DE GAULLE : « LA GUERRE, SI ELLE DEVAIT ÉCLATER… »

Hervé Alphand relate une conversation avec le général de Gaulle, le 31 mars 1966

« En vérité, me dit-il, l’OTAN, sous sa forme actuelle, était devenue inutile. Car, s’il y a agression, de deux choses l’une : ou bien en appliquant la stratégie américaine, la guerre est localisée à Europe qui sera rapidement submergée sinon détruite ; ou bien la méthode des représailles massives est retenue et alors l’Amérique et la Russie emploient leurs armes atomiques stratégiques, les armes américaines échappant au contrôle de l’OTAN. Dans les deux hypothèses, cette énorme mécanique fort lourde, fort coûteuse, ne sert à rien. Il vaut mieux le dire maintenant, sinon nous aurons à la subir pour un nombre indéfini d’années ; personne après moi n’osera prendre une telle décision. Cela dit, si la menace russe devait renaître, il est bon que nous maintenions une alliance qui a un caractère de dissuasion. On peut prétendre que nous recommencions 1914 ou 1940 : non, car nous avons des accords pour le temps de guerre, un engagement américain, des liaisons, des transmissions organisées, et, si nos alliés sont d’accord, la possibilité d’un commandement unique, etc.

Au surplus, la guerre, si elle devait éclater, ne prendrait pas la forme de 1914 ou 1940, alors que des unités immenses d’hommes et de machines franchissaient les frontières pour s’affronter. La guerre mondiale de demain – à laquelle d’ailleurs il est difficile de croire – sera celle des fusées et des armes atomiques dépendant essentiellement de Washington et de Moscou. »

Hervé Alphand, L’Étonnement d’être, Paris, Fayard, 1977.

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