HENRY BOUQUILLARD
COMPAGNON DE LA LIBÉRATION (29 JANVIER 1941)
MEMBRE DU PREMIER CONSEIL DE L’ORDRE DE LA LIBÉRATION
« Il n’a pas sa rue à Paris mais pour moi, toutes les rues de France portent son nom »
Romain Gary, La Promesse de l’aube
Henry Jacques Bouquillard est né à Nevers le 14 juin 1908. Il effectue son service militaire dans les Chasseurs alpins en 1928.
Très attiré par l’aviation, il décide, dès son retour à la vie civile, de prendre des leçons de pilotage. Devenu pilote de tourisme, il achète un avion sur lequel il effectue de nombreuses heures de vol. Pilote confirmé, il demande et obtient son transfert dans l’Armée de l’Air.
Mobilisé dès la déclaration de guerre avec le grade de sergent de réserve, il est affecté à l’école d’Avord pour y suivre un stage de perfectionnement à la suite duquel il est muté au stage de moniteurs de Salon-de-Provence.
Cette filière, qui doit faire de lui un instructeur, ne lui plaît pas ; il veut participer à la guerre et fait de nombreuses demandes pour être affecté dans une unité combattante. Peine perdue : au cours du mois de mai 1940, il est muté à Marrakech comme moniteur.
Très affecté par la défaite de la France alors qu’il ne s’est pas battu, il décide de rejoindre l’Angleterre et se rend à Casablanca pour y rechercher un embarquement. Son unité le porte déserteur le 7 juillet 1940.
Il embarque clandestinement sr le cargo l’Oak Crest, affrété parles Britanniques pour transporter des troupes polonaises en Grande-Bretagne en compagnie d’autres aviateurs : Daligot, Forsans, Gary et Wainstein. Après une escale à Gibraltar, ils débarquent à Greenock le 17 juillet 1940. Dès son arrivée à Londres, il intègre un groupe de pilotes qui s’efforcent d’obtenir une affectation dans une unité combattante de la RAF.
Le 30 juillet 1940, avec Blaize, Brière, Guérin, Fayolle, de Labouchère, Lafont, de Montbron et Perrin, il rejoint la n°1 School of Army Cooperation où il vole sur Tiger Moth et Hawker Hector. Ce stage avait certainement pour but de vérifier l’exactitude des déclarations faites par les intéressés à leur arrivée en Grande-Bretagne.
Le 19 août 1940, après un stage très rapide à Old Sarum et un court passage à Odiham, Bouquillard, Lafont, de Montbron, Mouchotte et Perrin sont dirigés sur l’OTU (Ecole de chasse n° 6 à Sutton bridge où ils volent sur Hawker Hurricane. Les autres membres de l’équipe initiale sont affectés à l’OTU n° 5 à Aston Down.
Le stage terminé, Xavier de Montbron est affecté au Squadron n° 62 et les quatre autres au Squadron n° 245 à Aldergrove (Irlande du Nord), où ils ne restent qu’une petite semaine avant de rejoindre le Squadron 615 à Prestwick le 19 septembre 1940.
Le 1er octobre, Bouquillard et Perrin quittent le 615 pour rallier le 242 à North-Weald, au nord-est de Londres.
Le 16 octobre, au cours d’un engagement avec un groupe de bombardiers allemands, Bouquillard endommage un DO 217.
Moins heureux, le 27 octobre, il est abattu et blessé au-dessus de Rochester, au cours d’un combat aérien contre deux ME 109.
À la fin de sa convalescence, le 5 décembre, il obtient d’être réaffecté au Squadron 615 à Kenley (Surrey). Très aimé de tous, il fut chaleureusement accueilli.
Très affecté par la défaite de la France, il acceptait mal la présence de l’ennemi sur le sol français et n’avait qu’un seul désir, figurer sur l’ordre de vol pour la prochaine mission.
Le 11 mars 1941, Henry Bouquillard est abattu et tué en combat aérien. Il occupait la place de weaver. Position délicate que les pilotes n’enviaient pas de tenir, il volait légèrement au-dessus de sa formation et devait prévenir en cas d’une éventuelle attaque ennemie. Afin de pouvoir surveiller le ciel, il devait continuellement manœuvrer et, pour cela, utiliser plus de puissance pour ne pas être distancé. En conséquence, il consommait plus de carburant et risquait d’être à cours d’essence.
Au moment où Henry Bouquillard fut abattu, René Mouchotte, qui faisait partie du dispositif, témoin impuissant de ce combat, écrivit dans ses Carnets :
Nous avons eu un départ d’alerte à 6h 30, alors qu’une brume crasseuse se collait aux nuages et sommes grimpés à 30 000 pieds. On nous signalait des « laudits » un peu partout… Mon avion avait sa suppression défectueuse et je n’arrivai pas à suivre l’escadrille, si bien que je me suis trouvé dans la situation critique de l’avion isolé… J’ai donc très nettement vu ce qui s’état passé et je fus le seul à le voir. Deux avions, visibles à la fumée blanche que leurs pipes d’échappement émettaient sont arrivés à environ 1 000 mètres au-dessus de nous. Ils étaient en vue depuis déjà cinq minutes…
Le pauvre Bouquillard a aussitôt foncé sur eux en grimpant. Je les ai vus tourner et j’ai, aussitôt après, vu un avion piquer vers le sol comme une pierre.
Le « petit père Bouqui » comme nous l’appelions tous affectueusement, avait eu le triste privilège d’être le premier pilote de chasse des Forces aériennes françaises libres à être abattu en combat aérien en Grande-Bretagne. Contrairement aux usages qui voulaient que les camarades d’escadrilles n’assistent pas aux obsèques d’un pilote tué au combat, nombreux furent ceux du 615 qui tinrent à être autour de lui au moment de son inhumation au cimetière de Whiteleaf dans le Surrey ».
Après la guerre, sa dépouille fut ramenée en France ; il repose dans le caveau de famille au cimetière Jean Gauthern, carré n° 8 à Nevers.
Henry Bouquillard avait été promu sous-lieutenant le 1er mars 1941. Compagnon de la Libération, il fut le premier membre du Conseil de l’ordre de la Libération (29 janvier 1941) des FAFL.
Il était officier de la Résistance et titulaire de la Croix de guerre.
Article extrait de la Revue de la France Libre, n° 893, 1er trimestre 1996