Portrait de Jean Gray

Article rédigé par Jean-Paul Queuille

Journaliste, Monsieur Jean Paul Queuille a consacré toute sa carrière au sein de quotidien régional issu de la résistance Presse-Océan à Nantes. On lui doit de nombreux articles sur les événements historiques qui ont marqué la Bretagne et les Pays de la Loire, notamment les mouvements de résistance, les bombardements de Nantes, la poche de Saint Nazaire, celle de Saint- Main. ll a dirigé également des éditions spéciales et publié des ouvrages sur le Maquis de Saint-Marcel, la libération de Nantes et celle de Lorient, les cinquante otages…

Le 14 juin 1940 à 6 heures 30 du matin la Wehrmacht entre dans Paris. Le drapeau noir et rouge à croix gammée flotte aussitôt sur les édifices publics, au sommet de la Tour Eiffel et au-dessus de l’Arc de Triomphe. Un détachement de la musique militaire prend place à l’Étoile, Les troupes de la 30′ division descendent les Champs Élysées dans un ordre impeccable, saluées du haut de son cheval par le général Von Briesen. Des passants regardent. Parmi eux quelques-uns pleurent…

Jean Marcel Pessis alias Jean Gray, alors étudiant en deuxième année de médecine a peut-être vécu ce triste épisode comme il aura entendu, trois jours plus tard la voix chevrotante du chef du gouvernement s’adresser au Pays : « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat… » Mais une autre lui réplique depuis Londres, le lendemain : « Quoiqu’il arrive, la flamme de la Résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas… »

Avec ce message, le mouvement a déjà plus qu’un nom : une raison d’être. L’appel du général De Gaulle touche une infime minorité de Français. Néanmoins, quelques initiatives se font jour, préfigurant l’esprit de la Résistance qui, en moins d’un an, va se structurer, s’organiser comme en Angleterre avec les soldats qui réussirent à s’échapper de la terrible débâcle.

Dans la France occupée, très rapidement, la suspension des libertés publiques est promulguée, le couvre-feu instauré. Deux mois après l’arrivée des troupes d’occupation, des incidents de plus en plus graves se multiplient. De sombres affiches jaunes à lettres noires, rédigées en allemand et en français, sont placardées sur les murs, annonçant les premières condamnations à mort. Tous les rassemblements sont interdits. Le ravitaillement devient problématique. Les premières cartes d’alimentation font leur apparition. Le gouvernement de Vichy s’empresse de présenter la défaite comme un châtiment et annonce la Révolution Nationale. Les années noires de la collaboration viennent de commencer.

L’activité d’une certaine résistance non structurée, qui jusque-là se manifestait par des actes individuels : attentats, sabotages, édition de tracts …, prend une toute autre signification le 11 novembre 1940 quand des lycéens et des étudiants des universités parisiennes organisent une manifestation et un dépôt de fleurs tricolores Place de l’Etoile, ce qui eut un retentissement national.

1941, Jean Pessis a 21 ans, il poursuit sa troisième année de médecine. Son frère Maurice vient d’être démobilisé et a aussitôt rejoint le réseau qui prendra en 1942 le nom de Franc-Tireur. Avec des amis fidèles qu’il a gardés depuis le lycée Janson de Sailly où il a obtenu son baccalauréat, notre futur médecin suit avec attention les événements qui marquent la France depuis presqu’un an.

Il est passionné de littérature, parle correctement l’anglais et l’allemand, pratique le piano et paradoxalement la boxe. On le dépeint comme sociable, diplomate, prudent et déterminé.

Tout quitter pour l’honneur de servir

C’est au cours du 2′ trimestre de cette sombre année 41 qu’il décide de tout quitter, sa famille, ses amis, ses études pour rejoindre en Angleterre les Forces Françaises Libres. Il prend la route après la fin de l’année universitaire pour passer en été la frontière à Saint-Jean-de-Luz et se retrouve comme les autres « évadés » de la France occupée à choisir, selon le mot de de Lattre de Tassigny, « la périlleuse aventure du passage des Pyrénées pour l’honneur de servir ».

Arrivé en Espagne, arrêté par la police de Franco, il est emprisonné au terrible camp de concentration de Miranda de Ebro construit par des ingénieurs nazis sur le même modèle que ceux d’Allemagne. La discipline est féroce, les coups pleuvent, la vermine est partout. Il y séjournera du 5 septembre au 11 octobre 1941. Libre grâce à l’intervention des Anglais, il gagnera Lisbonne puis Londres.

Le 22 décembre 1941 sous le pseudonyme de Jean Gray, Jean Pessis s’engage à « servir avec Honneur, Fidélité et Discipline dans les Forces Françaises Libres pour la durée de la guerre actuellement en cours ». Janvier 1942 il est nommé dans l’Armée de Terre en qualité de médecin-auxiliaire, au grade d’adjudant et regagne une compagnie motorisée à Camberley.

Six mois plus tard, en juin 1942 il est muté à la Direction du service de Santé à l’État- major des Forces aériennes à Londres. L’espoir de servir dans une unité combattante ne le quitte pas. I1 participe donc du 15 au 30 juillet 1942 à Largo à une session organisée par la Brigade de Parachutistes polonaise, réputée pour sa dureté et devient le 17e membre des Forces Françaises Libres à obtenir son brevet en Angleterre. Il complétera sa formation de parachutisme par un stage commando à Hardwick en 1943.

Il attend avec patience le moment où il pourra accomplir le but qu’il s’est fixé depuis trois ans : revenir les armes à la main sur le sol de France. Dès la fin de 1942 il entreprend des démarches longues et difficiles pour obtenir une mutation dans une unité combattante. Le 15 mars 1943 il est promu aspirant. Le 23 août, il est détaché à la 1e Compagnie de l’Infanterie de l’Air au service de santé. Il parviendra à ses fins en obtenant en novembre sa mutation du service de santé à une section de combat, le 1er Squadron du 4e bataillon de l’Infanterie de l’Air,

En novembre et décembre 1943, il effectue alors à Cupar un stage d’officier où son comportement lui vaut des louanges appuyées du capitaine Larralde commandant du 1er  Squadron. En janvier 1944 il retourne au camp d’Auchinleck où sont regroupés les SAS anglais, Belges et Français sous l’autorité du général Mac Léod. Le capitaine Larralde lui confie alors sous les ordres du lieutenant Tisné la direction d’un stick de 10 parachutistes. Le 26 mai 1944 les SAS quittent définitivement Auchinleck pour la base secrète de Fairford.

Objectif « La Baleine »

Le commandant Bourgain saute dans la nuit du 9 au 10 juin sur la « Baleine » nom de code de la zone de saut du maquis Saint-Marcel dans les Landes de Lanvaux. Le stick de Jean Gray le rejoint, mauvais temps oblige, le 12. Les hommes de Bourgouin sont là pour instruire les maquisards sur le maniement des mitraillettes, des fusils mitrailleurs, des mortiers, des lance-roquettes anti-char, donner des instructions sur la tactique de la guérilla, l’utilisation des explosifs pour les sabotages. Ils sont là aussi pour préparer les lignes de défense du camp.

Le 18 juin à 4 heures 30 du matin cent quarante SAS sous les ordres du capitaine Larralde sont répartis parmi les FFI. Quatre jeeps forment une unité d’une très grande mobilité et d’une très forte puissance de feu. L’une d’elle est servie par le lieutenant Pierre Marienne. Jean Gray est positionné près de la ferme du Bois Joli, l’un des endroits les plus exposés aux attaques des forces ennemies. La première escarmouche à lieu. Deux heures plus tard le bataillon de fa Wehrmacht de Malestroit fort de 500 hommes fait route vers le camp.  La bataille du maquis de Saint-Marcel âore, violente se terminera vers minuit avec le décrochage en bon ordre 2000 maquisards et SAS. Au cours de ces 16 heures de combat, vingt-huit français ont trouvé la mort. Une soixantaine de maquisards et de SAS ont été blessés et quinze faits prisonniers.

Côté Allemands le chiffre des pertes est incertain, mais conséquent, une cinquantaine voire plus selon certaines sources.

Jean Gray quant à lui a manifesté aux dires de ses chefs de belles qualités de commandement et a fait preuve pour son baptême du feu d’un sang-froid et d’un courage qui lui valent l’admiration de ses hommes. Il sera nommé sous-lieutenant à titre temporaire quelques jours plus tard, le 25 juin 1944.

Le 19 juin au matin pensant que le camp de Saint-Marcel est toujours occupé par les FFI et les SAS, la Wehrmacht envoie quelques tirs d’artillerie. Quand les troupes allemandes reviennent sur les lieux, elles s’aperçoivent qu’il ne reste plus personne. Dès lors, rendues furieuses d’avoir été mises en échec pendant plus de quinze heures, elles se livreront à une répression d’une extrême cruauté.

L’état-major nazi fait par ailleurs appel à un groupe de redoutables spécialistes dans la lutte « anti-terroristes ». Il se met en place à Pontivy. Il est composé de membres de l’Abwehr, le service du contre-espionnage de l’armée, d’éléments de la Gestapo, et du Sicherhietsdienst (SD) commandé par Ferdinand Fisher adjudant 55 du groupe « Pierre Lyon » dirigé par le capitaine Herr, à qui s’ajoutent des membres du Bezen Perrot » et des miliciens de la pire espèce. C’est un dénommé Zeller ancien délégué de la Légion des Volontaires Français dans les Côtes du Nord qui prend le commandement de ce « Front Aufklärung Truppen » (F.A.T.) Il arrive dans le Morbihan après avoir sévi dans le Finistère avec d’autres tueurs de la milice dont Munoz et Grass.

La traque

La traque commence pour Jean Gray qui, en compagnie de deux compagnons de combat Albert Guérin et Georges Tenoux qui faisaient déjà partis de son stick à Auchinleck, a reçu de Marienne, comme les autres SAS la consigne de se camoufler et d’éviter le combat jusqu’à l’arrivée des troupes du débarquement. Avec l’aide d’un FFI, Pierre Sorel, ils changeront tous trais régulièrement de caches de Trédion à Plumélec en passant par Questembert. Jean Gray reste néanmoins en contact permanent avec les SAS Michel de Camaret, Denys Cochin, Henri Corta et Roger de la Grandière.

Pierre Marienne quant à lui se terre depuis la nuit du 19 au 20 juin, aux abords de Callac avec quatre-vingts maquisards. Dans la journée le groupe se fractionne en petites unités qui s’éparpillent sur la commune de Plumélec. Marienne choisit initialement la ferme de Le Pelheu comme PC mais n’y reste pas. Il se réfugie à Le Quenellec dont il déménage après s’être aperçu des risques éminents d’être découvert. Le 10 juillet dans la nuit, il décide avec l’aide du lieutenant Morizur de gagner Kérihuel. « Le Lion » campe là, à proximité des fermes appartenant à Ferdinand Danet et Alexandre Gicquello. Le 11 Le sergent Jacques Mendes-Caldas avec quelques maquisards retrouvent Marienne qui vient d’être nommé capitaine.

Gray rentre en contact avec Bourgoin entre le 7 et 10 juillet. Le colonel lui donne alors l’ordre formel de rejoindre Marienne.

Pour remplir cette délicate mission il doit se défaire de sa tenue militaire, revêtir des vêtements civils et se séparer de ses armes. Il veut agir seul sachant l’entreprise à haut risque. Il donne l’ordre à ses deux co-équipiers d’attendre son retour. C’est à l’agent de liaison Suzanne Lebert que le commandant Emile Guimard confie la tâche de préparer l’itinéraire le plus sûr. Ils auront une trentaine de kilomètres à parcourir. Ils doivent éviter les routes, certes plus directes mais trop fréquentées par les patrouilles allemandes. Pour des raisons qui restent mystérieuses, un nouveau guide, Joseph Jego prend la relève et décide d’outre passer les décisions de Suzanne Lebert et d’Eugène Guimard frère du commandant. Ils choisiront donc de bon matin, la route principale qui passe par Lizio pour rejoindre le capitaine Marienne.

Ils seront interceptés ou lieudit Le Carouge en Lizio, par une patrouille allemande qui a l’habitude d’emprunter quotidiennement cet itinéraire pour se rendre au village de La Grée aux Moines.

Transféré à Josselin dans les locaux de la Gestapo Jean Gray est interrogé par Fischer un agent du SD. Douze personnes assistent à l’interrogatoire : Hentzel, le capitaine Herr, le capitaine Hermann, les tueurs du F.A.T. : Louis Denis, Zeller, Manoz, Munoz, Cross et trois membres de la redoutable Bezen Perrot.

Jean Gray résiste avec courage et sang-froid. Les procès-verbaux d’interrogatoires nouvellement mis à la disposition des chercheurs confirment bien qu’il n’a rien divulgué, notamment qu’il a su aussi bien garder le secret sur la cache du commandant Bourgouin comme sur celle du capitaine Marienne.

S’il avait parlé pourquoi les Allemands auraient-ils exécuté sans succès cette vaste battue sur le canal de l’Oust pour appréhender Bourgouin ? Pourquoi auraient-ils tenté de savoir dans plusieurs villages, comment joindre Marienne ?

Du 11 au 14 juillet Jean Gray est emprisonné à l’école de jeunes filles de Locminé. Il y subit d’horribles séances d’interrogatoires à coups de poings, de gourdin, de nerf de boeuf, de demi-noyades. Il est transféré le 14 juillet à Pontivy en compagnie des lieutenants Skinner et Fleuriot qui viennent d’être capturés. Le 17 juillet la vieille de son exécution il sera encore durement interrogé par Fisher.

La mort d’un héros

18 juillet 1944 à 14 heures, cinq camions de la Compagnie « Festungstamm Réserv. Komp XXV » commandée par un odieux nazi de la Wehrmacht le capitaine Walter Friedrich Holz, stationnent dans la cour d’une école de Pontivy. Une prison avait été aménagée dans la cave. Les SAS y sont enfermés Jean Gray, André Cauvin, Louis Claustre, jean Fleuriot, Richard Skinner, et neuf FFI, Robert jourdren, Émile Leberre, François Lepavec, Pierre Maurisset, Maurice Penhard, Robert Rouillé, Claude Sendral. Vingt-quatre soldats allemands ainsi que Holz, les SD Fischer et Hentzel, se répartissent dans cinq véhicules. Les prisonniers prennent place dans un camion recouvert d’une bâche.

Le récit du chauffeur Hermann Stahl sur l’exécution des malheureux est implacable de précisions et d’horreur : « … Au premier abord mes camarades et moi avons cru qu’il s’agissait de transporter des prisonniers à Vannes devant le tribunal. Mais c’était une erreur. Après avoir parcouru cinq ou six kilomètres sur la route de Lorient, la colonne s’est arrêtée. Holz est descendu de sa voiture avec les deux SD. Le convoi s’est arrêté sur une petite route prenant naissance à notre droite. Les voitures étaient dans le même ordre qu’au départ et le camion qui conduisait les prisonniers a stoppé juste à la hauteur d’un petit chemin de terre, à gauche et qui pénètre dans un petit bois… À l’intérieur du chemin de terre un buisson situé sur la droite dissimulait Fisher ou Henztzel armé d’une mitraillette anglaise. En face le deuxième SD se cachait dans un autre buisson. Il était également armé d’une mitraillette anglaise. Le capitaine Holz a fait descendre les prisonniers un par un, et les appelait en disant « le suivant ». L’exécution a dû se passer de la manière suivante : Le premier prisonnier descendait du camion, les mains toujours liées, Holz le faisait marcher dans le chemin, lorsque la victime était à quelques pas des SD, l’un de ces derniers tirait dans le dos du Français et aussitôt après on entendait un second coup de feu qui devait être le coup de grâce. Après Holz appelait un autre prisonnier qui subissait le même sort. Cette scène répétée jusqu’au dernier qui était le gendarme. »

Après avoir récupéré les menottes, les tueurs procèdent au pillage des cadavres puis ils les abandonnent là, sans même les enterrer.

Les corps sont découverts par hasard le 25 juillet 1944 au bout du sentier entassés les uns sur les autres. Ils sont transportés de Pontivy au cimetière de Bieuzy-les-Eaux.

Le 17 janvier 1946 le corps de Jean Pessis alias Jean Gray est officiellement identifié.

Le Ministre de l’Air lui accorde le 2 février 1946 la mention « MORT POUR LA FRANCE » … en service commandé.

Le 24 février 1946 paraît au journal Officiel, la décision N° 1427 :

Sur la proposition du ministère de l’air, le Président du Gouvernement provisoire de la République française, chef des armées cite :

À l’Ordre de l’armée aérienne (à titre posthume)

PESSIS alias GRAY, sous-lieutenant au RCP : officier parachutiste de valeur. Son sang-froid et son courage au combat de Saint-Marcel lui ont fait gagner l’estime et l’admiration de ses hommes. S’est particulièrement distingué au cours de l’attaque de la ferme du Bois Joli où il a réussi à repousser plusieurs violentes contre-attaques ennemies. A su organiser sa compagnie FFI faisant preuves de belles qualités de commandement. Fut tué au cours d’une patrouille de reconnaissance.

Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre avec palme.

Fait à Paris le 19 novembre 1945.

Le 21 février 1948 paraît également au journal Officiel le décret du 11 février 1948 portant nomination dans l’Ordre de la légion d’honneur :

Par décret en date du 11 février 1948 rend sur la proposition du président du conseil des ministres des forces armées et du secrétaire d’État aux forces armées, le conseil de l’ordre entendu, sont nommés chevaliers de la Légion d’honneur à titre posthume les militaires dont les noms suivent :

Suit, avec le nom de PESSIS dit GRAY (jean), sous-lieutenant, une liste de noms d’officiers du 2e Régiment de Chasseurs Parachutistes :

BRES (Michel-Roger) sous-lieutenant, CALLOCH DE KERILIS dit SKINNER (Henry dit Richard), sous-lieutenant, FAUQUET (Philippe) sous-lieutenant, GAULTIER DE CARVILLE (Gérard-Claude), sous-lieutenant, HARENT (Bernard), sous-lieutenant, TISNE (Français-Jean), lieutenant.

Une stèle en granite bleu d’une hauteur de 4,2 mètres est érigée à la mémoire des suppliciés de Rimaison à l’endroit même où ils ont été abattus, dans le sous-bois qui borde la route de Lorient près du sentier qui descend vers un ruisseau…

Jean-Paul Queuille

Céres décembre 1943 : debout Jean Gray. Assis de gauche à droite, Henri Corta, Richard Skinner, Denys Cochin, Rager de La Grandière

Camp d’Auchinleck « Hutte A4 »

Les péripéties pour ne pas dire les difficultés de son périple pour regagner l’Angleterre puis le camp d’entraînement d’Auchinleck n’ont en rien entamé la volonté de Jean Gray, ni son enthousiasme, pas plus que son sens de l’humour. Il retrouve là, sur la côte ouest de l’Écosse une bande de jeunes officiers qui n’ont rien perdu de l’esprit étudiant qui les anime dans bien des circonstances. Ils sont une douzaine qui ne se quittent guère : Michel Brés, Henry Caria, Denys Cochin, Michel de Camaret, Philippe Fauquet, Roger de la Grandière, Jean Fleuriot, Bernard Harent, Jean Gray, Richard Skinner…

Ils sont logés dans un baraquement en tôle ondulée demi-cylindrique typique des bases britanniques dit hutte Nissen. Le groupe s’appelle donc tout naturellement « Hutte A4 ». Ses membres confectionnent journellement un bulletin au titre surréaliste : « Cahier des cravates de qualité » où sont notées des réflexions toujours impertinentes, où la causticité et la dérision sont de mise et où l’humour est de régie. Pour mémoire, la dernière et ultime « cravate », celle du dîner d’adieu à la Hutte A4 et qui cible le sous-lieutenant Philippe Fauquet :

« Fauquet vient de faucher une fille à un colonel américain. Tout le monde a beaucoup bu. Philippe entre avec les deux amis et demande le silence à l’assistance, puis il présente « Messieurs je vous présente Madame, qui est française, et se tourne vers le colonel : « Et le cocu » !!!

La belle enfant s’est penchée vers Philippe et lui confie : « Attention il ne sait qu’un seul mot, c’est celui-là, je lui ai appris hier soir ».

Sept d’entre eux perdront la vie lors des opérations de Bretagne. Trois survivront : de Camaret (qui sera blessé), Corta et Cochin.

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