L’ESPRIT LECLERC

par le colonel Philippe Peschaud*

*Chef de peloton de circulation routière à la 2e DB, président national des Anciens de la 2e DB, président de la Fondation Maréchal Leclerc de Hauteclocque.
In Espoir n°107, juin 1996

Dans cette période difficile que traver­sent le monde et la France, il semble utile de se pencher sur le passé pour voir, pour analyser, pour comprendre ce qu’ont fait les grands chefs qui nous ont précédés, et déterminer ainsi les facteurs du succès dans leur action « au service du pays ».

Parmi eux, le général Leclerc que nous avons connu, approché, servi pendant une période – très délicate. A mon sens, son exemple correspond plus que jamais aux qua­lités nécessaires pour l’action dans le temps présent.

Dès son entrée à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, Leclerc avait compris la néces­sité de savoir « intégrer » des éléments compo­sites, d’origine et de formation différentes. C’est le principe qu’il applique aux unités de la 2e DB avec un grand succès. Quelques semaines suffisaient pour procéder à « l’amal­game », en respectant la personnalité de cha­cun, la qualité qu’il fallait « développer », les défauts qu’il importait de réduire ou de corri­ger. Oui, la première leçon à tirer de l’exemple de Leclerc avant toute chose : rassembler ceux que l’on commande sur un objectif précis, concret, compris de tous, en faisant appel à sa troupe, au courage qui l’anime et à la foi qui l’inspire !

Pour donner à ces perspectives les dimen­sions du succès, Leclerc ne ménageait pas sa présence… Le Général, en effet, paraissait être doué du don d’ubiquité. On le trouvait, on le rencontrait partout : au bivouac, à l’état-major, au champ de tir, comme sur le terrain de manœuvres à la pointe du combat ! Omni­présent ! Voyant chacun, en inspectant l’ensemble, il ne ménageait ni compliments, ni critiques, ni mises en garde. Chacun avait l’impression d’être connu, aidé, suivi dans l’exercice de ses fonctions, pour être, le cas échéant, mieux conseillé, mieux guidé, mieux aidé… Leclerc nous rappelait que le vrai com­mandement, c’était avant tout de la présence et de la chaleur humaine.

Quels étaient les fondements de cette volonté ? Sur quelles bases reposait cette éner­gie ? Après maintes réflexions, après de mul­tiples contacts avec tous ceux qui l’avaient approché, il me parut possible de formuler un avis et d’émettre une hypothèse…

La personnalité de notre héros – les opi­nions choisies, les décisions prises, les com­bats engagés, tout reposait, tout était dicté par la Foi : une foi, simple mais profonde dans son pays et dans son Dieu. Une foi vivante, conquérante en la patrie qui l’a vu naître. C’est sur sa terre qu’il se sent à l’aise, quand il peut respirer son parfum, la fouler à loisir, la parcourir, que ce soit à la chasse ou à l’exer­cice. Même foi, même amour, même confiance dans les hommes qui, comme lui, en sont issus… et qui, bien guidés, bien commandés, sont susceptibles de réaliser des prodiges… C’est dans ce patriotisme ardent, fervent, sin­cère que se situe le premier fondement de cette volonté dont la rigueur, à première vue, peut étonner.

Mais cette Foi dans la Patrie avait conduit Leclerc vers de plus pures « grandeurs » : chrétien de naissance, il l’était resté au cours des âges de sa vie et dans toutes les péripéties qui l’avaient jalonnée. Il croit de toute son âme et il respecte scrupuleusement tous les commandements. Quand on croisait le regard du Général, on imaginait sa « vie intérieure » ; mais lui, se gardait bien de l’extérioriser, tant sa modestie le rendait tolérant et l’éloignait du domaine du « donneur de leçons ».

Cette Foi, le général Leclerc la commu­nique autour de lui sans discours, sans osten­tation. Elle est le moteur de sa manière de commander, c’est elle qui le conduit jusqu’à l’audace, dans le moment qu’il choisit, ne se laissant jamais subjuguer par des contin­gences extérieures.

Conscient de ses responsabilités, il recherche à tout instant les moyens qui doi­vent mener ses entreprises au succès. Ainsi, sa DB ne peut qu’être performante. Autant pendant sa mise sur pied que pendant ses combats, il n’a de cesse de vérifier la compé­tence de chaque élément. Il demande et obtient le meilleur d’eux-mêmes par leur entière adhésion au nom de l’efficacité, fai­sant abstraction des rivalités mesquines et des divergences inutiles, n’oubliant jamais qu’il s’adresse à des hommes. Un seul objectif : l’intérêt supérieur du pays.

Foi profonde en particulier dans l’avenir, audace, compétence, sens de l’humain, voilà quelques traits de cet esprit que le général Leclerc a inculqué à ses hommes, « cet esprit qui anime notre Division », cet esprit que les Anciens de la 2c DB ont conservé tout au long des cinquante années qui viennent de s’écou­ler, et qu’ils transmettent aux jeunes généra­tions par tous les moyens possibles, certains que ces valeurs, aujourd’hui comme hier, conduisent à la réussite.

C’est dans cet esprit — cet « Esprit Leclerc » — que nous devons continuer notre vie et pro­longer notre action. En union avec le Général, au service de notre Pays, au service de la France.

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