Un gouvernement

La fondation du Comité national français (CNF) par le général de Gaulle, le 24 septembre 1941, est la première étape dans le processus de constitution d’un gouvernement provisoire, l’ordonnance du 24 septembre s’apparentant à une « Constitution de la France libre ». Il dote la France libre et les territoires ralliés d’institutions politiques. Le rôle du CNF est de défendre les intérêts de la France dans le camp des Alliés, et d’administrer les territoires ralliés à la

France libre.

Depuis le printemps 1941, on notait un regain de tension entre de Gaulle et Churchill, ce dernier jouant des dissensions au sein des Français libres pour appuyer discrètement les opposants à de Gaulle, au premier rang desquels l’amiral Muselier. La création de ce Comité avait d’ailleurs été soutenue par les Britanniques qui espéraient ainsi noyer le Général dans la collégialité. Ma

is dans les faits, de Gaulle prend fermement les rênes du CNF. Présidé par le Général, il est formé de sept commissariats : Économie, Finances et Colonies (René Pleven), Affaires extérieures (Maurice Dejean), Guerre (général Paul Legentilhomme), Marine et Marine marchande (amiral Emile Muselier), Justice et Instruction publique (René Cassin), Intérieur, Travail et Information (André Diethelm), Air (général Martial Valin), le contre-amiral Georges Thierry d’Argenlieu étant membre du Comité mais sans département défini. Ainsi, concession aux Britanniques, l’amiral Muselier est bien membre du Comité, mais il apparaît très isolé au milieu des fidèles du Général. La formation du CNF demeure quasiment inchangée par la suite, en dehors du départ de l’amiral Muselier en mars 1942, et de l’intégration de nouveaux membres issus de la Résistance intérieure : André Philip hérite du Travail à l’été 1942, René Massigli obtenant les Affaires étrangères en mars 1943.

Le fonctionnement du CNF attribue un pouvoir personnel important à de Gaulle qui détient seul le pouvoir d’ordonnance et exerce le pouvoir réglementaire par décrets. C’est lui qui accrédite les représentants diplomatiques des puissances étrangères et qui désigne les représentants de la France libre à l’étranger. Il a également le pouvoir de démettre de leurs fonctions les commissaires : il n’y a aucun contrepoids à son autorité, l’Assemblée consultative n’étant créée qu’en 1943. C’est la raison pour laquelle certains reprochent à de Gaulle d’y exercer un pouvoir de style « monarchique ». Les ordonnances sont délibérées par le CNF dont le rôle est de définir collectivement la politique à mener, ce qui en fait le véritable gouvernement de la France libre.

Si le CNF est bien reconnu par le gouvernement britannique comme représentant tous les Français libres, où qu’ils soient, notons que cette reconnaissance reste nuancée : son organisation juridique n’est pas officiellement approuvée, les gouvernements en exil à Londres suivant la même ligne que leur pays hôte.

Une fois achevée la consolidation institutionnelle de la France libre, de Gaulle pouvait se tourner vers la Résistance intérieure. L

a commission dirigée par Cassin et Gouin établit comme une évidence le retour à la légalité républicaine et pose les jalons de propositions de réformes reprises par la suite dans le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), en particulier le vote des femmes. La déclaration aux mouvements de résistance, adoptée en Comité national et publiée dans la presse clandestine en France à partir du 3 juin 1942 (Libération, zone libre) est capitale dans le processus de rapprochement et d’unification avec la Résistance intérieure. Après avoir rappelé son attachement au régime démocratique et dénoncé le régime de Vichy qui « sorti d’une criminelle capitulation, s’exalte en pouvoir personnel » de Gaulle annonce l’engagement de grandes réformes et conclut en affirmant du peuple français : « Tandis qu’il s’unit pour la victoire, il s’assemble pour une révolution».

Enfin, le 14 juillet 1942, pour bien montrer la jonction des deux résistances, intérieure et extérieure, la France libre change d’appellation pour devenir « France combattante ». À partir de 1942, le CNF engage de nombreuses réflexions sur la France d’après-guerre.

Baptiste Léon, avec la relecture amicale et attentive de JeanLouis Crémieux-Brilhac, dossier pédagogique réalisé pour le 70e anniversaire de l’Appel du 18 juin 1940, 2010.

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