JOSEPH-THOMAS DELOS ET LA RÉSISTANCE SPIRITUELLE
par Marie Monnet

Le père Joseph-Thomas Delos (1891-1974), juriste et théologien du XXe siècle, est aujourd’hui injustement méconnu1. Il témoigne pourtant d’une rare lucidité face à la montée du nazisme et d’un véritable courage pour faire face à toute forme de totalitarisme. Inscrit sur la liste noire des occupants, exilé en Amérique du Nord en 1941, rédacteur du Manifeste des intellectuels catholiques (1942), il est au cœur de cette « résistance spirituelle », « sur laquelle l’espérance nationale s’est accrochée2». Proche de Dietrich von Hildebrand3, ami intime et conseiller de Jacques Maritain4, admiré du général De Gaulle5, « source directe de la théologie de la paix chez Pie XII6 », le père Delos a côtoyé durant plus de quatre décennies les plus grands intellectuels de son temps et conseillé les décideurs politiques. Professeur de droit et de théologie, à l’Université catholique de Lille7, à l’université Laval de Québec8, à la New School of Social Science à New- York9, à l’Université pontificale Saint-Thomas d’Aquin de Rome, le père Delos laisse derrière lui un corpus de quatre ouvrages principaux et de près de quatre-vingt articles et communications, dont six contributions à des ouvrages collectifs et une quinzaine de leçons aux Semaines sociales de France. « Enseignant et chercheur », le père Delos est une figure à la fois « de la tradition et de l’innovation10 », qui s’est fait remarquer de ses pairs par la rigueur de sa pensée et le caractère visionnaire de sa recherche. Engagé intellectuellement, il ne l’est pas moins pratiquement.

Résistant de la première heure, il rejoint les rangs de la France libre, puis devient chargé de mission auprès du gouvernement provisoire d’Alger, conseiller du commissaire à la Justice, enfin, durant plus de vingt-cinq ans, conseiller canonique de cinq ambassadeurs de France près le Saint Siège. Homme de confiance, c’est lui qui ré-ouvre l’ambassade de France à Rome à la fin de la guerre. C’est à lui que le général de Gaulle confie, aux côtés de Jacques Maritain, le soin particulièrement délicat de la réconciliation nationale, au sein de l’Eglise de France, minée par la collaboration avec l’occupant, d’une proportion importante de ses dignitaires. Il exerce ce mandat à Rome, à l’ambassade de France près le Saint Siège, au cœur des relations entre la France et le Vatican. Ami proche de Mgr. de Solages, recteur de l’Université catholique de Toulouse et grand résistant, il signe avec lui un ouvrage en 1947, mûri au creuset des heures sombres de l’occupation et de la déportation11.

Sa personnalité discrète, naturellement timide, volontairement effacée, en fait un homme de l’ombre. Mais l’hommage est unanime. Tous s’accordent à dire qu’il nous faut lui rendre justice, intellectuellement et humainement. Sa pensée théologico-politique s’ancre dans une tradition intellectuelle qui est celle de l’Ordre des prêcheurs dans lequel il fait profession à l’âge de 21 ans. Ses maîtres appartiennent à la grande tradition théologique dominicaine et se nomment Albert-le-Grand, Thomas d’Aquin et Francisco de Vitoria. Mais, à l’instar de ceux-ci, le père Delos est résolument de son temps. Il est en dialogue constant avec les pensées qui lui sont contemporaines et les événements de l’histoire. Il voyage, connaît la France mais aussi l’étranger, où il vit plus de trente ans, au Canada, aux Etats-Unis, en Italie. Il parle quatre langues vivantes : le français, l’anglais, l’allemand et l’italien. Sa correspondance est fournie, continue et témoigne de sa fidélité et de son grand rayonnement. Il touche des milieux très divers, ecclésiaux ou laïcs, académiques et politiques, français et étrangers. Il n’est jamais isolé, toujours relié à des réseaux particulièrement actifs, d’amplitude mondiale : celui des dominicains, celui des universités catholiques, celui des intellectuels en exil, celui de la France libre, celui des diplomates.

Le père Delos est un homme précis, attentif. Il est un homme d’amitié forte (le père Lévesque, Marthe Simard, Jacques et Raïssa Maritain, Wladimir d’Ormesson, le père Darcy, le père Congar, René Brouillet, François de Menthon…) Il fait sien la culture du débat de son Ordre et prête une attention très particulière aux problématiques contemporaines. Grand lecteur, il rédige notes de lecture, commentaires, objections, conférences. Sa culture est aussi celle de l’écrit, mais sans littérature, c’est-à-dire concis, travaillé minutieusement, articulé, documenté, avec la rigueur académique. Aimant la prière liturgique, il médite les événements du monde, à la lumière de l’Ecriture, de manière quotidienne12. Il sort de la sphère purement académique pour offrir une pensée et entrer en discussion avec les acteurs de la société civile, notamment au sein des Semaines sociales de France, auxquelles il contribue durant près de trois décennies.

Sa pensée est ample. Elle concilie le point de vue du juriste et celui du théologien. S’il faut les distinguer, l’un ne va pas sans l’autre. La question de la guerre et de la paix, celle de la justice et de la force, ne sont pas de pures questions de droit. Elles reposent sur une conception sous-jacente de l’humanité, perçue comme un corps social global. Loin de gommer les parties (les communautés, les nations) en faveur du tout (le monde), il s’agit de penser la globalité comme l’horizon spirituel. Celui-ci éclaire et rend compte, de manière ultime, des différences, des particularités, des identités communautaires et nationales, les rendant mêmes possibles, utiles, nécessaires, dans leur spécificité et leur intégrité. La pensée du père Delos permet donc de saisir, à la lumière de la raison et de la foi, l’enjeu et les conditions de possibilité des grands équilibres nationaux et internationaux. Pragmatique, le père Delos pense les institutions, c’est-à-dire les structures qui permettent aux hommes de vivre ensemble et de viser un même bien. Ces structures sont habitées : le père Delos vise leur âme et met en valeur les principes de la vie internationale, dont « la loi est celle de la charité ». Ainsi sont toujours sollicités, le droit et la théologie, la justice et la charité. Sans confusion possible, le père Delos traite de manière distincte, mais jamais séparée, l’ordre temporel et l’ordre spirituel. En disciple de Thomas d’Aquin, sa pensée s’apparente, non pas à une « théologie politique» à strictement parler, mais à une « théologie du politique13 ».

Joseph, Louis, Aimé Delos nait le 7 août 1891 à Ham-en-Artois, dans le Pas-de- Calais, fils d’Emile et de Claire Delos. Ham-en-Artois est alors un gros bourg de 621 habitants, situé à 42 kilomètres de Lille et à 192 kilomètres de Paris. L’année suivant la naissance de Joseph, en 1891, Emile Delos devient le maire de la ville14. Cet engagement politique peut avoir influencé positivement l’intérêt futur de Joseph Delos pour le droit, les affaires publiques et le bien commun. La fratrie compte trois garçons et deux filles. Joseph Delos a deux frères ainés, Jules et Paul. Jules devient brasseur15. Paul entre au, grand séminaire d’Arras16. L’un et l’autre sont tués lors de la première guerre mondiale17. La sœur ainée devient religieuse au carmel de Lambersart. Elle y reçoit le nom de mère Edmée. La seconde sœur se marie et devient mère de famille. Elle nous est connue par sa fille, nièce du père Delos, elle-même devenue moniale dominicaine. Sœur Thérèse- Dominique Masquelier (1907-2014) est entrée en 1927 au monastère de la Croix, à Kain, en Belgique, jouxtant le couvent de son oncle. Elle fonde ensuite le monastère de Bouvines, où elle est plusieurs fois élue prieure18. Le contexte familial de Joseph Delos est ainsi celui d’un environnement catholique, à la foi vive.

En 1908, à peine âgé de 16 ans, Joseph Delos part étudier à Paris. Précoce, il y obtient à moins de vingt ans une licence en droit, le 29 juin 1911 et une licence d’histoire, le 13 juillet 1911. Il entre alors dans l’Ordre des prêcheurs, dans la province de France. C’est en Belgique, à Kain, près de Tournai, qu’il commence son noviciat. En effet, les frères de la Province de France y ont installé en 1904 leur studium, dans les bâtiments de l’ancienne abbaye cistercienne du Saulchoir, après avoir été expulsés du territoire national. Joseph Delos y prend l’habit le 12 mars 1912 et y fait profession un an plus tard, le 8 mars 1913, recevant le nom de « Joseph-Thomas ». A son arrivée, le frère Ambroise Gardeil vient tout juste d’être remplacé dans sa charge de régent des études, qu’il assumait depuis 1884. Son rôle fut décisif dans l’organisation du studium du Saulchoir, marquant toute une génération de formateurs, ceux-là qui sont chargés d’accueillir Joseph Delos19. Ces toutes premières années de formation impriment durablement la pensée du frère Joseph-Thomas Delos, l’ancrant dans l’histoire intellectuelle de l’Ordre des prêcheurs. Ses maîtres appartiennent à la grande tradition théologique dominicaine et se nomment Albert-le-Grand, Thomas d’Aquin et Francisco de Vitoria.

La guerre opère très rapidement une rupture, projetant dans un autre monde les tout jeunes frères profès. C’est le cas de Joseph-Thomas Delos. Appelé au front en 1914, il n’achève pas sa formation initiale et ne bénéficie pas de la lente maturation humaine, spirituelle et intellectuelle, offerte pendant plusieurs années d’affilée, dans un milieu préservé. En revanche, il est placé au cœur même des conflits internationaux. Caporal, il est mobilisé le 2 août 1914 et fait prisonnier, trois semaines plus tard. Il est déplacé en Allemagne, interné dans un camp près de Münster20, d’où il tente par trois fois, en vain, de s’évader. Ces initiatives marquent la force de caractère du jeune religieux, qui ne se résigne pas, face à toute forme de privation de liberté. Il reste prisonnier jusqu’au 19,décembre 1918, date à laquelle il est renvoyé en France, toujours mobilisé. Ce n’est que le 21 juillet 1919 que le caporal Joseph Delos est en congé illimité de démobilisation et rendu à la vie civile. Il rejoint immédiatement le Saulchoir de Kain. Mais cette première guerre mondiale l’a marqué à vif. La captivité lui a pris cinq ans de sa jeunesse. Ses deux frères sont morts au front : Paul, le séminariste, décède le 27 avril 1917, à l’âge de 27 ans ; Jules, le brasseur, meurt le 9 juin 1918, à l’âge de 29 ans, à Courcelles, dans l’Oise. Ce n’est donc plus un novice de la vie mais un homme mûr, qui a connu le « baptême » du feu dans les tranchées, qui rentre au Saulchoir pour finir sa formation  théologique et faire profession solennelle le 8 décembre 192121. Le père Joseph-Thomas Delos est ordonné prêtre le 22 juillet 1922, en la fête de Sainte-Marie Madeleine, patronne de l’Ordre des prêcheurs.

Sur le plan académique, le père Delos mène en parallèle ses études de théologie, qu’il achève le 12 juillet 1924, obtenant le titre de lecteur en théologie et ses études de droit, préparant une thèse de doctorat. La figure intellectuelle du Père Delos prend forme : à la croisée du droit et de la théologie, nait une pensée, qui prend source dans l’expérience de la grande guerre. Celle-ci constitue le terreau de sa recherche doctorale consacrée aux principes de droit international public, c’est-à-dire aux sources des règles qui régissent les (bonnes) relations entre les nations. Docteur, il devient enseignant à l’Université catholique de Lille. Il y donne cours de philosophie du droit et de sociologie, dans le cadre de la faculté libre de droit et de l’école des sciences sociales et politiques. En 1926, il est nommé maitre de conférences pour deux ans, renouvelables. En 1929, il publie son premier ouvrage, issu de sa thèse de droit22. Nommé professeur titulaire en 1932, il obtient la chaire de droit international public. Théologien, c’est le dominicain espagnol Francisco de Vitoria qui constitue la source de son inspiration. Juriste, Joseph-Thomas Delos s’inscrit dans le sillage du constitutionnaliste toulousain Maurice Hauriou23, théoricien de l’institution24. Nombreuses sont les références à ce juriste dans les articles de Joseph-Thomas Delos. Les rares recherches contemporaines entreprises sur la pensée du Père Delos se concentrent précisément sur cet héritage25. Le père Delos est, avec Georges Renard, « l’un des deux plus importants disciples du doyen Hauriou26 ».

A partir de 1925, la production du père Delos est incessante : articles, communications, cours écrits, ouvrages, contributions à l’usage du grand public, colloques scientifiques. On dénombre quatre ouvrages principaux (1929, deux volumes en 1944, 1947), plus de quatre-vingt articles et communications entre 1925 et 1958, une dizaine de contributions à des ouvrages collectifs, de 1928 à 1942. Il intervient également une quinzaine de fois aux Semaines sociales de France. Dans les années qui précèdent la seconde guerre mondiale, le père Delos est actif dans les mouvements pacifiques chrétiens. A Fribourg en Suisse, il anime avec Dietrich von Hildebrand27 un groupe de réflexion et de recherche plus confidentiel, prônant la paix entre les peuples et pense déjà, face à la montée du nazisme, la (re)construction d’une Europe désunie. Cet engagement est prophétique. Ce faisant, il s’expose à de solides représailles, alors que l’Allemagne hitlérienne semble triompher et occupe désormais la France. Le père Delos est fiché, comme un opposant au régime nazi.

En 1939, le père Georges-Henri Lévesque, doyen de la toute nouvelle école de sciences sociales, ancien étudiant, disciple et ami du père Delos, l’appelle à l’université Laval, à Québec, pour renforcer le corps professoral. La qualité intellectuelle du père Delos consolide la réputation de la jeune institution académique. L’invitation est aussi une manière de mettre à l’abri celui qui est menacé en France, « surtout à Lille où la Gestapo ne manquerait pas de mettre le grappin sur un petit groupe d’intellectuels français dont Joseph-Thomas Delos faisait activement partie28 ». Ainsi, le père Lévesque protège-t-il son « maître », « son père », son « inspirateur29, » révélant dans ce geste la force du lien. Après plusieurs mois d’échanges, le père Delos (qui est devenu vicaire provincial de France pour la zone non-occupée) accepte la chaire de philosophie sociale et sociologie et prépare son départ pour le Canada à l’automne 1940. Avec un long périple qui passe par Toulouse, puis Lisbonne, ce voyage s’apparente à un départ en exil.

Le père Delos arrive au Québec en février 1941 et s’installe au couvent dominicain de Grand-Allée, où il retrouve d’autres frères français, tels que Marie-Alain Couturier. Il commence immédiatement son enseignement à l’université Laval, assurant le cours de sociologie du droit. A partir de 1942, s’y ajoute une charge de cours en anglais à New York, où il se rend en voiture très régulièrement avec le père Lévesque. Le professeur Delos y est très apprécié, « fournissant une documentation de première qualité, dispensant un enseignement des plus poussés, inculquant surtout le goût de la recherche, le sens de la précision et de la profondeur, la passion de la compétence et du dépassement30. » Mais c’est surtout son expertise internationale qui est remarquée. C’est à lui que la faculté doit son ouverture aux problèmes mondiaux, l’ouvrant à une perception globale du monde.

Le père Delos ne se contente pas d’enseigner à l’université. Par l’intermédiaire d’un couple franco-canadien, les Simard (Marthe Simard, française, sera la première femme députée), il participe à la fondation du tout premier comité de la France libre au Québec et y devient très actif31. Loin d’être isolé, il entre dans le cercle des penseurs en exil, au cœur de la résistance de l’esprit32. Dès les premiers jours en Amérique du Nord, il prend position, déclarant que « la France d’aujourd’hui a retrouvé le goût de l’action, elle a complètement repris confiance, elle est sûre de l’avenir33 ». Le père Lévesque témoigne de la radicalité de cet engagement, qui « constituait de (sa) part un acte de foi spontané dans la cause du général, un geste joliment risqué qui surprit et même choqua beaucoup de gens de (son) entourage34 ». Le père Delos se trouve ainsi en relation avec les premiers gaullistes35, au cœur du réseau des penseurs européens en exil. Il y côtoie Jacques et Raïssa Maritain, Hannah Arendt, Henri Focillon, Raymond Aron, Clara Malraux, Alexandre Koyré, Léon Blum, Jean Wahl, Wladimir Jankélévitch, Paul Vignau ou encore André Breton, Antoine de Saint-Exupéry, Gurvitch…

En 1942, le père Delos est l’inspirateur, et le rédacteur, du manifeste intitulé « devant la crise mondiale36 », largement diffusé par-delà les mers, depuis les Etats-Unis jusqu’à Londres, Paris ou Genève37. Il est cosigné par quarante-trois intellectuels et artistes, ainsi que par des personnalités politiques en exil38. Fait méconnu, la paternité du texte revient à Joseph-Thomas Delos, aidé initialement de deux professeurs de Laval, le philosophe belge De Koninck et le franco-suisse Viatte. La genèse du texte montre la difficulté à se mettre d’accord, alors que les signataires sont des penseurs et des acteurs politiques venus d’horizons différents. Une même finalité préside : la lutte contre le totalitarisme. Mais les moyens pour y parvenir restent l’affaire de choix très personnels, souvent divergents, au point que le gouverneur américain Paulding écrit en mars 1942 : « Tous ces messieurs voudraient faire un petit manifeste particulier 39». Le père Delos prend le rôle de médiateur pour convaincre ses collaborateurs d’adopter une posture plus pratique et engagée. Le manifeste ne se contente pas d’une teneur « exclusivement doctrinale et atemporelle » : il « prend le risque du concret et de la précision40 ».

Ce manifeste présente deux facettes qui s’articulent l’une à l’autre, fidèles à la pensée du père Delos. Il s’agit en effet de dénoncer « le totalitarisme et sa menace contre les civilisations » mais surtout de préparer l’avenir en traçant « les principes directeurs des institutions (internationales) futures41 ». L’argumentaire établit que la « lutte des peuples n’est que la manifestation, sur le plan international, d’une rupture plus profonde : la rupture de l’accord des peuples sur les principes de la civilisation 42». Le texte s’appuie explicitement sur « une parenté commune » entre les hommes, résultante d’une « origine commune43 ». Si la seconde guerre mondiale « n’est pas économique ou politique », mais bien « une guerre de civilisation », c’est parce qu’elle rompt avec l’ordre du droit naturel. « L’enjeu réel du conflit actuel est la possibilité même de vivre en homme, l’existence ou la destruction des bases élémentaires du droit naturel et de la vie civilisée44 ».

Le manifeste envisage l’avenir et pose les fondements des futures organisations internationales. La pensée du père Delos est ainsi une pensée de la gouvernance globale. « L’ordre total repose sur deux sortes de fondements : premièrement les droits et libertés de la personne humaine, deuxièmement, les nécessités de l’organisation de ces libertés à tous les degrés de la vie sociale, en vue du bien commun45». L’institutionnalisation des droits fondamentaux est un correctif à « un individualisme et un libéralisme anarchiques », ainsi qu’aux « nationalismes exagérés ». C’est particulièrement au plan international que le processus doit être amorcé, en conciliant « liberté et interdépendance des peuples46 ». Ces deux notions, non seulement ne sont pas inconciliables, mais sont garantes l’une de l’autre. Il s’agit de déterminer « le mode de leur harmonie ».

Le manifeste de 1942 exprime pleinement la pensée du père Delos et combien cette pensée est visionnaire. « L’interdépendance des peuples doit se manifester sur le plan culturel, toutes les cultures établissent le patrimoine de l’humanité ; sur le plan économique, puisqu’il existe une destination générale des biens qui ne peuvent être exploités que par la collaboration de tous, et qui ne doivent l’être que pour le bien de tous ; dans l’ordre du progrès social, les hommes risquant d’être écrasés et déshumanisés par le poids des institutions économiques ne peuvent être protégés que par une économie à la fois nationale et internationale ; dans l’ordre international, les Etats ayant cessé aujourd’hui de pouvoir se prévaloir d’une indépendance absolue à laquelle les faits et le droit naturel substituent le principe de la collaboration et de l’organisation collective 47». L’influence déterminante du père Delos est attestée par le père Lévesque, citant le général de Gaulle lui-même. « Quelques années plus tard, de passage à Québec, De Gaulle vint nous (les dominicains) rendre visite et remercier notre groupe (…) à cette occasion (…) le général confia en quelle estime il tenait Joseph-Thomas Delos48 ».

La référence au droit naturel est explicite pour rendre compte d’une communauté politique universelle, garante des autres échelons de la vie et de l’organisation politique et sociale. Elle conduit à penser l’institutionnalisation des relations internationales. L’institutionnalisation est perçue comme une nécessité pour sortir de la guerre et éviter d’y sombrer de nouveau. Cette vision est développée par le père Delos dans une autre publication, un livre écrit en collaboration avec Monseigneur Bruno de Solages (recteur de l’Institut catholique de Toulouse et l’un des rares prélats résistants), intitulé «Essai sur l’ordre politique national et international49 ». Si le texte est paru en 1947, il est une publication tardive, empêchée par la guerre et l’exil. Pensé et rédigé à la fin des années 30, il est le fruit des réunions de ce noyau d’intellectuels de renom, réuni à l’initiative du père Delos pour penser des relations internationales pacifiques. L’ouvrage synthétise (il est prêt en 1940, selon les archives personnelles du père Delos50) les résultats d’une recherche et d’un débat collectifs. La guerre terminée, le père Delos et Monseigneur de Solages51 publient l’ouvrage en français, aux conclusions novatrices. Le père Delos y signe la troisième partie, consacrée aux relations entre les Etats. En disciple de Vitoria, il décrit « la sociabilité naturelle des Etats », qui s’exprime par « les échanges, en tant que migration et commerce ». Le manifeste de 1942 met en évidence l’interdépendance des Etats entre eux, non sur le mode de la rivalité, mais sur le mode d’une « nécessaire solidarité ». « Cette solidarité se manifeste tout d’abord par le droit aux échanges : droit de migration et droit de commerce, dont les hommes ont de tout temps fait usage, mais qui répond de plus, dans certains cas, à un besoin urgent d’expansion. Il arrive en effet que la population d’un Etat devienne trop dense pour pouvoir subsister à l’intérieur de ses frontières, du moins en y jouissant d’un standard de vie qui lui permette de participer et de concourir au progrès général de la civilisation52 ».

Intellectuel engagé, le père Delos est repéré à Londres. Il est sollicité à l’automne 1943 par François de Menthon, commissaire pour la justice du général De Gaulle, pour rejoindre Alger, où se prépare le gouvernement provisoire de la France53. L’objectif est clairement d’associer le père Delos à la responsabilité des liens entre l’Eglise de Rome et les catholiques de France, à la libération54. Le père Delos arrive à Alger, par la Nouvelle- Orléans, le 1er avril 194455. Au couvent d’Alger, il y retrouve notamment le père, venu du Caire, pour siéger à l’Assemblée provisoire. Il y demeure jusqu’au 29 septembre 1944, date à laquelle il rejoint Rome, en tant que conseiller ecclésiastique de l’ambassadeur de France près le Saint-Siège56. A l’automne 1944 paraissent aux éditions de l’Arbre, à Montréal, ses deux volumes sur la nation, rédigés avant et pendant la guerre. Ces ouvrages marquent la maturité de la pensée du père Delos. Hannah Arendt en fait une recension, dans the Review of politics (Cambridge University), distinguant la « remarquable étude, profonde et riche de contenu » du professeur Delos57. Elle en confirme l’intérêt pour penser la réalité politique internationale, déterminée selon elle par deux faits : d’une part, cette réalité est fondée sur les nations, d’autre part, cette même réalité est « définitivement, complètement perturbée et menacée par le nationalisme ». Le nationalisme est une idéologie qui prend appui sur la valeur « nation » pour établir un certain pouvoir peu démocratique, voire totalitaire. Le père Delos rappelle le principe thomiste de la « sociabilité naturelle » entre les hommes. Francisco de Vitoria avait élargi ce principe aux peuples, le père Delos l’étend aux nations. Ainsi, les nations ont vocation à établir entre elles des relations de « libre commerce », entendues au sens le plus large du terme, c’est-à-dire des échanges économiques, culturels et de solidarité. La pensée du père Delos établit ainsi « les bases d’une communauté internationale, protectrice de la civilisation, propre du développement humain58 ». Le père Delos assume et prolonge ses intuitions de jeunesse, selon lesquelles « la charité est la loi de la vie internationale», comme il l’a écrit explicitement dans un article dès 192859. Cette recension d’Hanna Arendt et les publications du père Delos en anglais durant la guerre l’ont introduit dans le monde intellectuel anglo-saxon.

A Rome, le père Delos occupe le poste de conseiller ecclésiastique d’octobre 1944 à juillet 1968, soit plus de vingt-quatre années. Il est le collaborateur de cinq ambassadeurs successifs60. De 1945 à 1948, il coopère avec Jacques Maritain dont il est l’un des plus proches amis. Déjà unis par le dialogue de la pensée, ils se rapprochent encore dans l’action politique et diplomatique, au service de la France et de l’Eglise. Le père Delos travaille ensuite notamment avec Wladimir d’Ormesson61 (1948-1953), puis avec René Brouillet, ancien directeur de cabinet du général De Gaulle à la libération (1953-1958). Les séances de travail sont quotidiennes, la charge de représentation est omniprésente : les photographies montrent le père Delos au premier plan, à la droite des officiels, au cœur des célébrations liturgiques et des réceptions diplomatiques, serrant la main des papes successifs, Pie XII, Jean XXIII, Paul VI. Elles témoignent aussi de sa présence dans les familles et les cercles amicaux, le père Delos baptisant ou mariant les enfants des diplomates, participant à des promenades dominicales. Durant la période romaine, le père Delos vit d’abord au couvent de Sainte-Sabine, curie généralice de l’Ordre des prêcheurs62. Il rejoint ensuite celui qui jouxte l’université pontificale Saint- Thomas d’Aquin (Angelicum) où il enseigne également quelques heures de philosophie du droit. La vie y est simple et régulière. Le père Delos est particulièrement attaché à l’office. Il y fut « un frère parmi d’autres » : il n’a jamais mis en avant ses fonctions pour déroger à la règle commune ; il n’a pas bénéficié du traitement de faveur, auquel il aurait pu prétendre.

Au soir de sa vie, alors qu’il souffre déjà des premiers signes de la maladie qui l’emporte en janvier 1974, le maître de l’Ordre prend la peine d’écrire au provincial de France. « Le père Delos rentre demain : je veux le rassurer et que vous en fassiez de même ; il peut utiliser tout l’argent dont il a besoin, il est si craintif d’être une charge pour vous. Si besoin, demandez-moi directement les sommes qu’il devrait au couvent63 ». Signe d’une forme d’humilité que rien ne semble trahir, le père Delos est de retour quasi anonymement dans sa province, après trente ans de vie à l’étranger. Il y meurt, âgé et malade, au milieu d’un couvent de frères accueillant certes, mais qui ne le connaissent pas. Les obsèques sont célébrées au couvent Saint-Jacques le 21 janvier 1974, et une messe est célébrée à Saint-Louis des Français, à Rome, par le frère Olivier de La Brosse, qui lui a succédé à Rome.

En 2015, aucune étude ne fait encore justice au père Delos. Pourquoi un tel silence ? Différents projets n’ont pas abouti. Cette notice vise à lever une partie du voile sur ses activités et ses principales publications. Mais il faudrait aller au-delà. Présent à Rome pour une fonction diplomatique, il conviendrait d’étudier le rôle du père Delos pendant le Concile. Les mémoires du Père Congar mentionnent qu’ils se rencontraient souvent, de manière informelle64. Ce dernier a engendré de grands changements en des domaines qui ne sont pas les sujets de travail privilégiés du père Delos (place des laïcs, liturgie, œcuménisme…). Au plan civil, le thème de la décolonisation n’est pas non plus son axe d’action. Les grands débats qui agitent les intellectuels tournent autour des questions du marxisme et de la place du parti communiste. Ces sujets ne sont pas ceux du père Delos. Cela peut expliquer la mise en sommeil, voire l’oubli provisoire des publications et de l’influence du père Delos. En revanche, au même moment, des mouvements de fond, moins médiatiques, mais beaucoup plus durables, émergent, qui sont en pleine osmose avec la pensée du père Delos. Le traité de Rome en 1957 institutionnalise la construction européenne, qui ne cesse de se renforcer depuis lors. Ceux qui s’interrogent sur l’âme de l’Europe, sa philosophie, voire sa théologie implicite, ne pourront que travailler les écrits du père Delos. De même, les institutions internationales, au premier rang desquelles l’ONU, ne sont pas davantage médiatiques. Mais elles n’en jouent pas moins un rôle déterminant, que les enjeux contemporains (la paix, l’environnement, la globalisation du commerce, les migrations) vont conduire à renforcer, pour arbitrer les grands conflits, réguler la production humaine, résoudre des problèmes qui ne peuvent pas l’être à la seule échelle de l’Etat-nation et faire face à l’urgence de ces situations dans un monde de plus en plus globalisé.

Les acteurs internationaux sont essentiellement des juristes, des économistes, des statisticiens, des diplomates. Une pensée théologico-politique, comme celle du père Delos, juriste et théologien, inspirée par Thomas d’Aquin et Vitoria, apparaît unique, pertinente et profondément salutaire. A la manière de l’ouvrage quotidien patiemment remis sur le métier, ces écrits récoltent des notions approfondies pendant plusieurs décennies, mûries au creuset des événements et de l’expérience politique, passées par l’eau et par le feu de deux conflits mondiaux. Au soir de sa vie, le père Delos revient dans sa province à Paris, après plus de trente ans de service à l’étranger. Il reprend sa place, humble frère parmi les siens, au couvent Saint-Jacques. Les frères qui l’ont connu, comme le père Quelquejeu, se souviennent d’un homme humble et bon65. C’est sans doute cette humanité authentiquement chrétienne qu’il convient de garder en tête en faisant mémoire du Père Delos.

1 Docteur en droit et en théologie (1924), il est docteur honoris causa de l’Université Laval (1953), distingué de la Sainte-Croix Pro Ecclesia et Pontifice par Pie XII (1957), commandeur de la Légion d’honneur (1967). La biographie intellectuelle du père Delos (inédite et exhaustive) sera proposée dans un chapitre spécifique, au préambule de la recherche.

2 De GAULLE Ch., « Discours d’Alger », 30 octobre 1943.

3 Philosophe et théologien allemand (1889-1977), proche de Pie XII, qui œuvre avec le père Delos au sein d’un cercle de réflexion philosophique et théologique à Fribourg (Suisse) à la fin des années 30. Voir lettre d’Ernest WENISCH, 1er novembre 1992, archives personnelles du père Delos, ADPF. (Dietrich von Hildebrand enseigne à l’Institut catholique de Toulouse, en 1939-1940).

4 Les preuves d’une telle amitié sont légion dans les archives : correspondances, photographies officielles et personnelles. Le père Delos et Jacques Maritain ont vécu côté-à-côté plus d’une décennie, pendant la seconde guerre mondiale, puis à l’ambassade de France près le Saint Siège à Rome. Nous y reviendrons en détails dans le corps de la thèse.

5 LEVESQUE G-H., Souvenance, Plon, 1983 : « Quelques années plus tard, de passage à Québec, De Gaulle vint nous (les dominicains) rendre visite et remercier notre groupe (…) à cette occasion (…) le général confia en quelle estime il tenait Joseph-Thomas Delos», p. 315.

6 COSTE R., Le problème du Droit de Guerre dans la Pensée de Pie XII, Aubier, 1962, p.81, note 2 : « la pensée du P. Delos semble bien avoir été une source directe de la théologie de la paix chez Pie XII».

7 Chargé de cours à partir de 1925, maître de conférences le 1er novembre 1926, nommé professeur titulaire de la chaire de droit international en 1932.

8 Le père Delos débute son enseignement au semestre d’hiver, en février 1941, il sera nommé à la rentrée académique suivante, en septembre 1941.

9 Nomination du 5 octobre1942, APDF.

10 THERY R., « L’œuvre du Père Joseph-Thomas DELOS », Mélanges de sciences religieuses, Lille, 1976, p.147- 149. René Théry fut doyen de la faculté libre de droit, puis vice-Recteur de l’Université catholique de Lille en 1975 et appartenait au cercle des intimes du Père Delos.

11 DELOS J-T., SOLAGES (de) B., Essai sur l’ordre politique national et international, Dalloz, 1947.

12 De LA BROSSE O., « Hommage au Père Delos », Saint-Louis-des-Français, Rome, 25 janvier 1974 (ADPF)

13 Voir l’analyse du P. François DAGUET, Du politique chez Thomas d’Aquin, Vrin, 2015, p. 28.

14 Emile Delos est maire de Ham-en-Artois, de 1892 à 1903.

15 Blessé à Mesnil-Les-Hurlus (51) le 20/02/1915, cité à l’ordre de la Division « Sous-officier énergique et dévoué déjà blessé à Beauséjour (51) en Février 1915, a par ses habiles dispositions, assuré la garde d’une position importante d’un pont récemment conquis » < http://www.memorialgenweb.org>

16 Croix de Guerre avec étoile de bronze – Blessé par éclat d’obus le 29/09/1915 à Souain (51) au bras droit, citation à l’ordre de la Brigade « Blessé le 29 Septembre 1915, au cours d’une attaque, a persisté à demeurer avec les hommes de son escouade, malgré un violent bombardement ».

17 Le monument aux morts de la commune de Ham-en-Artois mentionne Jules, Emile, Joseph DELOS, né en 1889 et mort le 9 juin 1918, à Courcelles (Oise, France). Paul DELOS est décédé le 27 avril 1917.

18 Un carnet de notes manuscrites du Père DELOS, conservé par sœur Thérèse-Dominique, fait l’objet d’une transcription par le père Guilluy et a été confié le 27 avril 1977 au frère André Duval, alors bibliothécaire de la Province dominicaine de France. Ce carnet est aux archives provinciales, 75013 Paris et attesté par André Duval.

19 Ch. Journet et J. Maritain, Correspondance, 1920-1929, volume I, Editions Saint-Paul, Editions universitaires de Fribourg, p.789 (Index biographique).

20 Archives historiques du Comité International de la Croix Rouge http://grandeguerre.icrc.org/fr, consultées le 14/9/2015.

21 Dans l’homélie des obsèques du Père Delos, célébrées par P. Olivier de La Brosse , le 21 janvier 1974 à Paris, celui-ci écrit : « A sa discrétion naturelle s’ajoute une caractéristique de sa génération, qui fait qu’on ne communiquait guère qu’au plan des signes (…) il donna fidèlement ses signes à ses frères : la fidélité à la célébration liturgique (…) Ceux à qui il fut donné de l’approcher ont deviné son sens spirituel, son sens de l’amour de Dieu et du Christ ». Archives du Père Delos aux archives de la province dominicaine de France.

22 Joseph-Thomas DELOS, La société internationale et les principes de droit public, Editions Pedone, Paris, 1929.

23 Maurice HAURIOU, 1856-1929

24 A. BRODERICK, The French institutionalists : Maurice Hauriou, Georges Renard, Joseph T. Delos, Harvard University Press, 1970.

25 Une thèse de doctorat en droit public a été amorcée dans les années 90 par Agnès Reynaud. Un chercheur du centre Maurice-Hauriou (Université Toulouse-I) prépare en 2014 un article sur J-T Delos pour un ouvrage consacré au Doyen Hauriou.

26 A.BRODERICK, ouvrage cité, p.543.

27 Philosophe et théologien allemand (1889-1977), proche de Pie XII, qui œuvre avec le père Delos au sein d’un cercle de réflexion philosophique et théologique à Fribourg (Suisse) à la fin des années 30. Voir lettre d’Ernest WENISCH, 1er novembre 1992, archives personnelles du père Delos, ADPF. (Dietrich von Hildebrand enseigne à l’Institut catholique de Toulouse, en 1939-1940).

28 LEVESQUE, Souvenance, Ed. de la presse, Montréal, 1983, p. 312.

29 Témoignage du frère Benoît Lacroix, op. Entretien du 24 septembre 2012, Montréal. Cette faculté va jouer un rôle considérable dans les mutations religieuses canadiennes des décennies suivantes. Son fondateur, le père Lévesque est aussi le fondateur de l’université du Rwanda.

30 Idem.

31 LEVESQUE, op. cit., p. 315. « De notre part, le comité constituait un acte de foi spontané dans la cause du Général, un geste joliment risqué qui surprit et même choqua beaucoup de gens de notre entourage ».

32 Ce réseau est mis en perspective par le général De Gaulle dans le discours d’Alger du 30 octobre 1943. « La résistance, c’est-à-dire l’espérance nationale, s’est accrochée, sur la pente, à deux môles qui ne cédèrent point. L’un était un tronçon d’épée, l’autre, la pensée française ».

33 Le Soleil, 21 février 1941, Edition de 5h, Québec. Fonds Levesque, Archives historiques de l’Université Laval.

34 Georges-Henri LEVESQUE, Souvenance, Plon, 1983, p. 315.

35 Elisabeth de MIRIBEL, secrétaire du général De Gaulle, en mission en Amérique du Nord, pour fédérer les nouveaux gaullistes, en témoigne également (dans La liberté souffre violence, Plon, 1981, p. 57). « Nous disposons pour l’instant d’un petit réseau d’amitiés au Québec, grâce au professeur Viatte, Mme Simard et quelques journalistes (…). Il faudrait absolument créer au Canada un comité de la France libre, analogue à celui de France for ever aux Etats-Unis ».

36 COLLECTIF, Devant la crise mondiale, Editions de la Maison française, New York, 1942.

37 « Devant la crise mondiale », Nova et Vetera, 17e année, n° 3, juillet-septembre 1942, p. 336- 343.

38 L’ensemble des quarante-trois signatures se trouve à la page 3.

39 Michel FOURCADE, dans Jacques Maritain en Europe, la réception de sa pensée, « Jacques Maritain et l’Europe en exil », Beauchesne, 1996, p. 308.

40 Michel FOURCADE M., op. cit., p. 307.

41 Extrait du manifeste. Epuisé, ce texte est difficile d’accès. Il a fait l’objet de l’attention de l’ambassadeur de France près du Saint-Siège en 1980, afin d’être édité de nouveau. Ce projet n’a pas abouti (ADPF).

42 Manifeste, p. 337 (extraits de l’édition de Nova et Vetera)

43 Ib., p. 336.

44 Ib., p. 340.

45 Ib., p. 340.

46 Ib., p. 342.

47 Ib., p. 343.

48 LEVESQUE, op. cit., p. 316.

49 B. de SOLAGES et Thomas-Joseph DELOS, Essai sur l’ordre politique national et international, Dalloz, 1947.

50 Archives de la Province dominicaine de France, Saulchoir, Paris, carton “Delos”, Notes personnelles.

51 B. de Solages a été déporté en 1944, en raison de son engagement résistant.

52 DELOS, avec SOLAGES B. (de), Essai sur l’ordre national et international, Dalloz, Paris, 1947, p. 57.

53 Juriste né en 1900 (+ en 1984), ancien président de l’Action Catholique entre 1927 et 1930, F. de Menthon rejoint De Gaulle en 1943, après avoir fondé le réseau de résistance Combat. Il devient commissaire pour la justice, depuis Londres, en 1943 puis Ministre de la Justice à Alger, en 1944 jusqu’au 8 mai 1945. Il est ensuite nommé procureur du Tribunal de Nuremberg. Entre 1952 et 1954, il devient président de la commission parlementaire du Conseil de l’Europe. « Il estimait que le rôle des catholiques était de participer à l’évolution de la société » et « La Foi était au cœur de son existence. » (Olivier de Menthon).

54 Lettre de François de MENTHON, du 13 octobre 1943 : « Je serais très désireux de votre venue prochaine à Alger, pensant que vous pourriez jouer demain auprès du Vatican un rôle utile (…) Nous étions en effet très préoccupés nos amis communs et moi des lendemains immédiats de la libération, en ce qui concerne l’Eglise de Rome et les catholiques de France. »

55 Archives de la province dominicaine de France, « Chroniques du couvent d’Alger, année 1944 ».

56 Du père Delos au père Lévesque (lettre de septembre 1944) : « Je suis nommé (à Rome) à la délégation, que dirige Monsieur le Ministre Hubert Guérin (…) Je rentrerai en France dès que le provisoire fera place au normal ». Le provisoire durera 27 ans.

57 Hanna ARENDT, « The Nation », Review of Politics, 8, 1 (1946), p. 138-141.

58 « The leading question of Delos’ study, therefore, which in its broadest aspect is concerned with the phenomenon of civilization, is to find a political principle which would prevent nations from developing nationalism and would thereby lay the fundamentals of an international community, capable of presenting and protecting the civilization of the modern world ».

59 Joseph-Thomas DELOS, Semaines sociales de France, 20e session, 1928, p. 405-528.

60 Jacques Maritain (1945-1948), Wladimir d’Ormesson (1948-1956), Roland de Margerie (1956-1959), Guy de La Tournelle (1959-1964), René Brouillet (1964-1974).

61 Cf. Wladimir d’ORMESSON, Mission à Rome, Fayard, Paris, 1957.

62 Témoignage du cardinal Georges Cottier, témoin oculaire, rencontre du 27 mars 2011 à Rome.

63 Cf. Lettre du 15 octobre 1970 de Vincent de Couesnongle à Rettenbach, provincial de France.

64 Y. CONGAR, Journal d’un théologien (1946-1956), Cerf, 2000.

65 Père Bernard Quelquejeu, Père Jean-Pierre Jossua, témoignage orale du 2 juin 2015.

X