Le lundi 24 juillet 2017, la Fondation Charles de Gaulle a eu l’honneur et le plaisir d’accueillir Madame Line Beauchamp, déléguée générale du Québec à Paris et représentante personnelle du Premier ministre pour la Francophonie. Cette commémoration franco-québécoise a été l’occasion de revenir sur l’amitié franco-québécoise, de célébrer le cinquantième anniversaire du voyage du Général au Québec, d’aborder la situation actuelle de la francophonie et son développement et d’envoyer un message fort à destination de la jeunesse.
Allocution de Madame Line Beauchamp, déléguée générale du Québec à Paris et représentante personnelle du Premier ministre du Québec pour la Francophonie, le 24 juillet 2017
Dans le cadre du cinquantième anniversaire de la visite au Québec du Général Charles de Gaulle en 1967 Fondation Charles de Gaulle, Paris, le 24 juillet 2017
Monsieur le Président de la Fondation Charles de Gaulle, Jacques Godfrain,
Madame la Secrétaire générale de l’Office franco-québécois pour la jeunesse, Marianne Beseme, Monsieur le représentant de l’Ambassade de Chine en France, Yu Jiang,
Monsieur le Président de la Fédération France-Québec/francophonie, Dominique Rousseau, Mesdames et Messieurs membres du conseil d’administration de la Fondation Charles de Gaulle, Mesdames et Messieurs,
Nous sommes réunis ici aujourd’hui à l’invitation du président de la Fondation Charles de Gaulle, M. Jacques Godfrain, pour commémorer le 50e anniversaire de la visite au Québec du général de Gaulle en 1967.
Je remercie la Fondation pour cette initiative et je tiens à vous dire que c’est un grand plaisir pour moi d’être parmi vous.
Un grand plaisir aussi pour mes collègues de la Délégation générale du Québec à Paris qui m’accompagnent et qui ont à cœur, au quotidien, de promouvoir et de développer les liens uniques qui lient le Québec et la France.
Votre fondation, M. Godfrain, s’applique à entretenir la mémoire de l’Homme du 18 juin et à faire rayonner son exemple en France et à l’étranger, en particulier auprès des jeunes générations.
La pensée et l’action du général de Gaulle sont toujours des repères. Les références à ce grand personnage lors des dernières campagnes électorales en France – les primaires, la présidentielle et les législatives – en sont la preuve.
Pour les Québécoises et les Québécois, le nom du général de Gaulle est intimement lié à la volonté d’affirmation du Québec.
La relation directe et privilégiée qu’entretiennent nos deux peuples, une relation unique qui porte des ambitions communes, est d’abord le fait d’une volonté politique que le général de Gaulle a incarnée avec un engagement personnel qui trouva son écho outre-Atlantique.
Au tout début des années 60, le Québec vivait une transformation sociale et politique, appelée la Révolution tranquille, qui changeait la vision qu’il avait de la France et, réciproquement, la vision que la France avait du Québec.
Le Québec mesurait l’importance de s’allier aux autres francophones, notamment à la France, pour assurer son développement en français. La France voulait resserrer ses liens avec les « Français du Canada » en pleine phase d’affirmation linguistique, culturelle et politique.
En octobre 1961, lorsque le général de Gaulle, à titre de président de la République française, reçoit à l’Élysée, avec tous les honneurs d’un chef d’État, le premier ministre du Québec de l’époque, Jean Lesage, accompagné de ses ministres Georges-Émile Lapalme, Paul Gérin-Lajoie et René Lévesque, les gouvernements du Québec et de la République française scellent leur volonté de se rapprocher pour travailler ensemble au bien-être de leurs peuples.
C’est au cours de cette visite que le premier ministre inaugurera, en présence du ministre français de la Culture André Malraux, la Maison du Québec à Paris, rue Barbet-de-Jouy. Quelques années plus tard, la Maison du Québec deviendra délégation générale, et lui seront accordés les privilèges et immunités diplomatiques analogues à ceux octroyés aux pays signataires de la Convention de Vienne.
Ce mois d’octobre 1961 marque le point de départ d’une relation bilatérale unique en son genre et, dans cette ère de grande effervescence appelée Révolution tranquille, le début de l’action internationale du Québec. Par-delà la relation franco-québécoise, c’est aussi la Francophonie qui est pensée et dessinée.
Dès 1965, le Québec signera avec la France ses premières ententes internationales, une dans le domaine de l’éducation et une autre en culture. Ces premières ententes négociées et conclues directement l’ont été selon le principe du « prolongement international des compétences internes du Québec », le fondement de la doctrine Gérin-Lajoie, qui a fêté ses 50 ans en 2016 et qui régule encore aujourd’hui toutes les relations internationales du Québec. Depuis, 700 autres ententes ont été conclues avec près de 80 pays et États fédérés.
Ce rapprochement avec la France a également joué un rôle central dans la création et le développement d’institutions francophones comme l’AUF [Agence universitaire de la Francophonie], dont le siège est à Montréal, l’APF [Assemblée parlementaire de la Francophonie], dont la présidence vient d’être confiée au président de l’Assemblée nationale du Québec, l’ACCT [Agence de coopération culturelle et technique], l’ancêtre de l’OIF [Organisation internationale de la Francophonie], qui fut dirigée dès sa création en 1970 par le Québécois Jean-Marc Léger, ou encore l’AIMF [Association internationale des maires francophones], créée par les maires de Paris et de Québec…
En 1977, les premiers ministres René Lévesque et Raymond Barre ont instauré les « rencontres alternées » dirigées par les premiers ministres. Depuis, les deux chefs de gouvernement se réunissent régulièrement pour traiter des enjeux de l’heure et se donner un agenda commun.
Cette relation « directe et privilégiée » est toujours au centre de l’action que mène le Québec dans le monde, tant sur un plan bilatéral que multilatéral, notamment au sein de l’espace francophone. Récemment, le Gouvernement du Québec a adopté sa nouvelle politique internationale, Le Québec dans le monde : s’investir, agir, prospérer. Il y réitère notamment que la France, alliée naturelle du Québec, constitue le principal partenaire international de la coopération multisectorielle québécoise.
La dernière rencontre alternée s’est tenue à Québec, en octobre dernier, sous la gouverne de messieurs Valls et Couillard. Avec plusieurs de leurs ministres, ils ont arrêté les thèmes prioritaires de la coopération pour les prochains mois.
Au cœur de ces priorités, il y a toujours la promotion de la langue française et de la diversité des expressions culturelles. Il s’agit d’engagements nationaux mais aussi internationaux, notamment au sein de la Francophonie et dans cet univers numérique qui modifie la création, la production et la diffusion des biens et services culturels.
Nos gouvernements ont à cœur de créer des emplois et d’assurer la prospérité à toutes et à tous.
Cette prospérité ne peut toutefois être durable sans lutter contre les changements climatiques et sans engager une transition énergétique qui redéfinit nos modes de production, de consommation et de transport.
Cette prospérité n’aura aucun bienfait si elle ne contribue pas à façonner un monde plus juste et sécuritaire, fondé sur les droits et libertés de la personne, la lutte contre la radicalisation, la démocratie et l’État de droit.
Cette prospérité sera éphémère si elle ne s’appuie pas sur la solidarité et si elle ne place pas nos générations futures au centre de cet avenir que l’on veut meilleur.
C’est pourquoi, au cœur de nos préoccupations communes, il y a la jeunesse et la nécessité de relever, pour elle et avec elle, les grands défis que sont la citoyenneté, l’insertion sociale et professionnelle, la formation et l’emploi pour un développement durable et inclusif.
En matière d’éducation et de jeunesse, l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) est un acteur majeur de notre coopération bilatérale qui fêtera ses 50 ans d’existence l’année prochaine. Son action a permis à plus de 170 000 jeunes de se déplacer vers le Québec ou vers la France depuis 1968, à la recherche d’un stage, d’une formation, d’un emploi.
2018 sera aussi le 50e anniversaire de la Fédération France-Québec/francophonie et de ses 60 associations réparties sur l’ensemble du territoire français. Ses 3 400 membres issus de la société civile font vivre le Québec en France et incarnent l’amitié franco-québécoise.
Commémorer la visite du général de Gaulle en juillet 1967, c’est rappeler ce lien étroit entre les peuples français et québécois, tissé par l’histoire et constamment renouvelé.
1967, c’était l’année de l’Exposition universelle à Montréal. Cette année-là, avec les pavillons des nations de l’exposition, les Québécois avaient, pour la première fois, le monde à leur porte.
Le passage du général de Gaulle dans les villes et villages du Québec, en ce juillet 1967, a été le moment d’expression d’une réelle affection et d’une grande fierté. Le général de Gaulle rencontrait le peuple canadien-français, qui avait soif de reconnaissance.
Une semaine après le passage du général de Gaulle, René Lévesque écrivait dans une lettre adressée à son ancien premier ministre Jean Lesage : « sa visite a été dans l’ensemble une formidable injection de fierté et, surtout, la plus belle occasion que nous ayons jamais eue de briser notre isolement, de sentir que notre langue et sa culture, bien loin d’être des vieilleries déclinantes, font partie d’un grand ensemble qui, même s’il n’est pas le plus gros, a autant de vie et de santé que tous les autres dans le monde d’aujourd’hui ».
Son discours à l’hôtel de ville de Montréal, particulièrement sa dernière phrase, a braqué les yeux du monde sur le Québec. Le général avait le sens de la formule… D’ailleurs, plusieurs rappellent qu’il a fallu créer un nouvel idéogramme en mandarin pour parler du Québec.
Ingérence inadmissible pour les uns, vision prémonitoire pour d’autres, plusieurs ont fait l’exégèse de ce discours, de nombreux ouvrages et colloques y ont été consacrés. Je ne me risquerai pas, devant des spécialistes de l’œuvre du général de Gaulle, de sonder ses intentions ou motivations de l’époque.
Je peux affirmer toutefois que ce voyage du général de Gaulle aura marqué la nation québécoise qui, depuis, se construit, prospère et assume, en toute liberté, sa place en Amérique et dans le monde.
Le 1er juin dernier, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a dévoilé la Politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes.
Il a déclaré :
« Les Québécoises et les Québécois sont le reflet de ce que nos ancêtres nous ont transmis : le seul État majoritairement francophone d’Amérique, avec une culture propre et, aussi, une tradition civiliste; une nation démocratique, libre de ses choix et ouverte sur le monde; une nation inclusive, enrichie par les Québécoises et les Québécois d’expression anglaise dont les actions et les institutions ont contribué à notre développement d’hier à aujourd’hui.
Une nation qui reconnaît pleinement l’apport des onze nations autochtones présentes sur son territoire; une nation qui réunit les talents de celles et ceux qui ont choisi de s’établir au Québec pour ainsi contribuer à notre prospérité collective et au progrès de notre société distincte.
[…] Pour nous, cette fédération dont on célèbre le 150e anniversaire est née d’un pacte entre deux peuples fondateurs qui, depuis sa naissance, aurait dû obligatoirement inclure les Premières Nations. Cette vision d’un pacte historique entre les peuples demeure la nôtre. Et elle le restera. Le Canada se distingue par sa diversité. Cette diversité au-delà des individus doit aussi être celle des nations. »
Monsieur le Président,
Nombre de ces talents qui choisissent de s’établir au Québec sont Français. Ils viennent étudier dans nos écoles et universités. Ils viennent y faire un stage, y travailler. Plusieurs s’y installent, fondent une famille et contribuent à faire le Québec d’aujourd’hui et de demain.
Le Québec et la France, côte-à-côte, travaillent ensemble pour relever les défis contemporains et assurer un développement durable pour eux et pour le monde.
La relation directe et privilégiée, c’est porter ensemble un regard sur l’avenir et nourrir des ambitions communes.
C’était, je crois, le sens profond de l’engagement du général de Gaulle à l’égard du Québec. Il mérite notre reconnaissance et notre admiration.
Je vous remercie.
En cette commémoration de l’anniversaire des cinquante ans du voyage de 1967, nous rappelons la publication La dette de Louis XV, ouvrage érudit et passionné de Christophe Tardieu, directeur général du CNC et québécophile convaincu. La Fondation Charles de Gaulle entretient également un partenariat avec le Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ). À ce sujet, une délégation présidée par le professeur Jean-Paul Bled du Conseil scientifique de la Fondation a participé à un colloque au Québec en mai 2017.
Quelques articles d’analyse du cinquantième anniversaire du voyage de Charles de Gaulle au Québec parus dans la presse :
http://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/07/24/26010-20170724ARTFIG00043-vive-le-quebec-libre-lancait-de-gaulle-il-y-a-50-ans.php
http://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Gaulle-Vive-Quebec-libre-parole-premeditee-2017-07-24-1200864998
http://www.rfi.fr/ameriques/20170720-vive-quebec-libre-gaulle-50-ans-independance-historique-montreal
http://www.lapresse.ca/actualites/201707/23/01-5118530-le-quebec-souligne-le-50e-anniversaire-de-la-visite-du-general-de-gaulle.php
http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/vive-le-quebec-libre-il-y-a-50-ans-les-mots-de-de-gaulle-entraient-dans-l-histoire-7789473735