LE MANAGEMENT DES RISQUES

Entretien avec Jean-Marie Dedeyan [1],
Vice-président de la Fondation Charles de Gaulle

Nous sommes confrontés à une crise inédite dans l’histoire du monde. Ses composantes sont à la fois sanitaires, économiques et sociales. Que recouvre, en fait, la notion de « Management des Risques » ?

Quel que soit le lieu où nous nous trouvons, nous sommes tous les jours exposés à des risques : à la maison, au travail, dans les transports, sur les routes ou en fonction de phénomènes météorologiques, de l’apparition de maladies, sans parler des agitations sociétales, des revendications sociales, des tensions politiques et des dangers auxquels elles nous exposent.

La prise en compte des risques dans la Société est donc nécessaire, à tous les stades du risque et à tous les niveaux d’organisation.

Une bonne politique de prévention et de gestion des risques doit permettre de répondre à 3 objectifs :

  • Prévenir les dommages, réduire leur ampleur et les réparer.
  • Informer les personnes, qu’il s’agisse des habitants d’un territoire, des usagers d’un équipement collectif ou d’une infrastructure de transport, des salariés d’une entreprise ou d’une administration, etc.
  • Gérer efficacement les crises et les catastrophes quand elles surviennent.

Or il existe plusieurs types de risques :

  • Les risques d’origine humaine (pondérables),
  • Les risques d’origine non humaine (impondérables).

On peut également distinguer les risques en fonction de l’origine de la menace (interne, externe ou mixte) ou en fonction du type de menace : environnementale, sanitaire, technologique, économique, financière, juridique, informatique, politique, sociétale, stratégique, etc.

Cette diversité nécessite des savoir-faire techniquement différents qui doivent pouvoir œuvrer à la fois au niveau de la prévention et à celui de la gestion lorsque survient une situation dite de crise.

Qu’est-ce qu’une cellule de crise ?

Une cellule de crise réunit des spécialistes et des responsables habilités à évaluer et gérer les différentes composantes techniques et humaines de la situation de crise. Dans les services de l’Etat, dans les entreprises publiques, dans un établissement industriel exposé à un risque majeur, ces responsables se connaissent car, la plupart du temps, ils se côtoient dans le travail et ils ont participé périodiquement à des exercices de simulation.

Mais dans une collectivité territoriale confrontée à plusieurs types de risques, naturels et/ou technologiques, les acteurs peuvent être en partie différents d’un type de crise à l’autre et, même si les décideurs (Maire, Préfet …) ont bien la responsabilité des décisions, les responsables techniques ou administratifs qui les entourent peuvent changer d’un type de risque à un autre.

Il est donc essentiel d’évaluer les risques et d’étudier les mesures nécessaires pour mettre au point des plans de prévention et de gestion nécessaires à la protection des personnes et au bon fonctionnement de la vie institutionnelle, économique et sociale si ce fonctionnement est altéré. Il existe ainsi une vingtaine de plans nationaux : Vigipirate, Ebola, Polmar, Pandémie grippale, Accident nucléaire ou radiologique majeur, Novi (ex Plan Rouge), les PPI, les dispositifs ORSAN et ORSEC…

Il est tout aussi essentiel, d’une part, d’assurer une bonne coordination entre les différents participants à la cellule de crise, d’autre part, de les aider à mettre en œuvre leurs savoir-faire techniques ou opérationnels en leur apportant le savoir-faire complémentaire de spécialistes de la communication sur la façon d’organiser et de gérer la communication liée à la situation à laquelle ils doivent faire face : axes de communication, opportunité-cohérence-concordance et crédibilité des messages, publics-cibles, relais, outils, etc.

Les principaux ministères, les préfectures, les grands services publics sont dotés d’une cellule de crise. Le Ministère de l’Intérieur comporte une Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (DGSCGC). Il abrite le Centre Interministériel de Crise (CIC) qui réunit des représentants de l’ensemble des ministères. Animé par le Ministre de l’Intérieur lorsqu’une crise importante a lieu sur le territoire national et nécessite la mise en œuvre d’une réponse globale de l’Etat, le CIC coordonne l’ensemble des centres opérationnels, ceux du ministère et ceux relevant des autres ministères.

En dehors du temps de guerre ou de crise mobilisant la Nation sous l’autorité du Président de la République, la direction politique et stratégique des crises majeures est assurée par le Premier Ministre. Sur le territoire, la gestion des crises relève de la compétence des préfets de département.

Le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères comporte un Centre de Crise et de Soutien (CDCS). Il se voit confier la conduite opérationnelle des crises extérieures au territoire national.

Le Ministère de la Santé comporte un Centre Opérationnel de Régulation et de Réponse aux Urgences Sanitaires et Sociales (CORRUSS). Et en situation de crise, la Direction Générale de la Santé y active le Centre de Crise Sanitaire (CCS). L’épidémie de coronavirus a donné l’occasion aux médias d’évoquer son rôle et d’expliquer le dispositif de gestion des situations sanitaires exceptionnelles. Sans prétendre entrer dans le détail de ce dispositif, il est utile de souligner qu’en raison de l’évolution rapide de la situation, le pouvoir exécutif a considéré officiellement que la France est en état de guerre sanitaire et adopté une approche évolutive prenant en compte l’évolution de la situation sur le terrain, en s’appuyant sur l’expertise d’un conseil scientifique de haut niveau.

Le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire comporte une Direction Générale de la Prévention des Risques Majeurs et une Cellule de Veille Opérationnelle et d’Alerte.

Le Ministère de la Défense, sans prétendre ici évoquer les activités relevant de la défense nationale, gère, avec l’appui de l’Autorité de Sureté Nucléaire de Défense, le dispositif à déployer en cas d’accident ou d’incident nucléaire pour les installations relevant de sa responsabilité. La Direction Générale de la Gendarmerie Nationale dispose d’un Centre de Planification et de Gestion de Crise (CPGC) dont les spécialistes sont reconnus.

Les entreprises de transport public, les banques, les grands groupes industriels ont mis en place, depuis plusieurs années, des directions de la sécurité. Et dans les entreprises il est de plus en plus fait appel à un « Risk Manager » et à son équipe pour assurer la préparation des plans de prévention et leur actualisation en concertation avec les responsables des différentes entités concernées.

Si une crise survient, le Risk Manager veille à la bonne coordination des différents intervenants.

La presse se fait régulièrement l’écho d’inondations, de tempêtes, d’incendies de forêt et d’accidents industriels. Quels sont les critères de prise en compte spécifique de ce type de risques ?

Il s’agit de ce que l’on appelle des risques naturels ou technologiques majeurs. Huit risques naturels principaux peuvent affecter le territoire français : les inondations, les séismes, les éruptions volcaniques, les mouvements de terrain, les avalanches, les feux de forêt, les cyclones et les tempêtes.

Les risques technologiques, eux, sont d’origine anthropique : ils recouvrent les risques relatifs aux installations industrielles et nucléaires, le risque de rupture de barrage et de digue, les transports de matières dangereuses (par voie routière, ferroviaire, fluviale, maritime ou par canalisation) et les risques concernant les stockages souterrains de gaz et d’hydrocarbures et les sites miniers.

Les risques liés aux conflits, les risques liés à la vie quotidienne (accidents domestiques, accidents de la route…) et les risques biologiques font l’objet d’une prise en compte spécifique.

Quels sont les grands principes du management des risques ?

La prise en compte des risques s’appuie sur une stratégie conjuguant études, mesures de prévention, information, éducation, mitigation, organisation des secours et prise en compte des retours d’expériences.

La gestion des risques répond, ainsi, à une double logique de prévention et d’intervention.

  • Prévention pour empêcher l’aléa ou réduire les effets d’un possible événement sur les personnes et les biens. Cette logique s’inscrit tout naturellement dans une démarche de développement durable puisque la prévention s’efforce de réduire les conséquences économiques, sociales et environnementales d’un développement imprudent de la société, à la différence de la réparation qui, nécessairement, suit une crise.
  • Intervention au moment où survient l’événement dommageable.

Les deux logiques sont complémentaires car si la prévention n’est pas suffisamment mise en œuvre ou n’est pas économiquement viable, la société doit se résoudre à assurer la gestion de la crise, puis la réparation de dégâts parfois très importants, voire déplorer des pertes en vies humaines.

Quelle est la part de la communication dans le management des risques ?

C’est une composante essentielle de la prévention et de la gestion des risques. Qu’il s’agisse de la phase d’anticipation, de la phase d’information préventive, de la phase de gestion de la situation de crise ou de la phase de sortie de crise et de restauration des dommages physiques, économiques ou sociaux.

Tant que des informations et des explications claires n’auront pas été échangées soit entre les acteurs concernés afin d’optimiser et de valider les décisions, soit avec les publics concernés (collaborateurs, administrés, usagers, riverains, responsables d’établissements scolaires, hôteliers, gestionnaires d’équipements sportifs ou culturels, etc.) afin de les sensibiliser, de répondre à leurs questions et de les inciter à adopter un comportement approprié face a la crise, les spéculations vont, en effet, se propager…

Si les informations ne sont pas suffisantes lorsque survient un accident, ou sont inadaptées à la situation et à son contexte, les spéculations, les rumeurs et les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux ou via « radio couloir », ou même « radio trottoir » vont, en effet, se développer et nourrir l’inquiétude. Il est donc essentiel de mettre en œuvre une communication rationnelle, crédible et cohérente aussi bien au stade de la prévention qu’à celui de la gestion d’une situation dite de crise.

D’autant plus qu’avec l’avènement des médias numériques et le développement des réseaux sociaux, les nouveaux modes de communication par voie électronique modifient la forme et le contenu des échanges, perturbent l’explication, suscitent des critiques et commentaires inspirés par les réactions lues ou entendues ici et là, et rendent donc indispensable la communication claire, crédible et cohérente que j’évoquais.

Vous avez souligné que le management des risques implique non seulement leur gestion mais également leur prévention. Pouvez-vous préciser plus concrètement ce qu’il faut entendre par « prévention » et à quels niveaux se situe cette anticipation ?

Anticiper est un impératif. Il est évident qu’il faut se préparer pour mieux faire face. C’est d’autant plus important que, même si chaque crise est unique, les facteurs qui font généralement passer d’une situation sensible à une situation de crise véritable sont toujours les mêmes :

  • l’aléa qui se concrétise (incident, accident, situation préjudiciable…)
  • l’effet de surprise
  • la réaction souvent maladroite
  • la perte de contrôle
  • la médiatisation
  • la communication inadaptée
  • les rumeurs

Il est, par conséquent, essentiel de ne pas se laisser surprendre et de bien se préparer. L’anticipation passe par un impératif qui est le Plan de prévention.

Quelles sont ses composantes ?

Elles sont nombreuses :

  • Identification des zones à risques
  • Évaluation des risques et de leurs éventuelles conséquences (enjeux humains, économiques, environnementaux…)
  • Cartographie des populations concernées
  • Étude des mesures de prévention et de mitigation (c’est à dire d’atténuation des dommages si on ne peut les éviter)
  • Anticipation des dysfonctionnements susceptibles de survenir si l’aléa se concrétise
  • Projet d’organisation des secours
  • Élaboration des scénarios de situations et de gestion
  • Formation des équipes de direction et d’intervention
  • Mise au point des stratégies d’information préventive et de communication en cas de crise
  • Identification et choix des porte- parole en fonction de leur aptitude à s’exprimer, en interne comme en externe, face aux micros et, aux caméras.
  • Désignation d’un « Community manager » préparé à la communication de crise pour gérer les réseaux sociaux
  • Élaboration d’un kit de communication adapté pour chaque type de crise
  • Conception d’une stratégie de « sortie de crise » et de restauration technique et sociale de la situation

L’exposition aux risques ne concerne pas seulement les entreprises. Les communes, les départements, les zones fluviales ou côtières – l’actualité nous le rappelle régulièrement et vous avez mentionné des chiffres éloquents – sont également exposées à plusieurs types de risques susceptibles de porter atteinte à l’intégrité des personnes ou de détruire ou d’abimer des équipements ou des biens. Quelles sont les dispositions prévues pour y faire face ?

Le citoyen doit être le premier acteur de sa sécurité et de celle de ses proches. Encore faut-il qu’il soit informé. Un exemple : le premier mercredi de chaque mois à midi, pendant une minute et 41 secondes, nous entendons les sirènes d’alerte à la population. Pendant la seconde guerre mondiale, ce signal d’alerte était utilisé pour prévenir la population des villes des attaques aériennes. Les sirènes sont régulièrement entretenues et le premier mercredi du mois a été retenu pour des tests de vérification de leur bon fonctionnement. Mais qui sait vraiment la conduite à adopter si l’alarme sonne trois fois consécutives un autre jour que le mercredi ?

C’est un signal prescrivant de se mettre à l’abri ?

Oui. Si cette alarme retentit, les pouvoirs publics recommandent de rejoindre rapidement un local clos, si possible sans fenêtre, de couper le chauffage, la climatisation et la ventilation, de ne pas allumer de flamme, de ne pas encombrer les lignes téléphoniques et de se mettre à l’écoute d’une radio publique, nationale ou locale pour connaître les consignes des autorités.

Le réseau national d’alerte (RNA) dispose ainsi de plus de 4300 sirènes sur tout le territoire. Mais, en dehors des zones fortement exposées à un risque technologique, les populations ne savent pas toujours bien comment réagir si les sirènes sonnent l’alarme.

Or les deux tiers des 36000 communes françaises sont exposées à au moins un risque naturel, 16000 au risque d’inondation, 7000 au risque de mouvement de terrain et 18000 sont exposées à un risque technologique, dont 545 à au moins trois de ces risques.

Les conséquences d’un accident dans un établissement produisant ou stockant des produits chimiques de base ou des produits dérivés du pétrole sont regroupées selon trois types d’effets :

  • Thermiques (liés à une combustion de produit inflammable ou à une explosion)
  • Mécaniques (liés à une surpression résultant d’une onde de choc, par exemple une déflagration ou une détonation, ou provoquée par une explosion)
  • Toxiques (résultant de l’inhalation d’une substance chimique toxique provenant, par exemple, d’une fuite sur une installation).

Le transport de matières dangereuses est, pour sa part, à l’origine de 10% des accidents technologiques et un tiers des accidents a des impacts environnementaux : pollution des eaux et ou de l’atmosphère, contamination des sols, atteinte à la faune et à la flore sauvages.

Le code de l’Environnement affirme le droit des citoyens à une information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis sur tout ou partie du territoire et sur les mesures de prévention et de sauvegarde qui les concernent.

 

Comment ce droit peut-il s’exercer ?

Plusieurs types d’informations sont diffusés dans ce but, sur les risques et la conduite à tenir pour s’en préserver, à travers différents documents et actions d’information obligatoires. Leur mise en œuvre dépend des niveaux de responsabilité concernés parmi les différents acteurs de la prévention.

Ces documents sont consultables dans la mairie de chaque commune et sur internet :

Le premier document est le Dossier Départemental des Risques Majeurs (DDRM), établi par le Préfet. Actualisé tous les cinq ans, ce dossier comprend, pour les différentes communes du Département concernées :

  • La description des risques et de leurs conséquences pour les personnes, les biens et l’environnement.
  • L’exposé des mesures de sauvegarde prévues pour en limiter les effets.

Il convient de préciser que sur les 36 000 communes françaises, 28 000 sont recensées dans les communes à risques et que des DDRM ont été réalisés dans chacun de nos Départements.

Sur la base des informations contenues dans le DDRM transmis par le Préfet, le maire doit, ensuite, établir le Dossier d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM), consultable par le public.

Le Maire, détenteur des pouvoirs de police dans la commune, a aussi l’obligation d’établir un Plan de prévention (PPR) pour chaque zone exposée. Ce document est généralement réalisé en collaboration avec les services de l’Etat.

Il y a des PPRi pour les risques d’inondation, des PPRn pour les autres risques naturels prévisibles (coulée de boue, incendie de forêt, avalanche, éruption volcanique, séisme, etc.) et des PPRt pour les risques technologiques majeurs, en premier lieu les risques SEVESO.

Il revient aux communes de rendre opérationnel le PPR en l’intégrant au Plan Local d’Urbanisme (PLU) et en préparant la gestion d’une crise éventuelle sous la forme d’un Plan Communal de Sauvegarde (PCS) qui scénarise la gestion de l’événement : système d’alerte, organigramme de crise, plan d’évacuation et de mise en sécurité, méthode de gestion, retour à l’activité normale… A l’heure actuelle, près de 12000 PCS sont recensés par la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (DGSCGC) du Ministère de l’Intérieur.

Pour le risque inondations, auquel la France est particulièrement exposée (près d’1 Français sur 4 et 1 emploi sur 3 sont potentiellement exposés), des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) définissent les systèmes de protection, des mesures de réduction de la vulnérabilité des personnes, des biens et des territoires et le mode de sensibilisation des riverains.

La stratégie nationale de gestion des risques d’inondations (SNGRI), initiée par une Directive européenne transposée en droit français en 2010, porte une attention particulière aux secteurs les plus exposés à des débordements de cours d’eau, de remontée de nappe ou de submersion marine. Ces secteurs sont désormais bien identifiés et qualifiés de Territoires à Risque Important d’Inondation (TRI).

Outre les recommandations de comportement délivrées pour ce type d’aléa, l’information des citoyens passe par l’entretien de la mémoire des événements passés. Depuis 2003, la pose de repères de crues normalisés et l’entretien des repères existants pour conserver la mémoire des plus hautes eaux connues sont obligatoires dans toutes les communes soumises aux inondations.

Des actions particulières sont-elles prévues pour les établissements recevant du public et les établissements scolaires ?

Dans les communes exposées à un ou plusieurs risques majeurs, l’affichage d’informations préventives est obligatoire dans les établissements publics et les établissements recevant du public, notamment les terrains de camping ou de caravaning et les immeubles regroupant plus de 15 logements.

Les établissements d’enseignement exposés à un ou plusieurs risques majeurs ont, eux, l’obligation d’élaborer, sous l’autorité du chef d’établissement et en concertation avec le maire de la commune et les services de secours, un Plan Particulier de Mise en Sûreté (PPMS).

Les établissements recevant du public (ERP) sont, pour leur part, classés en différentes catégories, en fonction de l’activité exercée et de l’effectif susceptible d’y être reçu. Ce classement définit les exigences réglementaires applicables (type d’autorisation de travaux, règles de sécurité, dispositif d’évacuation, accès des personnes handicapées…), en fonction des risques.

Et dans les départements d’outre-mer ?

Qu’il s’agisse du risque d’éruption du Piton de la fournaise à la Réunion, du risque de séisme aux Antilles ou des risques de cyclone, de tsunami, de submersion marine, d’incendies de forêt en Guyane, de l’affaiblissement des récifs coralliens ou du développement récent des champs d’algues « sargasses », la vulnérabilité de l’outre-mer face à certains risques naturels fait l’objet d’un suivi attentif et vigilant. Le gouvernement a d’ailleurs nommé en 2019 un délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer.

Vos activités de consultant vous ont conduit à organiser une concertation entre le Ministère de l’Ecologie et le Conseil Supérieur du Notariat…

Vous pensez, j’imagine, à l’Information de l’acquéreur ou du locataire d’un bien immobilier situé dans une zone à risques.

Depuis 2006, la loi rend, en effet, obligatoire l’information de l’acheteur ou du locataire (IAL) de tout bien immobilier (bâti ou non bâti), situé dans une zone d’insécurité et/ou dans le périmètre d’un plan de prévention des risques naturels ou technologiques.  Le vendeur ou le bailleur doit indiquer à l’acquéreur ou au locataire, sur un document annexé au contrat, la situation de ce bien vis-à-vis du ou des risques naturels ou technologiques auxquels la commune est exposée.

Ce document, mis au point en concertation avec les notaires pour en faciliter l’application, permet de faire connaître les servitudes qui s’imposent au bien considéré ainsi que les sinistres qu’il a subis dans le passé et qui ont donné lieu à l’indemnisation. Il doit également préciser les indemnisations dont le bien a été l’objet au titre d’une déclaration de l’état de catastrophe naturelle.

Cette information obligatoire peut être réalisée à partir des documents disponibles en Mairie ou en Préfecture, ou encore à l’aide du site www.georisques

Une information spécifique aux risques technologiques est également mise à disposition des citoyens : Au titre de l’article 13 de la Directive européenne « Seveso2 », les industriels ont l’obligation de réaliser pour les sites industriels « à haut risque » classés « Seveso avec servitude », une action d’information des populations riveraines. Coordonnée par les services de l’Etat, cette campagne de sensibilisation est entièrement financée par le générateur de risque et renouvelée tous les cinq ans.

Où peut-on trouver des informations sur ces différentes dispositions ?

Soit sur www.gouvernement.fr/risques , soit sur le portail de la prévention des risques majeurs du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, www.georisques.gouv.fr consultable sur internet.

Ce portail met à disposition de chacun des dossiers thématiques complets sur les différents types de risques, les informations disponibles, l’état des risques majeurs pour chaque commune de France, la liste des arrêtés de déclaration d’état de catastrophe naturelle et, sur l’interface Cartorisques, les cartes d’aléas et les PPRN. On y trouve même des affiches de prévention et un modèle de Plan Familial de Mise en Sureté (PFMS) pour aider les personnes exposées à un ou plusieurs types de risques majeurs à se préparer à traverser les périodes de crise en limitant les dommages.

La pluralité et la diversité des acteurs de la prévention et de la gestion des risques majeurs peut rendre difficile la concertation et la coordination aux différents niveaux national, régional, départemental et local. Quelles sont les dispositions mises en œuvre pour permettre cette nécessaire collaboration ?

La loi du 30 juillet 2003, tout en renforçant l’information préventive, a également créé des organes de dialogue :

Une Commission Départementale des Risques Naturels Majeurs (CDRM) qui, dans chaque Département réunit, sous la présidence du Préfet, les représentants des élus, des services de l’Etat, des professionnels concernés et des associations représentatives ;

Des Comités Locaux d’Information et de Concertation (CLIC) pour tout bassin industriel comprenant une ou plusieurs installations « Seveso avec servitude », afin de permettre la concertation et la participation des différentes parties prenantes, notamment les riverains, à la prévention des risques d’accident tout au long de la vie de ces installations.

Au niveau national, le décret du 30 août 2003 a, en outre, créé le Conseil d’Orientation pour la Prévention des Risques Naturels Majeurs (COPRNM) chargé de donner des avis et de faire des propositions en matière de prévention des risques naturels.  Structure de réflexion, de concertation, de conseil et d’arbitrage, le COPRNM réunit des représentants des élus, des services de l’Etat, des experts, des personnalités qualifiées de la société civile et des milieux associatifs.

Il existe enfin un Observatoire National des Risques Naturels (ONRN), créé en 2012 à la suite de la tempête Xynthia. Cet observatoire fait l’objet d’un partenariat entre l’Etat, la Caisse Centrale de Réassurance et la Mission des Sociétés d’Assurances pour la Connaissance et la Prévention des Risques Naturels.

J’ajoute qu’en complément de ces démarches réglementaires, les citoyens doivent chercher à s’informer personnellement sur les risques qui les menacent individuellement et sur les mesures et comportements à adopter. Les informations nécessaires sont facilement consultables sur les sites internet des ministères concernés, des préfectures et des collectivités.

Depuis 1993, les ministères chargés de l’Environnement et de l’Education nationale s’attachent également à promouvoir l’éducation à la prévention des risques majeurs. Cette approche est officiellement inscrite dans les programmes scolaires des enseignements primaire et secondaire.

Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la Stratégie Internationale pour la Réduction des Catastrophes Naturelles (ISDR), initiée par l’ONU en 1990. Le 13 octobre est organisée, chaque année, la « Journée Internationale pour la Prévention des Risques Majeurs ».

Sur les risques SEVESO, vous avez mentionné des dispositions spécifiques. Pourriez-vous les préciser ?

Ces sites sont exposés soit à des risques majeurs de type nucléaire ou industriel élevé (activités chimiques ou pétrochimique, stockage souterrain de gaz, barrages de plus de 20m de haut et pouvant stocker plus de 15 millions de mètres cubes d’eau, centres de recherche épidémiologique…), soit à des accès non autorisés (intrusion de manifestants, survol de drones, espionnage industriel), voire à des attentats terroristes. Le territoire français compte près de 1300 établissements classés « SEVESO » et 125 installations nucléaires.

Des mesures de sécurité spécifiques sont donc imposées et les exploitants de sites SEVESO doivent élaborer des plans de secours.

Pour les sites SEVESO de « seuil haut », l’exploitant a, ainsi, l’obligation d’établir un « plan d’opération interne (POI) » destiné à identifier et planifier les mesures d’organisation et de protection nécessaires en fonction de différents scenarios de sinistres envisageables.

De son côté, la Préfecture du Département doit mettre au point un « plan particulier d’intervention (PPI) ».

Ce plan d’urgence, décliné du plan ORSEC, organise la mobilisation et l’intervention des différents acteurs (Services d’incendie et de secours, gendarmerie, police, équipement, gestionnaires des réseaux d’électricité, d’eau et de gaz, collectivités territoriales et établissements scolaires concernés, exploitants de sites à risque proches du site où survient l’accident, etc.).

Le POI est mis en œuvre lorsque l’ampleur de l’accident ne dépasse pas l’enceinte du site Industriel. Si l’accident dépasse les limites de cette enceinte, le PPI doit être déclenché sur demande au Préfet.

On l’a constaté récemment avec l’incendie du site Lubrizol proche de Rouen, la communication sur la situation et sur les mesures d’urgence mises en œuvre aurait pu être plus claire…

Ce qu’il faut rappeler c’est qu’au titre de l’article 13 de la Directive européenne Seveso 2, les industriels ont l’obligation de réaliser, pour les sites à haut risque classés Seveso avec servitude, une action d’information des populations riveraines. Coordonnée par les services de l’Etat, cette campagne est totalement financée par le générateur de risque et, comme je l’ai indiqué, renouvelée tous les cinq ans.

Depuis le 1er juin 2015, la Directive Seveso 3 est venue renforcer l’information du public avec l’obligation de diffuser, sur un site internet dédié, un certain nombre d’informations relatives à chaque site Seveso.

Dans le cas Lubrizol, il faut hélas admettre des dysfonctionnements. L’un porte sur l’incendie de 4252 tonnes de produits sur le site voisin de l’usine Lubrizol, où étaient entreposés 1691 tonnes de produits stockés pour le compte de Lubrizol. Or, l’enquête a fait apparaître que l’entreprise de stockage n’était plus enregistrée dans la bonne catégorie au titre des « installations classées pour la protection de l’environnement. Cette entreprise, dès lors qu’elle entreposait des produits Lubrizol, aurait dû être déclarée dans le seuil supérieur, ce qui implique des contrôles réguliers.

Un autre enseignement doit être tiré de la communication sur cette crise. L’information diffusée a suscité de nombreuses critiques, s’est accompagnée de fausses nouvelles et de commentaires contradictoires qui ont contribué à aggraver la perception de la situation et rendus plus méfiants les élus locaux, les riverains, les agriculteurs et plusieurs associations à l’égard de la parole publique…

Qu’est-ce qu’un accident NA-TECH ?

Ce terme résulte de la contraction des mots naturel et technologique. Qu’il s’agisse d’inondation, de séisme, de feu de forêt, d’orages importants, de tempête, etc., un aléa naturel peut avoir un impact sur une installation industrielle et, dès lors, être à l’origine d’un accident ou d’une succession d’accidents dont les conséquences peuvent se traduire par des dommages matériels sur des équipements ou des bâtiments, ou par des pertes d’exploitation, du chômage partiel, etc.

La Directive européenne Seveso III a rendu obligatoire la prise en compte, sous la responsabilité des industriels, des aléas naturels dans les études de danger des établissements classés SEVESO.

De quels types d’indicateurs dispose-t-on pour anticiper une situation de crise potentielle ?

Les signaux d’alerte peuvent relever de mesures purement techniques (mesure de la montée du niveau de l’eau et de son débit dans une rivière, taux de pollution, suivi des données météo…), d’une mise en évidence dans le cadre  d’un contrôle  périodique ou inopiné d’installation (fissure dans un réservoir ou dans le tablier métallique d’un pont, fuite dans une canalisation, joint défectueux sur une vanne, panier mal fixé sur un panneau de basket, trous dans la chaussée d’un virage routier, etc.).

Mais, avec le développement des chaines d’information continue et des réseaux sociaux, ces signaux peuvent également apparaître dans le cadre d’une analyse régulière des médias (apparition d’un risque d’épidémie ou de canicule, mention d’une rumeur préjudiciable risquant de se propager, émergence d’une campagne de dénigrement, etc.).

Plus on anticipe, mieux on maîtrise, car on dispose d’une meilleure capacité à capter, évaluer et analyser les informations sans subir la pression de l’urgence qui marque chaque crise lorsqu’elle survient.

Si l’état, les collectivités, les services publics de santé, de transport, de production/distribution d’énergie, les entreprises exploitant des sites ou des établissements classés Seveso sont en mesure de concevoir et mettre en œuvre les actions nécessaires face aux risques, quelle attitude doit adopter un citoyen avant, pendant et après une situation d’urgence ?

Chacun doit d’abord rechercher les informations utiles sur les risques identifiés dans la commune et le quartier où il réside. Elles sont en général facilement accessibles par internet. Cette prescription s’applique également aux lieux de vacances ou de séjour temporaire. Il faut ensuite mettre au point un plan personnel (ou familial) de mise en sureté et préparer un « kit d’urgence » nécessaire en cas d’évacuation.

Que doit contenir un tel kit ?

Les objets et articles de première nécessité : eau, couteau de poche multifonctions, lampe de poche, trousse médicale, vêtements de rechange, nourriture de secours, objets de valeurs, papiers d’identité, téléphone portable et son chargeur, radio avec piles de rechange, double des clés de maison et de véhicule, argent liquide et carte de crédit…

Et pendant la situation d’urgence ?

C’est très simple : Primo rester informé et respecter les consignes communiquées par les pouvoirs publics. Secundo se préparer à un ordre éventuel d’évacuation et, si cet ordre est donné, évacuer dans le calme en pensant à emporter son kit d’urgence.

Si c’est un ordre de confinement qui est donné, demeurer sur place en fermant les portes et fenêtres, utiliser du ruban adhésif pour les calfeutrer, aller dans une pièce située au-dessus du niveau du sol, si possible sans fenêtre, et se tenir informé par la radio, la télévision ou sur internet jusqu’à l’annonce du retour à une situation normale, ou à la réception de l’ordre d’évacuer le lieu.

Dans ces types de situation, les internautes volontaires, inscrits préalablement sur Médias Sociaux en Gestion d’Urgence, peuvent utilement relayer l’information officielle sur la crise et faire remonter de l’information de terrain, des photos géolocalisées, etc., vers le correspondant désigné par les pouvoirs publics.

En France, il existe une assurance dite « Cat-Nat » pour indemniser les victimes de catastrophes naturelles. Mais certains risques sont exclus de son champ d’application. Pour quelle raison et comment, alors, peuvent-ils être couverts ?

La couverture « Cat-Nat » est soumise à certaines conditions : l’état de catastrophe naturelle ouvrant droit à garantie doit être constaté par un arrêté interministériel ; le texte doit préciser les zones et les périodes où a eu lieu la catastrophe, ainsi que la nature des dommages en résultant et couverts par la garantie. L’agent naturel doit être la cause déterminante du sinistre et les victimes doivent avoir souscrit un contrat d’assurance garantissant les dommages d’incendie ou les dommages aux biens.

Les préjudices causés par les inondations, les séismes, les mouvements de terrain sont couverts si ces conditions sont remplies.

Les feux de forêt et les tempêtes ne sont pas couverts par la garantie « Cat-Nat » et doivent être assurés au titre de la garantie multirisques. Le risque de rupture de digue ou de barrage, lui, doit faire l’objet d’un contrat d’assurance garantissant les dommages.

Les dommages ne sont couverts que s’ils sont directement liés à la catastrophe, et dans la limite des plafonds de garantie du contrat de l’assuré.

Une franchise peut s’appliquer et les frais indirects (relogement, perte de jouissance d’un bien, etc.) restent à la charge de l’assuré.

Au fil des temps, la notion de risque s’est considérablement développée, au point de nous faire adopter le principe de précaution, en 1992 lors du sommet de RIO. Mais il existe bien d’autres risques que les risques majeurs …

En effet. L’anticipation, comme je l’ai souligné, constitue un impératif même quand il ne s’agit pas de risque dit majeur. En dehors des risques de catastrophes naturelles ou technologiques, je l’ai dit au début de notre entretien, nous sommes exposés à différents types de risques de la vie quotidienne risques domestiques, sanitaires, routiers, professionnels, pour lesquels l’intérêt évident est de prendre les précautions qui s’imposent.

La crise du Coronavirus vient d’en apporter la démonstration. Dans ces circonstances exceptionnelles, la nation française est appelée à se rassembler et à se dépasser. L’énergie, l’imagination, la capacité d’adaptation et de solidarité des Français constituent un atout pour la mise en œuvre des mesures décidées au sommet de l’Etat pour préserver l’intégrité et la capacité de la Nation, conformément à la Constitution de 1958.

Si l’on considère un autre contexte que celui de la crise sanitaire actuelle, les risques les plus fréquents sont, en fait, les différents risques d’accidents de la vie courante. Il faut savoir qu’en France ils sont à l’origine de cinq millions de recours aux urgences et, chaque année, de plus de vingt mille décès.

Ces « Ac-VC » ne sont pas intentionnels et peuvent être des accidents domestiques, des accidents de sport ou de loisirs, des accidents survenant dans un magasin ou sur un trottoir. Les facteurs de risques sont, en fait, très variés. La vigilance et la précaution sont donc essentielles. Une enquête permanente est réalisée pour en assurer le suivi factoriel et fonder les actions de prévention.

Nous sommes tous exposés aussi aux risques d’insécurité sur les routes. Les campagnes de sensibilisation le rappellent régulièrement…

La sécurité routière est un enjeu majeur. L’évolution de la réglementation, les campagnes de prévention et les contrôles mis en œuvre ont permis, en une cinquantaine d’années et alors que le trafic routier n’a cessé de se développer, de ramener le chiffre des morts de 18000 en 1972 à 3239 en 2019.

Depuis la création du Comité Interministériel de la Sécurité Routière, le 5 juillet 1972, plus de 350000 vies ont été sauvées grâce aux actions mises en œuvre, à l’amélioration de la sécurité des véhicules, à l’aménagement du réseau routier et à l’amélioration du comportement des usagers. Il faut poursuivre l’effort.

De quelle manière ?

Il faut continuer à conjuguer réglementation, sensibilisation, contrôles, inciter les conducteurs à respecter les vitesses autorisées, à ne pas utiliser leur téléphone, continuer à rappeler sans cesse que la route doit être partagée entre les différentes catégories d’usagers : les automobilistes, les deux roues, les piétons (29% des piétons tués l’année dernière l’ont été alors qu’ils traversaient sur un passage protégé , dont un grand nombre à cause d’une trottinette !!) et, bien sûr, il faut adapter les messages de sensibilisation en tenant compte des différentes catégories qui les lisent ou les entendent, tout en veillant à utiliser les bons vecteurs de communication et à prendre en compte les réactions des associations d’usagers et des réseaux sociaux.

Où en est la gestion des risques d’accident du travail dans les entreprises ?

Pour les risques professionnels, le code du travail définit neuf principes généraux de prévention applicables à tous les risques. Et le décret du 5 novembre 2001, transposant une Directive européenne, a instauré, en France, le Document Unique d’Evaluation des Risques. L’élaboration et la mise à jour de ce document s’imposent dans toute entreprise, administration ou association employant plus d’un salarié.

L’intérêt de ce document est que, non seulement, il liste et hiérarchise les risques pouvant nuire à la sécurité de tout salarié ; mais il doit, aussi, préconiser les actions destinées à réduire ou supprimer ces risques. En ce sens, c’est aussi un plan d’actions de prévention qui doit être régulièrement revu et actualisé en tenant compte des valeurs essentielles et des bonnes pratiques de prévention.

La prévention des risques professionnels comporte ainsi un ensemble de dispositions à mettre en œuvre pour préserver la santé et la sécurité des salariés tout en améliorant les conditions de travail. La démarche doit impliquer le management, les salariés, les représentants du personnel, les médecins du travail et, dans les établissements employant au moins 50 salariés, le CHSCT.

C’est une obligation règlementaire pour l’employeur qui s’inscrit dans une logique de responsabilité sociétale des entreprises.

Quelle que soit leur taille et leur activité, les entreprises, de nos jours, sont exposées à plusieurs types de risques : financiers, commerciaux, technologiques, informatiques, sociaux, sans oublier ceux qui relèvent de l’hygiène et de la sécurité au travail…

En fait, les risques peuvent provenir de l’entreprise elle-même ou de l’environnement externe. Ils sont variables d’une entreprise à l’autre et peuvent être classés en différentes catégories :

  • Les risques stratégiques
  • Les risques liés à la gouvernance de l’entreprise
  • Les risques juridiques, légaux, fiscaux, sociaux
  • Les risques financiers (dégradation de cours des matières premières, retard de paiement d’un client important, augmentation des taux bancaires, perte de marchés)
  • Les risques opérationnels
  • Les risques environnementaux
  • Les risques liés au personnel
  • Les risques liés aux clients
  • Les risques liés à l’instabilité politique sur les marchés d’exportation
  • Les risques liés à la santé et à la sécurité

Le document unique d’évaluation des risques est donc une « photographie » de la situation de l’entreprise en matière de sécurité et d’hygiène ?

Oui, mais pas seulement car il décrit les risques et les actions à mettre en oeuvre pour les réduire.

Ce document unique doit être mis à jour au moins une fois par an. Cependant les TPE (entreprises de moins de 11 salariés) ne sont tenues à une mise à jour du document qu’en cas de changement notable en matière d’hygiène ou de sécurité.

Comment faut-il le présenter ?

Il n’y a pas de formalisme particulier à respecter pour établir le DUER. Le document unique peut être tenu sous forme papier ou numérique, par exemple sur Word ou Excel.

Quels types d’informations doit-il contenir ?

Il doit en comprendre trois principaux :

  • L’inventaire des risques HSE présents dans l’entreprise :
    • Risque d’incendie et d’explosion,
    • Risque de chute de hauteur ou de plain-pied,
    • Risque lié au bruit,
    • Risque lié à l’éclairage ou à l’utilisation d’écran,
    • Risque lié à l’organisation de la sécurité,
    • Risque lié à l’organisation du travail
    • Risque lié à la malveillance,
    • Risque lié à l’hygiène,
    • Risque lié aux ambiances climatiques (humidité par exemple) et thermiques (chaud, froid…),
    • Risque lié aux circulations et aux déplacements de véhicules sur la voie publique ou sur site,
    • Risque lié aux postures et aux gestes répétitifs (hors manutention),
    • Risques liés à l’utilisation de certains matériaux,
    • Risques liés aux machines et équipements,
    • Risques psychosociaux (violence au travail, agression, harcèlement, stress, fatigue et épuisement…),
    • Depuis 2014, le nombre des salariés exposés aux risques et concernés par le suivi de la pénibilité doit également être indiqué,
  • L’analyse ou la « hiérarchisation » des risques :
    • Fréquence d’exposition,
    • Niveau de gravité,
    • Niveau de maîtrise actuelle de chaque risque,
    • Ces critères permettent de classifier les risques : risque mineur, risque secondaire, risque majeur,
  • Les actions de maîtrise et de prévention à mettre en place pour limiter les risques listés :
    • Délai de réalisation,
    • Avancement,
    • Responsable de l’action,
    • Coût.

Les actions à mettre en œuvre doivent être adaptées à la taille de l’établissement, à la nature de son activité, aux risques qui y sont identifiés et aux types de tâches effectuées par les salariés.

La norme ISO 31000 n’a-t-elle pas été élaborée pour guider les entreprises dans leur approche du management des risques ?

Tout à fait. Une version révisée a d’ailleurs été publiée en 2018 pour prendre en compte l’évolution des modes de production et d’échanges, la complexité des systèmes économiques, le développement du numérique…Elle définit des lignes directrices, non des exigences. Elle n’est donc pas destinée à la certification. Son objectif principal est de contribuer au développement d’une culture du management du risque.

Ces dernières années ont vu se développer différentes formes de cybercriminalité visant aussi bien des entreprises, des établissements financiers, des groupes hôteliers, des marques du secteur du luxe, des services publics, etc. En pleine gestion de crise du Coronavirus, les serveurs de l’Assistance Publique ont d’ailleurs subi fin mars une cyber attaque par connexions massives à partir de l’étranger…

Heureusement, l’informatique interne de l’AP-HP n’a pas eu à souffrir de cette attaque. Les experts cyber ont bloqué les accès externes hors Europe de l’AP-HP puis rétabli rapidement le fonctionnement des serveurs.

Bien gérée, cette cyber attaque s’est donc heureusement terminée. Mais dans tous les secteurs d’activités les risques cyber sont permanents. La vigilance et l’anticipation sont donc impératives.

En France, l’’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), créée en 2009 et rattachée au Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), est chargée de créer les conditions d’un environnement de confiance et de sécurité propre au développement de la société de l’information.

L’ANSSI dispose de 7 laboratoires dans lesquels 140 chercheurs, mathématiciens et ingénieurs spécialisés s’attachent à faire progresser la recherche sur la sécurité des composants et des logiciels, la cryptographie, etc.

Ses experts apportent aussi une assistance technique aux entreprises, notamment aux « opérateurs d’importance vitale (OIV) et aux opérateurs de services essentiels (OSE) ». 122 opérateurs bénéficient actuellement de cette assistance et dans les mois qui viennent, l’ANSSI va renforcer son action et soumettre près de 600 opérateurs à des obligations particulières de sécurité.

Mais chacun d’entre nous doit être bien conscient que toute période de crise incite les pirates informatiques à exercer leur activité. Surtout quand la situation amène de très nombreux salariés à travailler à distance avec leurs ordinateurs personnels, leurs tablettes, leurs smartphones, etc. Il est donc impératif de veiller à respecter les bonnes pratiques. Il existe à cet égard d’excellents sites de conseils, notamment www.cybermalveillance.gouv.fr

et la rubrique Particuliers/bonnes pratiques du site de l’ANSSI.

Le risque d’image, de réputation ne fait-il pas aujourd’hui partie des risques susceptibles d’entrainer une situation de crise ? 

Oui, de plus en plus avec le risque d’une information insuffisamment vérifiée par certains médias et le développement d’opinions ou de commentaires subjectifs et parfois malveillants sur internet, Twitter ou sur les réseaux sociaux.

En outre, il arrive encore que les réponses apportées aux interrogations du public ou des associations par les gestionnaires de la situation soient trop rassurantes, incomplètes voire partiales et, dès lors, n’apaisent pas toujours les inquiétudes.

Elles sont donc encore trop souvent source d’instabilité. D’autant plus que la vitesse et l’ampleur de la circulation de l’information et de ses interprétations commentées sur internet et sur les différents réseaux sociaux peut amplifier l’inquiétude ou la perplexité, susciter des contestations, des réprobations, des critiques, des indignations portant évidemment atteinte à l’image et à la réputation.

Faut-il définir à l’avance les principaux publics concernés en fonction des différents risques potentiels identifiés ?

Cela se fait depuis longtemps dans le domaine de l’information préventive sur les risques naturels et technologiques majeurs en application d’une loi de 1987 dont l’article 21 a instauré pour les citoyens un « droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du Territoire et sur les mesures qui les concernent ».

C’est d’ailleurs la création du groupe de travail constitué à l’époque par la Direction de l’Eau et de la Prévention des Pollutions et des Risques (DEPPR) pour préparer les mesures à prendre en compte dans le décret d’application de cette loi qui m’a conduit à m’intéresser à la problématique des risques.

Ce groupe de travail, présidé par le préfet Jean Mingasson, a d’abord procédé à une soixantaine d’auditions de spécialistes, d’acteurs de terrain et d’élus locaux et j’étais chargé par le délégué adjoint aux risques majeurs, Alain Jacq d’en rédiger la synthèse avec l’un de mes collaborateurs. J’ai ensuite effectué différentes missions d’études pour la DEPPR, devenue DPPR en 1993, puis Direction Générale de la Prévention des Risques Majeurs en 2008.

Au fil des années, d’autres textes, législatifs et réglementaires, sont venus compléter les dispositions. Cependant, il faut bien admettre qu’elles sont inégalement appliquées et que des progrès restent à faire.

Mais, globalement, la France a un vrai savoir-faire en matière de risques majeurs et s’attache à développer ses différentes actions de réduction des risques et de prévention des catastrophes. Le Conseil d’Orientation pour la Prévention des Risques Naturels Majeurs (COPRNM), placé sous la responsabilité du Délégué aux Risques Majeurs, et l’Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles (AFPCN) contribuent au développement de la coopération internationale sur ces enjeux.

Dans le domaine de la prévention des accidents du travail et de la gestion des risques HSE, l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) fait un excellent travail d’identification des risques, d’évaluation des dangers et de leurs conséquences pour la santé et la sécurité des hommes et des femmes au travail, et recherche comment les maîtriser et mener des actions de prévention métier par métier.

Dans le domaine des risques sanitaires, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) rassemble, étudie et évalue, dans un but épidémiologique, les données utiles sur l’état de santé de la population. Il faut également souligner la qualité des travaux de nombreux autres centres de recherche : CNRS, Institut Pasteur, INSERM, Fondation Curie, etc., dont la réputation internationale confirme le haut niveau de nos chercheurs

Mais il faut ajouter que l’information n’est pas la Communication. Celle-ci suppose un échange, une interaction entre un émetteur et un ou plusieurs récepteurs. L’émetteur a donc tout intérêt à formuler son message pour qu’il soit compris et pour que l’échange soit, ainsi, facilité avec le ou les récepteurs. Ce dialogue, cette interaction est essentielle pour susciter des comportements appropriés face à un risque considéré.

Lorsque survient une situation de crise, un responsable peut être rapidement confronté à une multitude d’informations et de décisions à prendre tout en étant sollicité par les médias, les responsables d’association, les riverains et les familles. Il peut donc être important de disposer d’éléments de communication mis au point à l’avance et facilement adaptables en fonction de la crise considérée. Quels conseils donneriez-vous pour la préparation du « kit de communication » dont vous avez mentionné tout à l’heure l’intérêt ?

Il faut toujours considérer que la population concernée par une situation de crise dont elle n’est pas responsable en est d’abord victime. Elle a donc le droit de s’inquiéter, de s’interroger et de s’exprimer.

Il faut éviter le mur de silence, communiquer clairement, apporter des réponses à l’inquiétude qui apparait, évaluer les réactions, notamment celles qui sont relayées par les réseaux sociaux et les médias, adapter les messages et les réponses aux interrogations, dialoguer avec les représentants des différents publics, utiliser les bons relais et, surtout éviter les discours trop rassurants qui sont source d’incompréhension, de doute et de contestation.

Dès lors qu’une entreprise ou une collectivité peut être confrontée à une situation de crise, il faut l’anticiper et se donner les moyens d’y faire face. Le management du risque nécessite une approche méthodique si l’on veut éviter la précipitation désordonnée lorsque survient la crise.

Et le Kit de communication ?

Quand survient la crise et qu’il faut y faire face le plus efficacement possible, en ne disposant souvent que d’informations partielles et parfois contradictoires, ce kit, mis au point à l’avance pour en faciliter la gestion et la communication, facilite le travail du ou des pilotes de la cellule de gestion.

Il faut, au moins, une fiche de synthèse bien renseignée par type de risque, quelques photos du site et de la zone concernée prises avant la survenance de la crise, une carte de géolocalisation du site et du périmètre de risque, une liste des membres de la cellule de crise précisant le nom, la fonction, le domaine de compétence, les numéros de téléphone et le domaine de responsabilité au sein de la Cellule, une liste des acteurs et décideurs concernés, un fichier des associations relais, un fichier des journalistes susceptibles d’être contactés (précisant leurs coordonnées, la périodicité de leur publication, les dates et délai de bouclage…).

On y ajoute souvent une check-list méthodologique sur l’organisation et le mode de fonctionnement de la cellule de crise, deux ou trois ébauches de communiqués n’ayant plus qu’à être actualisés en fonction de la configuration exacte de la crise, une liste de 3 ou 4 personnalités compétentes pour s’exprimer en tant qu’expert, le moment venu, sur l’origine et l’évolution de la crise si les médias sollicitent un commentaire d’expert; et, si c’est nécessaire, des messages spécifiques à l’intention de certains publics-cibles.

Il faut, en outre, prévoir un cahier sur lequel seront notés , au fur et à mesure de l’évolution de la crise, la chronologie détaillée des événements, les informations et analyses dont dispose la cellule de crise, les actions qu’elle décide de mettre en œuvre, le suivi résumé des commentaires des médias et des responsables d’associations concernées par le traitement de l’événement, la liste des journalistes à contacter prioritairement pour assurer le  » porter à connaissance  » de la situation et des mesures de précautions à prendre par les auditeurs, téléspectateurs ou internautes résidant dans la zone ou a proximité de celle-ci.

Le suivi de l’information, des commentaires et des déclarations diffusées ou relayées par les médias et sur les principaux réseaux sociaux est d’autant plus nécessaire qu’il permet d’ajuster la communication dans le souci constant de vérité et de sincérité qui limitent l’altération de la réputation et sont indispensables à la restauration de l’image après la crise si celle-ci est altérée par l’événement ou la situation.

De la théorie à la pratique, il peut y avoir des écarts.  Pour cette raison, il existe des exercices et des simulations. Est-il réaliste de mobiliser ainsi tous les acteurs d’une crise qui, à ce stade, n’a qu’un caractère potentiel ?

Je suis tout à fait partisan des exercices en temps réel et des simulations. C’est le bon moyen pour valider et affiner un scénario de gestion de crise, détecter et corriger les erreurs méthodologiques, ajuster les délais d’exécution, rattraper un oubli et roder la collaboration entre les différents intervenants.

En observant tout ce qui s’est dit ou écrit dans les médias ces derniers mois, qu’il s’agisse des inondations, de l’érosion du littoral, des incendies de forêt, du Coronavirus, du déraillement d’un train à grande vitesse, d’incendies accidentels, de pollutions ou d’intoxications alimentaires pour n’en citer que quelques-uns, on comprend qu’il existe une grande diversité de crises potentielles.  Faut-il prévoir un maximum de scénarii correspondant à cette diversité ou vaut-il mieux s’appuyer sur un schéma directeur et l’adapter le moment venu en se tenant prêt à improviser ?

La bonne approche en matière de gestion de crise consiste, à la fois, à prévoir, anticiper, former, informer, gérer et restaurer.

Chacun de ces six verbes correspond a une phase qui, si elle n’est pas convenablement prise en compte en fonction de la situation et de son contexte, peut altérer la cohérence des efforts déployés pour faire face le plus efficacement possible à une situation préjudiciable à caractère exceptionnel.

Le retour d’expérience fait-il partie de l’anticipation des crises futures de l’entreprise ou de la collectivité qui vient de subir un dommage ou de faire face à une situation préjudiciable ?

Le retour d’expérience est capital ! Même si un scénario ne se reproduit pas à l’identique, il y a toujours des enseignements à tirer du déroulement d’une crise, de son mode de gestion et des difficultés rencontrées à cette occasion.

Si l’entité concernée dispose d’un « coordinateur de gestion des risques », c’est à celui-ci d’organiser les réunions d’analyse et d’évaluation, d’en rédiger une synthèse puis d’en faire prendre en compte les enseignements par une actualisation des plans de prévention et de gestion de crise.

Mais, comme l’objectif prioritaire demeure la meilleure gestion possible d’une nouvelle situation de crise, il serait maladroit que le retour d’expérience soit perçu comme une occasion de rechercher des boucs émissaires et de régler des comptes ! La prévention et la gestion des crises reposent sur un travail d’équipe dont les membres unissent leurs savoir-faire, leurs expériences et leur réactivité pour concevoir et mettre en œuvre, avec cohérence, une réponse efficace à une situation préjudiciable de vulnérabilité.

Propos recueillis par Bruno Voisin
(ex rédacteur en chef de Presse-Actualité)

[1] J.-M Dedeyan, professeur-associé honoraire à l’Université Paris IV-Sorbonne, enseigne à l’ENA. Il a enseigné précédemment au CELSA et à HEC dans le cadre de leurs masters de gestion des risques. Il a participé pour Total Professeurs Associés (TPA) à la mise au point du Master marocain.de gestion/prévention des risques de la Faculté Ain Sebaà de Casablanca

Il a été également l’un des consultants de la DGPR du Ministère français de l’Environnement et a rédigé, en 2010, dans la collection « Présent pour l’avenir » publiée par ce Ministère, le document de présentation de « La démarche française de prévention des risques majeurs » (80 pages). Il nous apporte dans cet entretien d’utiles éclairages sur la prévention et la gestion des risques en France.

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