’est jamais permis. Son appel du 18 juin 1940 est bien connu.

Mais peu de personnes parlent de son discours du 25 novembre 1941 à la prestigieuse université d’Oxford. Au-delà de victoire dont il ne doute pas, il aborde en quelques lignes la question des enjeux de l’après-guerre et trace le futur cadre organisationnel de l’Etat et de la société.  

 

Le discours prémonitoire d’Oxford 1941

Après avoir écrit les bouleversements induits par la mécanisation des sociétés modernes, il conclut par l’avertissement suivant : « Si complète que puisse être, un jour, la victoire des armées, des flottes, des escadrilles des nations démocratiques, si habile et prévoyante que se révèle ensuite leur politique vis-à-vis de ceux qu’elles auraient cette fois encore, abattus, rien n’empêchera la menace de renaître plus redoutable que jamais, rien ne garantira la paix, rien ne sauvera l’ordre du monde, si le parti de la libération, au milieu de l’évolution imposée aux sociétés par le progrès mécanique moderne, ne parvient pas à construire un ordre tel que la liberté, la sécurité, la dignité de chacun y soient exaltées et garanties, au point de lui paraître plus désirables que n’importe quels avantages offerts par son effacement. On ne voit pas d’autre moyen d’assurer en définitive le triomphe de l’esprit sur la matière. Car, en dernier ressort, c’est bien de cela qu’il s’agit […]. »

Construire un ordre tel que la liberté, la sécurité, la dignité de chacun, y soient exaltées et garanties, est à la base de la réflexion engagée par la Fondation sur la participation. En paraphrasant ses écrits dans Mémoire d’Espoir (le Renouveau), l’on pourrait dire aujourd’hui : « Depuis longtemps, je suis convaincu qu’il manque à la société numérique moderne (au lieu de mécanique) un ressort humain qui assure son équilibre ». La démarche de la Fondation sur prospective de la participation s’inscrit donc dans les quatre problématiques précédemment exposées, autant par souci de cohérence que par fidélité à la vision globale du général de Gaulle.

Homme pragmatique, De Gaulle avait défini au fil de ses discours trois objectifs pour la participation, dessinant ainsi la fameuse troisième voie :

  • Assurer la dignité de l’homme au travail
  • Substituer la coopération à la lutte des classes
  • Favoriser la croissance tout en partageant les profits.

Ces trois objectifs, humain, sociaux et économiques, sont reposés de façon critique à travers l’acuité de la crise actuelle dont on sous-estime peut-être encore trop les conséquences. Il y a d’ailleurs une étrange similitude avec ce que constatait le Général dans son discours de Saint-Étienne en 1948[6] :

« Assez de ce système absurde où, pour un salaire calculé au minimum, on fournit un effort minimum, ce qui produit collectivement le résultat minimum. Assez de cette opposition entre les divers groupes de producteurs qui empoisonne et paralyse l’activité française ».

Nourri de son projet d’une « société participative », qui élargit la participation à tous les niveaux de la société et pas seulement à celui de l’entreprise, nous avons donc engagé un travail à deux niveaux ; l’examen de la situation actuelle de la participation, puis son rôle à venir par rapport à la mutation de l’entreprise et de son environnement numérique.

 

Pourquoi la participation dans sa dimension politique a-t-elle échoué ?

Comme toute réflexion prospective, il fallait déjà tirer quelques leçons de l’expérience de la participation depuis 1945, c’est-à-dire l’association capital et travail qui en était le fondement. La première question posée était celle de comprendre pourquoi la participation dans sa dimension politique a échoué.

Certes, il y a aujourd’hui environ 7,5 millions de salariés qui bénéficient réellement du versement de primes et d’abondement ; certes il y a 3 millions d’actionnaire salariés. Mais d’une part, une grande majorité de salariés reste privée depuis 1967 de toute formule de participation, et, d’autre part, l’actionnariat salarié s’est surtout développé dans les grandes entreprises et les moyennes, sans pour autant avoir donné lieu à un pouvoir réellement partagé.

La participation touche ses limites du fait d’une économie française concentrée sur 3.000 entreprises

Il faut ici rappeler quelques chiffres à grands traits. Le secteur privé emploie 19,6 millions de salariés. Mais si l’on prend l’ensemble du secteur marchand et non marchand, le chiffre est de 25,5 millions, ce qui signifie que 5,8 millions de salariés travaillent dans le secteur public. Ainsi que le souligne la DARES du ministère du Travail, les dispositifs de participation ne sont réellement effectifs, via le versement de primes ou abondement, que pour un tiers du salariat.

En outre, ce chiffre est relativement stable. En d’autres termes, si la participation au sens large dans la diversité de ses formules (participation, intéressement, PEE, PERCO) s’est développée dans les entreprises depuis plus de 50 ans, elle ne concerne en réalité qu’une minorité de nos concitoyens et plus encore si l’on y ajoute les fonctionnaires qui ne bénéficient pas de tels dispositifs. Pourtant, dans le cadre de l’action de la modernisation de l’Administration, il serait possible de mettre en place des formules adaptées, ainsi que Jacques Godfrain l’avait suggéré dans son rapport parlementaire sur la Participation, en 1994.

Cette relative stagnation du bénéfice de la participation (en nombre et en euros constants) s’explique aisément : la désindustrialisation de la France a entraîné un glissement vers une tertiarisation du tissu économique, en partie sur des segments à moyenne ou faible valeur ajoutée. Cela a entraîné une perte continue de productivité qui, elle-même, a freiné les progressions de salaire. Ou plus précisément, d’une part, notre pays a augmenté globalement les salaires plus fortement que l’évolution de la productivité[7] (ce qui augmenté leur part dans le PIB), et en second lieu, les répartitions de ces salaires se sont faites de façon de plus en plus individualisée.

Ce qui nous conduit à un second constat : le cœur de l’économie française se compose de 3.000 entreprises qui emploient 5,2 millions de salariés, pour une valeur ajoutée de 52 % par rapport au PIB national. L’analyse algébrique est donc simple : 20 millions de salariés se partagent 48 % de la création de richesse. Plus de 5,5 milliards des sommes issues de la participation sont d’ailleurs distribués dans les sociétés du SBF 120, ce qui démontre bien sa concentration ! Qui plus est, dans la répartition des sommes versées, l’INSEE[8] a montré que 10 % des bénéficiaires captaient 57 % du montant des primes et abondements…

Le général de Gaulle n’aurait certainement pas approuvé un tel partage qui ne peut qu’augmenter les inégalités et donc mettre à mal la cohésion nationale.

Quant à l’actionnariat salarié, là encore, il est essentiellement concentré dans les entreprises cotées du SBF 120, avec une participation de 2,7%. Aujourd’hui, seules 4 % des PME françaises ont ouvert leur capital à leurs salariés. Toutefois, il ne faut pas se fier ici aux moyennes de détention publiées par la presse : la répartition de l’actionnariat par pourcentages détenus est relativement mal suivie, donc mal connue. La moyenne n’indique pas la distribution statistique. Ni la part détenue par les dirigeants et cadres supérieurs dans les 2,7 %. Ni la conversion potentielle des stock-options ou BSA. L’on sait que globalement, les dirigeants d’entreprise ont proportionnellement une part bien plus forte que celle de actionnaires salariés regroupés collectivement[9].

Si grâce à Jacques Godfrain et sa loi du 30 décembre 2006[10], le pouvoir s’est progressivement ouvert avec les administrateurs actionnaires salariés (à partir de 3 % du capital détenu), la réalité du système de prise de décision montre que la prise en compte du poids des salariés actionnaires reste faible. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement dès lors que les non-résidents détiennent 42 % du contrôle des entreprises du CAC 40 ? Or, chacun sait, en fonction du taux de flottant, qu’une participation de 20 % peut, à elle seule, exercer une forte influence sur les orientations stratégiques. Parmi les constats recueillis lors de nos auditions, ceux de Jean Peyrelevade dressent une situation précise sur ce point[11].

Le blocage politique de la participation dans sa dimension politique est d’abord à droite

Ce que nous avons recueilli comme consensus, c’est que la participation, auquel s’est substituée le terme « épargne salariale », s’était financiarisée, à l’image de la financiarisation de l’entreprise, voire de l’économie. Disons-le franchement : cette financiarisation a produit des dégâts que l’on paye aujourd’hui chèrement. Beaucoup de fonds de pension américain, par exemple, ont prit des participations dans nos grandes entreprises, entraînant plusieurs effets négatifs : une exigence de rendement élevé conduisant à des politiques de réduction de coûts souvent déraisonnables (« cost killing ») car au détriment des conditions de travail, donc sources de tensions internes[12] ; des versements de dividendes réduisant la capacité d’autofinancement de l’entreprise pour moderniser son outil de travail ou freiner des investissements de croissance[13]. La pression mise sur la création de valeur à court terme, pour maximiser les profits, a souvent sacrifié les intérêts du long terme. Pire : si la recherche est restée localisée en France pour bénéficier du C.I.R., la plupart des productions des nouveaux produits ont été délocalisées ! Et bien sûr, la participation en a subi les conséquences.

Ce qui était à l’origine une conception des rapports sociaux et du gouvernement d’entreprise, n’est devenue finalement qu’un système fiscal d’optimisation des rémunérations, qui plus est avec des résultats relativement inégalitaires. Une financiarisation qui exprime le fait que le politique a cédé la démarche aux banques, via leurs sociétés de gestion, et aux responsables des rémunérations des entreprises dans un but d’optimisation. D’où la forte mobilisation de ces acteurs pour réduire le forfait social, comme si cette contribution fiscale était l’Alpha et l’Omega de la participation.

Mais pourquoi cette marchéisation de la participation par rapport à l’ambition d’origine, celle de l’Association Capital Travail ? Michel Anfrol, dont il faut saluer la mémoire ici, constatait que dans le domaine social, nombre des idées du général de Gaulle « n’ont pu être menées à bien en raison de l’opposition de plusieurs syndicats, des réticences du patronat, et du manque d’empressement de nombreux politiciens qui se déclaraient pourtant gaullistes ».

Sur ce point, les références historiques sont très nombreuses à en témoigner. Faut-il, par exemple, citer les réticences de la Commission Mathey en juillet 1966 ? Dans un entretien avec David Rousset en avril 1968, le Général considérait qu’il n’était pas soutenu dans sa démarche : « Il faut condamner le capitalisme, la société capitaliste, il faut la condamner expressément. Il faut condamner le communisme totalitaire. Il faut trouver une voie nouvelle, la participation… je suis coupé des Français. Je cherche des hommes de bonne volonté qui comprennent le sens de cette bataille. Et je n’en trouve pas ».

En fait, il y avait quelques hommes, dont deux issus de la résistance, qui soutenaient ardemment les idées de De Gaulle sur la participation : René Capitant, Marcel Loichot, Louis Vallon. Les deux premiers critiquèrent fortement la publication de l’ordonnance. Capitant dénonça un texte vidé de sa substance et Loichot fustigea la contribution fiscale de l’Etat aux entreprises. : elle revenait à financer 50 % du coût du dispositif. Concernant Louis Vallon, le Général avait nourri envers lui une profonde amitié. Il voulait d’ailleurs lui confier un portefeuille ministériel dédié à la participation. Cette nomination, un « ministère de la participation », aurait eu un poids structurel évident pour faire avancer les choses. Peut-être une idée à retenir pour le « monde d’après » ?

L’ambition du général de Gaulle allait plus loin que les dispositions de l’ordonnance de 1967

Bernard Ducamin, qui participait à la rédaction des ordonnances de 1967, précisa un jour qu’il avait pu consulter la note d’orientation manuscrite du Général : elle allait beaucoup plus loin que le texte en cours de rédaction. C’est d’ailleurs pourquoi, lors de sa conférence de presse de novembre 1967, le général de Gaulle avait parlé « d’importante étape ». C’est bien la preuve qu’il voulait aller plus loin que les mesures annoncées. Alors, au mieux peut-on parler de « prudence » de l’entourage du Général, au pire de « blocage ». Mais la perte de dimension politique de la participation est bien la conséquence de ces oppositions. Elles vont s’accroître avec la doctrine centriste (libérale et europhile) qui s’est diffusée dans toute la droite lors de la création de l’UMP.

C’est pourtant un paradoxe, car en 1945, à la libération, à l’exception des communistes, il existait un large consensus à droite et au centre pour développer « l’Association Capital Travail ». C’était vrai au MRP, mais aussi à l’U.D.S.R. (Union Démocratique et Socialiste de la Résistance). Or, rapidement, les démocrates-chrétiens délaissèrent cette ambition, en même temps qu’ils s’éloignaient du Général sur d’autres orientations : la constitution, l’Europe.

Ainsi que le souligne Laurent Lasne[14] « Du référendum d’avril 1969 à la bérézina électorale de mai 2017, la droite a mis quatre décennies à liquider les éléments clefs de la doctrine sociale gaulliste ». En réalité, les désaccords sur cette question, comme pour d’autres commencèrent, dès 1948. Ils augmentèrent fortement lorsque le MRP choisit de devenir un « parti démocrate à l’américaine », regroupant des libéraux, des socialistes, des radicaux et des démocrates-chrétiens. Dès lors, les audaces révolutionnaires du général de Gaulle concernant l’association Capital Travail se heurtaient à une forme de conservatisme, souvent influencée par le patronat, au titre de la défense de la compétitivité de l’économie. Il suffit de relire les positions du MRP et des partis qui lui succédèrent pour le vérifier.

Néanmoins, lors du rapprochement initié par Jacques Chirac avec Jean Lecanuet en janvier 1986, la plateforme RPF-UDF reprit dans un paragraphe (malgré tout un peu général), le thème de la participation : « Sous ses diverses formes, elle permettra d’associer plus étroitement les salariés à la vie de leur entreprise et à son avenir. La vente au personnel d’actions des entreprises dénationalisées, à des conditions préférentielles, en sera l’un des moyens. L’intéressement aux résultats ira dans le même sens. Enfin, la participation aux responsabilités se manifestera par le droit d’expression des salariés et par leur association aux décisions intéressant la vie de l’entreprise ». L’histoire montrera que, sur cette dernière partie, l’association aux décisions intéressant la vie de l’entreprise, aucune initiative sérieuse ne fut supportée par les gouvernements successifs de droite. Il y a toujours eu beaucoup de communication enthousiaste sur le sujet, mais au pied du mur législatif, les bonnes intentions reculèrent.

La responsabilité de l’échec de la participation dans sa dimension politique est donc d’abord le fait : d’une part, de ceux qui se réclamaient du gaullisme mais ne partageaient pas les idées du Général sur ce point ; et, d’autre part, des démocrates-chrétiens qui ont freiné pour ne pas dire contrecarré tout projet visant à organiser une représentation réelle des salariés dans les instances de gouvernance des entreprises.

Un « Gaullisme social » minoritaire mais toujours engagé

C’est d’ailleurs ce qui explique que la participation dans sa seule dimension strictement financière a toujours arrangé tout le monde : les politiques, les organisations syndicales, le patronat. On donne de l’argent, mais on ne touche pas au pouvoir. Beaucoup de témoignages, d’examen de projets de loi et d’ouvrages historiques depuis 1948 valident ce refus de l’audace gaulliste : la transformation radicale des rapports sociaux, pour mettre en place une troisième voie entre le capitalisme et le communisme. Seuls les gaullistes sociaux, comme Vallon, Capitan, De Chartre, etc. ont maintenu cette ambition, jusqu’à devenir minoritaires aujourd’hui. Au moins, ont-ils été fidèles à leurs convictions et au général de Gaulle.

Curieusement, Philippe Seguin dont on ne peut contester son affiliation au gaullisme de gauche, n’a jamais pris réellement d’initiatives pour relancer la participation aux décisions. En 1999, il entendait relancer un programme social, mais avec deux idées en marge des mécanismes de la participation : la première consistait à mettre en place une retraite par capitalisation obligatoire. Comme le rappelle le journal Les Echos[15], « celle-ci s’opérerait à prélèvements constants, prendrait la forme de fonds participatifs, investis partiellement en actions de l’entreprise et alimentés par une partie des cotisations retraites actuelles des salariés et de leurs employeurs. Pour compenser le manque à gagner, les régimes de retraite réduiraient plus que proportionnellement les pensions versées aux futurs retraités mais ces pensions seraient « largement compensées » par les sommes investies en capital, grâce au rendement du mécanisme par capitalisation, par définition plus rentable ».

La seconde mesure visait à démocratiser très largement le système des stock-options, en distinguant deux catégories : celles qui pourraient être attribuées à tous et qui bénéficieraient, jusqu’à un certain seuil, d’une franchise d’imposition des plus-values : celles qui seraient réservées aux cadres dirigeants et dont le mode de calcul serait revu dans un sens moins favorable à ce qui existait à l’époque.

Nous sommes loin de l’esprit du général de Gaulle. Or, Philippe Seguin[16] lorsqu’il était président du RPR en 1998, soit un an auparavant, avait rédigé une déclaration, dans le cadre d’une convention du parti RPR, où il montrait qu’il avait parfaitement compris les défis qui allaient se poser au monde du travail : « La mondialisation, ce formidable mélange de révolutions technologiques et de libéralisation des marchés qui bouleverse les conditions de travail, voilà le défi, voilà ce qu’il nous faut expliquer à nos concitoyens afin de les mobiliser pour qu’au lieu de subir, ils en tirent le meilleur parti possible. Il n’est pas aujourd’hui de responsabilité politique plus fondamentale. Et cette responsabilité, notre Mouvement se doit de l’assumer pleinement ».

Abordant un peu plus loin, la participation et l’actionnariat salarié, il déclarait : « Si nous voulons que nos entreprises ne soient pas dirigées de l’extérieur, si nous ne voulons pas que dans la stratégie des entreprises qui sont sur notre sol, l’objectif de leur développement ne le cède à d’autres préoccupations moins soucieuses de conquête des marchés et d’expansion de l’emploi, il est nécessaire que puissent être présents au capital des entreprises, des actionnaires qui soient directement et prioritairement concernés par leur pérennité… Ces actionnaires, nous le savons bien, ne peuvent être que les salariés et anciens salariés. Car ils sont les seuls dont le sort soit vraiment et absolument lié au sort de leur entreprise. »

Et de proposer : « Si les sociétés françaises parvenaient, par exemple, à hausser la part salariale dans le capital à hauteur de 10 %, elles constitueraient des  » noyaux durs  » d’actionnaires fidèles, informés, soucieux de participer à la direction, à la gestion aussi bien qu’aux bénéfices. Ce but n’est pas irréaliste. Il peut, il doit être atteint. » Une antienne[17] reprise quelques vingt années plus tard par l’actuel Ministre de l’Economie, Bruno Lemaire à l’occasion de la Loi Pacte « Il faut qu’une part significative du capital des entreprises, visant les 10%, puisse être détenue par les salariés, en moyenne ».  Mais sur cette période, de 1998 à 2019, aucune initiative concrète fut prise pour atteindre cet objectif, à l’exception de la loi de 2004 sur les actions gratuites d’Edouard Balladur.

Aujourd’hui, le niveau de la capitalisation boursière des sociétés cotées rend illusoire un tel objectif dans le cadre des dispositifs existants. Il faudrait innover.

Sans doute, Philippe Seguin n’eut pas le temps de pousser plus loin ses idées sur la participation dans le capital des entreprises, car en 1999, il dût faire face à d’autres priorités : en particulier gérer les tensions internes au sein du RPR, concernant le projet de monnaie unique. Lors de la création de l’UMP par Jacques Chirac, il décida de se retirer de la vie politique.

« Nouveau capitalisme » et « nouvelle entreprise »

Si l’on veut réellement redonner du poids à l’ambition gaulliste de la participation, il faut d’abord accepter que le pouvoir dans l’entreprise soit mieux partagé. C’est un point clivant sur le plan politique, entre les vrais gaullistes et les autres.

Jusqu’à présent, l’on avait pu tourner autour du pot, faire des contorsions par des mesures législatives que l’on peut considérer comme des succédanées. Mais, demain, au sortir de la crise, il devra en être différemment, sauf à déconstruire davantage l’entreprise et par là-même la cohésion nationale. C’est à ce niveau que l’on pourra mesurer si un Etat fort, tel que le voulait De Gaulle, est capable de négocier un dispositif intelligent mais nécessaire avec le patronat.

 

L’ « entreprise à mission » face à la verticalité des pouvoirs

Avec « l’entreprise à mission » contenue dans la Loi Pacte, une évolution s’est fait jour qui traduit bien une modification des attentes sociétales en termes de recherche de sens et de responsabilité. C’est sans doute plus facile dans les grandes entreprises que dans les plus petites. Mais dans une perspective nouvelle, celle d’une digitalisation de l’économie, la justification de cette démarche apparaît comme plus nécessaire encore qu’en 1945. La volonté des jeunes générations de préserver la biodiversité, l’environnement, et favoriser une transition énergétique est un levier important. Un dirigeant ne pourra déployer sa stratégie avec succès que s’il prend en considération le nouveau rapport des jeunes à l’entreprise.

Toutefois, pour une des personnalités interviewées, ancien dirigeant d’entreprise et homme politique, toute la difficulté réside dans la verticalité des pouvoirs qui existe presque de façon structurelle dans notre pays. Là encore, la vision du général de Gaulle pour la mise en œuvre d’une participation élargie est une réponse à cette contrainte, tout comme pour la société civile, un plus large recours au référendum, sur les questions essentielles. Il y a un besoin de participation du citoyen aux grandes décisions concernant sa vie régionale. C’est du moins ce que l’on a compris de la crise des « Gilets jaunes ». De Gaulle avait conçu une politique d’aménagement du territoire pour garantir l’égalité entre les citoyens et l’unité du pays. La fracture entre la « France urbaine » et la « France périphérique » doit être considérée sous cet angle comme un échec. Là encore, le « monde d’après » devra proposer des solutions plus participatives, avec un nouvel équilibre du pouvoir.

La fracture sociale est également un autre échec. De Gaulle s’est toujours montré sensible à la condition ouvrière. Aujourd’hui, il le serait tout autant à l’égard des 6,3 millions d’ouvriers (soit 2 emplois sur 10 en France) et qui souffrent d’un manque de représentation. Mais son attention serait certainement encore plus forte envers la situation des classes moyennes et la disparition de l’ascenseur social qui condamne des générations de jeunes.

En résumé, notre pays est traversé par une crise profonde, bien antérieure à celle provoquée par l’épidémie du Covid19. Le pays est affaibli, économiquement et moralement. Sa cohésion est menacée. Elle le sera davantage si la reprise économique tarde.

Mais il ne s’agit pas de revenir au monde d’avant. Il faut relancer de grands projets industriels et technologiques pour créer de nouveau de la richesse et la partager plus équitablement. Cela implique d’associer étroitement nos concitoyens à cette ambition, à commencer dans l’entreprise. La crise est donc une opportunité : et les nouvelles technologies sont certainement un moyen d’atteindre ces objectifs, pour autant que l’Etat reprenne son rôle dans la tradition gaulliste.

Les voies de réflexion

Il est encore trop tôt pour présenter une synthèse des échanges, mais d’ores et déjà, un certain nombre d’idées ont été exprimées qui apportent des possibilités d’évolution de la participation. Nous en citons ici quelques-unes.

Faut-il réformer le capitalisme ? La réponse des participants à nos auditions a été en grande partie positive. Ou du moins, tous considéraient qu’on ne pourrait plus en rester là. De Gaulle voulait une troisième voie, sans remettre en cause l’économie libérale. Comme le précisait une des personnalités interviewées, il faut dépasser le clivage actuel entre capitalisme anglo-saxon, largement financiarisé, et le capitalisme d’Etat, à la mode chinoise. La troisième voie est ainsi ouverte : encore faut-il lui donner davantage de contenu, y compris dans une mondialisation qui perdurera demain.

A la question l’entreprise doit-elle suivre un objectif de démocratie sociale ou un objectif de maximisation du profit, un certain consensus s’est forgé pour demander que l’on sorte de ces débats d’un autre temps. Désormais, la priorité doit être donnée au développement de l’entreprise, dans une démarche de responsabilité. Dans ce prolongement, la participation est conçue comme le cadre de négociation sur la façon d’atteindre cet objectif pour la satisfaction des différentes parties prenantes.

Ce n’est pas un corpus législatif qui doit fixer ce cadre, mais bien une démarche pro-active de la direction et de son encadrement sous la forme d’un accord collectif librement discuté et négocié. Apparait ainsi la prise en compte de l’intérêt social de l’entreprise sans pour autant remettre en question l’intérêt des actionnaires. Le statut de l’entreprise à mission doit être approfondie.

C’est un nouvel équilibre qui doit être trouvé. Il devrait l’être dans la perspective où l’économie numérique va favoriser le capital immatériel et son importance dans la valorisation des entreprises. Or, le capital immatériel est collectivement entre les mains des salariés, ce qui doit permettre d’aligner les intérêts du personnel avec ceux des actionnaires. Dans l’évolution des organisations digitales, l’intelligence collective est au cœur de l’entreprise apprenante. Cela se traduit par la recherche d’un partage d’expériences entre le client et le collaborateur qui permet une meilleure performance, à la fois sociale et financière. C’est également la confirmation de la pertinence de la pyramide inversée.

La participation doit donc traduire un autre climat social, un autre mode de relation, fondé sur un partenariat de confiance. Ce changement de pilotage de l’entreprise et de management doit permettre également à chacun dans l’entreprise de se positionner, et de trouver du sens dans l’accomplissement de ses missions et responsabilités.

L’aspiration à prendre davantage de responsabilités et à assurer son employabilité implique un effort de formation à l’initiative de l’entreprise mais aussi du collaborateur. En ce sens, les primes versées dans le cadre de la participation ou de l’intéressement pourraient abonder le « compter personnel de formation ». Dans la perspective des nouvelles organisations digitales, c’est même un impératif pour favoriser la transition nécessaire et préparer le corps social à cette disruption. C’est une façon de donner une traduction concrète de la volonté du gaullisme de redonner à l’Homme la maîtrise de son destin.

Mais la formation ne peut produire des résultats efficaces que si l’organisation et le management de l’entreprise sont adaptés à ce nouvel environnement de travail. Ce que nous avons souligné plus haut. Plaquer de la formation dans une organisation ancienne, hiérarchisée ou séquencée en processus limitant la vision du projet et sa contribution personnelle, serait une erreur conceptuelle. Pour un économiste, ce ne sera pas suffisant : aujourd’hui, la création d’emplois porte en majorité sur des métiers de service, comme la sécurité par exemple. Cela ne réclame pas beaucoup de qualifications. Il faut donc investir fortement sur des activités à plus haute valeur ajoutée, et là-encore, le rôle de l’Etat semble essentiel. Sinon, la déformation de l’emploi risque d’augmenter à l’avenir.

Il y a donc la nécessité de relancer les investissements dans une perspective stratégique pour le pays, mais aussi de revoir complètement l’organisation des entreprises. Il en est de même pour l’Administration et les différentes catégories de fonctionnaires. La participation n’est pas ici une affaire simplement financière. C’est d’abord une association aux décisions concernant les meilleurs modes opératoires pour assurer des services publics efficaces et économes. Dans un cadre de contrats de progrès, les fonctionnaires devraient contribuer aux actions d’amélioration de la productivité et des économies budgétaire, y compris à travers des dispositifs de tests pouvant ensuite être généralisés. Le traitement de la crise épidémique dans le milieu hospitalier, déjà en tension, a montré qu’il y avait certainement une réflexion collective à engager en interne pour améliorer l’organisation : une meilleure prise en charge des malades, en réduisant la charge administrative, voire bureaucratique, tout en responsabilisant mieux le corps social sur le respect des équilibres budgétaires.

En conclusion, la participation dans sa dimension politique est-elle encore une voie d’avenir ? La synthèse des opinions recueillies montre que la réponse est positive. Toutefois, l’on ne pourra pas bâtir le « monde de demain » sans une large adhésion et donc sans une large participation à la fois dans sa définition mais aussi dans la réalisation de ce grand dessein. L’on ne pourra pas non plus lutter contre l’hégémonie numérique de certains Etats si l’on ne sait pas mobiliser rapidement ce que De Gaulle appelait les « forces vives » de la Nation.

Les décisions à prendre sur le plan politique devront être audacieuses, sans concession, offensives, tout comme l’était l’ambition du général de Gaulle depuis 1941 concernant l’Association Capital Travail. C’est sans doute à ce stade que l’on pourra mesurer si la France est capable de maintenir son rang et sa souveraineté.

 

[1] Edition Regain de lecture

[2] Cf. « Le Gaullisme aujourd’hui », par Jean-Marie Dedeyan sur le site de la Fondation.

[3] Revue Espoir n°195 

[4]  Ces métaux sont devenus indispensables au développement de la nouvelle société écologique (éoliennes, panneaux solaires, etc.) et numérique (ils se nichent dans les smartphones, ordinateurs, tablettes et autres objets connectés du quotidien). Or, selon l’auteur, les coûts environnementaux, économiques, politiques de cette dépendance seront pires encore que ceux de notre société industrielle actuelle.

[5] La Fondation avait organisé un séminaire le 4 décembre 2017 sur le thème : « Le numérique, arme de neutralisation massive »

[6] Discours du 4 janvier 1948

 

[7] En début d’année 2019, l’économiste Patrick Artus faisait remarquer que la progression générale des salaires était supérieure à celle de la productivité, ce qui conduisait à une augmentation de leur poids dans le PIB.

[8] « Tandis que les 10 % de salariés ayant perçu les salaires les plus élevés se partagent 27% de l’ensemble des salaires versés, les 10 % de salariés ayant perçu les primes les plus élevées se partagent 57 % des montants de participation, d’intéressement, et d’épargne salariale en 2010 ». Source INSEE Dossier Participation, intéressement 2013 et Dossier 2006

[9] Selon le cabinet Proxinvest qui fait autorité en analyse de gouvernance, 657 hauts dirigeants en France détiennent 1,35 % du capital de 252 entreprises, tandis que 3,3 millions de salariés ordinaires en possèdent 3,88 % ! Les montants moyens témoignent d’un fossé abyssal : 31,9 millions en moyenne pour les dirigeants, contre 18.559 euros pour les salariés

[10] Faisant suite à la loi de modernisation sociale n° 2002-73 du 17 janvier 2002

[11] Elle est également présente dans son ouvrage « Changer ou disparaître, adresse au patronat »

[12] Entre 1999 et 2009, une enquête avait montré que les employés de Lafarge dans le monde avaient augmenté leur productivité de 56 %, quand leurs salaires progressaient d’à peine 26 %. L’Expansion 24/11/2010.

[13] Les Echos 4 février 2014 : « L’inquiétant vieillissement de l’outil industriel français »

 

[14] « De Gaulle, une ambition sociale foudroyée : chronique d’un désenchantement » (Editions Le Tiers livre, 2009) et « Sous les cendres de Vichy » (Editions Le Tiers Livre 2018) ?

[15] Les Echos du 19 octobre 1999 : « Philippe Séguin réclame la mise en place d’un système de capitalisation « obligatoire »

[16]  La Lettre de la Nation du 4 décembre 1998.

[17] Une proposition déjà avancée par Marcel Loichot.

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