La mémoire du 18 juin

Le fort du mont Valérien, construit au XIXe siècle, est situé à Suresnes, dans la proche banlieue parisienne. Pendant l’occupation, les Allemands y fusillèrent dans sa clairière plus d’un millier de résistants et d’otages, d’abord individuellement puis collectivement, en en faisant leur principal lieu d’exécution. Pour l’historien Serge Barcellini, « le mont Valérien est au centre d’une bataille de mémoire triangulaire » opposant la mémoire communiste, la mémoire gaulliste et la mémoire juive.

À la Libération, le parti communiste est le premier à organiser, en septembre 1944, une cérémonie en l’honneur de ses fusillés. Mais dès le 11 novembre 1945, le général de Gaulle préside une cérémonie d’inhumation d’une quinzaine de dépouilles de combattants représentant, cette fois, l’ensemble des combattants français. À cette occasion, il lance le projet de réalisation d’un mémorial national, projet qui reste en suspens jusqu’à son retour aux affaires, en 1958. C’est alors qu’est édifié le Mémorial de la France combattante, érigé près de la clairière des Fusillés, et constitué d’un mur de 150 mètres de long. Inauguré en 1960, le mémorial marque la victoire de la mémoire gaulliste à travers ses sculptures (croix de Lorraine de 12 mètres de haut et seize hauts reliefs en bronze, œuvres de seize sculpteurs différents, et constitués de différentes allégories) et ses inscriptions (texte de l’appel du 18 juin 1940 et hommage à tous les combattants français). Le Mémorial est inauguré, le 18 juin 1960, par le président de la République. Dans les années 1980, le Mémorial devient également un lieu important de la mémoire juive, avec la publication, en 1986, d’une liste de 933 fusillés, dont « 179 fusillés juifs ». Par la suite, une liste définitive de 1008 fusillés, dont 972 morts pour la France, fut établie. En 2003, une cloche de bronze portant le nom de tous les résistants et otages fusillés entre 1941 1944 a été inaugurée en face de la chapelle où étaient enfermés les prisonniers avant leur exécution. Sur la base de la cloche, une inscription perpétue la mémoire de « tous ceux qui n’ont pas été identifiés ».

Chaque année, la cérémonie du mont Valérien commémorant l’appel du 18 juin est organisée sous l’égide de la Chancellerie de l’Ordre de la Libération, et en présence du président de la République.

En ce qui concerne la commémoration et la célébration de l’Appel, notons qu’en 2005, l’UNESCO a inscrit au Registre « Mémoire du monde » un dossier présenté conjointement par la France et par la Grande-Bretagne, consacré à l’appel du 18 juin 1940. Il comporte quatre documents considérés comme les témoignages clefs de l’événement : le manuscrit du texte de l’Appel radiodiffusé du 18 juin, l’enregistrement de l’Appel radiophonique du 22 juin 1940, le manuscrit de l’affiche du 3 août 1940 et l’affiche elle-même. Enfin, le 19 mars 2006, un décret est publié au Journal officiel qui institue le 18 juin « Journée nationale commémorative de l’appel historique du général de Gaulle à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l’ennemi ».

Baptiste Léon, avec la relecture amicale et attentive de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, dossier pédagogique réalisé pour le 70e anniversaire de l’Appel du 18 juin 1940, 2010.

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