De Gaulle et la crise de Cuba : la conduite de crise, avant, pendant, après.

La résolution de la crise de Cuba qui, pendant quelques jours d’octobre 1962, vit le monde, « au bord du précipice nucléaire », redouter le pire, est souvent réduite à un bras de fer entre John Kennedy et Nikita Khrouchtchev. Il s’agit d’un cas archétypal en matière de négociation de crise, fréquemment enseigné, étudié par la théorie des jeux. Le moment peut fasciner, tant il a semblé constituer un moment charnière : le sort du monde a alors pu sembler reposer sur le sang-froid et la clairvoyance de quelques hommes.  Le compromis entre les deux grands qui en serait ressorti (retrait des rampes de lancement de fusées soviétiques à Cuba, des fusées américaines en Turquie, et « neutralisation » de Cuba, avec le maintien du régime castriste et de l’embargo américain) aurait alors ouvert une période dans les relations internationales, celle de la détente, étant entendu que ni Washington ni Moscou n’étaient prêts à aller à l’affrontement généralisé. L’affaire a d’ailleurs eu une influence de longue portée, ressurgissant au moment de la crise des euromissiles (1979-1983) : quand s’engagea le débat sur un retour des missiles américains sur le territoire européen.

 Le rôle de la France, et plus particulièrement du général de Gaulle dans la solution de cette crise est bien rarement mis en valeur, et ceci peut s’expliquer de plusieurs manières.

La première, la plus évidente, est que de Gaulle ne sembla pas jouer un rôle de premier plan dans un affrontement dont l’Europe n’était a priori qu’un théâtre secondaire. C’est là un point qu’il convient de rectifier : le Général fut des rares dirigeants occidentaux à ne pas être pris au dépourvu par la crise, et sa prise de position, claire et ferme aux côtés des Américains dans le cadre du Pacte atlantique, joua un rôle de bascule dont l’importance est à réévaluer. On peut aussi considérer que, le Général n’ayant pu donner sa vision de cette crise dans les Mémoires d’Espoir, la trace de son action s’est quelque peu perdue, le contexte français extrêmement particulier, la crise intervenant dans les jours précédant le référendum du 28 octobre 1962 sur l’élection du Président au Suffrage universel, ayant créé soit un phénomène d’occultation, soit au contraire une vision polémique : la crise aurait « servi » à de Gaulle de plaidoyer grandeur nature pour une Présidence renforcée. Enfin, troisième hypothèse, cette action s’est perdue car elle n’a pas correspondu à un tournant dans la relation entre Paris et Washington : au contraire, pour reprendre l’analyse de Maurice Vaïsse[1], cette crise a pu servir d’ « alibi », d’acte de foi gaullien dans une relation transatlantique tendue par les initiatives de de Gaulle en faveur d’une défense européenne et d’une force de frappe nationale et celles, orthogonales, de Kennedy en faveur de la « force multilatérale ».

            Analyser ces évènements en termes de gestion de crise permet d’apporter un éclairage différent sur ces évènements : le Général y démontre sa capacité à « faire face » en période de tempête, mais aussi à anticiper la sortie de crise sous tous ses aspects. On insistera plus précisément sur trois aspects.

            Le premier réside dans l’anticipation. De Gaulle n’est ni surpris ni déstabilisé par la crise. Bien évidemment, cette capacité relève en premier lieu de l’action des renseignements français, dont les informations très précoces sur l’affaire serviront de base au travail de la CIA. Mais plus globalement, l’anticipation s’oppose à la sidération : de Gaulle parvient immédiatement à penser la crise dans une vision géostratégique globale, un an après la crise de Berlin, au cours de laquelle s’est forgée sa vision de l’action de Kennedy, et son intuition majeure d’un désengagement américain en Europe. Cette analyse préalable lui permet de déterminer rapidement une ligne d’action, ce en quoi il se distingue par exemple de McMillan. Son rôle crucial, son influence, voire son autorité dans ces quelques journées en sont la conséquence : le Général parvient à déterminer une ligne de conduite, une vision de sortie de crise, et à la faire partager à ses interlocuteurs plus fluctuants, comme Adenauer. On a ici une constante gaullienne : l’analyse de situation sert à rassurer, à mobiliser les énergies.

            Le second aspect réside dans la capacité à prendre des risques calculés motivés par cette vision. Recevant Dean Acheson le 22 octobre 1962, de Gaulle lui indique spontanément que la France apportera son plein soutien à l’allié américain, sans même demander au préalable communication des preuves photographiques de la présence de rampes de lancement de missiles soviétiques. En cette occasion, la France se montre donc un allié plus fidèle, plus rassurant pour Washington que Londres, qui redoute le pacifisme de sa presse et de son opinion publique. Avant de prendre un risque, il convient d’être en mesure de le faire, et cela relève évidemment de la construction institutionnelle que le référendum du 28 octobre parachève : de Gaulle a voulu la Ve République pour être en mesure d’engager ainsi la parole de la France en période de crise. Mais ce risque est bien entendu calculé : bien loin de la panique qui gagne les opinions publiques européennes, de Gaulle ne considère à aucun moment l’affrontement généralisé comme une option probable. Enfin, il ne s’agit absolument pas d’un blanc-seing donné à Washington.

            Le troisième aspect réside dans la capacité à tirer rapidement et sans affects les leçons de la crise. Bien loin de mettre à profit son attitude loyale pour rechercher un quelconque réchauffement de la relation transatlantique, de Gaulle sort de la crise de Cuba décidé à en tirer les conclusions, d’une part, et les dividendes, d’autre part. Les conclusions concernent le refus des deux grands d’un affrontement généralisé, particulièrement, dans le cas des Etats-Unis, s’agissant d’un affrontement éloigné de leur continent. Les dividendes sont dès lors évidents : à la volonté française de laisser les Etats-Unis gérer eux-mêmes les affaires concernant le continent américain répond l’exigence renouvelée d’une réforme de l’OTAN et le plaidoyer pour une défense européenne autonome.

            Si un certain mystère entoure encore l’origine des révélations ayant conduit à identifier l’installation de rampes de lancement soviétiques à Cuba, une chose est certaine, la France a bénéficié dans cette affaire d’un temps d’avance. Le général de Rancourt, alors attaché de défense auprès d’Hervé Alphand à l’Ambassade de Washington, mentionne le rôle de l’un de ses adjoints, le colonel Houel, qui aurait recueilli de premières informations dès le milieu de l’année 1961[2]. Quoi qu’il en soit, la France bénéficie d’un temps d’avance dans cette affaire, et d’une relation de confiance initiale avec Washington, les informations ayant été transmises par le biais de l’Ambassade. Il s’agit sans doute là d’un des rares cas où l’action de renseignement pèse de manière importante sur la décision gaullienne, le Général ayant toujours privilégié une interprétation de long terme des objectifs stratégiques des grandes nations[3].

            Cependant, dans le cas précis de la crise de Cuba, cette information vient nourrir une analyse gaullienne déjà façonnée par la crise de Berlin, l’année précédente. Penser un évènement comme un maillon d’une chaîne plus vaste permet de relativiser son caractère inédit, et donc potentiellement affolant. Avec la crise de Cuba, comme le souligne Etienne Burin des Roziers[4], de Gaulle considère que commence un nouvel épisode d’une crise ouverte deux ans plus tôt, et dans laquelle la position de la France a été fixée dès les entretiens du Général avec Khrouchtchev de 1960 : la France fera preuve de la plus grande fermeté face aux menées soviétiques en Europe, quitte à devoir remplir pour cela toutes ses obligations. Echaudé lors de la crise de Berlin par le peu d’empressement de Kennedy à agiter le parapluie nucléaire américain pour un conflit localisé en Europe, de Gaulle a commencé à anticiper l’évolution de Washington vers une stratégie de la « riposte graduée » bien avant que celle-ci soit formulée par le secrétaire d’Etat McNamara à Athènes en mai 1962. Y répondent les initiatives du plan Fouchet, particulièrement en matière de défense européenne afin de donner à l’Europe convient la capacité de se défendre elle-même contre les ambitions soviétiques, mais aussi, déjà, de se prémunir contre un condominium des deux grands qui réduirait l’Europe à un champ d’affrontement. Ayant fixé sa perception des enjeux, de Gaulle peut rapidement tenter de déterminer quelles sont ses marges de manœuvre pour peser sur l’évènement et ses objectifs.

Tout d’abord, il considère dès le départ l’affrontement comme improbable. Dès le 26 octobre, il écrit à Adenauer que « l’on ne discerne pas actuellement de volonté de guerre » chez les deux grands[5]. Dès lors, de son point de vue, toute attitude de fermeté des Etats-Unis est à interpréter comme un signe positif, susceptible de renforcer la relation transatlantique et par ricochet de sécuriser la défense de l’Europe. Une anecdote éclaire la manière dont se forge le jugement gaullien : celui-ci relève à la fois d’une vision géopolitique, d’une capacité à lire les évolutions de long terme des grandes nations (ici la résurgence d’un certain isolationnisme américain) et d’un sens aigu de la psychologie des hommes. Invité le 24 octobre par le Président finlandais Kekkonen (lui-même expert en soviétologie, de par la position géographique de son pays…) à donner son pronostic sur le dénouement de la crise, de Gaulle répond en évoquant les personnalités de Khrouchtchev de de Kennedy, et en laissant tomber ce jugement : « Ce ne sont pas des guerriers »[6]. La psychologie des grands leaders renvoie immanquablement aux aspirations profondes de leur nation : les Russes comme les Américains ne veulent pas se battre. La fermeté sereine dont de Gaulle fait preuve, la sûreté de son analyse nourrissent immanquablement sa stature et son autorité, et constituent un instrument d’influence. Comme aux jours terribles de juin 1940, sa capacité à rendre intelligible une situation mouvante le place au cœur du jeu, ce que Kennedy perçoit rapidement.

            Dès lors, de Gaulle est en position de jouer un rôle dans cette crise. L’anecdote, rapportée par Dean Acheson, mais aussi par Hervé Alphand[7] (de seconde main) est célèbre : entendant trouver une solution médiane entre riposte massive (bombardement de Cuba) et négociation (retrait des fusées américaines de Turquie) et mettre en œuvre le blocus (la quarantaine) de Cuba pour les navires militaires, Kennedy mobilise sa diplomatie pour obtenir de ses alliés un soutien aussi massif que possible. Cette opération se heurte à des déceptions : McMillan, inquiet du pacifisme de son opinion publique, suggère ainsi de publier au préalable les célèbres photographies dans la presse, qui se montre très critique vis-à-vis de l’attitude de Kennedy, et n’hésite pas à mettre en regard de l’initiative soviétique la présence de fusées américaines en Turquie. Acheson, inventeur de la solution du blocus, est dépêché en personne[8] auprès du général de Gaulle, l’allié jugé à la fois le plus indocile et sans doute le plus important, notamment en raison de l’influence de la France auprès des pays récemment décolonisés.

            Appréhendant sans doute beaucoup la réaction du Général, Acheson lui tend le message de Kennedy (de Gaulle fait acter qu’il s’agit d’annoncer une décision, et non de demander conseil), qu’il se propose de justifier par des photographies prises par les U2. Sans doute à sa grande surprise, de Gaulle lui rétorque qu’il s’agit d’un sujet de souveraineté pour les Etats-Unis, qu’il comprend l’attitude du Président Kennedy et l’approuve, et que la France remplira ses obligations à l’égard de son allié si la situation devait dégénérer, offrant à la diplomatie américaine l’une des rares bonnes surprises. C’est seulement ensuite que de Gaulle accepte de passer aux « détails » et examine les preuves apportées par Acheson. Si l’on imagine sans peine le caractère surprenant de la réaction gaullienne pour le diplomate américain, et l’effet sans doute galvanisant pour Kennedy de ce soutien aussi franc que peu attendu, il n’y a pourtant nul angélisme dans une prise de position qui peut, en principe, conduire la France à la guerre.

            Tout d’abord, à travers cette décision, de Gaulle rappelle simplement sa conception de la souveraineté : la sécurité propre des Etats-Unis étant mise en danger par la présence de rampes de lancement de missiles à Cuba, il revient aux Etats-Unis eux-mêmes de prendre les mesures que le pays juge nécessaires pour assurer sa sécurité : « Je comprends qu’un grand pays menacé emploie toutes ses armes pour se défendre ». Il ne s’agit donc nullement d’un quelconque blanc-seing donné à Washington, celui-ci se trouve strictement limité au continent américain, voire à la zone de sécurité immédiate des Etats-Unis (dès 1964, de Gaulle se rendra au Mexique, puis en Amérique latine) : comme de Gaulle l’écrit à Adenauer, « Nous tenons l’affaire du blocus des Caraïbes comme spécifiquement américaine »[9]. Il existe bien entendu une réciproque à ce principe, à savoir que la défense de l’Europe relève, au premier chef, des Européens. Dès lors, la seule réserve de de Gaulle à l’occasion de cet entretien est de demander à Acheson une concertation à trois dans le cas, probable, où un affrontement aurait des conséquences en Europe, tout particulièrement à Berlin.

            Le second est que de Gaulle formule ce qu’est, selon lui, une alliance : la France a lié son sort aux Etats-Unis dans la Pacte Atlantique, ce que le Général a approuvé en 1949. Dès lors, même si de Gaulle plaide depuis 1959 pour une nouvelle gouvernance de l’OTAN liée à l’évolution du contexte de Guerre Froide, il convient d’en tirer pleinement les conséquences : en cas d’affrontement direct impliquant les Etats-Unis, ce qui aurait nécessairement des répercussions en Europe, la France ferait face à ses obligations. De Gaulle écrit dans ses Mémoires d’espoir s’être « enveloppé de glace » pour mettre en garde Khrouchtchev contre le risque lié à une initiative soviétique à Berlin lors de la venue de ce dernier à Paris en 1960. Sa déclaration à Acheson en est le corollaire : la France est prête à l’affrontement, et ne s’y soustraira pas. Le communiqué du Conseil des ministres du 24 octobre 1962 formule très clairement la position du gouvernement français (« Les engagements réciproques qui constituent la base de l’alliance atlantique sont et demeurent la base de la politique de la France ») et donne en quelque sorte la « tendance » : la France est le premier grand allié des Etats-Unis à prendre position clairement, ce qui simplifie la tâche d’autres gouvernements, comme celui de Londres. Là aussi, il existe sans doute un corollaire : la France souligne sa perception aiguë de l’évolution de la doctrine américaine, et affirme par là même son poids propre dans le Pacte Atlantique, qui ne peut que donner de la force à la demande faite depuis 1959 d’une refonte de la gouvernance du Pacte.

            Troisième aspect, de Gaulle ne cherche pas à dissuader Kennedy et à se poser en médiateur avec Moscou. Au contraire, il écrit à Adenauer, le « sursaut élémentaire de sécurité » qu’il relève chez les Américains « peut être salutaire ». Les propos tenus à Acheson sont à cet égard sans détour : « Je ne crois pas qu’il y aura de guerre atomique. Mais si elle venait à éclater, la France se trouverait aux côtés des Etats-Unis, conformément aux engagements souscrits dans la Pacte atlantique ». Du point de vue de de Gaulle, cette réaction américaine, bien plus ferme que lors de la crise de Berlin, favorisera un équilibre des forces, et contiendra les ambitions soviétiques. Or, précisément, de Gaulle reste convaincu que seule une fermeté intransigeante ouvrira les portes d’un véritable dialogue avec l’URSS, et donc d’une détente qui ne reposerait pas sur de faux semblants. Selon de Gaulle, l’équilibre de la terreur manifesté à l’occasion de cette crise débouchera sur une nouvelle phase des relations internationales, aucun des grands n’étant prêt à aller à l’affrontement, mais sa crainte est paradoxalement que cette nouvelle phase ne s’ouvre trop tôt, et ne repose sur un dialogue exclusif entre Moscou et Washington. Il ne s’agit pas uniquement d’éviter la crise, car trop transiger avec Moscou aurait pour effet de renforcer les ambitions soviétiques et de paver la voie à de futures crises.

            En politique intérieure, il est hors de question pour de Gaulle de reporter le référendum du 28 octobre, malgré les appels de figures de l’opposition, comme Pierre Mendès France. Et De Gaulle de partir à Colombey le 27 octobre, son siège étant fait. L’accord entre Moscou et Washington intervient le lendemain, le jour même du référendum.

            L’accord conclu entre Khrouchtchev et Kennedy pourrait ressembler à un triomphe de la vision gaullienne, de nombreux objectifs stratégiques ayant été atteints. La France rassure pleinement l’allié américain, dans une période de tensions, sur sa loyauté en cas de crise : le précédent de Cuba sera fréquemment évoqué outre-atlantique dans les moments de tension qui suivront. La France de De Gaulle est parvenue à incarner une forme de leadership en Europe, Berlin et Londres s’étant alignées sur une position formulée par Paris. A l’ONU, l’influence de l’ambassadeur Roger Seydoux contribue à rallier de nombreux pays africains à la résolution américaine demandant le démantèlement des armes offensives soviétiques de Cuba. Plusieurs de ces pays refusent l’accès de leurs bases aériennes aux avions soviétiques, faisant ainsi échouer les projets de ravitaillement de Cuba par voie aérienne.

            Pourtant, de Gaulle est bien loin de ne voir dans sa solution que des aspects positifs pour l’équilibre des forces comme pour les intérêts et la sécurité de la France. Il se refuse à tout élargissement européen de l’engagement consenti de la crise de Cuba, comme il l’écrit très clairement à Kennedy le 1er décembre 1962 : «Si le développement des évènements de Cuba en venait à mettre en cause d’autres sujets ou d’autres régions où la politique et la sécurité françaises se trouveraient impliquées, comme, par exemple, l’affaire de Berlin ou celle du désarmement, il va de soi que la France ne saurait approuver ni, a fortiori, appliquer, aucune mesure qu’elle n’aurait pour sa part négociée et décidée ». Plus encore, de Gaulle refuse la prise en main par les Etats-Unis des enjeux de défense européenne à la faveur de cette crise, via la Force multilatérale. L’accord de Nassau entre l’Angleterre et les Etats-Unis pèse dans le veto que de Gaulle oppose à la première candidature britannique au Marché commun (14 janvier 1963).

            Si conséquences il y a, celles-ci ne doivent pas être tirées à la hâte, et cela vaut pour toute amorce de dialogue avec l’Est. Contrairement à d’autres leaders européens, de Gaulle ne cède pas à l’idéologie de la détente, mais y voit plutôt la mise en place d’un condominium Moscou/Washington (symbolisé par la mise en place du téléphone rouge) dont il se défie. La relance de l’initiative européenne, symbolisée par le traité de l’Elysée signé avec la RFA (22 janvier 1963), en est la conséquence. Ce n’est qu’à partir de 1965 que s’amorcera sa propre politique d’ouverture à l’Est, symbolisée par le voyage en URSS de 1966. En somme, cette crise révèle aussi une forme d’« intranquillité » gaullienne : la crise rebat les cartes, mais il serait illusoire de céder au soulagement et à l’inaction une fois celle-ci résolue. Au contraire, la grande leçon de la crise de Cuba est sans doute que la période de détente qui s’ouvre est elle aussi porteuse de pièges et de dangers d’un type nouveau pour l’indépendance et la souveraineté de la France. Dès lors, le danger écarté, il est vital de rester en alerte et de reprendre l’initiative.

Frédéric Fogacci

[1] Nous renvoyons ici à son article « La France et la crise de Cuba », Histoire, Economie, Sociétés, 1994, 13-1, pp. 185-195, et à l’ouvrage dirigé par Maurice Vaïsse, L’Europe et la crise de Cuba, Bruxelles, Complexe, 1993, très important dans la réévaluation du rôle des acteurs européens, dont le Général de Gaulle, dans cette crise.

[2] Nous renvoyons pour cela à une très riche table-ronde organisée par l’Institut Charles de Gaulle, proposant notamment une longue intervention d’Etienne Burin des Roziers. Cf. Gilbert Pilleul (dir), L’Entourage et de Gaulle, Paris, Plon, coll. Espoir,1979, p. 314-315.

[3] Nous renvoyons à ce sujet aux travaux de Sébastien Laurent.

[4] Cf. Gilbert Pilleul (dir), L’Entourage et de Gaulle, op.cit, pp. 312-313.

[5] Lettre à Konrad Adenauer, 26 octobre 1962, in Lettres, notes et carnets, 1961-1963, Paris, Plon, 1986, p. 271. Cette lettre établit de manière complète l’analyse gaullienne : « Cette affaire, quelque tournure qu’elle prenne localement, ne peut manquer d’avoir, tôt ou tard, des suites quant aux données actuelles de la sécurité politique et stratégique de l’Europe ».

[6] Anecdote rapportée dans Jean-Pierre Guichard, De Gaulle face aux crises, Paris, Le Cherche-Midi, 2000.

[7] Hervé Alphand, L’étonnement d’être, Paris, Fayard, 1977.

[8] L’ambassadeur à Paris, Charles Bohlen, très bon connaisseur de l’URSS, vient alors d’être nommé.

[9] Cf. Lettres, Notes et Carnets, 1961-1963, op.cit.

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