Un territoire

Après la reconnaissance par le gouvernement britannique, le 28 juin 1940, de Gaulle tente de gagner à sa cause les territoires français d’outre-mer, leurs ressources humaines et matérielles. L’idée que le combat contre les forces de l’Axe pouvait se poursuivre depuis l’Empire était formulée très clairement dans l’appel du 18 juin : « Car la France n’est pas seule ! […] Elle a un vaste Empire derrière elle ».

Guyanais, F. Éboué avait intégré l’École coloniale de Bordeaux avant d’être nommé administrateur en brousse d’Oubangui-Chari, poste qu’il occupera vingt ans durant. Sous le gouvernement de Front populaire qui le nomme en Guadeloupe, il devient le premier gouverneur noir d’une colonie française. Il est nommé gouverneur du Tchad en 1938, et c’est depuis le cercle militaire de Fort-Lamy qu’il entend l’appel du 18 juin 1940. Après avoir fait part au général de Gaulle, dès le 3 juillet 1940, de sa volonté de continuer le combat, Éboué rend public, le 26 août 1940, le ralliement du Tchad qui devient ainsi le premier territoire de l’Afrique française libre. Dans la foulée, c’est le Cameroun et la quasi-totalité de l’Afrique-Equatoriale française (A-EF) qui rejoint la France libre puisque, successivement, ce sont l’Oubangui- Chari, le 27 août, puis le Congo, le lendemain, qui rallient la

France libre avant qu’une opération militaire ne permette le ralliement du Gabon, le 11 novembre 1940.

La France libre dispose désormais d’un Empire français libre et d’une base territoriale importante – environ 3 millions de km2 pour 6 millions d’habitants – dont la capitale est, jusqu’en 1943, Brazzaville. Fin 1942, Madagascar, La Réunion et Djibouti rejoignent le camp gaulliste. L’Afrique française libre permet de relier d’un seul tenant l’Atlantique aux colonies britanniques d’Afrique de l’Est, ce qui en fait une base de transit intéressante pour l’aviation alliée. Mais il n’en reste pas moins que, jusqu’au débarquement allié de novembre 1942, les territoires les plus riches et stratégiquement les plus intéressants de l’Empire (l’Afrique occidentale et le Maghreb) restent vichystes. À partir de 1943, c’est Alger qui devient la capitale de cet Empire français libre qui unit toute la France d’outre-mer, hormis l’Indochine occupée par le Japon.

En effet, d’autres territoires avaient eux aussi rallié la France libre. Ainsi, dès le 20 juin 1940, l’administrateur de Chandernagor, Baron, est le premier haut fonctionnaire colonial à répondre à l’appel du Général, suivi quelques semaines plus tard par le reste des Établissements français de l’Inde. Auparavant, le 22 juillet 1940, les Nouvelles-Hébrides (actuel Vanuatu), condominium franco-britannique, annonçaient, elles aussi, leur ralliement à de Gaulle. Suivent Tahiti, à l’issue d’un referendum, et la Nouvelle-Calédonie, en septembre 1940. Ces trois territoires fournissent ensemble les effectifs du Bataillon du Pacifique. Enfin, c’est Saint-Pierre-et-Miquelon, au large du Canada, qui rallie la France libre suite au coup de force de l’amiral Muselier, le 24 décembre 1941, l’opération étant condamnée par le gouvernement américain car elle gênait sa politique à l’égard du gouvernement de Vichy.

Baptiste Léon, avec la relecture amicale et attentive de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, dossier pédagogique réalisé pour le 70e anniversaire de l’Appel du 18 juin 1940, 2010.

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