EUGÉNIE ÉBOUÉ-TELL : UN NOM QUI AFFIRME L’INDÉPENDANCE FACE À L’« AUTRICHIEN » [1]

par Thomas Amghar
Assistant éditorial à la Fondation Charles de Gaulle

Tout commence sous le chaud soleil de Cayenne en 1889. Une enfance sereine plus tard, son père qui est aussi le directeur du bagne, envoie la jeune Eugénie en métropole passer son certificat d’aptitude à enseigner, métier qu’elle exerce à son retour en 1911. La décennie qui suit sert à affermir les convictions de l’impétueuse Eugénie pour l’instruction générale, et sa fin marque le début d’une nouvelle vie pour elle. Félix Éboué, destiné à une carrière dans l’administration coloniale, l’épouse en Guyane avant de l’emmener en Oubangui-Chari.

Quatre enfants plus tard, en 1931, les Éboué s’envolent pour la Martinique, puis la Guadeloupe en 1936. Félix Éboué devient le premier gouverneur noir de cette île qu’il quitte deux ans plus tard, par la volonté de Georges Mandel, alors ministre des Colonies. Nouvelle affectation pour les Éboué: le Tchad. C’est de là que, dès août 1940, ils se rallient à la France Libre. 

Félix est nommé par de Gaulle gouverneur de toute l’Afrique équatoriale française pour la France Libre en novembre. Eugénie s’engage dans les Forces françaises libres féminines en tant qu’infirmière dans un hôpital militaire de Brazzaville. Vichy les condamne à mort par contumace. Pourtant très occupée, elle aide son mari à soutenir une politique de respect des institutions africaines, de développement de l’économie du pays mais aussi et surtout d’instruction publique, un sujet qui lui tient à cœur. Le couple est soutenu par le général de Gaulle à la conférence de Brazzaville en 1944. La détermination d’Eugénie vaut la Croix de guerre et la médaille de la Résistance française qui lui sont décernées l’année suivante. 

Le Général désignera « six de ses premiers compagnons » (Pleven, d’Argenlieu, Larminat, Kœnig, Sicé et de Boislambert) pour accompagner Eugénie Éboué-Tell lors de l’inhumation de son époux au Panthéon en 1949. Le nom d’Éboué ne sort pas de l’histoire de France avec la mort de Félix en mai 1944 au Caire. Eugénie le portera à Paris, aux trois assemblées représentatives jusqu’en 1946.

Une des premières femmes députées, Eugénie Éboué-Tell représente alors la Guadeloupe et la SFIO. Elle est aussi une des premières sénatrices ;  une responsabilité qu’elle exerce jusqu’en 1954. Fidèle à ses convictions, elle entre à la commission de l’Éducation nationale mais s’occupe largement des questions liées à l’Outre-mer. Cette nouvelle tribune permet à la gaulliste d’affirmer le droit dans le dossier des représentants malgaches, et de porter haut la liberté en œuvrant notamment pour la panthéonisation de Victor Schœlcher.

Fidèle au général de Gaulle, elle adhère en 1947 au tout nouveau RPF, mouvement créé par le général de Gaulle. Celui-ci la nomme présidente de l’organe chargé de lever des fonds pour le mouvement. Forte de son expérience et de ses nouvelles responsabilités, elle fait adopter en 1951 une loi sur l’égalité des droits de naissance des enfants français de Métropole et de ceux nés de mères issues des colonies, notamment le droit de recherche en paternité. D’ailleurs, le Général doit insister pour qu’Eugénie accepte la vice-présidence du groupe R.P.F. au conseil de l’Union française, un poste qu’elle juge trop honorifique. Après être entrée au Conseil économique et social, elle devient conseillère municipale d’Asnières en 1958 et le restera jusqu’à sa mort le 20 novembre 1972 à Pontoise. 

Son entrée au Panthéon, pour y rejoindre son époux, est encore discutée.

[1] Comme dans Guillaume Tell, l’opéra de Rossini de 1829, Eugénie était animée de la même flamme de l’honneur face à l’envahisseur germanique.

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