« L’entente directe entre le peuple et celui qui a la charge de le conduire est devenue dans les temps modernes, essentielle à la République. Le moment venu, je ferai en sorte que, dans l’avenir et par-delà les hommes qui passent, la République puisse demeurer forte, ordonnée, continue. » Ainsi s’exprimait en privé le général de Gaulle le 30 mai 1962. Il prononçait ces phrases plus vite qu’il ne parlait d’habitude ; elles étaient lisses et polies comme des galets, contrairement à l’ordinaire de son langage oral. Sans aucun doute, il récitait un texte écrit. Il conclut ainsi cet entretien : « Nous allons instituer à l’automne l’élection populaire du Président. Les Français seront la source directe du pouvoir exécutif, comme ils le sont déjà du pouvoir législatif [1] ».

De fait, neuf jours plus tard, les premières phrases de cette confidence devenaient officielles. Mais comme elles étaient ambiguës, personne ne les releva. Il fallut attendre le Petit-Clamart pour que le Général, saisissant la balle au bond, présentât comme une conséquence de l’attentat une réforme qu’il avait, trois mois plus tôt, déjà programmée pour la rentrée. Mais quelle que fût l’occasion, l’enjeu était le même. Il s’agissait d’en finir avec « le système inconsistant des notables » pour établir la République sur le roc du suffrage universel.

Le référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel eut lieu le 28 octobre suivant. L’opposition était nombreuse, parfois haineuse. La « classe politique » de la IVe République avait l’impression de jouer son va-tout. Le Général déclara après la bataille : « Tout ce qui compte était contre de Gaulle ». Pourtant, le texte référendaire fut approuvé par 62% des votants : l’ensemble des partis traditionnels n’avait pas pu en mobiliser plus de 38%. Le Général fut déçu de ce résultat, qu’il trouva médiocre. Il était loin d’imaginer que le résultat de sa propre élection serait plus médiocre encore.

Il avait précisé que cette nouvelle disposition constitutionnelle ne s’appliquerait qu’à la fin de son septennat ou dans le cas où celui-ci serait interrompu par sa mort ou par sa maladie. Ce ne fut donc que trois ans plus tard que le nouveau mode de désignation du chef de l’Etat devint effectif.

La gauche socialiste s’était mise en campagne dès le début de 1964. Gaston Defferre s’y était lancé « pour qu’il y ait un véritable débat national, dont le pays était privé depuis cinq ans ». Il espérait réunir autour de lui la gauche non-communiste, le MRP qui avait claqué la porte du gouvernement le 15 mai 1962, les radicaux et les « clubs ». Ayant échoué dans sa tentative de rassemblement, il renonça en juin 1965 à sa candidature. Le flambeau fut repris en septembre par François Mitterrand, qui n’était pas encore socialiste et qui devait raconter plus tard : « Depuis 1962, j’ai su que je serai candidat. Quand ? Comment ? Je ne pouvais le prévoir… En juillet 1965, Pierre Mendès France fut le premier à me suggérer d’entrer en lice. Quelques journaux, dont le Nouvel Observateur, examinèrent cette hypothèse sans insister. Je suis parti en vacances à Hossegor cinq semaines sans prendre un seul contact politique. Je suis revenu à Paris le 6 septembre. Ma décision était prise [2] ». Le 9 septembre, François Mitterrand remit une déclaration à la presse où il disait notamment : « Les républicains résolus à combattre le pouvoir personnel sont dans l’incertitude. J’ai donc décidé de solliciter les suffrages des Français et des Françaises le décembre prochain ».

Quinze jours plus tard, il recevait l’appui du parti communiste. Waldeck-Rochet expliqua que François Mitterrand remplissait les trois conditions nécessaires au ralliement communiste : « Qu’il soit un opposant résolu au pouvoir personnel ; que le programme ou les options qu’il soutient soient acceptables par tous les démocrates ; enfin, qu’il s’appuie sur tous les partis de gauche sans exclusive ».

Le 19 septembre, Jean Lecanuet, qui présidait le MRP, se présente à son tour. Cet agrégé de philosophie de 45 ans veut se démarquer du gaullisme, auquel son parti reproche de n’être ni démocrate, ni social et de faire obstacle à la construction européenne. Il sera donc « démocrate, social, européen » et candidat de tous les centristes : radicaux, indépendants et démocrates-chrétiens…

Non seulement le grand public mais la plupart des membres du gouvernement, à commencer par son Premier ministre Georges Pompidou, ignore toujours ce que fera de Gaulle et en discutent ferme jusqu’au jour prévu pour l’annonce de la décision. Le 4 novembre, un mois avant le premier tour, quinze jours avant le début de la campagne officielle, le Général rompt enfin le silence par une intervention télévisée. « Aujourd’hui, je crois devoir me tenir prêt à poursuivre ma tâche, mesurant en connaissance de cause de quel effort il s’agit, mais convaincu qu’actuellement c’est le mieux pour servir la France. Car ainsi notre pays se voit offrir le meilleur moyen de confirmer par ses suffrages le régime stable et efficace que nous avons ensemble institué. Que l’adhésion franche et massive des citoyens m’engage à rester en fonctions, l’avenir de la République nouvelle sera décidément assuré. Sinon, personne ne peut douter qu’elle s’écroulera aussitôt et que la France devra subir – cette fois sans recours possible – une confusion de l’Etat plus désastreuse encore que celle qu’elle connut autrefois ». Tollé à gauche et au centre : « Cette déclaration est un chantage ! » Elle est aussitôt travestie dans une formule qui fait fortune : « Moi ou le chaos ! ».

Quand la campagne officielle s’ouvre le 10 novembre, les candidats sont six : le général de Gaulle, MM. Barbu Lecanuet, Marcilhacy, Mitterrand et Tixier-Vignancourt.

Tixier, avocat de talent qui ne peut être soupçonné de la moindre sympathie pour l’homme du 18 juin, peut espérer rassembler les suffrages des nostalgiques de Vichy (il en reste encore beaucoup) et des partisans de l’Algérie française (ils ne sont pas résignés).

Marcilhacy souhaite donner à sa candidature la signification du nécessaire amenuisement de la fonction présidentielle et d’un retour au strict respect de la constitution de 1958, dont il se dit le défenseur. En effet, celle-ci ne différait pas encore autant de celles de la IIIe et de la IVe Républiques, que n’y parvinrent les quatre premières années de son application et surtout la grande réforme d’octobre 1962 sur le mode d’élection.

Barbu espère plaider à la télévision pour les thèmes de « l’homme quelconque », du « Français moyen ».

A peu près personne ne doute de la réélection de De Gaulle à une forte majorité. A la veille du lancement de la campagne, 69% des Français se déclarent prêts à voter pour lui dès le premier tour.

Non seulement les dispositions constitutionnelles sont nouvelles mais aussi les modalités de la campagne. Elle va se dérouler essentiellement à la télévision. La France ne compte-t-elle pas alors 5 millions de récepteurs ? Les textes qui réglementent la campagne et qu’a voulus le général de Gaulle ne distribuent pas le temps d’antenne comme on aurait pu l’imaginer, à égalité entre la majorité sortante (ou ceux qui se réclament d’elle) et l’opposition sortante (ou ceux qui s’y rattachent). Le Général a expressément voulu que le décret accordât à chaque candidat le même temps d’antenne ; tous sont placés sur le même pied – président sortant et chacun des compétiteurs. L’opposition se voit accorder cinq fois plus de temps d’antenne que le chef de l’Etat.

De Gaulle, fort de son image historique, n’estime même pas devoir user de son droit ; il n’utilise que 7 minutes de son temps d’antenne. Il laisse le champ libre à ses adversaires. L’effet est fulgurant : seule la critique déferle sur les écrans. Les Français voient le spectacle effarant de cinq opposants concentrant leurs tirs sur un président muet ou absent. Mitterrand reprend les thèses développées dans Le Coup d’Etat permanent et dénonce le tour monarchique pris par le pouvoir. Lecanuet fustige la politique étrangère et s’en prend avec talent à un « nationalisme attardé ». Les sondages dégringolent : au début de décembre, deux jours avant le premier tour, les intentions de vote en faveur de De Gaulle, mesurées par l’IFOP, sont tombées de 69 à 44 %.

Le 5 décembre, l’électorat passionné vote à plus de 85%. A la stupeur générale, de Gaulle est mis en ballottage. Lui qui s’était jugé désavoué, quand le 28 octobre 1962, la modification constitutionnelle avait recueilli 62% seulement des suffrages, voici qu’il n’atteignait pas les 45%. Mitterrand recueillait 32% des voix et Lecanuet 16%. Un second tour allait devoir se dérouler le 19 décembre. Ce duel au sommet verrait s’affronter de Gaulle et François Mitterrand.

A condition que de Gaulle se maintienne. Le dimanche soir du premier tour, Georges Pompidou, Louis Joxe et moi nous tenons dans le bureau du Premier ministre. Les résultats qui ont afflué à Matignon ne laissent aucun doute : le Général est en ballottage. Pompidou l’appelle à Colombey pour l’en informer. Il essaie d’adoucir la nouvelle en lui montrant que ce n’est pas irréparable. Il a visiblement du mal. Il finit par donner le combiné à Louis Joxe, qui recommence la même tentative avec d’autres raisonnements. A bout d’arguments, Louis Joxe me passe le téléphone. Le Général est à peine audible. Il a l’air abattu. Je lui fais valoir que notre système, entièrement nouveau en France, doit être rapproché de celui des Etats-Unis, où un président sortant ne se bat que contre un seul adversaire, sélectionné par des « primaires », et où le gagnant ne récolte jamais plus de 55% des voix, souvent moins. « Au second tour, il n’y aura que vous-même et Mitterrand, le résultat ne fait pas de doute ». Le Général grogne : « Vous me voyez me battre en duel avec Mitterrand ? »

Que pouvait-on conclure au lendemain de ce premier tour décevant ?

  • Le pouvoir use, en sept ans de réformes profondes.
  • Plus de 30% des électeurs ayant moins de 35 ans ont apporté leurs suffrages aux hommes proches de leur génération.
  • La télévision a joué un rôle auquel on ne pouvait guère s’attendre, puisqu’il n’existait nul précédent.
  • Quand tout va mal, on vote de Gaulle. Quand tout va bien, chacun retourne à ses habitudes.
  • Le Général a heurté beaucoup de Français dans leurs idées familières en politique étrangère. Son hostilité à la supranationalité européenne, son comportement rude à l’égard de nos alliés traditionnels, les menace qu’il n’a cessé de faire peser sur notre adhésion au pacte atlantique ont inquiété bien des électeurs de « droite ».

Le 8 décembre, le Général indique en Conseil des ministres que sa décision est prise. Il se jettera dans la bataille. A la sortie du Conseil, en prenant ses instructions pour affronter la presse, je lui demande : « Vous m’autorisez à annoncer que vous vous présentez au second tour ? » Il réagit vivement : « mais non, je serai présent puisque je ne peux pas faire autrement ». J’annonce donc dans ma conférence de presse : « Naturellement, le Général sera présent au second tour ». Le spécialiste du beau langage du journal le Monde, le grammairien Le Bidois, consacrera à cette expression un article sévère : « Comment le jeune ministre de l’Information qui […], que […] a-t-il pu commettre cette impardonnable faute de français ? Evidemment, il ne fallait pas dire que le Général serait présent mais qu’il se présenterait ».

Restent dix jours pour faire campagne. Etienne Burin des Roziers, le secrétaire général de l’Elysée, et moi nous essayons de convaincre le Général d’abandonner le style « message à la nation » qui lui convenait si bien dans sa fonction présidentielle, pour adopter le style « coin du feu », qui réussit à merveille à son Premier ministre. Et il ne faut pas hésiter à donner des coups. Une campagne électorale c’est comme un match de boxe. Si vous recevez des coups sans en rendre, vous finissez par être KO. Il est long à admettre de se faire interviewer, lui qui ne donne jamais d’interviewes. Il réplique vertement : « Ce que vous voulez, c’est que je me mette devant les Français en pyjama ! » Il accepte cependant pour finir de répondre aux questions de Michel Droit, que nous lui recommandons vivement. Le dimanche entre les deux tours, Burin des Roziers et moi restons dans nos bureaux respectifs pour aider le Général à se préparer à l’entretien qui doit avoir lieu le lendemain devant les caméras de télévision. Je passe la journée à dicter à mes secrétaires et à envoyer à l’Elysée des fiches sur les questions dont nous savons que chacun se les pose et que Michel Droit va sans doute lui poser. J’élabore des réponses avec des chiffres que j’ai sélectionnés comme les plus significatifs et les formules qui me paraissent les plus propres à frapper l’opinion. Au fur et à mesure que mes textes sont tapés, je les envoie par motard à Burin, qui les passe au Général.

Le lendemain, je constate au cours de la séquence d’enregistrement à l’Elysée que le Général n’utilise pas un seul de mes chiffres, pas une seule de mes formules. Mais il est dans une forme superbe. Il enregistre sans s’arrêter la valeur des trois demi-heures auxquelles il a droit. Au moment de nous quitter, il nous dit : « Maintenant que je suis lancé, je continuerais bien à jaspiner comme ça pendant des heures ».

Il apporte seulement deux retouches à son enregistrement. A la fin de son intervention, il voulait se tourner vers les Français pour s’adresser directement à eux ; mais il n’avait pas regardé la caméra adéquate. D’autre part, il avait employé une expression chargée de dérision à l’endroit de Jean Lecanuet et des électeurs du MRP : « Des enfants de chœur qui ont bu le vin des burettes ». Nous lui faisons remarquer qu’il s’agit précisément, au second tour, d’obtenir des voix de ces électeurs-là : il convient donc de ne pas les insulter. Le Général accepte de faire un raccord.

Vint le second tour. Dans ma Part de vérité, François Mitterrand, qui est arrivé en tête dans plusieurs départements du Midi, a noté sobrement : « le 19 décembre, 46% des Français votèrent pour moi contre le général de Gaulle [3] ». Si de Gaulle l’emporte de 10 points, on dénombre 600 000 bulletins blancs et nuls. « L’entente directe entre le peuple et celui qui a la charge de le conduire » avait été difficile à obtenir : les réticents, les irréductibles étaient légion.

Les analystes ont été nombreux à analyser ces résultats. Les uns y ont vu un « recul du gaullisme » : c’est possible. Les autres, la confirmation des institutions nouvelles : elles venaient de fonctionner et avec quelle participation ! D’autres encore y ont trouvé le solde définitif des périodes antérieures : les 16% de Lecanuet, c’est le chant du cygne du MRP, l’échec de Defferre celui de la SFIO. D’autres ont perçu la préfiguration des vingt années suivantes : l’émergence de François Mitterrand qui commence à rassembler les gauches autour de sa personne.

Tout cela n’est pas contradictoire. Moins vraisemblable, l’affirmation selon laquelle le ballottage signifiait un profond mécontentement des Français : les Français de 1965 vivent beaucoup mieux que cinq ans plus tôt seulement ; aucun des grands maux des périodes antérieures (les guerres de décolonisation, le terrorisme du FLN et de l’OAS) et ultérieures (le chômage, l’insécurité, les banlieues) ne les frappe. A preuve, au début de la campagne, les Français, toujours selon l’IFOP, se disent « satisfaits » à 66%, « mécontents » à 22%, « indifférents » à 12%, chiffres que l’on sera loin de retrouver dans les décennies 1970 et 1980.

Il n’en reste pas moins que, si les Français n’étaient pas mécontents à la veille de la campagne, ils le sont devenus du fait de campagne. Les attaques des candidats hostiles au régime, la hauteur indifférente que paraissait manifester le Président, ont réveillé les malaises latents. La campagne a servi de catalyseur à toutes les critiques qui n’avaient pas eu l’occasion de se formuler depuis des années. Un Français sur trois a découvert que, sans le savoir, il était malheureux…

Chaque candidat de l’opposition a su rallier à lui les électeurs que leurs prédispositions inclinaient vers sa cause. Lecanuet a révélé à des électeurs qui votaient gaulliste, faute d’un candidat plus approprié à leurs aspirations, qu’il était leur homme. Inversement, si de Gaulle améliore sa performance au second tour, c’est parce que placés dans le dilemme De Gaulle-Mitterrand, beaucoup ne purent que voter de Gaulle. Les prophètes du passé ont pu affirmer que les résultats des deux tours étaient inscrits dans la sociologie électorale du pays.

Une partie de l’électorat a été indisposée par la manière dont la campagne a été engagée. Les phrases elliptiques de De Gaulle, le 4 novembre, ont été mal comprises. Presse et opposition s’en sont emparées pour jeter le doute sur les sept années de réformes écoulées. En annonçant sa candidature un mois avant l’élection, de Gaulle a donné une impression de désinvolture qui a semblé réduire à une simple formalité l’acte démocratique qu’il avait lui-même présenté comme essentiel à la vie publique française. Dès avant que s’engageât la campagne officielle, nombre d’électeurs étaient troublés et constituaient une proie facile pour les artifices électoraux des opposants.

Il est apparu, une fois la campagne engagée, que les mots d’ordre de la majorité « Pour le succès de la France », « Vive la République nouvelle », « Oui à de Gaulle », servis sans commentaires, laissaient sur leur faim une masse grandissante des électeurs flottants. Une propagande inadéquate est pire qu’une absence de propagande : elle ne peut produire que des effets pervers. Pour conquérir des voix, il faut donner des raisons ; or, une campagne tardive et sommaire a donné au public l’impression que le général de Gaulle s’enfermait dans sa tour d’ivoire, et a apporté des arguments à une opposition qui faisait justement campagne sur le thème de l’insultante solitude du pouvoir…

Ainsi, l’attitude de de Gaulle, si nobles qu’en fussent les motifs, a déclenché un de ces vertiges convulsionnaires auxquels la France est sujette de façon récurrente. Une certaine quiétude a pour effet de rendre perméable à l’inquiétude ; une certaine dépolitisation rend le public vulnérable à la contestation, le jour où elle paraît. Faute d’être rompu à la controverse, le corps électoral s’est laissé emporter par un faux-semblant d’explosion insurrectionnelle, dès l’instant que les opposants au régime jouirent de la liberté sans frein de critiquer. Cinq opposants de cinq horizons différents communiaient dans la dénonciation du régime, et le régime laissait faire, paraissait ne savoir que répondre : l’opposition ne pouvait donc qu’avoir raison…

En quelques semaines, on avait assisté à la désacralisation de la Ve République et de son fondateur. De Gaulle était passé de la grâce de l’Histoire à l’investiture démocratique ; il a mis en jeu la légitimité issue du 18 juin pour apporter la preuve de la validité de « sa » constitution.

Pouvait-il faire autrement ? Il avait porté sur les fonts baptismaux les institutions qu’il entendait léguer à la France. « Les choses ne sont pas encore assez consolidées pour que je m’en aille… », l’ai-je entendu répéter avant le scrutin. Et après : « Si je ne m’étais pas présenté, tout ce qu’on avait essayé de faire aurait été balayé ».

C’est son honneur d’avoir voulu que les nouvelles institutions connussent avec lui le baptême du feu. Il fut éprouvé par ce ballottage que sa nature anxieuse lui avait fait redouter, mais auquel il ne voulait pas croire. On ne dira jamais assez le courage qu’il a montré en descendant dans l’arène. Ce geste témoigne de son respect de la volonté nationale, comme en témoignera définitivement son retrait, le 27 avril 1969.

[1] C’était de Gaulle, Paris, Fayard, 1994, pp. 177-181

[2] Ma part de vérité, Paris, Poche, 1969, pp. 68-69

[3] Ma Part de vérité, Paris, Poche, 1969, p. 71

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