Mai 68 

Editorial de Jacques Godfrain

Les plumes s’empressent et se bousculent, les déclarations se multiplient, décrivant par le menu Mai 68.

Ah ! Combien il est excitant pour beaucoup de ces « témoins virtuels et analystes d’arrière-boutique » d’être sollicités par journaux, revues et autres magazines.

Beaucoup d’entre eux n’avaient jamais respiré de gaz lacrymogènes, ni entendu les percuteurs des fusils à grenades. Ils avaient échappé, grâce à la fin de la guerre d’Algérie, aux bruits des explosions et aux embuscades mortelles. Ils avaient pu apprendre, au-delà du secondaire ou du bac, grâce à la création des IUT, des nouveaux labos ou amphis. Ils avaient même imaginé devenir chercheurs au CNRS, en histoire, en sociologie, en nouvelles technologies des télécom, de l’électricité, de la chimie. Ces nouvelles technologies s’ouvraient à eux depuis le début des années soixante par ce que « le Vieux » était plus moderne qu’eux.

Jamais l’Université ne s’était autant ouverte.

Alors sociologues, psychologues, philosophes, historiens jouent aux médecins légistes d’une société jugée moribonde.

Mais les commentaires les plus audacieux d’esprits prétendument sagaces s’appuient-ils sur la réalité de ces soixante-huitardes journées ?

Au contraire, beaucoup d’historiens n’aiment pas les témoins directs, surtout quand ce qu’ils ont vécu en vrai est contraire à leurs idées préconçues.

Il faut pourtant aller vers eux et respecter leur témoignage.

Où sont les caves de la rue de Solférino remplies d’étudiants torturés évoquées dans des ouvrages de commentateurs ?  Où sont les rangées d’étudiants menacés par les CRS comparés à des SS ? Ceux-ci ont subi les pires insultes.  Imaginons ce qu’aurait été le sort de telles manifestations face à l’occupant quelques années plus tôt.

Mai 68 suggère des analyses tellement injustes par rapport à la réalité universitaire et aux nouveaux emplois créés par les gouvernements du général de Gaulle.

Beaucoup d’entre eux, aveugles sur les années de paix et de croissance d’avant Mai 68, devinrent sourds au bruit des chars soviétiques de Prague quelques mois plus tard. Il faut dire qu’ils n’avaient pu entendre les mêmes chars à Budapest ou à Leipzig quelques années avant.

Mais les rédactions ont décidé par avance qu’il fallait interpréter ce qu’elles n’avaient jamais vu ni vécu.

Il est temps que de courageux analystes ou témoins, après avoir pris connaissance de ces « certitudes », osent affirmer que Mai 68 n’était pas « Sous les pavés, la plage » mais le rouge et le noir du monde d’aujourd’hui où les recherches des valeurs restent souvent sans succès.

 

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