L’Appel, juin 1980

Pierre Daninos

La preuve que l’Appel du 18 juin 40 exerce encore ses effets, c’est que j’ai rencontré hier un sexagénaire qui venait d’y répondre. Sans doute avait-il été trop occupé pendant la guerre pour le faire avant. Mais c’est un fait : sans parler de certains manuels d’Histoire qui font apparaître la France de l’Occupation comme un vaste camp retranché de Résistants, alors qu’une majorité de citoyens était plus préoccupée de chasser le bifteck que l’Allemand, le nombre des combattants s’accroît chaque jour. Comment en serait-il autrement dans un pays qui ne cesse de mobiliser, pour les élections comme pour les vacances ? Quitte à être victime du surentraînement à l’heure H.

Il en est de même avec le nombre de Français qui sont entrés le premier dans Paris à la Libération : à chaque émission de TV commémorative, on en découvre un nouveau (ça me fait toujours penser aux gens qui ont eu Alain pour professeur. Il a dû avoir une classe de deux millions d’élèves).

Le Général, qui voulut bien, comme il le fit avec beaucoup d’écrivains, m’honorer de sa correspondance (jusqu’à ce qu’il éconduisît les Américains sans mon accord), se serai réjoui de ce comportement, car il avait le sens de l’humour. Sourions donc. D’ailleurs, j’ai peut-être tort d’agiter à son sujet la question américaine : le nombre des Américains qui m’ont dit regretter sincèrement « de n’avoir pas un général de Gaulle » m’a toujours sidéré, étant donné qu’il leur en avait fait voir de toutes les couleurs – surtout des siennes. Malgré mon étonnement, je dois à l’honnêteté d’en porter témoignage.

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