Les vestiges de son prestigieux passé témoignent des apports culturels qui, au fil des siècles, ont fait du Liban le lieu de rencontre des grandes civilisations et façonné ce beau pays dont le Général de Gaulle a dit qu’il est « proche du cœur de la France ». Le poète Charles CORM, fondateur de La Revue Phénicienne, écrit dans l’un de ses recueils : « si loin que remonte la mémoire des hommes, jamais l’histoire ne connut ni si petit pays, ni si vaste destin« .

Cité plus de 70 fois dans la Bible, le Liban recèle effectivement de nombreuses traces de son passé chargé d’Histoire. Beyrouth, sa capitale moderne, s’enorgueillissait jadis de son école de Droit, célèbre dans tout l’Empire romain. L’une des premières mosquées construites par l’Islam fut édifiée à Baalbek. Du passage des Croisés subsistent plusieurs vestiges dont la citadelle de Tripoli, les remparts et la forteresse de Byblos (Jbeil), le château du roi Saint Louis et le château de la mer à Sidon (Saida), les châteaux de Tibnine, Toron, Beaufort.

Les “tours de feu“ du littoral, érigées au XIVe siècle, rappellent la période mamelouke. Puis c’est l’heure de l’émir Fakkredine et de l’émir Béchir, illustres champions et fondateurs de l’indépendance nationale, à qui l’on doit, au XVIIe et au XIXe siècles, les plus beaux monuments de l’architecture libanaise, dont le superbe palais de Beit-Eddine.

Creuser le sol libanais, c’est retrouver, sous la poussière du temps qui passe, l’apport des civilisations qui s’y sont succédées de siècle en siècle, faisant du Liban l’un des témoins essentiels de l’histoire des rivages de la Méditerranée orientale. On trouve, par exemple, à Byblos (1) des traces phéniciennes, égyptiennes, assyriennes, babyloniennes, perses, grecques, romaines, byzantines, arabes et franques.

Dès l’antiquité, les Phéniciens ont sillonné la Méditerranée pour y développer leurs activités commerciales autour de l’exportation de la pourpre et du bois des forêts de cèdres qui recouvraient leur pays. Inventeurs de l’alphabet qui inspira l’alphabet grec, ils fondèrent des comptoirs autour du bassin méditerranéen (Carthage, etc.) et déployèrent un savoir-faire artisanal et commercial réputé dans de nombreux pays.

Puis, au fil du flux et du reflux des hégémonies successives, les Libanais ont développé leur sens du négoce, leur ouverture d’esprit, leur sensibilité aux apports venus de l’étranger, leur diversité et leur résilience…

Pour l’écrivain Georges Naccache, ancien ambassadeur du Liban en France et plusieurs fois ministre, qui fut, en 1924, le fondateur du quotidien L’Orient : « Terre de passage et terre d’asile, terrain de rencontre et parfois de confrontation des cultures et des cultes, où les croyances, les langues et les liturgies se juxtaposent, le Liban est une terre de contrastes et de contacts au carrefour de l’Orient, de l’Asie et de l’Occident ».

On comprend mieux, dès lors, pourquoi de grands écrivains français se sont succédé au Liban et nous ont laissé des récits passionnants de leurs voyages :

  • Pierre Belon du Mans, avec un « Voyage au Levant » (1553), retrace les étapes d’un voyage commencé en 1546, à la fin du règne de François 1er, dont l’alliance avec l’empire de Soliman le magnifique a suscité bien des études d’historiens.
  • Constantin-François de Chasseboeuf Volney qui, à la fin du 18e siècle, décrit le climat, la végétation, le système économique, social, politique et la mosaïque confessionnelle libanaise dans « Voyage en Syrie et en Egypte » (1783-1785)
  • Chateaubriand avec “L’itinéraire de Paris à Jérusalem” (1811)
  • Lamartine avec le “Voyage en Orient” (1835)
  • Flaubert avec son “Voyage en Orient” (1849)
  • Nerval avec son “Voyage en Orient” (1851)
  • Renan avec une belle évocation de sa vision du Liban, terre du lait et du miel, dans “La vie de Jésus” (1860)
  • Pierre Loti dans “Voyages” recueil d’une vingtaine de textes sur les différents séjours qu’il fit au Proche et au Moyen-Orient de 1872 à 1913.
  • Maurice Barrès, dont “Une enquête aux pays du Levant” fut publiée le 28 novembre 1923, six jours avant sa mort.
  • Pierre Benoit dont “La chatelaine du Liban” (1924) a connu un grand succès dès sa parution.

Ces récits de voyage ont fait l’objet d’une excellente anthologie de Jean-claude Berchet, parue en 1985 sous le titre “le voyage en Orient, anthologie des voyageurs français dans le Levant au XIXe siècle » dans la collection Bouquins (Laffont).

Aujourd’hui la population du Liban est d’environ 4,5 millions d’habitants auxquels il convient d’ajouter près de 175 000 réfugiés palestiniens et plus de 1 700 000 réfugiés syriens. Mais il faut souligner que de nombreux Libanais ont profité de leur ouverture à d’autres cultures et de leur faculté d’adaptation pour s’expatrier en allant s’installer en Europe, en Afrique, au Canada, aux Etats-Unis, en Amérique Latine…

Ils constituent ainsi une diaspora de près de 15 millions de personnes, dont une partie, notamment des intellectuels francophones, s’est exilée lorsque la guerre de 1975 a commencé. Certains ont choisi d’honorer leur patrie par l’écriture.

Leurs romans, leurs essais, leurs poèmes ont souvent pour toile de fond leur terre natale et les affrontements dont elle est le théâtre. Au fil des années, plusieurs d’entre eux ont reçu des prix littéraires ou acquis une notoriété qui confirme la qualité de la contribution de ces auteurs à la littérature francophone.

À l’image de leur pays, « les écrivains du Liban sont porteurs de multiples sensibilités…La littérature libanaise reflète le pluralisme culturel, religieux, linguistique de ses habitants…» soulignait, il y a quelques années, le Centre National des Lettres en accueillant douze auteurs du pays du cèdre venus en France présenter « Les belles étrangères », une intéressante anthologie réunissant des extraits inédits de romans, de bandes dessinées et de nouvelles.

Il n’est pas possible d’évoquer ici en détails les œuvres respectives des écrivains libanais de langue française. Mais la mention de leurs noms peut cependant constituer un juste hommage à ces auteurs partagés entre deux terres et deux cultures, mais étroitement liés par le verbe ou la plume et un même amour de la langue française :

Amin Maalouf (prix Goncourt 1993 et nouveau Secrétaire perpétuel de l’Académie Française à la suite du décès d’Hélène Carrère d’Encausse le 5 août 2023), Salah Stétié, diplomate émérite, écrivain et poète réputé (Grand prix de la francophonie décerné par l’Académie Française, 1995), Andrée Chedid, poète, romancière, dramaturge, honorée par de nombreux prix, (dont le Goncourt de la nouvelle et le Goncourt de poésie en 2003), Vénus Khoury-Ghata (membre de plusieurs jurys littéraires, auteur de nombreux poèmes, d’une quinzaine de romans traduits dans de nombreux pays et récompensée par plusieurs prix), Yasmine Khlat (prix des cinq continents de la Francophonie, 2006), Issa Makhlouf (prix Max Jacob, 2009), Nadia Tueni, dont “les œuvres poétiques complètes” sont parues en 2011, Georgia Maklouf (prix Senghor 2014), Charif Majdalani (prix Jean Giono 2015).

Une mention particulière, cependant, pour deux auteurs éminents :

– Joseph Maila, professeur de sciences politiques et de relations internationales, ancien vice-doyen de la Faculté des lettres de l’Université Saint Joseph de Beyrouth, premier laïc à avoir occupé le poste de recteur de l’Institut catholique de Paris, en 2004. A la tête de la direction de la prospective du ministère français des affaires étrangères depuis 2010, après en avoir animé le pôle religions, il est l’auteur de nombreux livres sur l’Islam, sur les conflits au Moyen-Orient, etc.

– Alexandre Najjar, lauréat de plusieurs prix littéraires dont, le 15 janvier 2021, le prestigieux Grand prix de la Francophonie décerné par l’Académie Française, responsable du supplément littéraire de L’Orient, auteur d’une trentaine de romans historiques et de biographies qui témoignent à la fois d’une passion pour la recherche historique et de grandes qualités d’écrivain.

Son “Dictionnaire amoureux du Liban (Plon) paru en 2014, constitue un excellent périple dans l’espace et le temps qui permet au lecteur de découvrir les multiples facettes, les difficultés, les contraintes et, parfois même, les contradictions de ce beau pays lié à la France depuis des siècles.

Sous le titre “De Gaulle et le Liban”, Alexandre Najjar (2) a, d’autre part, entrepris la réalisation d’une fresque en quatre volumes (les deux premiers sont déjà parus aux Editions “Terre du Liban”) pour retracer les relations solides et sincères que le Général de Gaulle a entretenues avec le Liban.

Les quatre volumes son « De Gaulle et le Liban’’ correspondent à quatre phases dans les relations que le Général a entretenues avec le Liban : Vers l’Orient compliqué (1929-1931, tome I) raconte les deux années que le commandant de Gaulle passa au pays des cèdres, années difficiles, loin du centre de décision, mais profitables sur le plan de la formation et de la pensée.

De la guerre à l’Indépendance (1941-1943, tome II) raconte les péripéties de l’entrée des troupes anglo-gaullistes au Liban, en juin 1941, le double voyage du Général au Levant, et les événements qui conduisirent le pays à l’Indépendance en novembre 1943.

Le tome III (A l’Elysée 1958-1965) évoque en détail le voyage entrepris par le président libanais Charles Hélou en France et sa rencontre historique avec De Gaulle.

Le tome IV (l’Embargo .1968), évoque les relations du Général avec les Arabes et Israël, et les dessous de l’embargo sur les armes françaises destinées à l’Etat hébreu, qu’il décréta au lendemain de l’attaque par un commando israélien de l’Aéroport International de Beyrouth.

L’ensemble des tomes est enrichi d’annexes comprenant des documents connus ou inédits, des photos d’époque et de plusieurs témoignages de première main… »

Camille Aboussouan, ancien ambassadeur auprès de l’UNESCO, qui fut l’une des grandes figures de la culture au Liban a, ainsi, rapporté des propos tenus par De Gaulle devant son père qui fut Président de la Haute Cour Libanaise de justice en 1924, puis ministre de la justice en 1929 : “Tant que je serai aux affaires, je ne permettrai pas que l’on nuise au Liban. C’est le seul lieu du monde où Islam et Chrétienté ont réussi une convivialité que ses Institutions politiques favorisent. Pour l’avenir des rapports des civilisations en Méditerranée, c’est un précédent exemplaire précieux”.

Pour qui souhaite mieux connaitre et comprendre l’histoire du Liban et ses liens particuliers avec la France, il convient d’évoquer ici trois autres ouvrages essentiels :

« Le Cèdre et le Chêne. De Gaulle et le Liban-Les Libanais et De Gaulle » 548 pages. Editions Geuthner, Paris. Paru en 2015

Sous la direction de Clotilde de Fouchécour et de Karim Emile Bitar, cet excellent ouvrage collectif, préfacé par Jacques Godfrain, ancien ministre de la Coopération et président d’honneur de la Fondation Charles de Gaulle, regroupe de nombreux documents d’archives et croise les points de vue d’une trentaine d’historiens, de grands témoins, de responsables politiques et d’écrivains français et libanais sur les relations qui ont lié De Gaulle et le Liban pendant plus de quarante ans, de 1929 à 1970.

 Le lecteur peut ainsi suivre l’essentiel de cette période, portée par les personnalités de la scène politique et intellectuelle de l’époque.

« La France au Liban et au Proche-Orient » d’Ibrahim Tabet. Essai historique de 432 pages. Editions de la Revue Phénicienne. Paru en 2013.

Des croisades à ces dernières années, l’auteur s’attache à analyser les enjeux diplomatiques, politiques, économiques et culturels des relations entre la France, le Liban et le Proche-Orient.

 Le tableau brossé d’une plume alerte par ce diplômé d’HEC militant de la francophonie montre que, même à l’époque où elles s’inscrivaient dans le cadre de la protection des chrétiens d’Orient, les relations franco-libanaises ont « largement dépendu de la politique française vis-à-vis de l’Empire ottoman et du monde arabo-musulman. Inscrites dans la géographie et l’histoire, elles sont une des plus vieilles constantes de la diplomatie de la France qui, de François 1er à Charles de Gaulle, joue dans la région un jeu original… tout en s’inscrivant désormais davantage dans un cadre européen et atlantiste ».

Ibrahim Tabet a, par ailleurs, publié en 2015 « Le monothéisme, le pouvoir et la guerre » et, en 2018, un ouvrage (3) consacré à l’histoire du Proche-Orient de la « fabrication » de ses États arabes à nos jours. Il y analyse l’instabilité et les violences qui règnent sur plusieurs pays de la région en considérant qu’elles sont autant dues aux ingérences des grandes puissances qu’à des facteurs internes : échecs et divisions de ses régimes autoritaires, hétérogénéité religieuse et montée de l’islamisme radical.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, aucune région n’est le théâtre d’autant de crises et de guerres: invasion américaine de l’Irak, chaos provoqué par l’intervention militaire de l’OTAN en Libye, guerres du Yémen et de Syrie impliquant des puissances régionales et internationales, occupation et colonisation israéliennes de la Cisjordanie, résurgence de l’antagonisme entre sunnites et chiites, apparition d’organisations terroristes représentant une menace débordant la région, afflux de migrants en Europe, ambitions hégémoniques de l’Iran, dérive autoritaire en Turquie…

Dans le contexte d’une recomposition des alliances et de l’équilibre des forces dans la région, la conclusion s’interroge sur son devenir qui n’incite pas à l’optimisme.

« Sous l’œil de la Diplomatie française, lecture inédite de l’histoire du Liban de 1946 à 1990 » de Stéphane Malsagne, Editions Geuthner. 2017.

Docteur en Histoire, spécialiste du Liban contemporain, l’auteur est chargé de cours sur le Moyen-Orient à l’Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines (UVSQ) et à Sciences Po. Il s’appuie sur les archives diplomatiques françaises relatives au Liban, dont les plus récentes, désormais ouvertes au public, couvrent toute la période de la guerre civile, pour évoquer l’histoire du Liban contemporain, nourrie des interactions entre la France et son ancien mandat libanais depuis l’indépendance effective de 1946 jusqu’à la fin de la guerre du Liban.

L’historien distingue trois étapes : la période 1946-1969 qui suit l’indépendance marque l’apogée de la relation entre les deux pays et les années de présidence gaullienne constituent à cet égard un « âge d’or » ; la période 1969-1981 voit s’amorcer la fin de cet âge d’or puis apparaitre les premières tensions entre Beyrouth et Paris, et les premières années de guerre, jalonnées par l’assassinat de l’Ambassadeur de France Louis Delamare en 1981 et l’attentat contre l’immeuble Drakkar en 1983, où sont morts 58 militaires français de la Force multinationale de sécurité.

La période postérieure est marquée par l’amorce d’un retour de la France dans le contexte de la présence syrienne, effective depuis 1976 mais officialisée par l’Accord de Taef de 1989, jusqu’au retrait de 2005.

Une approche historique bien documentée qui se penche avec discernement sur les lignes directrices et les inflexions de la diplomatie française au Liban de 1946 à 1990 en tenant compte des regards et des contributions des différents ambassadeurs de France à la construction de relations qui façonnent pour une part non négligeable l’histoire du Liban contemporain.

Pour le lecteur désirant porter sur l’histoire du Liban un regard plus large que ces livres consacrés aux relations du pays des cèdres avec la France, nous suggèrons deux autres ouvrages de qualité :

« Le Liban contemporain » de Georges Corm. Editions La Découverte. 428 pages (2016)

Economiste, ancien ministre des Finances du Liban, l’auteur est professeur d’université à Beyrouth et a consacré plusieurs ouvrages aux problèmes de développement et à l’histoire du monde arabe.

Son Liban contemporain propose quelques clés utiles pour comprendre les événements et les comportements des acteurs de l’histoire récente du pays, notamment l’évolution divergente des communautés dont la diversité rend toujours complexe le jeu des acteurs politiques et diplomatiques.

« Histoire du Liban, des origines à nos jours » de Xavier Baron. Editions Tallandier.590 pages. (2017)

Une histoire précise et complète du Liban, de la préhistoire à l’actualité récente, écrite avec rigueur et subtilité par un excellent journaliste en poste pendant douze ans au Liban pour l’Agence France Presse.

Cet ouvrage, dont l’auteur a reçu cette année le prix Phénix 2018, se distingue par sa clarté pédagogique et un travail approfondi d’analyse visant à expliquer les séries de crises politiques qui se sont succédé au Liban depuis l’antiquité.

Pays du Proche Orient au goût marqué pour la culture, traditionnellement enclin à rejeter le radicalisme religieux et à organiser institutionnellement la cohabitation de 18 communautés religieuses, le Liban est un État créé en 1920 après l’effondrement de l’empire Ottoman, par réunion de la Montagne du Liban, du littoral et de la vallée orientale de la Békaa, en un seul nouveau territoire sous mandat français : le Grand Liban.

En 1940-1941, pendant la seconde guerre mondiale, le Levant est sous l’autorité du régime de Vichy. Lors de la campagne de Syrie, il est envahi par les forces de l’Empire britannique et de la France Libre qui entrent à Beyrouth le 15 juillet. Le Liban passe alors, comme la Syrie, sous contrôle de la France Libre, celle-ci ayant promis l’indépendance aux deux pays.

Le 22 novembre 1943, en pleine guerre mondiale, les représentants du Général de Gaulle annoncent que la France Libre accorde l’indépendance au Liban, dont la souveraineté est officiellement reconnue le 3 janvier 1944, en même temps que celle de la Syrie. Mais les troupes françaises ne quittent la région qu’en décembre 1946.

Organisé avec une répartition constitutionnelle des pouvoirs tenant compte de la démographie communautaire, le pays du cèdre a subi depuis une série de crises politiques et une succession de guerres civiles attisées par les rivalités communautaires et l’ingérence de pays voisins.

Bordé par Israël et la Syrie, le Liban est exposé aux fluctuations régionales, soumis à l’influence de l’Arabie Saoudite et de l’Iran sur certaines de ses communautés et subit les conséquences du grave conflit intérieur syrien. Plus d’1,7 millions syriens se sont ainsi ajoutés depuis 2012 aux 175 000 réfugiés palestiniens vivant sur le territoire libanais.

Cela met le Pays, traditionnellement multiculturel, ouvert et tolérant, dans une situation difficile dans bien des domaines dont l’auteur, fin connaisseur de la région, nous aide à comprendre les enjeux et les contraintes.

Une situation aggravée tristement par la crise aux racines profondes à laquelle le Liban doit faire face depuis de nombreux mois et par un désastre économique et financier amplifié soudainement le 4 août 2020 par la dramatique explosion survenue dans le port de Beyrouth, tuant quelque 200 personnes, blessant des milliers d’autres et dévastant plusieurs quartiers environnants.

***

Les différents livres évoqués dans cette chronique montrent que le Liban et la France partagent une longue histoire commune. Leur relation s’appuie sur un socle culturel pluriséculaire, solide et garant d’une proximité sans faille dans les épreuves.

Il est, à cet égard, intéressant de lire le livre « L’Académie française et le Liban», ouvrage de Me Hyam Mallat, président du conseil d’administration des Archives nationales du Liban, avocat renommé et enseignant à l’Université Saint Joseph de Beyrouth. L’auteur y retrace les moments privilégiés qui marquent depuis trois siècles, de Montesquieu au début des années 2000, la relation intellectuelle, politique et culturelle, de nombreux académiciens français avec le Liban.

Me Hyam Mallat achève actuellement la préparation d’un ouvrage sur « De Gaulle et la France combattante au Liban » durant les années 1940-1945 qui comprend plusieurs documents et témoignages significatifs.

La Revue « Les Moments littéraires » éditée à Paris a, pour sa part, publié, en janvier 2023 dans sa série de numéros géographiques consacrés aux diaristes francophones, un numéro consacré aux écrivains libanais.

Préfacé par Karl Akiki, chef du département de lettres françaises et vice-doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Saint Joseph de Beyrouth, ce numéro comporte dix-huit contributions d’écrivains talentueux vivant au Liban ou faisant partie de la diaspora libanaise.

Chacun dans son style, ces diaristes ont réussi à évoquer avec délicatesse les terribles moments de l’évolution préoccupante et « protéiforme » de leur pays. Ils démontrent au lecteur que la littérature francophone libanaise demeure vivante et peut, comme l’écrit Karl Akiki dans la préface de l’ouvrage « contribuer à la naissance d’un roman national indispensable à la survie du Liban ».

Bien qu’il n’occupe plus aujourd’hui la place qu’il avait naguère au Liban, le français reste enseigné et pratiqué au Liban. Il y demeure une langue de culture, de dialogue, le vecteur d’une vision partagée des relations paisibles et confiantes entre les nations, et le rempart contre la pensée unique qui irait de pair avec une langue unique et tentaculaire.

C’est à cette relation exceptionnelle que l’Ecole Supérieure des Affaires (ESA) de Beyrouth a consacré un superbe ouvrage (4) à l’occasion du centenaire de la proclamation de l’Etat du Grand Liban. Réalisé par Jean-Paul Eyrard et Nabil Malek, ce livre de 460 pages minutieusement documentées réunit également de belles signatures dont les textes témoignent de la vivacité et de la qualité de la relation entre le Liban et la France. En l’éditant, l’ESA, co-présidée par le Gouverneur de la Banque du Liban et l’Ambassadeur de France, apporte une pierre précieuse et utile à un partenariat qui mérite d’être entretenu avec soin et développé avec discernement.

A l’heure de la mondialisation multipolaire de ce XXIe siècle, le dialogue entre les cultures et la prise en compte des diversités dans l’effort nécessaire de coopération durable face aux défis de l’avenir ne peuvent que tirer profit de cette communauté de langue et de valeurs. Elle rapproche les pays francophones tout en les faisant participer au rayonnement de la langue française.

Jean-Marie Dedeyan
Vice-président de la Fondation Charles de Gaulle

    [1] Olivier Germain-Thomas, écrivain, ancien membre du conseil d’administration de la Fondation Charles de Gaulle, a publié en 2009 aux Editions du Rocher « Un matin à Byblos». Un petit livre de lecture agréable dans lequel l’auteur nous convie à une promenade cultivée sur le tertre de Byblos pour méditer sur les gloires éphémères des civilisations qui s’y sont succédées de la préhistoire à nos jours.

    [2] Alexandre Najjar est également l’auteur, entre autres, d’une biographie de Khalil Gibran, grand poète et peintre libanais (1905-1931) rendu célèbre par son recueil « Le Prophète » (1923), magnifiquement traduit plus tard par  Salah Stétié et publié par la NRF (Gallimard).

    [3] Ibrahim Tabet : « La Poudrière du Proche Orient » Editions Universitaires Européennes 368 p. (Mai 2018).

    [4] Diaristes Libanais, N° 49 de la revue « Les moments littéraires » Paris (Janvier 2023) 252 p. Préfacé par Karl Akiki avec des contributions de Ritta Baddoura, Gérard Bejjani,Antoine Boulad, Sabyl Ghoussoub, Joana Hadjithomas,Ghada Hatem-Gantzer, Gisèle Kayata Eid, Percy Kemp, Mazen Kerbaj, Béatrice Khater, Georgia Makhlouf, Chloé Mazlo, Diane Mazloum, Selim Nassib, Caroline Torbey, Ramy Zein et Laura Menassa.

    [5] Jean-Paul Eyrard et Nabil Malek : « France-Liban, compagnonnage et regards multiples », contribution au centenaire de la proclamation de l’Etat du Grand Liban. 1er septembre 1920-1er septembre 2020. Editions ESA-BEYROUTH. 460 P. (Décembre 2020).

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