Général de Gaulle 

« A quarante-neuf ans, j’entrais dans l’aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries »

Winston Churchill termine le second volume de ses Mémoires. Il fait appel à la mémoire du général de Gaulle pour préciser ses propres souvenirs. Il cherche également la date de l’arrivée en Angleterre de celui-ci en compagnie du général Spears…

Voilà la réponse que le général de Gaulle lui fait le 3 novembre 1948

« Cher monsieur Churchill,

(…) C’est le 17 juin au matin que j’ai quitté Bordeaux en compagnie du général Spears. Nous sommes arrivés à Londres au début de l’après-midi. L’avion qui nous y a amenés était celui-là même que vous m’aviez prêté le 16 au soir pour regagner Bordeaux, et qu’en prévision de ce qui allait suivre je vous avais demandé de laisser à ma disposition jusqu’au lendemain à midi. Le général Spears ayant appris par moi à Bordeaux, au cours de la nuit du 16 au 17, dans la propre chambre de Sir R. Campbell, votre ambassadeur, que je me proposais d’utiliser cet avion, a aussitôt décidé qu’il m’accompagnerait et donné les ordres à l’équipage. Nous sommes partis vers 9 heures en prenant quelques précautions mais sans difficultés. D’ailleurs, c’est ce matin-là seulement que M. Paul Reynaud a transféré ses pouvoirs au maréchal Pétain et, jusqu’à l’accomplissement de cette formalité, j’étais membre du gouvernement et ne courais guère de risque. C’est vous dire ce qu’ont d’exagéré certains récits romanesques concernant mon départ.

Je vous prie de croire, cher Monsieur Churchill, à mes sentiments les plus distingués et bien dévoués. »

Lettres, notes et carnets : 8 mai 1945 – 18 juin 1951, Plon, 1984

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« La première chose à faire était de hisser les couleurs. La radio s’offrait pour cela. Dès l’après-midi du 17 juin, j’exposai mes intentions à M. Winston Churchill. Naufragé de la désolation sur les rivages de l’Angleterre, qu’aurais-je pu faire sans son concours ? Il me le donna tout de suite et mît, pour commencer, la BBC à ma disposition. Nous convînmes que je l’utiliserais lorsque le gouvernement Pétain aurait demandé l’armistice. Or, dans la soirée même, on apprit qu’il l’avait fait. Le lendemain, à 18 heures, je lus au micro le texte que l’on connaît. A mesure que s’envolaient les mots irrévocables, je sentais en moi-même se terminer une vie, celle que j’avais mené dans le cadre d’une France solide et d’une indivisible armée. A quarante-neuf ans, j’entrais dans l’aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries. »

Mémoires de guerre, t1 – l’Appel, Plon, 1954

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