RÉMY ROURE (1885-1966)

Par Philippe Radal

Ayant fait l’acquisition du premier ouvrage de Charles de Gaulle (La Discorde chez l’ennemi), je découvris qu’un seul journaliste, Rémy Roure, commit à la parution de ce livre, en 1924, un article, au demeurant très flatteur…

Ce nom ne m’était pas inconnu : en patois ardéchois, le « Roure » signifie le chêne, et mon intérêt fut renforcé par un faisceau d’éléments tout à fait remarquables que je vous propose de partager avec moi.

Rémy Roure naquit le 30 octobre 1885 à Arcens, petite commune du haut Vivarais, qui comptait alors près de 1 200 habitants (contre 360 aujourd’hui).

Située à 70 kilomètres de Valence et à 56 kilomètres du Puy, cette commune à l’altitude moyenne de 650 mètres environ vivait dans une relative autarcie, favorisée par un relief tourmenté et un climat annonciateur des rigueurs du plateau ardéchois.

Le foyer où naquit Rémy était celui de modestes cultivateurs. Ces derniers furent alertés par l’instituteur et le curé du village sur les facilités intellectuelles de leur fils : à cette époque, l’école servait d’ascenseur social, et le certificat d’études de révélateur de talents, tandis que le clergé accompagnait au quotidien une population extrêmement christianisée : rappelons que le diocèse de Viviers comptait en 1900 plus de 600 prêtes en activité, ce qui le plaçait en tête des diocèses français avec un prête pour 600 habitants, et un permanent de l’Eglise (religieux compris) pour 125 habitants.

C’était l’époque de l’épiscopat de Monseigneur Bonnet, qui présida aux destinées de l’Eglise du Vivarais pendant 47 ans (1876-1923), et qui sera notamment l’évêque consécrateur de Charles de Foucauld…

Convaincus sur les aptitudes de leur fils, et ains motivés par les référents du village, les parents de Rémy Roure vendirent leurs biens (au demeurant modestes) et allèrent s’installer à Valence, afin que leur fils poursuive ses études à l’institution Notre-Dame, pour laquelle le curé d’Arcens leur rédigeât une lettre de recommandation.

Si le curé envisageait de toute évidence in fine une « carrière » religieuse pour son protégé (l’institution en question étant aussi « Petit Séminaire »), Rémy Roure décida une fois le Bac obtenu (en juillet 1903) de se tracer un autre avenir. Signalons qu’en 1905, c’est 1,9% de la population qui obtenait le Bac, contre plus de 65% actuellement. Il est facile d’imaginer que ce pourcentage appliqué à la catégorie socio-professionnelle de Rémy Roure devait être infiniment plus faible.

Ambitionnant d’être journaliste, mais contraint de se constituer un pécule préalable pour entamer des études de droit à ses yeux indispensables pour conforter sa vie professionnelle, il s’engagea dans l’armée pour quatre ans, plus précisément dans l’infanterie alpine d’où il sortit en 1908 sergent fourrier.

Alors, il « monta » à Paris s’inscrire en Faculté de droit.

Et surtout, il entra au Temps : il faut bien imaginer ce qu’était ce quotidien, dont la diffusion atteignait les 30 000 exemplaires en 1914, et qui incontestablement était le journal des « élites », de tendance plutôt républicain conservateur.

Le 1er août 1914, il épousa Hélène Marie Louise Tourrès… et le 3 août, il rejoignit le front comme sergent au 159e régiment d’infanterie alpine. Promu sous-officier, il fut fait prisonnier le 23 octobre 1914. Il n’aura de cesse de s’évader, et sera envoyé en 1915 au fort IX d’Ingolstadt en Bavière.

On peut affirmer que cette forteresse sera un des tournants de l’existence de Rémy Roure : il va en effet y côtoyer des personnalités qui vont impacter le XXe siècle : Georges Catroux qui, général d’armée en 1940 et gouverneur de l’Indochine, rejoindra dès la fin 1940 la France Libre, rendant à son chef d’insignes services, notamment au Levant, puis en URSS comme ambassadeur, avant de devenir Grand Chancelier de la Légion d’honneur.

Mikhaïl Toukhatchevski, officier tsariste, qui deviendra maréchal de l’URSS en 1936 – il créera l’Armée rouge – et qui sera victime des purges staliniennes dès 1937.

Et bien sûr, un capitaine laissé pour mort en 1916 à Douaumont, soigné et interné par les Allemands, Charles de Gaulle.

La personnalité de cet officier séduisit Rémy Roure qui écrivit : « Un jeune officier remarquablement doué, qui sera sans doute l’un de nos meilleurs professeurs d’art militaire », ou encore « ce jeune homme, un peu froid, volontaire, savait dominer les crispations de ses nerfs et les états de son cœur. Il me paraissait incarner vraiment la raison française, faite de calme mesure et de passion contenue. Stendhal eût aimé ce caractère ». Enfin, « en 1917, nous voyions tous en lui un futur grand chef militaire, un maître à venir dans l’art de la guerre, un professeur de stratégie et de tactique qui ferait parler de lui ».

De retour de captivité, Rémy Roure entra, en 1919, au journal L’Eclair. Parallèlement, il écrivit dans la revue La Renaissance politique, littéraire, artistique. Il y rédigera notamment le premier article écrit sur Charles de Gaulle au sujet de son livre La Discorde chez l’ennemi publié en 1924. Tiré à 550 exemplaires, cette édition laissera 107 invendus jusqu’à la guerre. Rémy Roure a observé en captivité de Gaulle « occupé à dépouiller les journaux allemands, à relever les défauts de la cuirasse germanique ». Car de Gaulle voulait démontrer dans son essai que les intérêts personnels l’ont emporté chez l’ennemi.

Rémy Roure demeurera tout au long de sa carrière un soutien indéfectible de Charles de Gaulle, à chaque publication d’un nouvel ouvrage, qualifiant le militaire « d’écrivain de premier plan, d’un de nos plus remarquables théoriciens militaires, l’un des tacticiens et des officiers d’état-major sur lesquels l’armée peut placer les plus grands espoirs ».

Et Charles de Gaulle en sera reconnaissant au journaliste, comme en témoigne notamment cette lettre du 18 juin 1934 suite à l’article rédigé sur Vers l’Armée de métier :

« Mon cher ami,

Comment faites-vous pour trouver dans la façon dont vous parlez d’un ouvrage justement les idées et les mots qui répondent le mieux à ce que l’autre a voulu penser et dire ?

C’est à cause de cela, d’abord, que je vous remercie du fond du cœur de l’article si bien tourné et pour moi si émouvant que vous avez consacré dans Le Temps à mon modeste bouquin.

La vie s’avance et se dévore.

Tout de même, ne nous plaignions pas.

En dépit de tout, notre génération aura eu le privilège d’assister à des événements d’une telle dimension que nulle autre peut-être – sauf celle du déluge – n’en aura vu d’aussi grands répétés en si peu de temps : Satisfaction purement spéculative d’ailleurs et qu’il faut payer bien cher ! »

Et comment ne pas citer les termes de cette lettre du 26 novembre 1936 par laquelle de Gaulle, de Metz où il était en garnison, remerciait Rémy Roure pour un article dans Le Temps consacré à La France et son armée :

« Mon cher ami,

Votre article du Temps sur mon bouquin était excellent, direct, vivant.

Il m’a fait un immense plaisir que j’ai savouré…

Quel drame, mon cher ami, que cette lente décadence française, alors qu’après la victoire, tout aurait dû nous porter au redressement.

Et pourtant ! Il y a dans ce pays d’immenses ressources intactes.

Quelle trahison de l’élite !

Au point de vue de notre force militaire, terrestre aussi bien qu’aérienne, il faut – sous peine de désastres certains – un Louvois de la République… »

Journaliste talentueux et influent, Rémy Roure fut aussi pendant l’entre-deux guerres un écrivain qui, sous le pseudonyme de Pierre Fervacque, écrivit des livres comme La Vie orgueilleuse de Trotski, L’Alsace minée, Les Demi-vivants, Le Chef de l’Armée rouge, consacré à Mikhail Toukhatchevski, que Rémy Roure rencontrera à nouveau à Paris au début de 1936 et Anaïs, Petite fille vivaroise, charmant roman dédié à la terre de son enfance.

Survint la guerre : le colonel Charles de Gaulle adressa à Rémy Roure ce bref message écrit le 25 janvier 1940 :

« Ne croyez-vous pas, mon cher ami, que nous sommes au moment d’être fidèles à nos idées ? Sentiments fidèles et dévoués ».

Et en avril 1940, Rémy Roure rencontra Paul Reynaud au cours d’un déjeuner, Pal Reynaud alors Président du Conseil et Charles de Gaulle.

Ce dernier, promu au grade de général de brigade le 1er juin, fut nommé sous-secrétaire d’Etat à la Guerre le 5 juin ; le 10 juin, il reçut Rémy Roure à l’hôtel de Brienne : il espérait encore sauver Paris de l’invasion allemande.

Il lui dit : « Voici où sont les Allemands… nous défendrons Paris. Nous nous battrons sur la Loire, nous nous battrons dans l’Empire. Le jour où les Etats-Unis seront avec nous, le jour où l’Allemagne ne pourra lancer un avion sans qu’il soit abattu, le jour où elle sera aveuglée, elle pourra tenir toute l’Europe, elle sera perdue ».

Rémy Roure et sa famille – ils avaient un fils de 19 ans, André – se replièrent à Lyon où le journal Le Temps s’était installé dans les locaux du Progrès. Ils y retrouvèrent une partie de leur famille, les Baumer et les Marti qui eux aussi s’engagèrent dans la Résistance.

Les Roure habitaient un appartement au 85 rue Cuvier qui allait rapidement devenir un centre fondateur de la Résistance : d’illustres figures s’y retrouvèrent comme Teitgen et de Menthon (qui vont fonder avec Roure « Libertés », qui sera le premier organe de la résistance en zone sud) ou encore Frenay (« Libertés » fusionnera en novembre 1941 avec « Petites Ailes et Vérités » pour former « Combat ».

Et bien sûr, Jean Moulin, Bidault et Cochet seront eux aussi des habitués de cet appartement qui, le 7 mars 1948, verra apposer sur sa façade une plaque commémorant la première réunion de la Résistance.

Le Temps se sabordera le 30 novembre 1942.

Entre temps, le général de Gaulle avait fait parvenir à Rémy Roure une lettre en date du 30 juin 1942 à l’en-tête de Carlton Garden.

« Mon cher ami,

Je sais ce que vous faites et je vous aime bien.

Voici le moment où les bons Français doivent se retrouver. Je n’ai point d’autre intention que de leur offrir un « centre ».

Dans quelques mois, cela pourra servir à condition qu’on l’ait préparé. Or, c’est à l’intérieur et spontanément qu’il faut le faire. La guerre est dure. L’ennemi redoutable. Les alliés sont incommodes. Il faut porter vis-à-vis d’eux le poids d’un désastre où nous ne fûmes pour rien…  Je vous envoie mes fidèles amitiés. C. de Gaulle ».

Cette lettre fut portée à Lyon par Philippe Roques. Ce dernier, collaborateur de Georges Mandel avant la guerre, fonda le réseau « Amelin », spécialisé dans le renseignement politique et militaire.

En mai 1942, il partit pour l’Angleterre avec Edgard Tupët-Thomé (qui vient de nous quitter) et revint en France en juillet 1942, chargé par le général de Gaulle de remettre en main propre des lettres manuscrites à plusieurs personnalités dont MM Mandel, Herriot, Blum, Daladier… et donc Rémy Roure.

Abattu par la Gestapo en février 1943, Philippe Roques fut nommé Compagnon de la Libération par décret du 12 mai 1943.

Rémy Roure intégra le réseau d’évasion « Bordeaux-Loupiac » en janvier 1943 : il contribua ainsi à l’évasion et au rapatriement des pilotes alliés tombés e France. En juillet 1943, il fut désigné comme membre du Conseil consultatif qui devait siéger à Alger en novembre 1943. Il décida alors de rejoindre Londres début octobre 1943. Fort opportunément, une opération maritime devait être organisée pour convoyer trois pilotes américains de Lyon en passant par Rennes.  Rémy Roure se trouvait donc dans cette ville le 11 octobre : il était notamment avec Jean-Claude Camors, fondateur et chef du réseau, et ils étaient attablés dans un café quand, sur dénonciation d’un agent français de la Gestapo, ils furet arrêtés par les Allemands. Ils se jetèrent sur ces derniers, ne souhaitant pas être pris avec leurs papiers indiquant leur lieu d’embarquement.

Jean-Claude Camors fut tué sur le coup (il sera nommé compagnon de la Libération par le décret du 4 mai 1944) et Rémy Roure gravement blessé à l’artère fémorale gauche. La pose d’un garrot le sauva d’une mort certaine. Hospitalisé, il fut torturé par un membre de la Gestapo quatre jours plus tard… il ne dira rien !

Le soir du 11 novembre 1943, il sera transféré à Fresnes, où il restera cinq mois. Le 5 avril 1944, il partait pour Compiègne qu’il quittera le 25 avril. Son convoi sera qualifié de « convoi des tatoués » ; c’est le troisième convoi de « non-juifs » qui mettra quatre jours et trois nuits pour arriver, le 30 avril en fin d’après-midi, à Auschwitz.

Les déportés étaient cent par wagons à bestiaux ; ils étaient 1 670 au total. 1 561 d’entre eux, dont Rémy Roure, répartiront du 12 au 14 mai pour Buchenwald ; 819 d’entre eux y décéderont.

Notons que ce convoi comportait au moins 70% de résistants et que trois des « tatoués » (surnom donné du fait du tatouage d’un matricule sur leur bras) seront nommés compagnons de la Libération : André Boulloche, délégué militaire de la France Libre pour Paris et sa région, son adjoint Ernest Grimpel et Rémy Roure.

Libéré le 14 avril 1945 par les Américains de Patton, arrivé à Paris le 18 avril, Rémy Roure va, dès le 21 avril, publier un article dans Le Monde intitulé « L’enfer de Buchenwald et d’Auschwitz ». L’introduction est poignante : « Il est toujours déplaisant de parler de soi. Au surplus quand on sort libre d’un camp de concentration en Allemagne, le trésor dont on aurait le plus besoin est celui du silence… hélas, il est difficile d’en bénéficier quand on est journaliste, même si l’on fut pendant plus d’un an terrassier douze heures par jour, ou bûcheron, ou travailleur d’usine… Les flammes de l’enfer ! c’est à la lettre qu’il convient de prendre cette expression ».

Rémy Roure évoquera à nouveau, le 28 octobre 1945, dans les locaux de son ancienne école, l’institution Notre-Dame de Valence, ses souvenirs de déportation. « De mon passage à Auschwitz et à Buchenwald, j’ai gardé un goût de cendre, une tristesse désormais invincible. Car j’ai pu voir commettre le pire crime que l’homme puisse commettre, à savoir non seulement la destruction mais l’avilissement de l’homme, la désintégration systématique, scientifique, de ce qu’il y a de divin dans la créature humaine… Les nazis se sont efforcés vraiment de transformer l’homme en bête, en plus bas que la bête qui, elle, peut mordre, griffer, se révolter… »

Mais la souffrance de Rémy Roure n’a pas encore, loin s’en faut, atteint ses limites : son épouse, Marie-Louise, a été arrêtée le 3 avril 1944 à son domicile lyonnais et déportée à Ravensbrück. Sa sœur à Ravensbrück et son beau-frère à Neuengamme, subiront le même sort, tandis que son neveu, Rémy Marti, engagé dans les FFI, sera arrêté, torturé et fusillé au Pont de la Mulatière à Lyon une semaine avant l’arrivée des Alliés.

Au total, quatre morts pour la France car aucun des déportés ne rentrera vivant, sauf un autre neveu de Rémy Roure, René Baumer qui rapportera des camps des dessins poignants.

Mais le pire n’était pas encore arrivé. Rémy Roure et son épouse avaient un fils unique, André. Né en 18921, étudiant en philosophie, plutôt introverti, il avait côtoyé à Lyon dans l’appartement familial « l’aristocratie » de la Résistance : Georges Bidault, François de Menthon, Henri Frenay, Jean Moulin et tant d’autres. Il intégra le réseau « Gallia » puis décida de rejoindre les Forces françaises libres qui affrontaient les Allemands en Italie à l’annonce de la capitulation de l’Italie le 9 septembre 1943. A l’issue d’aventures épiques, André rejoignit les lignes alliées et parla, le 26 novembre, à la radio d’Alger. Il rencontrera François de Menthon, commissaire à la Justice et grand ami de sa famille, sera présenté au général de Gaulle le 22 décembre 1943 et dînera à la Villa des Oliviers, résidence des de Gaulle, le 16 mars 1944.

Ayant intégré le Bataillon de choc, il participera à tous les combats jusqu’en avril 1945, gagnant la Médaille militaire et la Croix de guerre avec quatre citations (dont une à l’ordre de l’armée).

Il retrouve son père à Paris et décide d’aller à Ravensbrück à la rencontre de sa mère. Arrivé au camp le 4 juin, la grenade qu’il avait emporté dans son sac explose, le tuant sur le coup.

Son père arrivera le 8 juin pour apprendre le drame ; il reviendra en France avec la dépouille mortelle de son fils qui repose depuis lors dans le cimetière d’Arcens.

Rémy Roure fera éditer un livre posthume d’André Roure Valeur de la vie humaine qui retrace la vie de son fils et expose à travers un certain nombre de notes ce que fut la pensée et le système de valeurs de ce dernier. Ce livre comporte le fac-similé d’une lettre manuscrite de deux pages du général de Gaulle en date du 1er août 1946.

« Mon cher ami,

En lisant les Notes philosophiques d’André Roure, je l’ai revu tel qu’il nous est apparu quand il nous vint de France à Alger, ayant réussi l’extraordinaire entreprise de traverser en pleine bataille les lignes ennemies du front d’Italie pour devenir un combattant de la Libération.

Tel qu’il nous apparut, c’est-à-dire ardent sous son calme, mûr dans sa jeunesse, fort sous sa fragilité.

« Sors de toi-même ! » a-t-il écrit.

Un effort et de telles qualités ! Pour s’élever au-dessus de sa propre nature et atteindre plus haut que l’homme qu’il était en partant de ce qu’il était, voilà sa spéculation ! Lui, du moins, sut en faire aussi de l’action. Des circonstances terribles dans lesquelles le plongeait le drame du monde et de la patrie, cet adolescent réservé, d’une complexion frêle, naturellement éloigné de la force et de la ruse, trouve moyen de tirer d’exceptionnelles actions d’éclat.

Ce matin, comme il fut rempli. Pour son honneur, pour celui des siens, pour la France.

Croyez, mon cher Roure, à mes sentiments d’amitié. »

Ce même livre était aussi honoré d’une lettre tapuscrite du général de Lattre de Tassigny d’une haute élévation de pensée.

Lors de sa séance annuelle du 16 décembre 1946, l’Académie française – qui ne décerne pas de récompense à titre posthume – fit une exception en attribuant à André Roure pour son livre sa médaille gravée par Varin au temps de Richelieu, son fondateur.

Rémy Roure demanda que la Croix de Compagnon de la Libération qui lui avait été attribuée lui soit remise en même temps que la Médaille militaire de son fils et la Médaille de la résistance de son épouse lors d’une prise d’armes aux Invalides.

Perclus de chagrin, affaibli par la tuberculose qui l’affectait depuis sa déportation, Rémy Roure poursuivit néanmoins avec talent sa carrière de journaliste. Sa collaboration avec Le Monde s’acheva en 1952 suite à la publication par le journal d’un rapport dit « Fecheteler » qui s’avéra être un faux. Rémy Roure démissionna sur le champ et Françoise Giroud lui rendit un hommage appuyé sous le titre « Rémy Roure, un journaliste qui démissionne pour être en règle avec sa conscience ».

Il gagna alors Le Figaro pour lequel il écrivit des chroniques jusqu’au jour de sa mort, le 8 novembre 1966 (notons qu’il reçut des mains de Georges Duhamel en 1957 le Prix Pellan de la Presse qui venait couronner 48 ans de journalisme).

Le général de Gaulle vint se recueillir devant la dépouille de son vieil et fidèle ami et demanda à Claude Hettier de Boislambert de le représenter aux obsèques qui eurent lieu à Arcens.

Ainsi s’acheva une vie placée dans le respect des valeurs acquises dès sa jeunesse, par un amour indéfectible de l’honneur, de la liberté et du respect de l’homme.

Rémy Roure et sa famille payèrent très chèrement cette fidélité à ces principes.

Je conclurai en citant André Malraux : « Oublier leurs sacrifices serait les condamner une seconde fois ».

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