IL Y A 80 ANS BRAZZAVILLE DEVENAIT LA CAPITALE DE LA FRANCE LIBRE

Du 27 au 29 octobre 2020, Brazzaville célèbre les 80 ans du ralliement de l’AEF à la France Libre et du Manifeste de Brazzaville qui créa le Conseil de Défense de l’Empire, premier organe de gouvernement de la France Libre. Pendant trois jours des manifestations organisées par la République du Congo en partenariat avec l’Ambassade de France au Congo et la Fondation Charles de Gaulle, vont retracer les moments forts de cette histoire qui a marqué un tournant dans l’organisation de la France Libre. Parcours historique dans l’ancienne capitale de la France Libre, colloque international, expositions et soirées musicales ponctueront ces journées qui se concluront par une réception à la Case de Gaulle, l’ancienne résidence du Général à Brazzaville.

Rappel des faits :
Le 18 juin 1940, le général de Gaulle lance de Londres son appel à la résistance. En refusant la capitulation et en appelant à poursuivre le combat, il pose l’acte fondateur de la France Libre. Quelques jours plus tard, Winston Churchill, Premier ministre britannique, reconnaît en De Gaulle le chef des Français libres. Au cours de l’été interviennent les premiers ralliements des territoires de l’Empire français. Encouragés par la réaction du Congo belge (aujourd’hui République Démocratique du Congo), qui s’est rapidement rangé aux côtés des Britanniques, les pays de l’Afrique Équatoriale française (AEF) – le Tchad, le Moyen-Congo, l’Oubangui-Chari, et le Cameroun, puis rapidement le Gabon – facilitent ainsi l’organisation, au centre de l’Afrique, d’une base d’action et de souveraineté pour la France belligérante, renforçant également la légitimité de la France aux yeux des alliés. Le 24 octobre, le général de Gaulle arrive à Brazzaville dont il fait la capitale de la France Libre. « Dans les vastes étendues de l’Afrique pouvait, en effet, se refaire une armée et une souveraineté en attendant que l’entrée en ligne d’alliés nouveaux, à côté des anciens, renversât la balance des forces ».

DE GAULLE ET BRAZZAVILLE, UNE MÉMOIRE PARTAGÉE (1940-1958)

par Jean-Marie Dedeyan,

Vice-président de la Fondation Charles de Gaulle

En cette année 2020, des hommes et des femmes honorent, un peu partout dans le monde, la mémoire du général de Gaulle, décédé il y a 50 ans, le 9 novembre 1970.

Beaucoup se souviennent de l’appel historique qu’il a lancé le 18 juin 1940, de Londres, pour la poursuite de la lutte contre l’Allemagne nazie. Celle-ci, après s’être rattaché l’Autriche et les Sudètes en 1938, a envahi la Pologne le 1er septembre 1939. Dès le 3 septembre, la Grande-Bretagne puis la France déclarent l’état de guerre avec l’Allemagne. Commence, alors, ce que les historiens ont appelé la « Drôle de guerre », caractérisée par un faible nombre de combats sur le territoire français et une attente interminable pour les troupes françaises retranchées sur la ligne Maginot face aux armées allemandes qui se tiennent sur la ligne Siegfried.

Le 10 mai 1940, Hitler lance une attaque contre la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays Bas. Appuyés par de nombreux avions, les blindés allemands envahissent les Ardennes le 13 mai. Les premiers groupes de réfugiés se mettent en route pour fuir l’envahisseur, compliquant la tâche des militaires français qui montent au combat.

En Grande-Bretagne, le Premier ministre Chamberlain est remplacé par Churchill. Le 15 mai, les Pays-Bas capitulent. Le 16 juin, à Bordeaux, le Président du conseil des ministres Paul Reynaud démissionne. Le maréchal Pétain (84 ans) est, alors, chargé de constituer un nouveau gouvernement tandis que les troupes allemandes franchissent la Loire et contraignent à l’exode huit millions de civils.

Le général Weygand persuade, alors, le nouveau chef de gouvernement, Philippe Pétain, de conclure un armistice. Dès le lundi 17 juin, le vieux maréchal s’adresse aux Français à la radio et laisse entendre que les combats doivent cesser.

Le général de Gaulle, lui, n’entend pas baisser les bras, refuse la soumission de la France et part pour Londres où Churchill l’accueille. Dès le 18 juin le général de Gaulle, lance, au micro de la BBC, son mémorable Appel à toutes les forces volontaires pour lutter contre l’envahisseur, tandis que le gouvernement nazi du IIIe Reich contraint le gouvernement français présidé par Philippe Pétain à signer une convention d’armistice le 22 juin 1940. Transféré à Vichy le 1er juillet, le gouvernement Pétain accepte la collaboration avec l’occupant.

Les Français qui refusent la défaite et rejoignent De Gaulle à Londres s’organisent.

Une épopée commence : celle des Français libres, des valeureux résistants et résistantes dont le courage et la ténacité furent décisifs dans la longue épreuve à laquelle la France et l’Europe ont été confrontées.

Mais à Londres les premières semaines ne sont pas faciles. Il faut accueillir ceux qui, répondant à l’appel du 18 juin, rejoignent l’Angleterre, les héberger, organiser, former les équipes, entrainer les jeunes volontaires, aménager des locaux, préparer les équipements, rechercher des soutiens. Les gaullistes éprouvent un sentiment d’isolement.

L’appel aux territoires de l’Empire français

Le général de Gaulle, en ce début d’été 1940, sent bien que le soutien des territoires de l’Empire qui sont restés français peut constituer un appui décisif et renforcer la légitimité de son combat. Le 28 juin, il appelle les responsables de l’Empire à le rejoindre : « Mettez-vous en rapport avec moi pour unir nos forces et sauver les terres françaises ».

Les Français des Nouvelles Hébrides, derrière le Commissaire résident Henri Sautot, rejoignent la France Libre dès le 20 juillet. Le 26 août, le Tchad, sous l’autorité de son gouverneur Félix Eboué et du Lieutenant-colonel Marchand, commandant militaire, rejoint la France Libre. Le 27 août, le commandant Leclerc, qu’accompagnent René Pleven, Claude Hettier de Boislambert et André Parant, obtient le ralliement du Cameroun. Le 28 août, c’est au tour du Congo grâce à l’action du médecin-général Sicé et du colonel de Larminat. Et le 29 août, le gouverneur par intérim Pierre de Saint-Mart proclame le ralliement de l’Oubangui-Chari à la France Libre.

A la fin de l’été 1940, la quasi-totalité de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) a donc rejoint la France Libre, à l’exception du Gabon qui ne reconnaitra qu’en novembre l’autorité du général de Gaulle.

Une légitimité renforcée

Ces ralliements ont, à l’évidence, renforcé l’assise territoriale et la légitimité de la France Libre dans ses rapports avec les Britanniques. Les effectifs des Forces Françaises Libres sont, en outre, passés de 7000 hommes en juillet 1940 à 35 000 à la fin du mois d’août et, dès le 29 août 1940, le général de Gaulle peut affirmer que «la guerre continue par l’Empire français ».

Le 24 octobre 1940, le général de Gaulle arrive à Brazzaville d’où va s’organiser la résistance de la France Libre. Le 26 octobre, il prononce à la radio une allocution au cours de laquelle il évoque l’organisation de la riposte française. Le 27 octobre, c’est à Brazzaville, devenue capitale de la France Libre (jusqu’en juin 1943), qu’il rend public le Manifeste annonçant la création d’un Conseil de Défense de l’Empire et affirmant la volonté de la France Libre de poursuivre le combat avec l’appui de l’Afrique Equatoriale Française.

Dans ses « Mémoires de guerre », le général de Gaulle écrit : « Participer avec des forces et des terres françaises à la bataille d’Afrique, c’était faire entrer dans la guerre comme un morceau de France. C’était défendre directement ses possessions contre l’ennemi. C’était, autant que possible, détourner l’Angleterre, et peut-être un jour l’Amérique, de s’en assurer elles-mêmes pour leur combat et pour leur compte. C’était, enfin, arracher la France Libre à l’exil et l’installer en toute souveraineté en territoire national ».

La perspective d’une émancipation

C’est également à Brazzaville, que le général de Gaulle réunit, du 30 janvier au 8 février 1944, la Conférence de Brazzaville. Il y prononce un discours dans lequel, évoquant les relations entre la France et les colonies africaines après la Seconde Guerre mondiale, il mentionne pour la première fois la perspective d’une émancipation, prélude à l’indépendance.

Et c’est encore à Brazzaville qu’il prononce, le 24 août 1958, devant la foule venue l’écouter au stade Félix Eboué, un mois avant le référendum approuvant la nouvelle constitution, un important discours sur l’avenir de la Communauté franco-africaine dans lequel il pose les bases de l’accession à l’indépendance pour les territoires français d’Afrique.

Puissent les commémorations de Brazzaville aider la jeunesse à mieux connaitre l’extraordinaire épopée à laquelle les pays de l’ex Afrique Equatoriale Française ont participé activement et dont le ralliement à la France Libre a été essentiel tout au long des dures années de combat pour la libération du territoire français et pour la défense des valeurs qui nous réunissent aujourd’hui.

Face aux enjeux du monde actuel, une source d’inspiration féconde

Dans la terrible épreuve de la deuxième guerre mondiale, notre destin était commun. Les souffrances de nos soldats, leur courage obstiné, leurs sacrifices et leur très belle contribution à la victoire près de cinq ans après l’Appel du 18 juin méritent toujours notre admiration et notre reconnaissance.

A un moment où le monde fait face à des mutations qui interrogent, interpellent et fragilisent les équilibres, à des rivalités génératrices de tensions préoccupantes, à des défis technologiques source d’enjeux nouveaux de souveraineté, la pensée du général de Gaulle, son pragmatisme face aux situations les plus difficiles et à des acteurs imprévisibles, constituent dès lors une source d’inspiration pour tous ceux qui entendent demeurer fiers de leur Pays.

Le gaullisme n’est ni une religion, ni une doctrine. C’est une conception murie et pragmatique de l’action dans le souci constant de l’intérêt supérieur du Pays.

Cette approche repose à la fois sur des réalités historiques, culturelles, démographiques et géographiques, sur des valeurs philosophiques, sur une prise en compte réfléchie des circonstances et des réalités, et sur une capacité d’application dont les principes demeurent, mais dont la traduction opérationnelle est fonction des circonstances.

Il revient désormais aux plus jeunes générations, non seulement à ceux dont les parents et grands-parents ont vécu la Seconde Guerre mondiale et les années qui l’ont suivie, mais aussi à celles et à ceux qui savent qu’il faut s’efforcer de faire face aux enjeux et aux contraintes de notre époque dans le souci constant du bien commun, de mieux connaitre et comprendre cette période importante de l’histoire du XXe siècle afin d’éclairer et d’élever leur pensée face aux réalités et aux défis du XXIe siècle.

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