Présentation du programme d’action de la Résistance
par Claire Andrieu
Maître de conférence à l’université de Paris 1. Extrait de l’article CNR in Dictionnaire de la vie politique française au XXe siècle, sous la direction de Jean-François Sirinelli (PUF, 1995). Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur dans Espoir, n° 135, juin 2003.
Le Conseil national de la Résistance est une institution politique hybride qui reste sans autre exemple dans l’histoire de France. Organe clandestin à double vocation, le CNR devait représenter la Résistance intérieure et en constituer le cabinet de guerre. Mais il n’était pas souverain car il exerçait ses fonctions dans le cadre des instructions du chef de la France Libre. Ni simplement consultatif, ni véritablement législatif – il ne prépara qu’indirectement la législation d’après-guerre – ni gouvernement de plein exercice, le CNR ressortit cependant à chacune de ces catégories. […]
Le CNR comprenait seize sièges mais, compte tenu des renouvellements liés aux arrestations et aux départs pour Alger, le nombre de « conseillers » clandestins fut de vingt-cinq au total. L’éventail politique de la nation était fidèlement représenté, de la gauche à la droite, même si Jean Moulin regrettait la présence du Front national qui donnait une double représentation au parti communiste français, et l’absence du parti social français, ce parti d’extrême-droite dont certains dirigeants s’étaient engagés dans la Résistance.
C’est en toute indépendance que le CNR rédigea un « Programme d’action de la Résistance » pendant l’hiver 1943-1944. Si l’initiative en revient aux socialistes, elle fut reprise par le Front national et relancée ensuite par les mouvements de zone sud, si bien qu’elle put aboutir, le 15 mars 1944. En effet, le programme final représente un compromis entre le texte adopté par le bureau du CNR le 28 février 1944 et la version proposée par les socialistes au début de mars. Le 15 mars, l’unanimité est enfin acquise sur un texte qui aura donc été précédé de cinq autres projets définitifs soumis successivement au CNR.
Le manuscrit comportait en première partie un appel circonstancié à l’action immédiate et en deuxième partie un programme politique. C’est cette seconde partie qui devint, à la Libération, le texte de référence, sous le nom de « Programme du CNR ». Dans son ensemble, le document avait fait l’objet d’une négociation acharnée entre les socialistes et les communistes, les premiers préconisant une organisation pluraliste de l’action armée et sa coordination avec le débarquement allié, les seconds poussant « à faire confiance au peuple » et à envisager un déclenchement autonome de l’insurrection. Plutôt prudents et parfois accusés d’ « attentisme » sur le plan militaire, les socialistes se montrèrent à l’inverse audacieux en matière sociale. C’est sur leur insistance que le « retour à la nation des grands moyens de production » furent insérés dans le programme.