Charles de Gaulle, du 24 au 29 mai 1968

Par François Goguel

 

In Espoir n° 115, p. 87

Trois semaines après le début des troubles universitaires de mai 1968, dix jours après le déclenchement de la grève générale qui les a suivis, le général de Gaulle, le vendredi soir 24 mai, s’adresse aux Français par un discours radio-télévisé. Il annonce que va avoir lieu, au mois de juin, un référendum destiné à lui permettre d’entreprendre une mutation des structures de la société, mutation dont il juge que les événements viennent de démontrer la nécessité, et qui devra assurer « une participation plus étendue de chacun à la marche et aux résultats de l’activité qui le concerne directement ». Il conclut en annonçant que si la réponse que lui donneront les Français est négative, il va de soi qu’il n’assumera pas plus longtemps sa fonction.

Ce discours du chef de l’Etat tombe dans le vide. La manifestation organisée dans la soirée du 24 mai par l’UNEF et qui se prolongera toute la nuit, est une des plus violentes de ce mois de mai, et déborde largement les limites du Quartier latin. Devant la paralysie de l’économie due à la grève générale, l’attention de l’opinion ne se porte que sur les négociations tripartites – gouvernement, patronat, syndicats ouvriers – qui doivent commencer le 25 mai après-midi, et dont on espère qu’elles aboutiront à une reprise du travail : mais, en dépit de l’accord intervenu le lundi 27 aux premières heures de la matinée, cette reprise tardera.

Six jours après le discours télévisé du 24 mai, le président de la République prend à nouveau la parole : le 30 mai, au milieu de l’après-midi, dans une brève allocution radiodiffusée, il s’affirme résolu à remplir le mandat que le peuple lui a donné. Il rend hommage à son Premier ministre, et annonce la dissolution de l’Assemblée nationale. Quant au référendum « auquel la situation ne permet matériellement pas de procéder », il fait connaître qu’il le reporte. Il appelle les Français à organiser partout « l’action civique » contre « l’intimidation, l’intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue main et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s’il a déjà des rivaux à cet égard ». Il conclut en déclarant que, si l’on entend « bâillonner le peuple français tout en l’empêchant de vivre », il prendra, « pour sauver la République », « conformément à la Constitution, d’autres voies que le scrutin immédiat ».

Suivi à Paris par une gigantesque manifestation de soutien au général de Gaulle, ce discours renverse totalement la situation. Un mois plus tard, les élections des 23 et 30 juin 1968 consacreront de façon éclatante la victoire du chef de l’Etat et de ceux qui l’ont soutenu dans cette épreuve.

Voilà qui pose un problème. Non pas quant à la matérialité des faits qui se sont déroulés du 24 au 30 mai : la plupart sont bien connus. Mais quant à la manière dont de Gaulle y a réagi, et aux conditions dans lesquelles il a formé la résolution dont il a fait part aux Français le 30 mai et qui lui a valu de retrouver le soutien de la grande majorité de la nation.

A quoi tient l’échec du discours télévisé du 24 mai, échec dont le Général aura tout de suite conscience puisqu’il dira le soir même qu’il a « mis à côté de la plaque[1] » ? De toute évidence à ce que, quelle que soit leur valeur intrinsèque, les idées qui y sont exprimées ne pourraient se concrétiser qu’à longue échéance. Or, le 24 mai, les Français se préoccupent moins des causes profondes des événements qui sont en train de bouleverser la vie de la nation, que des conséquences immédiates de ces événements : c’est pourquoi la négociation qui va s’ouvrir rue de Grenelle, au ministère des Affaires sociales, les intéresse plus que la perspective d’un référendum sur la participation. Quant à ceux des étudiants qui, depuis le début du mois, sont les acteurs de l’agitation universitaires, l’état d’esprit de malaise, d’inquiétude ou de révolte qui est le leur est beaucoup trop confus et trop négatif pour que les idées exprimées dans le discours du 24 mai puissent exercer sur eux quelque influence.

En fait, mais par son échec, ce discours n’aura d’effet que sur les leaders des formations politiques de l’opposition : si le référendum a lieu, ceux-ci peuvent espérer que le vote « Non » l’emportera. Les méthodes « plébiscitaires » qu’ils reprochent au général de Gaulle se retournant cette fois contre celui-ci, la gauche peut escompter qu’elle en sera la bénéficiaire.

Peu importent, pour la réflexion qui nous occupe, les divergences et les rivalités de personnes immédiatement provoquées dans l’opposition par une telle perspective ; certains veulent pousser Pierre Mendès France au premier rang, ce qui ne plaît guère à François Mitterrand, bien décidé à y rester ; quant au Parti communiste, il n’accepte aucune de ces deux solutions[2]. Mais il n’y a aucune raison de penser que, sur le moment, Charles de Gaulle ait été informé de ces dissensions[3].

Ce que, par contre, il sait, comme tous les Français, c’est que le lundi 27 mai, après que Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, n’est pas parvenu, malgré la conclusion des « accords de Grenelle » à convaincre les ouvriers de la Régie Renault de reprendre le travail, Pierre Mendès France a cautionné par sa présence à la tribune – présence, il est vrai, silencieuse – les organisateurs du meeting convoqué conjointement au stade Charléty, par l’UNEF et par la CFDT, meeting au cours duquel un ancien permanent de la CGT, André Barjonet, qui vient de quitter une confédération syndicale qu’il juge trop peu combattive, a affirmé : « Aujourd’hui, la révolution est possible, mais il faut s’organiser très vite ».

Ce qu’il sait aussi, c’est que le mardi 28 mai, dans la matinée, François Mitterrand convoque une conférence de presse au cours de laquelle il affirme : « Il convient dès maintenant de constater la vacance du pouvoir et d’organiser la succession ». Selon lui, « le départ du général de Gaulle au lendemain du 16 juin[4], s’il ne se produit pas avant, provoquera naturellement la disparition du Premier ministre et de son gouvernement ». « Dans cette hypothèse, ajoute-t-il, je propose qu’un gouvernement provisoire de gestion soit aussitôt mis en place ». Et il précise en ces termes le scénario qu’il envisage : « Qui formera le gouvernement provisoire ? S’il le faut, j’assumerai cette responsabilité. Mais d’autres que moi peuvent légitimement y prétendre. Je pense d’abord à Pierre Mendès France. Et qui sera le président de la République ? Le suffrage universel le dira. Mais d’ores et déjà, je vous l’annonce : je suis candidat »[5].

A aucun moment, dans cette déclaration, le président de la Fédération de la Gauche démocrate et socialiste ne s’est référé, fût-ce implicitement, à la Constitution, selon laquelle, en cas de vacance de la présidence de la République, les fonctions du chef de l’Etat sont provisoirement exercées par le président du Sénat, la responsabilité du gouvernement ne pouvant, pendant cette vacance, être mise en cause devant l’Assemblée nationale. Il n’a pas indiqué qu’avant de s’exprimer, il ait pris quelque contact que ce fût avec le président Monnerville.

Comment le général de Gaulle n’aurait-il pas l’impression que, le 28 mai 1968, François Mitterrand en est venu à considérer que les circonstances sont telles que le respect de la Constitution ne s’impose plus à lui, non plus qu’à la formation politique qu’il préside.

Dernier événement de la journée du 28 mai : l’annonce de la convocation par la CGT, pour le lendemain après-midi, d’une manifestation qui se déroulera de la Bastille à la gare Saint-Lazare.

Certains responsables du maintien de l’ordre craignent que cette manifestation ne soit l’occasion de tentatives de coups de main sur l’Hôtel de Ville ou même sur l’Elysée. Il n’est pas certain qu’ils se rendent compte que, pour le PC ou pour la confédération syndicale qu’il contrôle, il s’agit surtout après le meeting du stade Charléty, au cours duquel ils ont été violemment attaqués, d’occuper à leur tour le terrain et de montrer qu’il faut toujours compter avec eux.

Par l’intermédiaire d’un député gaulliste, Jean de Lipkowski, qu’un membre du Comité central a contacté à cet effet, le PC tente d’ailleurs, le 28 mai, une ouverture vers l’Elysée : il propose de donner son appui au Général à condition que celui-ci « comme après la Libération », fasse entrer des communistes au gouvernement. Aucune suite n’est donnée à ce qui apparaît aux collaborateurs du Général comme un piège grossier[6].

Quelles ont été les réactions du général de Gaulle aux événements qui viennent d’être rapportés, et d’abord à l’échec de son discours télévisé du 24 mai ? Certains témoignages de ceux qui l’ont approché, permettent de s’en faire une idée.

A l’auteur de ces lignes, le 5 novembre 1969 à la Boisserie, Charles de Gaulle parlant de la façon dont se sont terminés les événements de mai 1968, dira : « Je me suis ressaisi et j’ai ressaisi la France ». Ce qui implique qu’avant de se ressaisir, il ait traversé une période de flottement et d’incertitude. Et cela, tout le donne à penser, à partir du moment où il s’est rendu compte que, pour la première fois depuis dix ans, son apparition à la télévision avait laissé les Français indifférents, voire déçus ou hostiles.

Les premiers mots de l’allocution décisive du 30 mai paraissent même indiquer que le Général, au cours des journées précédentes, avait connu la tentation de renoncer à sa tâche : « Etant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j’ai envisagé depuis vingt-quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir. J’ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas ». Cette allusion, a contrario, à la possibilité d’un retrait – dont on voit mal, il est vrai, comment il aurait pu  constituer une éventualité permettant de « maintenir la légitimité nationale et républicaine » puisque, aux termes de la Constitution, le chef de l’Etat ne pouvait donner délégation au Premier ministre que pour la présidence d’un Conseil des ministres, avec un ordre du jour déterminé, et que l’annonce d’un empêchement, même temporaire, aurait provoqué l’intérim du président du Sénat – n’indique-t-elle pas que son auteur a subi la tentation de renoncer ?

C’est ce que le Général devait confirmer le 7 juin, au cours d’un entretien télévisé avec Michel Droit : « Oui ! le 29 mai, j’ai eu la tentation de me retirer. Et puis, en même temps, j’ai pensé que si je partais, la subversion menaçante allait déferler et emporter la République. Alors, une fois de plus, je me suis résolu ».

Qu’entre le 24 et le 29 mai 1968, le général de Gaulle ait connu la tentation du départ n’est donc pas contestable. Ce qu’il a dit pendant cette période à certains de ses interlocuteurs sur le caractère « insaisissable » de la situation, ainsi que sur la responsabilité des Français dans ce que cette situation était devenue, le confirme. Mais être tenté de renoncer et avoir décidé de renoncer, ce n’est pas la même chose. Aucun des actes accomplis par le Général du 25 au 28 mai ne peut être interprété comme signifiant qu’il avait cédé à la tentation, ni même qu’il était sur le point d’y céder.

Ce que rapporte Philippe Alexandre[7] sur les confidences qui lui ont été faites par certains des visiteurs que le Général a reçus le 25 mai, au lendemain de son discours télévisé, donne l’impression que de Gaulle se jugeait personnellement mis en cause par les événements. Mais, selon l’expression de Pierre Messmer, il ne « sentait pas » l’avenir ; il se laissait donc aller à formuler les hypothèses les plus pessimistes. Encore, tous ne sont-ils pas d’accord sur le degré de ce pessimisme.

Le dimanche 26, de Gaulle reçoit Michel Debré qui, la veille, parce qu’il est tenu à l’écart des négociations de Grenelle, a donné au Premier ministre sa démission de ministre de l’Economie et des Finances. Le président de la République demande à son interlocuteur de ne pas rendre publique cette démission : il tient donc à ce que, dans une conjoncture critique, son gouvernement ne soit pas affaibli. Charles de Gaulle a également, ce jour-là, une conversation avec son fils, Philippe. François Flohic rapporte [8] qu’au sortir de cette conversation Philippe de Gaulle lui a confié : « Evidemment, mon père est fatigué. Il y a l’âge, et il ne dort pas ou peu ». Selon une interview donnée à Philippe Bouvard par l’amiral de Gaulle[9], celui-ci, le dimanche 26 mai, aurait conseillé à son père de quitter Paris, mais de ne pas se rendre à Colombey, ce qui serait interprété comme un simple départ en week-end ; aussi lui avait-il suggéré de se rendre à Brest.

Le lundi 27, dans l’après-midi, le Général préside une réunion du  Conseil des  ministres, à laquelle assiste Michel Debré et au cours de laquelle Georges Pompidou exprime l’espoir que, malgré l’accueil négatif des ouvriers de la Régie Renault à Georges Séguy, les négociations qui vont s’engager branche par branche industrielle, mettront progressivement fin aux grèves.

On peut penser que, le Premier ministre paraissant avoir échoué, au moins provisoirement, le président de la République considère qu’il lui appartient de se porter de nouveau en première ligne. C’est ce que paraît en effet signifier la convocation qu’il a adressée à Michel Droit, c’est-à-dire à l’interlocuteur avec lequel il a eu les extraordinaires entretiens télévisés de décembre 1965, avant le second tour de l’élection présidentielle. « Voilà, lui dit-il le lundi 27 mai en fin d’après-midi, après mon allocution de l’autre soir, qui aurait pu être meilleure, je sens qu’il faut que je m’explique. Alors j’ai pensé que vous pourriez m’aider »[10]. Rendez-vous est pris pour le lendemain afin de laisser à Michel Droit le temps de réfléchir à la structure qu’il conviendra de donner à cet entretien, qui aura en effet lieu le 7 juin.

Sans doute, selon Philippe Alexandre[11], le Général, au cours du Conseil des ministres, aurait-il donné l’impression de n’être plus le même : « les épaules voûtées, les avant-bras allongés sur la table du Conseil, il fixe sans les voir les ministres qui sont alignés autour de lui ». Mais le témoignage que nous a donné Bernard tricot, présent à cette séance du Conseil, est tout autre : selon lui, les choses se sont déroulées à l’accoutumée, et le Général a présidé le Conseil du 27 mai comme il le faisait toujours.

Sur la journée du 28, nous disposons d’un témoignage capital, celui de Michel Debatisse[12]. Convoqué quelques jours plus tôt par le président de la République, Debatisse est reçu à l’Elysée le 28 à 16 heures. « Pendant plus d’une heure, raconte-t-il, (le Général) m’explique, réexplique, me démontre que tout est perdu, que les ennemis de la France, de l’intérieur comme de l’extérieur, se sont ligués, que réellement les jeux sont faits. J’essaie de répliquer, de lui dire à nouveau que beaucoup de Français comptent sur lui, et lui seul, pour sortir d’un tel gâchis, qu’il doit parler. Il répond qu’il l’a déjà fait, que cela n’a servi à rien. D’ailleurs rien ne sert à rien. C’est la fin de l’entretien. Je suis stupéfait, inquiet et sans doute le laissais-je paraître. A la porte du bureau, je m’adresse une nouvelle fois au Général et répète, qu’à mon sens, il lui faut reprendre la parole. C’est à cet instant que se produit un événement singulier qui contredit tout ce que je viens d’entendre. Le Général me serre la main droite, pose la main gauche sur mon épaule et laisse tomber sans le moindre commentaire : Eh bien ! Debatisse, je parlerai ».

« Faut-il rappeler le lendemain ? ajoute Michel Debatisse . Pour moi qui ait vécu intensément cette rencontre de la veille, je n’ai pas pu croire un seul instant que le pouvoir était vacant. « Je parlerai » n’était par une formule de politesse résignée, c’était une confidence froide livrée par un militaire qui fait ce qu’il dit… La question reste posée : de Gaulle a-t-il joué tous ses proches pour fasciner la France et la reprendre en main, a-t-il perdu pied ? En ce qui me concerne, la confidence faite le mardi à 17 heures tranche le débat ».

Après Michel debatisse, c’est au tour de Michel Droit d’être reçu par de Gaulle. Celui-ci comme il vient de le faire, tient des propos d’un extrême pessimisme[13]. Il analyse les raisons pour lesquelles la conférence de presse faite le matin par François Mitterrand montre que celui-ci fait complètement litière de la Constitution : si la présidence de la République devenait vacante, Gaston Monnerville devrait sans doute accéder provisoirement à l’Elysée, mais le gouvernement Pompidou devrait rester sur place. La guerre civile est à craindre.

De Gaulle ne conclut pas la conversation sur une bote différente, comme il vient de le faire avec Michel Debatisse. Sans doute, tient-il à ce que les intentions dont il a fait part à ce dernier ne soient pas connues. Toujours est-il que Michel Droit, tout en se demandant si le Général se propose de « créer une psychose dramatique qui, propagée par ondes concentriques, serait susceptible d’aider certains à mieux prendre la mesure des menaçantes réalités », quitte l’Elysée fort inquiet. Mais lorsque deux heures plus tard, il se confie à André Dewavrin, ses propos ne troublent guère celui-ci : « Somme toute, me dit-il, le Général vous a fait le coup de l’apocalypse. A Londres et à Alger, il lui arrivait parfois de nous jouer ce jeu-là. Pour nous inquiéter quand il nous trouvait trop rassurés, ou s’il était lui-même pessimiste, pour que nous lui soutenions que les choses n’étaient pas aussi sombres qu’il l’imaginait ».

Ce mardi 28 mai, le Général s’entretiendra encore avec Georges Pompidou, avec Christian Fouchet, ministre de l’Intérieur et avec son fils Philippe. Mais, auparavant, il a adressé un appel téléphonique à son gendre, le général Alain de Boissieu, à Mulhouse, et l’a convoqué à Paris pour le lendemain matin. Il a également prescrit au chef de son état-major particulier, le général Lalande, de se rendre le lendemain à Baden-Baden, auprès du général Massu, commandant les forces françaises en Allemagne, puis à Metz, auprès du général Beauvallet, commandant la 6e Région militaire. C’est le même jour qu’il apprend que Madame de Gaulle, circulant dans Paris, a été l’objet d’une manifestation d’hostilité[14].

Le mercredi 29 mai, le Général, vers 8 heures du matin, d’après ce que l’intéressé a dit le jour même à Madame Massu[15], informe le général Lalande que celui-ci devra emmener avec lui à Baden-Baden le capitaine de vaisseau et Madame Philippe de Gaulle, avec leurs trois enfants. Il reçoit ensuite son directeur de cabinet Xavier de La Chevalerie. Il l’informe que, se sentant fatigué, il ne présidera pas le Conseil des ministres prévu ce jour-là. La Chevalerie en prévient Bernard Tricot, secrétaire général de la présidence de la République, qui est appelé auprès du Général peu après 9 heures[16]. De Gaulle l’informe que le Conseil des ministres est ajourné au lendemain à 15 heures et qu’il le présidera. Bernard tricot le fait savoir à Jean Donnedieu de Vabres, secrétaire général du gouvernement. Mis au courant par celui-ci, Georges Pompidou téléphone à Bernard Tricot et demande à être reçu immédiatement par le général de Gaulle. Il préside ensuite une réunion destinée à mettre au point les mesures d’ordre qu’appelle la manifestation de la CGT prévue pour l’après-midi puis il réitère sa demande auprès de Bernard Tricot. Le général de Gaulle l’appelle alors au téléphone et lui dit qu’il ne peut pas le recevoir parce qu’il est sur le point de partir pour Colombey. : il a absolument besoin de se refaire, par vingt-quatre heures de repos et de campagne. Il sera à Paris le lendemain pour présider le Conseil des ministres. Mais la conclusion de la conversation inquiète Pompidou : « Je suis vieux, lui dit de Gaulle, vous êtes jeune. C’est vous qui êtes l’avenir. Je vous embrasse »[17].

Entre-temps, le Général a demandé qu’on prévienne un de ses aides de camp, le capitaine de vaisseau Flohic, qui n’est pas de service ce matin-là, qu’il a besoin de lui, en uniforme, et muni d’un bagage pour la campagne[18].

Vers 10h. 30, le général de Boissieu est introduit dans le bureau de son beau-père. De la conversation qui s’engage entre eux, il a donné deux récits tout à fait concordants. L’un assez bref, dans une lettre du 23 juillet 1968 à Georges Pompidou, que les proches de celui-ci ont publiée en annexe au texte sur mai 1968 qu’il avait rédigé[19], l’autre, plus développée, dans son livre de souvenirs[20]. Il trouve le Général soucieux et préoccupé, et l’entend, d’emblée, lui faire un tableau très sombre de la situation. Ce tableau ne diffère guère de celui décrit par Michel Debatisse et Michel Droit : le peuple français gaspille ses chances et ne se rend pas compte qu’il hypothèque son avenir avec des gamineries d’étudiants. Le gouvernement ne réagit pas, certains responsables tremblent à la seule idée d’une épreuve de force. Dans de telles conditions, la France n’a pas besoin de De Gaulle à sa tête. Il ferait mieux de rentrer chez lui et d’écrire ses mémoires.

Boissieu se lève alors et dit au Général que ce n’est pas son gendre, mais le général commandant la 7e division qui va s’exprimer : il est chargé de transmettre au président de la République un message de ses deux supérieurs immédiats, le général Beauvallet, commandant la 6e région militaire, gouverneur de Metz et le général Hublot, commandant le 1er corps d’armée à Nancy. La substance de ce message, auquel s’associe pleinement le général de Boissieu, c’est que le président de la République peut absolument compter sur l’armée, qui n’a jamais été aussi disciplinée, s’il a besoin d’elle pour éviter l’écroulement de la France et de la République. L’armée ne comprendrait pas que l’Etat se laissât bafouer plus longtemps.

Le Général donne l’accolade à Boissieu « et poursuit en examinant avec un très grand calme toutes les hypothèses d’actions possibles ». Finalement, « en souriant », il déclare : « Je vais voir si Massu est dans le même état d’esprit, ensuite je parlerai au pays, de Colombey, de Strasbourg… ou d’ailleurs… l’Etat sera là où je serai. Je vais en effet quitter Paris ; si la manifestation communiste de cet après-midi déviait et s’orientait vers l’Elysée, elle n’aurait plus d’objet : on attaque pas un palais vide ».

Le président de la République remet à son gendre deux lettres. L’une, qu’il lui avait déjà confiée avant ses voyages à l’étranger, l’autre contenant des directives à Georges Pompidou « au cas où il lui arriverait quelque chose de grave l’empêchant d’assumer sa charge… ou la mort »[21]. Il lui demande, en rentrant à Mulhouse, de passer à la Boisserie pour faire savoir, par téléphone, au général Massu, qu’il veut le voir. Après avoir envisagé de rencontrer Massu à Sainte-Odile, « haut-lieu qui frapperait les esprits », ou au Dabo, il décide de le convoquer à l’aérodrome de Strasbourg-Entzheim[22]. Au cas où le général Massu ne pourrait être joint, de Gaulle irait le voir à Baden. Mais un secret absolu doit être conservé sur la destination de son voyage, c’est pourquoi il ne faut pas téléphoner à Massu depuis Paris. De Gaulle demande en outre à son gendre de faire lever le service d’ordre établi à Colombey en prévision de son arrivée et de prevenir le personnel de la Boisserie que Madame de Gaulle et lui-même n’y arriveront que le soir, à moins même qu’ils ne passent la nuit chez leur fille et leur gendre à Mulhouse.

Après le départ du général de Boissieu, le capitaine de vaisseau Flohic est introduit auprès du Général qui lui dit qu’il va à Colombey « pour se ressaisir », parce qu’il n’arrive plus à dormir à Paris, mais qui lui prescrit aussi de prendre, sans qu’on le voit, des cartes allant plus à l’est que Colombey[23].

Le Général signe ensuite un acte donnant délégation au Premier ministre de présider le Conseil des ministres, pour le cas où il serait nécessaire de réunir celui-ci avant le lendemain après-midi[24].

Le départ de l’Elysée a lieu vers 11h. 30. L’hélicoptère où se trouve outre le pilote et le radio, le Général,Madame de Gaulle et Flohic, décolle d’Issy-les-Moulineaux vers 11h. 45, suivi de l’hélicoptère de la Sécurité, où ont pris place un médecin militaire en train d’accomplir son service national, le docteur Ménès, ainsi qu’un commissaire et un inspecteur de police, et d’un hélicoptère de la gendarmerie[25].

Les hélicoptères se posent à la base aérienne de Saint-Dizier un peu avant 13 heures et se ravitaillent en carburants. Aucun message du général de Boissieu n’est parvenu pour de Gaulle qui ordonne de reprendre l’air. C’est après le décollage qu’il dévoile au commandant Flohic la destination du voyage : il se rend auprès du général Massu à Baden-Baden. Flohic donne alors à l’hélicoptère d’accompagnement de la gendarmerie l’ordre de regagner sa base et fait poursuivre le vol en silence radio et en rase-mottes, afin que les hélicoptères ne soient pas repérés par les faisceaux-radar[26].

Si le général de Boissieu n’a pu faire parvenir aucun message au Général à Saint-Dizier, c’est d’une part parce que la grève des postes ne lui a pas permis d’obtenir la communication téléphonique avec Massu depuis la Boisserie[27], mais c’est aussi à cause d’ennuis mécaniques de son hélicoptère (vibrations des rotors) qui l’ont contraint à faire une escale avant d’arriver à Colombey[28] . Le message radio qu’il a envoyé à la base de Saint-Dizier depuis son hélicoptère est parvenu lorsque le Général avait déjà pris l’air.

Sur ce qui s’est passé à Baden, nous disposons de deux témoignages, celui de l’amiral Flohic, dans ses souvenirs, et celui du général Massu, tel que celui-ci l’a rendu public, d’abord dans une interview à Jean Mauriac[29], ensuite dans un livre[30]. Seuls les textes de Massu nous renseignent sur le contenu des entretiens que celui-ci a eus avec le Général, entretiens auxquels Flohic n’a pas assistés.

Mais on ne peut aucunement considérer comme un témoignage de première main ce que Georges Pompidou a écrit à ce sujet et qui figure dans le texte sur Mai 68, inséré dans l’ouvrage posthume intitulé Pour rétablir une vérité, auquel il a déjà été fait allusion, et que ces proches ont publié en 1982. En effet, ce qui figure dans ce texte quant à la conversation qui a eu lieu le 29 mai entre de Gaulle et Massu repose sur un compte rendu fait au Premier ministre par le ministre des Armées, Pierre Messmer, à propos de ce que lui avait dit le général Massu, ainsi que sur un récit fait ensuite par celui-ci à Pompidou. Les souvenirs de ce dernier l’ont d’ailleurs trompé sur la date de ce compte rendu et de ce récit, qu’il « croit » être le vendredi 31 mai[31]. Or le général Massu écrit[32] que c’est seulement le 7 juin qu’il est allé à Paris pour y rencontrer le ministre des Armées, auquel on comprend bien que, officier général en activité, il ait voulu rendre compte de ce qui s’était passé entre lui et le général de Gaulle le 29 mai. Et Pierre Messmer confirme que ce compte rendu lui a été fait « dix ou quinze jours après le 29 mai[33] (en fait, 9 jours).

Il n’est pas sans importance que ce soit seulement le 7 juin que Georges Pompidou ait connu la version du général Massu quant à l’après-midi du 29 mai. L’erreur de date qu’il a commise à cet égard, lorsqu’il a écrit son texte sur Mai 68, explique en effet qu’il ait alors cru qu’il connaissait déjà cette version lorsque, le 1er juin, il a eu l’émotion d’entendre le Général lui dire : « Pour la première fois de ma vie, j’ai eu une défaillance. Je ne suis pas fier de moi ». Dans son récit, Georges Pompidou dit qu’il a interprété cette phrase comme une confirmation de ce que lui avait dit Massu au sujet de la décision de retrait qui aurait été prise par le Général avant l’arrivée à Baden, décision que seules les insistances de Massu lui auraient fait abandonner.

Mais il s’agit là d’une reconstruction a posteriori : le 1er juin, Georges Pompidou n’a aucune raison sérieuse d’attribuer à la phrase du Général le sens qu’il lui a donné par la suite. Car la « défaillance » que se reprochait de Gaulle, ce pouvait simplement être d’avoir été pendant quelques jours, après le 24 mai, dans un état d’incertitude et de « dessaisissement » quant à la manière de faire face aux événements.

Ce qu’a écrit Georges Pompidou, comme la lettre précitée de Pierre Messmer, n’en montre pas moins que c’est dès l’origine que le général Massu a interprété comme il le fait encore aujourd’hui le voyage du général de Gaulle à Baden-Baden.

Sur les circonstances matérielles de la brève présence du Général à la résidence du général commandant les Forces françaises en Allemagne, les récits de l’amiral Flohic et du général Massu sont concordants, à cela près que Flohic pense que de Gaulle était seul lorsqu’il lui a été servi un léger repas, alors que Massu dit qu’il était alors auprès de lui. Sur l’horaire, il y a un léger décalage : selon Flohic, l’hélicoptère du Général se serait posé çà la résidence à 14h. 50 et serait reparti à 16h. 30, le Général ayant exprimé à 16 h. son intention de se rendre à Colombey. Selon Massu, l’arrivée a eu lieu à 15h. 15 et le départ à 16h. 45. La durée totale du séjour à Baden-Baden aurait donc été de 1H40 d’après Flohic, de 1h. 30 seulement d’après Massu.

Dans l’interview que celui-ci avait donnée à Jean Mauriac le 21 juin 1982, il avait cependant assigné à sa conversation avec le Général – qui s’est certainement achevée une demi-heure au moins avant l’envol des hélicoptères – une durée d’ « environ 2 heures », ce qui était certainement fort exagéré.

Là n’est cependant pas l’essentiel : il consiste dans l’interprétation formulée par le général Massu, et que Georges Pompidou a parfaitement résumée en ces termes : « En réalité, le Général avait eu une crise de découragement. Croyant la partie perdue, il avait choisi le retrait. En arrivant à Baden-Baden, les dispositions avaient été aussitôt prises pour un séjour prolongé. Philippe de Gaulle et sa famille étaient là également. L’ambassadeur de France était convoqué pour recevoir instructions de prévenir le gouvernement allemand. C’est le général Massu qui, par son courage, sa liberté d’expression, son rappel du passé, l’assurance de la fidélité de l’armée, réussit à modifier la détermination du Général, puis à la retourner complètement[34].

Que Georges Pompidou ait aisément accepté l’interprétation de Massu lorsqu’elle a été portée à sa connaissance n’a rien de surprenant. Il a écrit lui-même que lorsqu’il a appris de Bernard Tricot, au début de l’après-midi du 29 mai, que le Général n’était pas arrivé à Colombey et qu’on avait perdu sa trace, il avait poussé ce cri : « Il est parti pour l’étranger ![35] ».

Mais il est difficile de comprendre qu’ultérieurement, lorsqu’il a rédigé ses souvenirs sur Mai 68, il ne se soit pas rendu compte qu’une telle interprétation était tout à fait inconciliable avec ce que le général de Boissieu lui avait écrit le 23 juillet 1968, dans la lettre qui a été annexée à ses souvenirs. Cette lettre précisait en effet que « le Général devait décider à la première escale technique s’il se rendrait de lui-même à Baden ou s’il convoquerait le général Massu au Dabo ou à Sainte-Odile ». Elle faisait connaître en outre qu’en concluant sa conversation du 29 mai au matin avec son gendre, de Gaulle avait dit que, si Massu pensait comme celui-ci, si l’armée était fidèle à la République, on pourrait « prendre le risque de l’épreuve décisive »[36]. De tout cela, ne ressort-il pas avec évidence que le Général avait quitté Paris, non pas afin de « partir pour l’étranger », mais bien afin de rencontrer Massu, en France si possible, et, sinon, en République fédérale d’Allemagne ?

Comment donc ne pas penser que, si Georges Pompidou a si volontiers accepté, dès qu’il l’a connue (le 7 juin, pas le 31 mai) l’interprétation selon laquelle de Gaulle avait quitté Paris le 29 mai sans espoir de retour, et tout à fait résolu à abandonner l’exercice de ses fonctions, puis n’est revenu sur cette décision que sous l’influence du général Massu, c’est (sans certainement qu’il en ait eu conscience) sous l’effet du ressentiment qu’il ne se cache pas d’avoir éprouvé envers le président de la République, parce que, au plus fort d’une crise dangereuse, celui-ci avait quitté Paris en trompant son Premier ministre sur la destination de son voyage et sans lui faire part de ses intentions véritables[37]. Le comportement du Général à l’égard de Georges Pompidou s’explique certes fort bien, si l’on admet qu’il agissait pour produire sur l’opinion un choc qui lui permettrait de  « ressaisir la France » : le secret le plus complet sur ce qu’il allait faire était la condition sine qua non du succès. On n’en comprend pas moins l’irritation de Pompidou, que devaient entretenir par la suite les conditions de son remplacement à l’Hôtel Matignon par Maurice Couve de Murville, puis le malentendu avec de Gaulle provoqué par l’exploitation abusive de ce qu’il avait dit incidemment à Rome à propos de son éventuelle candidature à la présidence de la République, enfin les obscures machinations ourdies à propos de l’affaire Markovic.

Revenons sur le témoignage du général Massu sur l’entretien que celui-ci a eu le 29 mai 1968 avec le général de Gaulle à sa résidence de Baden-Baden. Ce que ce témoignage a de plus frappant, c’est sa brièveté : le livre publié en 1983 n’ajoute rien à l’interview de 1982 quant à la teneur des propos attribués au général de Gaulle, si ce n’est une version plus développée de la déclaration initiale « sombrement » faite par celui-ci à sa descente d’hélicoptère : « Tout est foutu, les communistes ont provoqué une paraysie totale du pays. Je ne commande plus rien. Donc, je me retire, et comme je me sens menacé en France, ainsi que les miens, je viens chercher refuge chez vous afin de déterminer que faire »[38]. Mais ce qu’aurait dit de Gaulle ensuite occupe exactement 24 lignes[39] d’un ouvrage qui comporte 153 pages. Quant aux objurgations de Massu, qui auraient duré plus d’une heure[40] – ce qui ne paraît guère compatible avec ce que l’on sait de la durée totale de la présence du Général à la résidence – elles sont exposées en 68 lignes[41].

Que penser de ce témoignage ? Les premiers mots de la déclaration initiale paraissent tout à fait plausibles jusque et y compris l’affirmation : « Je me retire ». Il me semble que la suite – « je me sens menacé… Je viens chercher refuge… » sonne beaucoup moins juste. Non seulement parce qu’elle n’est pas conciliable avec l’intention première de De Gaulle qui, cela me paraît parfaitement établi par le témoignage du général de Boissieu, n’était aucunement de sortir de France, mais de rencontrer Massu en Alsace. Le général Massu n’en croit rien parce que le général de Gaulle n’a pas donné suite à sa proposition de le faire conduire à Strasbourg[42]. Mais si, comme je le pense, l’intention de De Gaulle était avant tout de rencontrer Massu, avant de se rendre à Mulhouse, chez sa fille ou chez lui, à Colombey, il n’y aurait eu là qu’une perte de temps.

Le bref résumé que donne Massu de ce que lui a dit de Gaulle au cours de leur entretien ressemble trait pour trait à ce que Michel Debatisse et Michel Droit disent avoir entendu de sa bouche la veille : même description « apocalyptique » (selon le mot d’André Dewavrin) de la situation du pays, mêmes reproches adressés aux Français et à certains responsables du pouvoir, même affirmation qu’il n’y a plus rien à faire pour endiguer l’inondation.

Fallait-il prendre ces propos à la lettre ? Le général Massu en est convaincu. Dans la préface de son livre, il va jusqu’à qualifier de « mensongères » les interprétations comme celle de Jean Marin, selon laquelle le général de Gaulle l’aurait « provoqué par une tirade étudiée et peut-être délibérément ambiguë »[43].

C’est un peu vite dit : tous ceux qui ont eu affaire à Charles de Gaulle savent en effet combien fréquemment, celui-ci a entamé une conversation en s’adressant de façon provocante, avec un humour noir qui n’appartenait qu’à lui, à celui qu’il voulait faire réagir. Une telle provocation ne devait pas être prise au pied de la lettre : elle n’avait pas pour objet d’exprimer ce que pensait vraiment le Général mais, par le choc qu’elle exerçait sur l’interlocuteur, de susciter de la part de celui-ci une réponse correspondant à sa pensée profonde, sans aucun ménagement dans l’expression de cette pensée. Il est cependant hors de doute que le général Massu a cru que les mots : « Tout est foutu… je me retire » correspondaient dans leur brutalité à ce que ressentait et ce qu’avait décidé le général de Gaulle. C’est donc en toute sincérité qu’il a entrepris de combattre de toutes ses forces ce qu’il croyait être la détermination de celui-ci.

Prenant ainsi pour argent comptant ce que lui avait dit, d’emblée, de Gaulle, il a eu l’incontestable mérite de réagir comme il l’a fait. Il croit avoir ainsi retourné les dispositions du Général. C’est qu’il ignore ce que l’on sait aujourd’hui : dès le 28 mai, à la fin de sa conversation avec Michel Debatisse, de Gaulle avait conclu l’entretien en disant à son interlocuteur : « Eh bien ! Debatisse, je parlerai », ce qui signifiait : je resterai à mon poste et j’agirai. Or, c’est exactement ce qu’il a fait. Que la réaction de Massu aux propos catastrophiques de De Gaulle ait été de nature à encourager celui-ci est évident. Ce qui est loin de l’être, c’est que cette réaction ait eu  une influence déterminante sur une décision dont beaucoup de raisons donnent à penser qu’elle était déjà prise.

Dans sa simplicité un peu rude de valeureux soldat, Massu devait être d’autant plus porté à croire que sa conversation avec le Général avait retourné les résolutions de celui-ci, que, son livre en témoigne, l’influence de Madame Massu sur son mari était grande. Or, dès l’annonce de l’arrivée du Général et de Madame de Gaulle sur le terrain de Baden-Os, donc avant que ceux-ci fussent parvenus à la résidence du commandant des Forces françaises en Allemagne, Madame Massu, s’imaginant que la présence hors du territoire national du président de la République signifiait que celui-ci renonçait à ses fonctions, avait pris en toute hâte des dispositions pour leur permettre de faire chez elle un séjour prolongé. Pour leur préparer des chambres, elle avait même fait évacuer avec précipitation de l’une de celles-ci, les affaires de Madame Lucie Louet, alors en promenade, qui l’occupait pour quelques jours[44].
Les notes de Madame Massu, abondamment reproduites dans le livre de son mari, doivent au surplus être consultées avec précaution : sur un point au moins, elles ne correspondent certainement pas à la réalité. Il est en effet absolument impossible que, Madame Massu ayant demandé à Madame de Gaulle si le Général et elle avaient déjeuné, ait reçu, comme elle l’écrit, cette réponse : « Non, non, nous n’avons rien pris et nous sommes en l’air depuis 11h. du matin. Nous n’avons fait que nous arrêter à Colombey pour prendre quelques valises [45]. Car le départ d’Issy-les-Moulineaux avait eu lieu à 11h. 45 et la seule escale du voyage avait eu lieu à Saint-Dizier.

Dans une telle atmosphère, comment ne pas comprendre que, lorsque (à 16 h. selon Flohic[46] ou peut-être même un peu plus tard si l’horaire de celui-ci est un peu en avance sur la réalité) le général de Gaulle a fait connaître sa décision de repartir le plus tôt possible pour Colombey, le général Massu ait eu la conviction vite partagée (quoi de plus naturel), que c’était lui qui avait trouvé les mots capables de convaincre le Général de renoncer à la décision de cesser l’exercice de sa responsabilité de chef de l’Etat ?

Mais on ne peut pas partager cette conviction du général Massu.

Comment croire, en effet, que, si vraiment, le 29 mai 1968, le général de Gaulle avait pris la décision – et pas seulement connu depuis quelques jours la tentation – d’abandonner ses fonctions, ce serait le général Massu qu’il aurait choisi pour être le premier informé de cette résolution ? Les relations entre les deux hommes n’avaient jamais été intimes. Madame Massu n’écrit-elle pas elle-même[47]que, depuis « l’entrevue de 1960, si violente, au lendemain de son rappel d’Alger », les rapports entre son mari et de Gaulle « ont toujours été impersonnels » ? Sans doute, dans son interview à Jean Mauriac[48], Massu a-t-il déclaré : « Vous savez, j’avais mon franc-parler avec de Gaulle. J’aimais bien le Général. J’avais avec lui une liberté d’expression totale. Elle a porté son fruit en d’autres circonstances. En 1960, par exemple, quand j’ai été rappelé d’Algérie ». Mais on a le droit d’être sceptique sur les « fruits » de ce que Massu lui avait dit alors, quant à la politique algérienne du général de Gaulle. Massu se faisait donc certainement des illusions quant à l’influence qu’il pouvait avoir sur de Gaulle.

Il est par contre certainement vrai que celui-ci savait Massu « toujours prêt à le servir, avec la fidélité affectueuse, un peu rugueuse »[49] qui le caractérisait. Et il ne pouvait éprouver le moindre doute sur la réaction qu’il déclencherait de sa part en lui révélant que « tout était foutu, il se retirait ».

Je ne pense cependant pas que ce soit seulement, ni même principalement, parce qu’il souhaitait s’entendre dire qu’il n’avait pas le droit d’abandonner ses responsabilités de chef de l’Etat, à un moment où cet Etat se trouvait menacé, que de Gaulle, le 29 mai 1968, ait décidé de se rendre auprès de Massu. Et cela, dans des conditions telles que, le secret ayant été totalement gardé sur la destination du voyage, celle-ci ne fût connue des Français qu’après quelques heures d’incertitude sur ce qu’était devenu le président de la République.

Ce n’était certainement pas non plus pour s’enquérir auprès du général commandant les FFA de l’état du moral de ses troupes. Ce que le Général avait appris à ce sujet par le général de Boissieu et par les messages des généraux Beauvallet et Hublot devait de toute évidence être également vrai des unités stationnées en République fédérale d’Allemagne. Massu nous apprend d’ailleurs que de Gaulle ne lui a posé aucune question à ce sujet[50].

Pourquoi alors de Gaulle a-t-il été voir Massu ? Je pense que c’était peut-être, d’abord, pour vérifier par un contact personnel avec celui qu’il avait dû relever de son commandement en janvier 1960, que les séquelles des ressentiments dus à l’indépendance de l’Algérie n’avaient pas laissé de trace irrémédiables dans l’esprit d’un officier général particulièrement représentatif de ceux qui avaient cru le plus fermement à l’Algérie française.

Mais je suis convaincu que le voyage du général de Gaulle le 29 mai 1968 avait surtout pour but d’opérer un choc décisif sur l’opinion, choc qu’une entrevue avec tout autre chef militaire n’aurait pas pu provoquer : le nom du général Massu était universellement connu, chacun savait le rôle qui avait été le sien dans la Bataille d’Alger, puis au moment du 13 mai 1958, mais aussi le désaccord survenu entre de Gaulle et lui en 1960. L’association soudaine de ces deux noms : de Gaulle et Massu – association révélée de la façon la plus inattendue après quelques heures d’incertitude due à ce que le Général n’était pas arrivé à Colombey et à ce qu’on ne savait pas où il était – ne pouvait manquer d’exercer sur l’opinion un effet considérable et de convaincre les Français que le chef de l’Etat était résolu à recourir à tous les moyens propres à mettre fin à la « chienlit ».

Telle est selon moi l’explication fondamentale du voyage du 29 mai à Baden-Baden, même si ce n’est pas l’explication unique. Le départ de Paris ne marquait pas de renonciation mais le début du ressaisissement. Cependant, les conditions dans lesquelles il s’était produit, et notamment la dissimulation à laquelle le Général s’était jugé contraint à l’égard de son Premier ministre, avaient entouré ce départ d’un tel rideau de fumée que cela ne pouvait guère être compris clairement. Et l’interprétation donnée par le général Massu à son entretien avec le général de Gaulle et à l’effet de cet entretien sur celui-ci, en dépit du petit nombre de ceux à qui il dit en avoir alors fait part, a cependant été connu à l’époque par un certain nombre de personnes, notamment par le journaliste Philippe Alexandre[51]. Je considère cependant, que compte tenu de tout ce que l’on sait aujourd’hui, cette interprétation n’est plus soutenable.

Encore convient-il cependant d’examiner rapidement la valeur de certains arguments secondaires qui semblent pouvoir être invoqués à l’appui de la thèse du général Massu.

Et d’abord, celui-ci : il est incontestable, l’amiral Flohic[52] et le général de Boissieu[53] confirment ce qu’écrit à cet égard le général Massu[54], que de Gaulle a exprimé par la suite à ce dernier, en termes extrêmement forts, la reconnaissance qu’il éprouvait envers lui pour son accueil du 29 mai. Cette reconnaissance s’explique d’abord, me semble-t-il, par le fait que le général Massu a eu ce jour-là le comportement qu’attendait de lui le Général : « Massu a été Massu ; il n’a pas bronché ; d’ailleurs je lui ai donné l’accolade », avait dit de Gaulle à son gendre[55]. Peut-être, le Général, éprouvant quelques remords d’avoir trompé son ancien compagnon d’armes, ce soldat à l’esprit sans détours, sur ses intentions véritables, a-t-il tenu, par compensation, à lui témoigner une reconnaissance plus grande que celle qu’il éprouvait réellement. Mais je pense surtout que, dans la mémoire affective du général de Gaulle, le souvenir de son entretien avec Massu s’est trouvé inextricablement confondu avec celui de la journée au cours de laquelle, traduisant en actes ce qu’il avait annoncé la veille à Michel Debatisse, il s’était « ressaisi », après quatre journées d’incertitude. Le comportement de Massu le 29 mai a d’ailleurs pu consolider ce ressaisissement, même s’il me paraît tout à fait exclu qu’il ait déterminé celui-ci : car à mon sens, il avait commencé à se manifester dès que le Général avait décidé de « parler » de nouveau, malgré l’échec de son discours du 24 mai.

Vient ensuite la question des bagages. On a vu plus haut pourquoi ce que Georges Pompidou a écrit sur « les dispositions prises pour un séjour prolongé à Baden » n’a aucune signification véritable : ces « dispositions » avaient été prises par Madame Massu avant que le Général et Madame de Gaulle fussent arrivés chez celle-ci. Elles ne révèlent donc que les intentions que leur prêtait Madame Massu. Il n’en reste pas moins que les bagages emportés le 29 mai par le Général et Madame de Gaulle étaient « plus nombreux qu’à l’accoutumée »[56]. « Ils sont plus lourds et les garçons feront plusieurs voyages pour les déposer à la résidence » écrit Madame Massu non peut-être sans quelque exagération[57]. Mais on ne saurait en conclure que le général de Gaulle se proposait de faire à Baden un « séjour prolongé ». Ce serait oublier d’abord que,  si Boissieu avait pu joindre Massu, l’entrevue avec celui-ci aurait eu lieu à l’aérodrome de Strasbourg-Entzheim. Ce serait en outre négliger le fait que de Gaulle , avant une manifestation cégétiste dont il ne savait pas comment elle tournerait, n’excluait certainement pas de s’installer à Strasbourg d’où, avait-il dit à son gendre, il se pourrait qu’il parlât au pays : les bagages devaient donc normalement être plus importants que pour un week-end. De toute façon, compte tenu de ce que figurait parmi eux une caisse en bois d’un mètre de long sur une largeur de 50 à 70 centimètres et d’une hauteur de 30 centimètres, contenant le matériel nécessaire pour une transfusion de sang[58]  et de ce que chacun des deux hélicoptères transportait cinq personnes, il n’est pas matériellement possible que ces bagages aient vraiment été considérables.

Le fait que l’ambassadeur de France à Bonn ait été informé de la présence du président de la République à Baden, et ait reçu instruction d’en faire part au gouvernement fédéral, n’a aucune signification : il s’agissait là de satisfaire à une convenance diplomatique élémentaire, même pour un séjour de moins de deux heures.

Enfin, le Général, comme cela a été indiqué plus haut, a donné instruction au général Lalande, le 29 mai au matin, d’emmener avec lui à Baden-Baden le capitaine de vaisseau et Madame Philippe de Gaulle avec leurs trois enfants mais cela ne révèle en aucune façon une décision de retrait qui, en elle-même, n’auraient en rien concerné le fils du Général. Cela correspond à la volonté de ne pas laisser d’otages à Paris, pour le cas où la manifestation cégétiste du 29 mai après-midi aurait fourni à ceux qui se proposaient de former un « gouvernement provisoire de gestion » l’occasion de réaliser ce projet. Les questions posées par le Général à son gendre le 29 mai au matin, pour savoir si lui et les siens étaient en parfaite sécurité à Mulhouse, sont à cet égard révélatrices[59].

Restent à apprécier deux autres des informations avancées à l’appui de la thèse selon laquelle le Général avait quitté Paris sans esprit de retour, et aurait modifié sa décision au cours de sa présence auprès du général Massu.

A deux reprises, dans le livre que nous avons cité plusieurs fois, Philippe Alexandre fait allusion à un déplacement des archives du Général opéré le 29 mai. Les archives auraient été entassées le matin dans un camion qui aurait quitté l’Elysée « par la grande porte, au nez des journalistes », et qui « sur une route de l’Est », aurait ensuite emporté malles et caisses remplies d’archives appartenant au Général[60]. La source de cette information n’est pas donnée par l’auteur. Mais aussi bien Bernard Tricot, à l’époque secrétaire général de la présidence de la République[61], que Madame France Gorny, alors chargée de la conservation et du classement des papiers du Général[62], opposent à cette affirmation un démenti formel : il n’y a eu à l’Elysée le 29 mai 1968 (à la différence du 28 avril 1969) aucun enlèvement d’archives.

Philippe Alexandre a également écrit que le 29 mai, à Baden, ce serait la « divine surprise » d’une information selon laquelle la manifestation organisée par la CGT s’était dispersée dans le calme, qui aurait décidé le Général « brusquement ragaillardi » à regagner Colombey[63], donc à un moment où le Général se trouvait depuis une heure et demi à la Boisserie.

En somme, sans nier le moins du monde, car il l’a lui-même reconnu, qu’entre le 24 et le 29 mai, le général de Gaulle ait connu la tentation du renoncement, je considère que c’est bien lui qui, comme il me l’a dit, s’est ressaisi. Le rôle du général Massu dans ce ressaisissement n’ayant eu aucun caractère déterminant et ayant surtout été dû à ce que l’image de sa personne que sa carrière avait créée dans l’opinion française, avait fait de lui l’interlocuteur rêvé pour le Généra, au moment où dans une crise grave, celui-ci voulait opérer sur cette opinion un choc capable de la galvaniser.

Depuis le 18 juin 19540, de Gaulle l’a dit lui-même à Michel Droit le 7 juin 1968, il avait subi à plusieurs reprises cette tentation et il l’avait toujours surmontée. Il ne s’en est pas moins retiré effectivement le 20 janvier 1946. Mais tout donne à penser qu’il avait alors espéré que son retour aux affaires ne tarderait pas en raison de l’inconsistance inévitable d’un gouvernement partagé entre les partis. Dans la personnalité si riche et si complexe de Charles de Gaulle, cette tentation récurrente du départ s’expliquait par une certaine propension au nihilisme, ou tout au moins au doute sur la valeur de l’action, qu’il lui ait arrivé d’exprimer plus d’une fois en citant Nietzsche : « Rien ne vaut rien. Il ne se passe rien, et cependant tout arrive. Mais cela est indifférent », formule dont on retrouve un écho dans sa conversation du 28 mai avec Michel Debatisse : « D’ailleurs, rien ne sert à rien ». Cette tendance au nihilisme et à la renonciation, Charles de Gaulle, tout au long de sa vie, a su la surmonter grâce à sa volonté. En Mai 698 comme auparavant.

Inextricablement entremêlée aux effets de la tentation du départ, existait aussi chez lui une attitude tactique, consistant à « prendre du champ », à s’éloigner physiquement, lorsque la conjoncture s’assombrissait, dans l’espoir que le désarroi où cet éloignement jetterait les partenaires qui lui créaient des difficultés, lui permettrait en définitive de résoudre le problème comme il l’entendait.

Cette tactique, de Gaulle l’a utilisée plus d’une fois avant mai 1968. Par exemple, à Londres en mars 1942, au moment où le soutien donné par le gouvernement britannique à la tentative de sécession de l’amiral Muselier menace la cohésion de la France Libre, ou en juin 1943, à Alger, lorsque l’obstination du général Giraud à prétendre cumuler le commandement en chef des forces armées avec la co-présidence de ce véritable gouvernement provisoire qu’était alors, sans en porter le nom, le Comité français de libération nationale, conduit celui-ci dans une impasse. Dans le premier cas, écrit le Général « comme les assurances nécessaires tardaient à me parvenir, je m’en fus à la campagne, prêt à tout, m’attendant à tout… J’avais fait savoir à nos alliés que je ne pourrais, à mon grand regret reprendre mes rapports avec eux avant qu’eux-mêmes eussent appliqué l’accord qui els engageait. Ce fut fait le 23 mars »[64]. Dans le second cas rappelle-t-il, « je me cantonnais aux Glycines, tout enveloppé d’affliction, laissant entendre que je m’apprêtais à partir pour Brazzaville. En fait l’impression produite par cet effet délibéré précipita l’évolution »[65]. Chaque fois, cette tactique a réussi. Au bout de quelques jours, le partenaire récalcitrant est venu à résipiscence. Dans l’esprit du Général, le départ du 20 janvier 1946 était sans doute destiné à produire le même effet ; mais cette fois ce fut l’échec. En 19678 par contre, « l’éclat délibéré » devait de nouveau réussir.

L’intention de s’éloigner physiquement en quittant Paris, le général de Gaulle l’a d’ailleurs eue très brièvement en avril 1961 avant l’effondrement du putsch des généraux. Il avait alors décidé, s’il jugeait nécessaire de quitter l’Elysée, « d’aller dans l’Est »[66] – tout comme il devait le faire le 29 mai 1968.

Quiconque se souvient de ce qu’étaient certains palais nationaux dans les dernière journées de mai 1968, de l’atmosphère de désarroi, d’intrigues, parfois de trahisons, qu’o n y respirait, comprendra qu’il était impossible que certains échos de ce qui se passait ailleurs  ne parvinssent pas à l’Elysée. Que de Gaulle ait alors voulu prendre du champ et respirer un autre air s’explique donc tout naturellement. Cela ne signifiait aucunement  qu’il eût décidé d’abandonner le combat.

Ce combat qu’il devait livrer victorieusement le 30 mai 1968 grâce en partie à ce qu’il avait fait le 29.

  1. Je tiens à dire combien les conversations que j’ai eues avec Geoffroy de Courcel, Pierre Lefranc et Bernard Tricot m’ont été précieuses pour mener l’enquête et les réflexions sur lesquelles reposent le texte qu’on vient de lire. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés. Mais c’est naturellement sur moi seul que repose la responsabilité des insuffisances de ce texte, comme des jugements qu’on y a lus.

 

[1] François Flohic, Souvenirs d’Outre-Gaulle. Paris, Plon, 1970, p. 175.

[2] Philippe Alexandre, L’Elysée en péril. Paris, Fayard, 1969, p. 245.

[3] Témoignage de Bernard Tricot à l’auteur.

[4] Le 16 juin était la date alors prévue pour le référendum.

[5] Année politique, 1968, p. 380.

[6] Cet épisode, rapporté par Philippe Alexandre, op. cit., p. 245, nous a été confirmé par Bernard Tricot.

[7] Philippe Alexandre, op. cit., p. 184.

[8] François Flohic, op. cit., p. 184.

[9] Paris-Match, 14 août 1980.

[10] Michel Droit, Les Feux du crépuscule, Journal, 1968, 1969, 1970. Paris, Plon, p. 35.

[11] Philippe Alexandre, op. cit., pp. 315-316.

[12] Michel Debatisse, Le Projet paysan. Paris,Seuil, 1983.

[13] Michel Droit, op. cit., p. 39.

[14] Voir à ce sujet, Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité. Paris Flammarion, 1982, pp. 191-192 ; Alain de Boissieu, Pour servir le Général. Paris, Plon, 1982, p. 185 ; Général Massu, Baden 68. Paris, Plon, 1983.

[15] Général Massu, op. cit., p. 94.

[16] Témoignage de Bernard Tricot.

[17] Georges Pompidou, op. cit., pp. 192-193.

[18] François Flohic, op. cit., p. 176.

[19] Georges Pompidou, op. cit., pp. 249-251.

[20] Alain de Boissieu, op. cit., pp. 185-188.

[21] La lettre à Georges Pompidou du 23 juillet 1968 ne fait pas allusion à ces  deux lettres. Mais Georges Pompidou (op. cit. p. 202) indique qu’il apprit « par la suite que le général Alain de Boissieu, qui était allé directement sur Colombey, détenait une lettre à (lui) adressée, et qui (lui) confiait en terme qu’(il) ne (connaît) pas, tous les pouvoirs ».

[22] La lettre du 23 juillet 1968 ne mentionne que Sainte-Odile et le Dabo.

[23] François Flohic, op. cit. p. 176.

[24] Témoignage oral de Bernard Tricot à l’auteur.

[25] Interview du docteur Daniel Ménès, Le Nouvel observateur, 3 juin 1983.

[26] François Flohic, op. cit., pp. 176-177.

[27] Alain de Boissieu, op. cit., p. 189.

[28] Témoignage oral du général de Boissieu à Pierre Lefranc.

[29] Dépêche AFP du 21 juin 1982.

[30] Général Massu, Baden 68. Souvenirs d’une fidélité gaulliste. Paris, Plon, 1983.

[31] Georges Pompidou, op. cit., p. 201.

[32] Général Massu, op. cit., p. 131.

[33] Lettre de Pierre Messmer à l’auteur, 14 avril 1983.

[34] Georges Pompidou, op. cit., p. 201.

[35] Georges Pompidou, op. cit., p. 193.

[36] Georges Pompidou, op. cit., pp. 249-251.

[37] Georges Pompidou, op. cit., p. 196.

[38] Général Massu, op. cit., pp. 79-80

[39] Général Massu, op. cit., pp. 87-91.

[40] Général Massu, op. cit., p. 92.

[41] Général Massu, op. cit., pp. 88-92.

[42] Général Massu, op. cit., p. 88.

[43] Général Massu, op. cit., pp. 9-10.

[44] Général Massu, op. cit., p. 75 et p. 111.

[45] Général Massu, op. cit., pp. 81-82.

[46] François Flohic, op. cit., p. 181.

[47] Général Massu, op. cit., p. 126.

[48] Dépêche AFP du 21 juin 1982.

[49] Général Massu, op. cit., p. 63.

[50] Général Massu, op. cit., p. 152.

[51] Georges Pompidou, op.cit., p. 202.

[52] François Flohic, op. cit., pp. 184-185.

[53] Alain de Boissieur, op. cit., p. 190.

[54] Général Massu, op. cit., pp. 142-143.

[55] Alain de Boissieu, op. cit., p. 190.

[56] François Flohic, op. cit., p. 176.

[57] Général Massu, op. cit., p. 181.

[58] Interview du docteur Daniel Ménès, Nouvel Observateur, 3 juin 1983.

[59] Alain de Boissieu, op. cit., p. 191.

[60] Philippe Alexandre, op. cit., pp. 319-320 et 161.

[61] Témoignage oral de Bernard Tricot à l’auteur.

[62] Lettre à l’auteur de Madame France Gorny en date du 27 janvier 1983.

[63] Philippe Alexandre, Le Quotidien de Paris, 13 juillet 1982.

[64] Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome 1, p. 223.

[65] Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome 2, p. 113.

[66] Témoignage oral du colonel de Bonneval à l’auteur.

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