16 JUIN 1940 : LE PROJET D’UNION DES DEUX PEUPLES
par François Bédarida*

*Texte paru dans Espoir n° 73, décembre 1990

 

Il n’est guère en histoire d’événement d’une brièveté plus grande, puisque celui-ci n’a duré que trois heures. Et pourtant, l’épisode est suffisamment important pour avoir laissé dans la mémoire collective une trace profonde.

Commençons par le texte que, le 16 juin 1940 à 16h 30 le général de Gaulle communiquait au téléphone à Paul Reynaud :

« A l’heure du péril où se dessine la destinée du monde moderne, les gouvernements de la République française et du Royaume Uni, dans l’inébranlable résolution de continuer à défendre la liberté contre l’asservissement aux régimes qui réduisent l’homme à vivre une vie d’automate et d’esclave, déclarent :

                « Désormais la France et la Grande-Bretagne ne sont plus deux nations, mais une nation franco-britannique indissoluble. Une constitution de l’Union sera rédigée, prévoyant des organes communs chargés de la politique extérieure, économique et financière et de la défense de l’Union. Chaque citoyen britannique devient un citoyen français.

« Les dévastations de la guerre, où qu’elles aient lieu, seront de la responsabilité commune des deux pays et les ressources de chacun d’eux seront confondues pour la restauration des régions détruites.

« Durant la guerre, il y aura un seul cabinet de guerre pour la direction suprême de la guerre. Il gouvernera de l’endroit qui sera jugé le mieux approprié pour la conduite des opérations. Les deux Parlements seront associés.

« Toutes les forces de la Grande-Bretagne et de la France, terrestres, maritimes ou aériennes, seront placées sous un commandement suprême. La Grande-Bretagne forme immédiatement de nouvelles armées, la France maintiendra ses forces disponibles, terrestres, maritimes ou aériennes. L’Union fait appel aux Etats-Unis pour fortifier les ressources des Alliés et pour apporter leur puissante aide matérielle à la cause commune. L’Union concentrera toutes ses énergies contre la puissance de l’ennemi, où que soit la bataille.

                « Et ainsi nous vaincrons. »

Laissant de côté les quelques variantes existant entre le texte français ainsi communiqué et le texte britannique, car elles sont secondaires, je voudrais d’abord situer cet épisode assez extraordinaire, en dégageant son statut, en marquant ses paradoxes, enfin en rappelant la conjoncture qui lui a donné naissance.

Primo, quel statut assigné à l’événement ? En vérité, mieux vaudrait dire le non-événement puisque le projet, communiqué de Londres à Bordeaux à 16h 30 le dimanche 16 juin 1940, est abandonné dès 19h 30. Entre la lecture du texte par le général de Gaulle au téléphone et la visite que rend à Reynaud l’ambassadeur de Grande-Bretagne accompagné du général Spears à 19h 30, s’est tenu le conseil des ministres français qui a rejeté tout net la proposition. S’agit-il d’une grande occasion manquée ? D’un événement qui aurait pu retourner le cours de l’histoire ? Il n’est évidemment pas d’usage pour les historiens de raisonner avec des si ni de reconstruire le passé parce qu’il aurait pu être autrement. Malgré tout, l’événement a beau être d’une brièveté extraordinaire, il continue de faire parler de lui. C’est donc le signe qu’il a une portée dépassant et sa très faible durée et son échec immédiat.

En même temps, l’épisode fourmille de paradoxes, dans la mesure où sont associés dans l’entreprise le général de Gaulle, Jean Monnet, Winston Churchill et quelques autres personnages de second plan. De Gaulle d’abord : qui s’attendrait à le voir soutenir l’idée d’une fusion entre la France et la Grande-Bretagne, lui, le champion de la nation ? Et pourtant, le voici qui plaide pour la mesure la plus radicale qui soit : une commune nationalité, une union entre deux vieilles nations si longtemps ennemies. En ce qui concerne Jean Monnet – dont on connaît le rôle, par la suite, dans la fondation de l’Europe communautaire et aussi les désaccords fondamentaux avec le général de Gaulle – on ne s’étonnera pas qu’il envisage une forme de fédéralisme, mais est-ce compatible avec cette simple union entre deux pays ? Enfin, Churchill, lui aussi, approuve le projet alors que, sur le plan de la souveraineté nationale, du patriotisme, de la fidélité à la tradition d’un grand pays, il se trouve sur les mêmes positions que de Gaulle. Pourtant, malgré des hésitations – qui sont plus que des nuances – il s’est rallié à la proposition et la soutient, d’ailleurs, au téléphone, en s’adressant lui-même à Reynaud après que de Gaulle a achevé la lecture du texte. Autant de prises de positions qui donnent à ce « non-événement » une dimension qui fouette, aujourd’hui encore, la curiosité.

Enfin, il y a la conjoncture. La France traverse des heures tragiques, mais aussi la Grande-Bretagne. Pour la France, le drame est triple : militaire, politique, national. Drame militaire en premier lieu. Rappelons-nous la situation des armées françaises en ce dimanche 16 juin : la Wehrmacht devant Dijon, avançant le long de la Loire (où elle est en train de saisir, à La Charité-sur-Loire, les archives du grand état-major français), progressant vers le Sud-Ouest, tandis qu’à Bordeaux, le gouvernement se demande combien de jours lui restent avant que l’ennemi n’atteigne la ville, devenue capitale provisoire de la France.

Mais le drame est aussi politique, puisque depuis des semaines, le personnel français est profondément divisé en deux camps : le camp des « durs » et celui des défaitistes, avec entre les deux beaucoup d’hésitants. En particulier, au sommet de l’Etat, un désaccord profond sépare le chef du gouvernement, Paul Reynaud, et le généralissime, Weygand, appuyé lui-même par Pétain.

Enfin, il y a le drame national. On est en plein exode. Par millions, les réfugiés encombrent les routes au milieu des soldats en débâcle. De toutes parts, le moral s’effondre. D’où la question : le projet d’union – qui prend les espèces d’un appel à un salut inespéré – est-il de nature à renverser le cours des choses, en arrêtant cette sorte de fatalité en vertu de laquelle on voit s’amenuiser de jour en jour le nombre de ceux qui veulent résister jusqu’au bout (les « jusqu’auboutistes » et grossir le camp de ceux qui sont résignés à un accommodement avec l’Allemagne.

Pour comprendre l’épisode du 16 juin 1940, il convient de le situer à la fois dans une préhistoire et dans une histoire, afin d’en saisir le sens et l’originalité et aussi d’expliquer pourquoi l’échec a été immédiat. La préhistoire révèle en effet que l’idée d’une union franco-britannique, loin de provenir d’une génération spontanée, était dans l’air depuis des mois, quoique personne n’ait envisagé jusque-là des mesures aussi radicales pour donner un nouveau cours à la coopération entre la France et la Grande-Bretagne. Quant au contexte historique dans lequel se situe l’échec, c’est l’histoire de la désunion entre les deux alliés. Si l’on veut périodiser, on peut dire que la préhistoire de l’union dure de l’automne 1939 à mai 1940 et que l’histoire de la désunion va du 1à mai au 16 juin.

A l’origine de l’idée d’un renforcement de l’union entre les deux pays, une donnée essentielle chez les Britanniques comme chez les Français ; le sentiment d’un danger mortel venant de l’Allemagne. Un tel état d’esprit remonte d’ailleurs à l’avant-guerre. C’est lui qui a amené, notamment, la mise sur pied durant l’été 1939 d’un organisme commun destiné à déterminer la conduite générale de la guerre si celle-ci éclate : le Conseil suprême interallié. Ce n’était, à vrai dire, que la résurgence d’une institution datant de la Première guerre mondiale, mais apparue fort tard – à la fin de l1917 – dans la mesure où il lui avait fallu attendre la dernière phase du conflit pour que fût créée une direction commune interalliée.

C’est pourquoi, voulant éviter de commettre la même erreur, Français et Britanniques avaient décidé, dans les derniers mois de la paix, la formation d’un nouveau Conseil suprême interallié qui, effectivement, entre en fonction dès les premiers jours des hostilités : sa première réunion a lieu le 12 septembre 1939 et groupe les deux chefs de gouvernement et les hauts responsables militaires.

Parallèlement, deux organismes officieux travaillent sur des projets de rapprochement entre les deux pays, envisageant jusqu’à la perspective d’institutions communes : à Paris, le Centre de politique étrangère, dirigé par Etienne Dennery, et auquel collabore une pléiade de personnalités ; à Londres, le Royal Institute of International Affairs (appelé aussi Chatham House, du nom du bâtiment où il était installé). Depuis 1938, les uns et les autres ont noué des contacts et le sentiment se répand qu’il est vital de renforcer la coopération franco-britannique.

De cette évolution, on peut déceler divers signes dans la vie publique, dans la presse, dans les couloirs des ministères (en particulier au Foreign Office). En octobre 1939, un député britannique, nommé Josiah Wedgwood, déclare : « Nous avons dans le Conseil suprême interallié l’amorce d’un système fédéral », mais c’était resté une voix isolée. Un haut fonctionnaire du Foreign Office, Sir Orme Sargent, très influent en tant que secrétaire général adjoint, et très francophile, travaille dès le mois d’octobre 1939 sur un projet de « système permanent d’unité anglo-française » : ce qu’il appelle un régime de « coopération étroite et permanente entre la France et la Grande-Bretagne sur les plans politique, militaire et économique » de nature à faire des deux pays « un seul élément (a single unit) dans l’Europe d’après-guerre ».

Ce mélange de plans à court terme et de perspectives pour l’après-guerre s’explique. Au point de départ, on trouve l’idée, très répandue en Angleterre, selon laquelle, si la paix a été un échec, si l’on a gâché les chances de l’Europe de Versailles et de Locarno, c’est en bonne partie à cause de la désunion et des dissentiments entre Français et Britanniques : ce qu’on a appelé la « mésentente cordiale » durant les années 20 et au début des années 30. Certains des projets qui voient alors le jour à l’intérieur du Foreign Office sont approuvés en haut lieu, non seulement par Lord Hallifax, ministre des Affaires étrangères dans le cabinet Chamberlain, mais par le Premier ministre lui-même, qui écrit en février 1940 à propos d’un mémorandum rédigé par Orme Sargent : « je suis entièrement d’accord avec ce mémorandum et souhaiterait que le ministère de l’Information fasse quelque chose pour attirer l’attention sur l’importance du sujet ».

Du côté français, on relève des initiatives semblables. L’une des plus marquantes revient à un homme tenant une place non négligeable dans les milieux politiques : le sénateur Honnorat. Si celui-ci est sans doute plus connu comme fondateur de la Cité universitaire (en laquelle il voyait un instrument de coopération internationale), il prend à cette date des positions hardies, suggérant la pérennisation du Conseil suprême interallié, la réalisation d’une union douanière – un Zollverein – entre les deux Empires, un condominium des matières premières, des accords entre universités françaises et britanniques, des échanges de cadres entre les deux armées : toutes propositions qu’il développe devant son collègue du Sénat, Jacques Bardoux (le grand-père de Valéry Giscard d’Estaing), qui l’a noté dans son Journal. Honnorat ne s’en était pas tenu là puisqu’il avait été jusqu’à dire, en mars 1940, qu’il ne voyait de solution pour l’avenir que dans un retour à la monarchie des Plantagenet ! Encore qu’il ne faille pas confondre projets fermes, boutades et ballons d’essai.

Par ailleurs, les relations suivies qui existaient entre Chatham House et le Centre de politique étrangère avaient abouti à diverses rencontres au cours de la « drôle de guerre ». Plusieurs des animateurs de la rue de Varenne, entre autres Etienne Dennery et Jacques Vernant, s’étaient rendus à Oxford où était replié le Royal Institute of International Affairs, tandis que des représentants de celui-ci étaient venus en France, notamment l’historien Arnold Toynbee – l’une des figures marquantes de ces échanges – et Sir Alfred Zimmern. Il y eut aussi des visites des ministres de l’Education, Lord de la Warr du côté britannique, Yvon Delbos du côté français. Delbos parla de « l’union des cœurs », absolument nécessaire selon lui pour mener à bien le processus unificateur. On esquissait des projets autour du bilinguisme : d’abord parmi les élites, puis, dans un second temps, au niveau des peuples. D’où l’ébauche de mesures (qui d’ailleurs ne sont pas allées très loin) en faveur de l’enseignement des langues dans les deux pays. C’était d’autant plus indispensable que, à propos du projet du 16 juin 1940, on fera observer, chez les Britanniques, que ce serait vraiment la première fois qu’ont verrait dans un Parlement des députés ne comprenant pas la langue de leurs collègues. De fait, en 1940, quand on additionnait le nombre des anglophones à la Chambre des députés et le nombre des francophones à la Chambre des Communes, le total ne devait pas être très élevé…

Dans les milieux où circulent ces avant-projets et où s’esquissent des rapprochements inattendus, il faut mentionner le rôle d’une autre personnalité : le comte Jean de Pange. Cet artisan de la réconciliation franco-allemande et ce bon connaisseur de l’Europe centrale développe alors des idées originales sur la forme que pourrait prendre une coopération renforcée entre la France et la Grande-Bretagne en s’inspirant du modèle de l’Autrice-Hongrie. Si l’exemple austro-hongrois apparaît à Jean de Pange particulièrement significatif, c’est qu’il associait deux nations qui, après s’être beaucoup querellées, avaient réussi après 1867 à établir un authentique dualisme. D’où l’idée préconisée par de Pange dans des articles et des conférences – et que l’on retrouvera dans la déclaration du 16 juin – selon laquelle il faudrait établir une communauté de direction des Affaires étrangères, de la Défense et des Finances. Ajoutons à ces plans multiples agités dans les cercles officieux des articles parus dans la presse sous la plume de journalistes influents, tel Elie Bois en France et dans le Times en Angleterre.

L’affaire prend un nouveau tour, et même un caractère officiel et urgent au niveau le plus élevé, lorsque, le 28 mars 1940, se réunit le Conseil suprême interallié. En effet, dans la déclaration commune finale, par laquelle les deux pays s’engagent à ne pas signer de paix séparée, est rappelé le vœu de poursuivre, après la guerre, une coopération très étroite. De façon a ne pas se retrouver dans la situation des années 1920 marquée par de continuelles discordances franco-britanniques, « les deux gouvernements s’engagent à maintenir, après le rétablissement de la paix, leur communauté d’action dans tous les domaines, aussi longtemps qu’elle sera nécessaire pour la sauvegarde de leur sécurité et pour la reconstruction, avec le recours des autres nations, d’un ordre international assurant en Europe la liberté des peuples, le respect du droit et le maintien de la paix ».

A vrai dire, du côté français, Reynaud ne donne guère suite, car, dans l’immédiat, il est accaparé par des préoccupations de politique intérieure, puis les événements de Norvège rejettent la question à l’arrière-plan. Du côté britannique si, durant l’hiver, en février et surtout en mars 1940, on avait manifesté un intérêt croissant qui atteignait jusqu’aux sphères les plus élevées du Foreign Office, si l’on peut retrouver dans les archives une série de plans en vue d’une union d’après-guerre (« a postwar union ») insistant sur la nécessité de rapprocher non seulement les institutions politiques, la diplomatie, la défense, mais aussi les mentalités, les systèmes d’enseignement et même, disait-on, le « standard of living » (ce qui eût été évidemment très bénéfique pour les Français dont le niveau de vie était à cette époque nettement inférieur à celui des Anglais), on doit souligner le flou de la plupart des projets. Alors que les uns recommandaient de renforcer le Conseil suprême interallié pour en faire l’instrument principal de la coopération, d’autres entendaient aller beaucoup plus loin afin de réaliser une véritable union entre les deux pays ; enfin, nombreux étaient ceux qui se seraient contentés d’une sorte de secrétariat permanent, formule minimum de rapprochement franco-britannique.

Cependant, dans cette atmosphère où beaucoup d’idées flottent dans l’air sans parvenir à prendre corps, il faut faire une place à part à deux personnages. D’abord, du côté britannique, Lord Hankey. Représentant éminent de l’Establishment, influent dans les milieux de l’administration et du Parlement, Hankey, qui avait été à l’origine du premier Conseil suprême interallié instauré durant la Première Guerre mondiale, avait été chargé de constituer un Comité d’études, et celui-ci se réunit régulièrement en mars, avril et mai, en vue d’explorer de manière systématique les modalités possibles de rapprochement. Encore qu’on retrouve là des ambiguïtés déjà mentionnées allant du simple projet d’élargissement des pouvoirs du Conseil suprême à l’idée d’une véritable union entre la France et l’Angleterre.

Chez les Français, la personnalité majeure, c’est alors Jean Monnet, installé à Londres depuis la fin de l’année 1939, à la tête de la Mission d’achat interallié. Celle-ci s’occupe à la fois de la coopération industrielle et commerciale entre les deux pays dans le cadre de l’économie de guerre et du problème des achats de matériel aux Etats-Unis. Monnet est assisté d’une part de René Pleven, d’autre part d’Emmanuel Monick, attaché financier à l’ambassade de France à Londres. Ses projets pour l’avenir partent d’une autre vision : faire de la coopération économique la base, pour ne pas dire le marchepied, de la coopération politique, cette dernière devant être développée dans un second temps. Pour Monnet, il s’agit avant tout d’être pragmatique, en établissant un ordre des urgences et en aboutissant à des réalisations pratiques. Car, si l’on démontre l’efficacité du rapprochement entre Français et Britanniques sur le plan économique, ce sera un argument de poids pour aller plus loin ultérieurement. Telle est, selon lui, la voie pour construire, petit à petit, une véritable union occidentale.

Au total, avant le 10 mai 1940, ces idées de coopération future se développent dans le cadre relativement calme de la « drôle de guerre », sans que les événements ne précipitent les choses. A partir du 10 mai, la situation change du tout au tout. Désormais, un ouragan de fer et de feu s’empare du front ouest, avec le déferlement des Panzers et l’avance foudroyante de la Wehrmacht. Il s’ensuit une désunion profonde entre Français et Britanniques qu’il nous faut analyser brièvement parce qu’elle seule permet de comprendre l’absence de crédibilité dont a souffert le projet du 16 juin.

Cette rupture franco-britannique s’est effectuée en trois temps. Le premier se situe dès les 16-18 mai, c’est-à-dire au moment où, une fois le front français crevé, l’étendue du désastre apparaît aux Britanniques en même temps qu’aux Français. Deuxième étape : à la fin de mai, avant et pendant l’évacuation de Dunkerque. Troisième temps : la semaine du 10 au 16 juin lorsque la question de l’armistice domine toutes les autres. On voit alors d’un coup voler en éclats les belles constructions intellectuelles de naguère. L’idée d’union fait place, du côté français, à des reproches de plus en plus acrimonieux et, du côté britannique, au manque total de confiance.

Commençons par la première étape. Le 16 mai, Churchill arrive à Paris à la suite d’un coup de téléphone affolé de Reynaud qui, voyant après la percée de Sedan la route de Paris ouverte, n’a pu que lui dire au bout du fil : « Tout est perdu ! ». La réunion se tient au quai d’Orsay, tandis que les archives sont en train de brûler sur la pelouse. Pour Churchill, il s’agit de s’informer. Lui-même n’arrive pas à croire au désastre. N’a-t-il pas déclaré le matin même à un de ses conseillers qui jugeait alarmistes les propos de Paul Reynaud : « Il est ridicule d’imaginer que la France va être conquise par 120 tanks ». C’est seulement en cours de réunion que le Premier ministre britannique mesure la gravité de la situation militaire. Il faut pour cela qu’à la faveur d’une interruption de séance un des collaborateurs de Reynaud, Roland de Margerie (qui avait été en poste à l’ambassade de France à Londres avant de rejoindre le cabinet de Reynaud et qui connaît donc Churchill) attire celui-ci dans une embrasure de fenêtre et lui dise : « Rendez-vous compte, c’est le désastre total ». Et à un Churchill sidéré, il expose les solutions de repli possibles : installer le gouvernement français sur la Loire et peut-être ensuite en Afrique du Nord.

Toutefois, le Premier ministre ne perd rien de sa volonté de combattre, puisque le soir même, au cours d’une réunion privée chez Reynaud, il brosse un tableau épique de l’avenir, moitié en anglais, moitié en français. Il faut garder confiance, proclame-t-il, car, grâce à l’appui des Etats-Unis, le jour viendra où la situation se renversera au détriment des Allemands, et « ce jour-là, nous détruirons leurs villes, nous minerons leurs fleuves, nous incendierons leurs récoltes, nous mettrons le feu à leurs forêts jusqu’au moment où le régime hitlérien s’effondrera et où nous aurons libéré le monde de cette peste ». Un autre collaborateur de Reynaud qui assiste à la soirée, Paul Baudouin, ne peut s’empêcher, bien qu’il soit l’un des chefs de file du parti défaitiste, d’être impressionné par l’énergie du Premier ministre, comme l’atteste son livre de souvenirs, Neuf mois au gouvernement : Jusqu’à une heure du matin, Churchill chevauche une vision apocalyptique de la guerre. Il se voit du fond du Canada, dirigeant par-dessus une Angleterre rasée par les bombes explosives, par-dessus une France dont les ruines seront déjà froides, la lutte par avion du Nouveau Monde contre l’Ancien dominé par l’Allemagne ».

A partir de là, deux facteurs commencent à miner les relations entre Français et Anglais. D’une part, la confiance des dirigeants britanniques dans l’armée française (confiance à peu près totale jusque-là, comme l’attestait la fameuse formule du ministre de la Guerre britannique à propos de Gamelin en 1939 : « Notre Gamelin ») est très sérieusement ébranlée maintenant que les chefs militaires français viennent de faire la démonstration dramatique de leur incapacité. D’autre part, il y a l’affaire des avions. Dès les premiers échecs, les Français ont immédiatement réclamé à Churchill l’envoi de groupes de chasse de la RAF afin de venir au secours de leurs troupes. Après une terrible délibération, le cabinet de guerre britannique, sous l’influence du chef du Fighter Command le maréchal Dowding, a décidé de n’envoyer en France qu’une partie des groupes de chasse disponibles, afin de conserver les autres en Angleterre pour la défense de l’île. Il va s’ensuivre des récriminations de plus en plus aigres, ce qui accrédite l’idée que les Anglais laissent combattre les Français sans leur apporter d’aide.

Autre conséquence de la débâcle des armées françaises : sitôt rentré à Londres, Churchill charge Chamberlain et les chefs d’état-major d’élaborer des propositions au cas où la France devrait se retirer de la guerre. Deux jours plus tard, le 18 mai, les chefs d’état-major remettent un rapport pudiquement intitulé « Conduite à tenir dans une certaine éventualité ». Cette éventualité, c’est la défaite de la France et surtout la perspective où les Anglais se retrouveraient seuls face à l’Allemagne, perspective que personne, évidemment, n’avait envisagée jusque-là. En effet, chez les Britanniques comme chez les Français, toute la stratégie, tous les plans de guerre reposaient sur l’alliance des deux pays : une alliance apparemment indestructible.

Malgré tout, dans les jours qui suivent, l’entente se rétablit quelque peu et les deux alliés mettent ensemble sur pied un projet de contre-attaque. Malheureusement, l’éclaircie ne dure pas et les relations se tendent à nouveau à la fin du mois. En effet, le 25 mai s’est tenue une très importante réunion du Comité de guerre français où, pour la première fois, a été envisagée la perspective d’un armistice. Le lendemain, Reynaud est allé à Londres pour faire connaître les vues du gouvernement français. Or, sa visite a produit un effet désastreux. Durant cette période, Reynaud est lui-même partagé entre deux lignes : d’une part, il subit la pression exercée sur lui tant par Weygand que par ses propres conseillers défaitistes (Baudouin, le lieutenant-colonel de Villelume, sans parler de madame de Portes), d’autre part, il est sensible aux arguments de ses conseillers « jusqu’au-boutistes » (dont Margerie, rejoint ensuite par de Gaulle). Cédant aux vues des défaitistes, Reynaud propose à Churchill d’intervenir auprès de l’Italie pour essayer de négocier. Il évoque l’hypothèse de concessions considérables à envisager dans l’Empire colonial français, mais aussi dans l’Empire colonial britannique. L’impression, à Londres, est très mauvaise : les Britanniques, de Churchill à Chamberlain, ont l’impression que Reynaud cherche tous les prétextes possibles pour que la France abandonne le combat et quitte la coalition.

Là-dessus, survient le problème de l’évacuation de Dunkerque, l’opération Dynamo, qui accroît encore les tensions et les ressentiments. Le désaccord porte à la fois sur la conduite à tenir sur le terrain et sur la manière d’évacuer les troupes. A quoi s’ajoute l’inégalité dans le rembarquement : à la date du 31 mai, on compte 150 000 Anglais évacués et seulement 15 000 Français. Churchill doit intervenir lui-même, en parlant dans son français inimitable d’une évacuation « bras dessus, bras dessous » (c’est-à-dire un Français pour un Anglais et un Anglais pour un Français). Finalement, malgré la réussite inespérée de l’opération Dynamo qui parvient à sauver une bonne partir du corps expéditionnaire britannique et des éléments importants de l’armée française avancée en Belgique, on aboutit à une aggravation des mauvais sentiments entre Français et Anglais (surtout du côté français), moins d’ailleurs chez les soldats que dans le monde politique et parmi les chefs de l’armée et de la marine.

Une troisième étape, encore plus dramatique, dans la séparation entre Français et Britanniques, commence après que le gouvernement français ait quitté Paris le 10 juin. Ponctuées de rencontres au sommet, d’échanges de télégrammes, de coups de téléphone, ces journées sont marquées par deux réunion successives du Conseil suprême interallié, la première près de Briare, au château du Muguet, les 11 et 12 juin, la seconde à Tours le 13 juin. Cette fois-ci, le gouvernement français, par la bouche de Reynaud, demande carrément aux Anglais de délier la France de l’engagement pris le 28 mars de ne pas signer de paix séparée. On a beaucoup épilogué sur cet épisode, mais une donnée ressort clairement : l’irritation croissante de certains milieux militaires (autour de Weygand et Pétain) et d’une partie du personnel politique (ainsi celle qui gravite autour de Chautemps) à la fois contre les Britanniques et contre les dirigeants français partisans de la résistance. Par exemple, Weygand se répand en récriminations contre Churchill, qualifiant de « romans » les projets militaires du Premier ministre. Churchill, affirme-t-il, est un écrivain très doué, il a fait beaucoup d’histoire militaire, mais les divisions cuirassées allemandes se moquent pas mal de sa tactique.

Ainsi, les tensions vont-elles en augmentant, aggravées par d’autres mésententes qui surgissent à tout instant. Ainsi, lorsque certains Français, Baudouin en particulier, font courir le bruit que Churchill a consenti à délier la France de son engagement, les Anglais sont furieux. En une autre circonstance, on voit même quelqu’un d’aussi francophile qu’Oliver Harvey, le ministre-conseiller britannique, protester avec aigreur en réaction à un communiqué français annonçant que l’Angleterre va cesser le combat. « Vous pouvez dire ce que vous voulez en ce qui vous concerne, mais ne dites pas des choses contraires à ce que nous pensons ». Autre épisode pénible : l’échange qui avait pris place entre Pétain et Churchill au cours d’une séance du Conseil suprême. Churchill, pour, en quelque sorte, « regonfler » Pétain, lui avait dit : « Mais enfin, M. le Maréchal, rappelez-vous, en mars 1918, la situation était tout aussi dramatique ». Et Pétain avait répliqué : « Oui, mais au printemps 1918, j’avais 50 divisions britanniques en ligne et aujourd’hui il n’y en a pas une ». Le leitmotiv, du côté des défaitistes français, c’est que Reynaud, de Gaulle, les Anglais veulent « se battre jusqu’à la dernière goutte de sang du dernier soldat français ».

C’est dans ce climat de plus en plus détestable, et au milieu de circonstances de plus en plus dramatiques, qu’est élaboré – ressource de dernière heure et dernier espoir – le projet d’union franco-britannique. Celui-ci est mis en chantier à Londres, conjointement du côté anglais (par Sir Robert Vansittart, ancien secrétaire général du Foreign Office, anti-allemand et francophile, et Sir Orme Sargent) et du côté français (par Monnet, Pleven, Corbin, puis de Gaulle).

En réalité, plutôt que d’un projet anglais et d’un projet français, mieux vaudrait parler d’un projet économique (dont les initiateurs sont Jean Monnet, Emmanuel Monick, René Pleven) et d’un projet politique, dû à Vansittart et Corbin, revue par Monnet, appuyé par de Gaulle : c’est celui-là qui l’a emporté finalement dans la déclaration du 16 juin. Une fois le texte rédigé, on en parle à Churchill qui, au début, se montre assez réservé et, bien entendu, on consulte le cabinet de guerre.

La journée du 16 juin est la journée décisive. Le matin, le général de Gaulle arrive à Londres, au Hyde Park Hôtel (qui va devenir un des haut lieu de la France Libre pendant les semaines suivantes, puisque l’ambassade de France, située en face, de l’autre côté de l’Albert Gate, refusera de rallier la « dissidence »). Là, le rejoignent Corbin et Monnet qui le mettent en courant du projet élaboré depuis 36 heures et il s’y rallie. En milieu de journée, un déjeuner au Carlton Club réunit de Gaulle, Churchill et quelques-uns des initiateurs de la déclaration. L’affaire est soumise aussitôt au cabinet de guerre, qui donne son approbation. Les autres ministres se montrent d’ailleurs plutôt plus favorables que le Premier ministre, pour qui le projet est surtout un expédient. En effet, Churchill, depuis plusieurs jours, faisait appel à toutes les ressources de son imagination fertile pour galvaniser les Français. Après ses rencontres de Briare et de Tours il avait dû constater son échec, car si sa rhétorique était entraînante, il n’avait en revanche aucune division britannique à offrir pour contenir les assauts de la Wehrmacht. Maintenant, la déclaration d’union fournissait non seulement une base solide d’argumentation, mais un levier pour agir sur les autorités françaises.

Immédiatement après avoir reçu l’approbation du cabinet de guerre, Churchill appelle Reynaud au téléphone. De cette conversation téléphonique, nous avons un récit de première main grâce au général Spears – le représentant personnel du Premier ministre auprès du haut commandement et du gouvernement français – qui, à Bordeaux, se trouvait à ce moment-là en conversation avec Reynaud en compagnie de l’ambassadeur britannique, Sir Ronald Campbell : « Tandis que nous discutons, l’ambassadeur et moi, avec plus d’acrimonie que nous ne l’avons fait encore jusqu’ici avec Reynaud au sujet de la flotte, le téléphone sonne. Reynaud prend l’appareil. Aussitôt ses sourcils se lèvent, presqu’au point de rejoindre ses cheveux de chaque côté de la raie toujours nette qui les divise : « Un moment, dit-il, il faut que j’écrive ça ». Et, s’emparant d’une feuille de papier ministre sur la table glissante, il commence à écrire, se servant d’un crayon en or avec une énorme mine. Il répète chaque mot et, en l’écoutant, je suis littéralement figé par la stupéfaction. Je me laisse tellement absorber par ce que j’entends que je ne regarde même pas l’ambassadeur pour voir s’il a la même réaction que moi. Reynaud prenait en français ce que de Gaulle lui dictait de Londres : le texte de la déclaration d’union, proposée par le gouvernement britannique. Il écrivait très vite, nerveusement, illisiblement, se montrant de plus en plus excité à mesure que le message se déroulait. Soudain, le message glisse sur la surface polie de la table. Je le maintiens de la main et, à mesure que chaque feuille est couverte, je la remplace par une autre. Son crayon n’a plus de mine, je lui tends le mien. Enfin, il s’arrête et dit au téléphone : « Est-ce qu’il est d’accord ? Est-ce que Churchill vous a donné ça lui-même ? » Il y a un instant de silence et ensuite il se met à parler en anglais. Il est évident que de Gaulle a passé l’appareil à Churchill, qui l’assure que le document reproduit une décision du cabinet. S’il y avait de légères variantes, de légères différences de détail, elles n’étaient qu’insignifiantes et dues à la transmission verbale. Reynaud repose le récepteur ; Il est transfiguré par la joie et ma vieille amitié pour lui se réveille dans un élan d’estime devant sa réaction. Quelques minutes après cette scène extraordinaire, le conseil des ministres se réunit. Reynaud garde espoir qu’en communiquant une information aussi sensationnelle, il va inverser le courant et galvaniser les ministres. Malheureusement, il n’en est rien. La réaction est même carrément négative, exceptée parmi les « durs », c’est-à-dire Mandel et quelques autres. Le premier moment de stupéfaction passé, les critiques fusent. Comme le président Lebrun le rappellera après la guerre devant la commission d’enquêtes sur les événements survenus en France de 1933 à 1945 : « Ce message arrivait, permettez-moi cette expression, comme une bombe, dans un milieu peu préparé à le recevoir ».

Effectivement, Baudouin, Bouthillier, ceux qui se sont faits les champions de l’armistice, multiplient les objections. Pour eux, un tel projet ne servira à rien car il ne dénouera pas le nœud qui est en train d’étrangler la France et l’armée française. Chautemps a la même position. Pétain parle de fusion avec un cadavre. Ybarnegaray soutient que la France, si elle acceptait, deviendrait un dominion britannique. Pour Weygand, cela équivaut à un statut de vassalité définitive et permanente vis-à-vis de l’Angleterre. D’ailleurs, quelques semaines après, un de ses proches, le sénateur Reibel, écrira : C’était pour la France la destruction complète et en tout cas l’asservissement définitif à l’Angleterre ». Quant à Jean Montigny (qui versera bientôt dans la collaboration), il écrit : « Ce projet ne pouvait conduire qu’à la subordination de la France à la Grande-Bretagne ».

Le résultat c’est que la majorité des ministres suit le maréchal Pétain et le général Weygand et rejette sans ambages la proposition d’union. On ne saurait aller jusqu’à prétendre que dans l’atmosphère défaitiste régnant à Bordeaux, la déclaration ait joué, en fin de compte, en faveur de l’armistice. En tout cas, elle n’y a pas fait obstacle. Car, au gouvernement, le siège de chacun était fait, que ce soit pour l’arrêt ou pour la continuation du combat.

A vrai dire, ce n’est pas seulement du côté français qu’on trouvait des réticences. Ainsi, Lord Hankey, qui était chargé un mois plus tôt encore, de diriger le comité britannique pour l’union permanente des deux nations, écrit à Chamberlain une lettre extrêmement acrimonieuse, qui mérite de passer à la postérité et dans laquelle il ne craint pas d’affirmer : « La France a été notre âme damnée depuis le traité de traité de Versailles ». On voit donc reparaître la francophobie outre-Manche, au moment-même où l’anglophobie l’emporte parmi les Français.

La proposition est donc mort-née, au terme que ce qu’on a appelé une « journée de dupes ». A Bordeaux, les représentants anglais, qui avaient eu un sursaut d’espoir, apprennent à 19h 30 de Reynaud que c’est fini : le gouvernement français a rejeté la proposition et le président du Conseil est démissionnaire. Ils câblent immédiatement à Churchill pour lui annoncer l’échec et lui faire savoir que c’est au contraire le clan de l’armistice qui a gagné. De Gaulle, quant à lui, rentre en France, prenant l’avion de Londres en fin d’après-midi, sans connaître encore l’issue. C’est seulement en arrivant à Bordeaux qu’il apprend que, d’une part, l’offre a été rejetée, et que d’autre part et surtout, Reynaud a démissionné et que c’est Pétain qui a été chargé de former le gouvernement.

Pour conclure, il apparaît très difficile d’indiquer comment la proposition d’union auraient pu trouver à passer dans les faits. Ainsi qu’a pu l’écrire Léon Noël, « à Bordeaux, la proposition franco-britannique n’avait pas été envisagée en elle-même, mais seulement comme un argument pour ou contre l’armistice, ce qui, du reste, correspondait bien à sa portée réelle du moment ». De fait, le projet avait une double signification : une signification à long terme (restait à savoir si c’était applicable), mais surtout une signification immédiate, l’objectif consistant à renforcer le camp de la résistance et à montrer la volonté des deux pays de tenir face à l’Allemagne. Par la suite, s’ils résistaient, on verrait comment mettre en œuvre l’union, éventuellement comment revenir sur la proposition et l’aménager.

Entre 1940 et 1945, même si l’affaire est abandonnée, on la voit resurgir à une ou deux reprises. En avril 1941, lors d’une conférence de presse tenue au Caire, à la question d’un journaliste demandant si la France Libre demeure dans l’esprit de la proposition d’union franco-britannique du 16 juin 1940, le général de Gaulle, après avoir rappelé que c’était lui-même qui avait négocié le projet à Londres et que c’était le gouvernement français qui l’avait repoussé, répond : « L’esprit de cette déclaration demeure. Cet accord indique la voie loyale pour une collaboration entre les deux pays ». En revanche, en avril 1945, lorsqu’un député interroge Churchill en lui demandant si la proposition d’union franco-britannique, maintenant qu’on s’achemine vers la fin des hostilités, est toujours à l’ordre du jour, reçoit du Premier ministre cette réponse lapidaire : « No, Sir ». Après la guerre, le traité de Dunkerque s’inscrit évidemment très loin des ambitions du projet d’union – et même des ambitions plus modestes de 1939-1940 – et, de plus, il n’a pas été suivi d’une application très empressée – ni d’un côté ni de l’autre. Ce qui est surtout frappant, c’est de voir que l’axe franco-britannique, qui avait semblé fondamental aux deux pays jusqu’à la seconde guerre mondiale, a été remplacé à partir des années 50, et plus encore à partir du traité d’amitié de 1963, par un axe franco-allemand, devenu le pôle de la politique française et le pôle de l’Europe.

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