Des Alliés

Dès juin 1940, il importe pour le général de Gaulle d’être reconnu par les Alliés. Le 28 juin, il est finalement reconnu, mais seulement comme « chef de tous les Français libres, où qu’ils puissent être, qui se rallient à lui pour soutenir la cause alliée ». Le 7 août 1940, un accord est signé organisant les relations entre le Royaume-Uni et la force française. Selon les termes de cet accord, les volontaires français sont reconnus comme une force militaire commandée par le général de Gaulle auquel est reconnu le droit de créer les services civils nécessaires au fonctionnement de cette force. Le Trésor britannique s’engage à financer les dépenses de la France libre par des avances. Cet accord fait donc de la France libre un allié à part entière du Royaume-Uni dont le gouvernement promet « la restauration intégrale de l’indépendance et de la grandeur de la France ». À cette date, on compte environ 7000 engagés auprès du général de Gaulle et de la France libre. Ne pouvant dans l’immédiat recevoir la légitimité par la sanction du suffrage universel, de Gaulle peut seulement affirmer, comme il le fait dans le manifeste de Brazzaville du 27 octobre 1940, ou dans l’ordonnance instituant le Comité national français en 1941, qu’il rendra compte de tous ses actes « aux représentants de la nation française dès que celle-ci aura la possibilité d’en désigner librement et normalement ». Il lui faut transformer sa légitimité en légalité.

Du côté de Churchill, la mise en avant du général de Gaulle et son soutien permettaient également d’amortir le choc provoqué dans l’opinion publique britannique par la capitulation française. En outre, le courant était bien passé entre les deux hommes lors de leurs différentes rencontres du mois de juin 1940. La première avait eu lieu le 9 juin 1940, à Londres, où de Gaulle, sous-secrétaire d’État à la Défense et à la Guerre, avait été envoyé par Paul Reynaud pour obtenir un renforcement de l’aide britannique. Premier Ministre du Royaume-Uni depuis le 10 mai précédent, Churchill avait déjà une longue carrière au service de l’Empire britannique puisqu’il avait été nommé sous-secrétaire d’État aux colonies dès 1905, puis Premier Lord de l’Amirauté en 1914. Plusieurs fois ministre entre les deux guerres, il avait dénoncé les dangers de la politique d’appeasement devant la menace hitlérienne, à l’origine des accords de Munich de septembre 1938. Francophile, Churchill apprécie immédiatement en de Gaulle le patriote ardent et le partisan résolu du respect de la parole donnée par l’accord du 28 mars 1940 de ne pas déposer les armes unilatéralement. L’attitude déterminée de De Gaulle à poursuivre la lutte, manifestée lors des entretiens de Briare, le 11 juin, puis de Tours, le 13 juin, mais de plus en plus solitairement affirmée, alors qu’emporté par la débâcle, le Conseil des ministres français est en train de céder au défaitisme, l’avait donc convaincu de lui apporter son soutien. Dans les premiers mois de leur relation, leur entente est au beau fixe, Churchill recevant fréquemment de Gaulle à Downing Street ou dans sa résidence de campagne, aux Chequers. Il fallait d’ailleurs que leur entente fût solide pour résister à la canonnade de Mers el-Kébir (3 juillet 1940, 1300 marins français tués, 2000 blessés) ou l’échec de Dakar (23-25 septembre 1940). Ce n’est que plus tard, au cours de l’année suivante, que les relations entre les deux hommes se tendent progressivement, de Gaulle prétendant traiter d’égal à égal avec le gouvernement britannique tout en étant sous sa dépendance matérielle, les Britanniques gardant quant à eux des contacts avec Vichy tout au long de l’hiver 1940-1941… Mais c’est surtout la question de la politique et de l’action britannique en Syrie et au Liban qui affecta les relations entre de Gaulle et Churchill, tout au long de la guerre et même au-delà.

Le gouvernement britannique reconnaît également le Comité national français (CNF), constitué par ordonnance du 24 septembre 1941 pour exercer provisoirement les pouvoirs publics de la France sous la présidence du général de Gaulle, le 26 septembre 1941. D’autres gouvernements alliés entreprennent la même démarche. Ainsi l’Union soviétique reconnaît-elle successivement, après son entrée en guerre, le chef des Français libres le 24 septembre 1941, et le CNF le 28 septembre suivant. Quant aux Américains, ils conservent une ambassade à Vichy jusqu’en novembre 1942.

Baptiste Léon, avec la relecture amicale et attentive de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, dossier pédagogique réalisé pour le 70e anniversaire de l’Appel du 18 juin 1940, 2010.

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