MESSAGE D’HERVÉ GAYMARD À LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Nouméa, le 19 septembre 2020
« Vous avez été au moment voulu, c’est-à-dire au plus difficile, un exemple du patriotisme, du dévouement et du sacrifice. La France ne l’a pas oublié. »
Charles de Gaulle n’a pas prononcé cette phrase par hasard, à Nouméa, le 4 septembre 1966, lors de son deuxième voyage en Nouvelle-Calédonie. Cet homme tellement pudique, devait alors réprimer une grande émotion, car il se souvenait que dans sa grande solitude de l’été 1940, c’était d’abord les Français du Pacifique, des Nouvelles-Hébrides, de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie Française, qui avaient donné sa première assise territoriale à la France Libre, peu de temps avant le ralliement de l’Afrique Équatoriale Française sous l’impulsion de Félix Éboué et du général Leclerc.
Oui, il faudra toujours rappeler, qu’avec « les braves types de l’île de Sein », comme disait Malraux, c’est la France « hors les murs » et ses fils valeureux qui ont sauvé l’honneur d’un pays divisé contre lui-même, qui avait subi la pire défaite de son histoire, car comme l’avait prédit Georges Bernanos deux ans plus tôt : « la défaite des esprits fait prévoir celle des armées. »
Souvenons-nous avec un immense respect et une profonde reconnaissance du Gouverneur Henri Sautot, du capitaine Broche, de Raymond Pognon, de Michel Vergès, de Prinet, de Mouledoux, de Rabot. Souvenons-nous du grand chef de Maré, Henri Naisseline qui proclame à la radio le 15 octobre 1940 avec les mots de l’époque : « D’un regard clair et avec fierté, les Indigènes de la Nouvelle-Calédonie libre doivent accourir aux côtés du général de Gaulle pour défendre l’honneur du drapeau tricolore qui représente l’esprit de la liberté et de la justice. » Souvenons des broussards accourus à Nouméa pour forcer le destin. Souvenons des volontaires de toutes origines, qui dans le Bataillon du Pacifique ont porté haut les couleurs de la France, sur tous les théâtres d’opérations. Souvenons-nous du martyr du colonel Broche, tombé le 9 juin 1942 à Bir-Hakeim, qui signe le retour de l’armée française dans la guerre.
La Nouvelle-Calédonie était dans le cœur du Général de Gaulle.
D’abord parce qu’il n’a jamais oublié les Compagnons du Non ! du premier jour.
Et parce que c’est ici du 9 au 14 septembre 1956, à Nouméa, aux Îles Loyauté, à Poindimié, à Thio, à Bourail, grâce au formidable accueil populaire qu’il a reçu, qu’il a repris confiance en la France. On peut dire que c’est ici, grâce aux Calédoniens, qu’il a retrouvé l’énergie qui lui a permis de fonder la Ve République.
Et parce qu’elle était dans son cœur, il a su la comprendre, par des paroles souvent prémonitoires, comme ce 11 septembre 1956 : « Aucun territoire ne peut vivre en dehors de grands ensembles politiques, économiques, culturels, militaires. Cela est vrai pour la Nouvelle-Calédonie constituée comme elle l’est, placée, là où elle l’est, disposant de ressources extrêmement enviables et en un point stratégique capital dans ce Pacifique qui commence à être et qui sera demain peut-être la région la plus importante du monde. »
Dix ans plus tard, lors de son second voyage, constatant les grands progrès accomplis, il conclut : « Quand je dis développement humain, je parle d’abord des rapports fraternels entre les concitoyens du Territoire, à quelque communauté qu’ils appartiennent. Je veux parler aussi du développement de leurs capacités, de leur valeur. »
C’était l’écho de sa belle notation de 1956 : « Je vous livre ces considérations comme un homme dont vous savez qu’il est profondément désintéressé, sauf dans la matière qui nous est commune à tous, je veux dire, dans la matière humaine et dans la matière nationale. »
Voilà l’ombre portée du Général de Gaulle, qui nous guide toujours, sous toutes les latitudes, et à toutes les époques : « La seule querelle qui vaille est celle de l’homme » et « Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du Monde. »
Honneur aux Calédoniens qui ont rappelé en 1940 à la France ce qu’elle devait être.
Hervé Gaymard
Président de la Fondation Charles de Gaulle