FRANÇOIS DE GAULLE : PRÊTRE POUR L’AFRIQUE

Père Blanc, ce neveu du Général a vu l’Église grandir et fleurir au Burkina Faso.

Comment faire tenir quatre-vingt-dix années d’existence intense d’un homme au patronyme guère anonyme dans le placard réduit d’une page de trois mille signes – sans compter les innombrables signes de Dieu qui jalonnèrent l’épopée de ce Père Blanc au sein du continent noir ? Mission impossible. Par bonheur, un livre qui recueille ces précieuses mémoires le tente.

Depuis 2008, le Père François de Gaulle vit à Mours et d’eau fraîche, dans la maison de retraite du Val-d’Oise des Missionnaires d’Afrique (les Pères Blancs). Plus petit que son « Oncle Charles » – le grand frère de son père – il a le même maintien un peu raide que l’âge n’affecte pas, même si les foulées de ce coureur de brousse se réduisent. Sur le col de sa veste, une croix surplombe la rosette. « Je m’appelais de Gaulle avant que mon oncle soit célèbre ! », dit le neveu en riant, sans cacher que ce nom imposant fut parfois encombrant. « J’ai reçu, à cause de lui, des coups de pied au corps et au cœur. »

Dans la famille de Gaulle, certains lancent des appels, d’autres en reçoivent. « J’ai eu la vocation très tôt, mais je ne l’ai confié à ma mère qu’à 11 ans. Elle m’a dit : – Je vais en parler à ton père -. Celui-ci, frappé par une maladie qui le paralysait, ne pouvait s’exprimer qu’avec une extrême difficulté. Après avoir bu un peu d’eau, il réussit néanmoins à articuler la phrase la plus importante de ma vie : – Je suis très fier de toi – ».

En 1940, la guerre interrompt son noviciat en Tunisie. De 1943 à 1945, François de Gaulle enchaîne les campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne. Ordonné prêtre en 1950, il est envoyé à Ouahigouya, paroisse égarée dans les zones semi-désertiques du nord de la Haute-Volta (actuel Burkina Faso). « Il n’y avait presque aucun chrétien et pas d’Église. » Le nouveau venu va saluer le chef tribal des Mossis. « De Gol ? Vous aussi faites partie d’une famille de chef », dit ce dernier en lui offrant un coq. Le Père de Gaulle restera au Burkina près de cinquante ans, avec une parenthèse de douze années comme économe de la Province de France.

« Un homme seul ne peut pas transporter un éléphant », assure un proverbe mossi. « Ni bâtir l’Église », ajoute le missionnaire que ses pairs surnommèrent « Briques dans le ventre », car il construisit des dizaines d’églises. « Nous avons assisté à la naissance d’une Église locale, ce qui n’arrive pas tous les siècles, s’extasie-t-il. Les soixante-sept mille baptisés de 1950 sont devenus 1 million et demi aujourd’hui. Cinquante prêtres sont ordonnés cette année dans les quinze diocèses. » Certains viennent même servir dans les paroisses esseulées de la vieille « Fille aînée ». « Il n’y a pas d’abord une crise des vocations, mais une crise de la famille, précise François de Gaulle. L’Afrique m’a conforté dans cette conviction. »

Avant d’aller s’agenouiller dans la chapelle de l’immense bâtisse, le vieil homme pudique au sourire d’enfant vous raccompagne à travers le parc vert aux arbres tutélaires dont il se charge de ramasser le bois mort. L’évangélisation, un secret de jouvence ? Beaucoup de jeunes sont des vieillards épuisés avant l’heure ; certains veilleurs savent rester jeunes malgré l’âge avancé – c’est leur honneur et notre bonheur.

Luc Adrian

Reproduit avec l’aimable autorisation de Vincent Montagne.

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