Les FFL : sur terre, sur mer, dans les airs, sur tous les fronts

Selon J.-F. Muracciole, « rarement dans l’histoire outil militaire aussi faible aura joué un rôle politique aussi considérable ». Cette petite armée régulière, portant sur tous les fronts terrestres, maritimes et aériens le drapeau tricolore frappé de la croix de Lorraine a en effet été un instrument indispensable de la France libre et de son chef, démontrant de manière indiscutable que la France continuait bien le combat aux côtés des Alliés. Ce faisant, les FFL contribuaient au ralliement d’une partie des territoires de l’Empire français et renforçaient la position et la légitimité du général de Gaulle vis-à-vis des Alliés. Cependant, il faut mesurer le poids de ces 62 000 combattants à l’aune d’une guerre mondiale opposant des armées constituées de millions de soldats. Et ne pas oublier que, jusqu’au 31 juillet 1943, date de leur fusion avec l’armée d’Afrique du Nord (AFN), les FFL sont confrontées à la difficulté d’être dépendants à l’égard des Britanniques.

C’est le général de Gaulle qui annonce à la presse britannique, le 26 juin 1940, la formation des FFL, pour intégrer les hommes et les femmes qui ont répondu à son appel.

Sur terre

Les forces terrestres de la France libre sont équipées par les Britanniques et placées sous leur commandement stratégique. Elles comptent environ 7 000 hommes en août 1940, avant que le ralliement des territoires du Pacifique et de l’A-EF ne leur fournisse 17 000 hommes supplémentaires, rejoints, après la campagne du Levant, par environ 4 000 nouvelles recrues, sans compter ces autres engagés que sont les Français d’Algérie ou les « déserteurs » de l’armée d’Afrique du Nord giraudiste. Après un premier engagement en Libye, dès septembre 1940, les forces terrestres des FFL s’illustrent en Érythrée (Keren, Cub-Cub) puis lors de la campagne du Levant contre les forces de Vichy (1941). Dans le même temps, le colonel Leclerc, à la tête d’une colonne partie du Tchad, entreprend un raid victorieux sur l’oasis italienne de Koufra (février 1941) avant de conquérir le Fezzan en 1943. La Force L (pour Leclerc) participe ensuite aux côtés des Alliés à la campagne de Tunisie. Au Moyen-Orient, la 1re brigade française libre (BFL) commandée par Koenig s’illustre dans le désert de Libye, à Bir Hakeim où, en juin 1942, elle résiste héroïquement aux soldats italiens et allemands de Rommel, permettant le retrait dans de bonnes conditions des Britanniques de la 8e armée. Quelques mois plus tard, cette même BFL ainsi que celle commandée par Cazaud participent toutes deux à la bataille d’El-Alamein.

Sur mer

Les Forces navales de la France libre (FNFL) sont formées par l’amiral Muselier le 1er juillet 1940. C’est pour distinguer ses navires de ceux de la marine restée fidèle à Vichy que Muselier choisit d’orner le drapeau tricolore de la croix de Lorraine, emblème qui finit par s’imposer à l’ensemble des FFL. Néanmoins, Muselier est remplacé à la tête des FNFL, en mars 1942, par l’amiral Auboyneau, ses différends avec le général de Gaulle l’ayant placé dans une situation délicate. Il est probable que le traumatisme de l’affaire de Mers el-Kébir (3 juillet 1940) limita les engagements au sein des FNFL, un fort courant d’anglophobie s’étant alors développé dans la marine française. Forts au maximum de

8 000 hommes à l’été 1943, les FNFL subissent de lourdes pertes, en particulier parmi la marine marchande française libre dont le taux de perte élevé (12,6 %) s’explique par la dureté de la bataille de l’Atlantique à laquelle elle a participé. Certains ralliements de territoires d’outre-mer sont directement à mettre à l’actif des FNFL : c’est le cas pour Tahiti ou pour Saint-Pierre-et-Miquelon, en décembre 1941, sous la houlette de l’amiral Muselier.

Dans les airs

Les Forces aériennes de la France libre (FAFL) sont elles aussi créées le 1er juillet 1940, et placées sous l’autorité de l’amiral Muselier. Peu nombreux (4 500 hommes à l’été 1943), les pilotes des FAFL permirent néanmoins de porter la croix de Lorraine sous tous les cieux et aux côtés des

Alliés, étant un formidable outil de promotion de la France libre. Citons par exemple le groupe de combat Normandie qui est envoyé sur le front de l’Est et qui participe, en 1944, aux côtés des Soviétiques, à la bataille du Niémen, le régiment étant ainsi rebaptisé Normandie-Niémen. À lui seul, ce groupe de chasse remporta 273 victoires, sur les 344 victoires des FAFL.

Le BCRA

Les services secrets de la France libre ont été récemment étudiés par Sébastien Albertelli qui les présente comme le trait d’union, pour toute la durée de la guerre, entre les résistances intérieure et extérieure. Le 2e Bureau de l’état-major du général de Gaulle est créé, comme les FNFL et les FAFL, le 1er juillet 1940, et est placé sous la direction du capitaine André Dewawrin, alias Passy, dont l’autorité ne fut jamais contestée au sein du service, pour toute la durée du conflit. Travaillant en liaison avec les Britanniques de l’Intelligence Service (IS), du Special Operations Executive (SOE), puis de l’Office of Strategic Services (OSS), le service de renseignement (SR) de la France libre prend son nom définitif en juin 1942, pour devenir le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA). Dans un premier temps cantonné aux opérations de renseignement et de contre-espionnage, le BCRA se dote d’une section Action en octobre 1941, dont l’objectif est à la fois de créer une Armée secrète (AS) subordonnée au général de Gaulle, et de réaliser des opérations de sabotage (voies ferrées, installations électriques) pour favoriser les débarquements alliés en France. Le rôle du BCRA est finalement sans rapport avec ses effectifs qui restent limités à 421 personnes au début de l’année 1944. Outil efficace dans la lutte de De Gaulle contre Giraud, le BCRA fut un instrument politique de poids au service de la France libre et de son chef, et la capacité du Général à s’imposer, lors de la Libération, à la tête de l’État républicain restauré ne lui est sans doute pas étrangère.

Baptiste Léon, avec la relecture amicale et attentive de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, dossier pédagogique réalisé pour le 70e anniversaire de l’Appel du 18 juin 1940, 2010.

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