HISTORIQUE DES INSTALLATIONS DU RPF

par Pierre Lefranc

Né dans un appartement du 81 rue Taitbout, le Rassemblement du peuple français (RPF), élaboré durant l’hiver 1946-1947, s’installe en juillet dans l’immeuble du 5 rue de Solférino.

Dès l’annonce à Brunneval le 30 mars 1947 de la volonté du général de Gaulle de rassembler les Français, les locaux de la rue Taitbout se révèlent trop exigus et la recherche d’une installation en rapport avec le fonctionnement d’un vaste mouvement commence. La chance veut que l’on dispose de la maison de la rue de Solférino trois mois après le lancement officiel de l’entreprise. Une telle installation s’est révélée indispensable si l’on se souvient que pour recevoir, le 29 avril, les délégués régionaux et départementaux, le Secrétaire général s’est trouvé dans l’obligation de louer un local totalement anonyme.

Une vaste table ovale est installée dans la salle du rez-de-chaussée ; c’est là que tous les mercredis, tel un Conseil des ministres, se réunit le Conseil de direction du mouvement. Un logement modeste est aménagé pour un gardien dans les petites pièces à gauche de la voûte qui mène à la cour. A droite, ce sera le bureau d’accueil et le modeste standard téléphonique. Dans ce qui fut une écurie, seront fixées les machines à reproduire les documents.

Au premier étage, dans le grand bureau à gauche du palier, s’installe le Général mais nous n’avons pas de meubles convenables pour accueillir l’illustre occupant. Ce seront les fidèles qui fourniront le bureau, les fauteuils ou qui prêteront bibliothèque et table d’appoint. Pas de tapis ni de tableaux, simplement un support à cartes de plusieurs volets comme on en trouve dans les bureaux d’état-major. La pièce centrale, face à l’escalier, est attribuée aux aides de camp qui filtreront les visiteurs. La pièce de droite, en façade, a été coupée en deux ; s’y installent le secrétariat particulier et le chef de cabinet lorsqu’il y en aura un. La première porte à droite donne sur ce qui sera le secrétariat, assuré par plusieurs jeunes femmes. La communication avec les bureaux de façades est obstruée. Le palier, muni de deux raides fauteuils, fera office de salle d’attente.

Au deuxième étage, à l’extrême droite, dans ce qui fut sans doute un fumoir, s’installe le trésorier qui dispose, dans un réduit, d’un énorme coffre-fort, le plus souvent vide. En façade, s’établisse de gauche à droite, le Secrétaire général, son principal collaborateur, puis le bureau de l’organisation politique. La secrétaire du Secrétaire général veut bien accepter de s’asseoir dans une sorte de passage qui jouxte le bureau de son patron.

Au troisième étage, auquel on accède par un escalier de service, se logent à gauche sur le palier, le Secrétariat national administratif, plus tard en façade le Service de la propagande et des rapports avec la presse ; dans le bureau du fond est confinée la comptabilité. Dans un deuxième temps, le Secrétariat national des jeunes et des étudiants se contentera de deux bureaux, dont l’un mansardé, au-dessus de salle des machines.

Le Général arrive à Paris dans la journée du mardi. Il dispose à l’hôtel Lapérouse, dans le XVIe arrondissement au coin de la rue Lapérouse et de l’avenue des Portugais, de deux pièces, une chambre et un bureau-salon-salle-à-manger. L’établissement possède une discrète sortie qui facilite les allées et venues.

Le mardi matin vers 9h 30, une sonnerie résonne et l’on entend le bruit sourd des deux battants de la porte cochère. La 11 CV Citroën vient d’entrer. Elle est surmontée d’une galerie bâchée pour le transport des valises. Puis on perçoit le pas lourd du Général gagnant le 1er étage et celui plus léger de l’aide de camp. Du haut en bas de la maison, la tension monte. A 10h, après un bref entretien avec le Secrétaire général, le Général descend pour présider le Conseil de direction.

L’après-midi est consacrée à des entretiens avec les divers collaborateurs et le jeudi, le Général reçoit des personnalités de l’extérieur. Les demandes d’audience sont alors nombreuses et le tri n’est pas aisé entre les anciens de la France Libre, les notables de province, les postulants à des candidatures, les hommes politiques soucieux de l’avenir…

Parfois, le Général passe la soirée à Paris, parfois il regagne Colombey le soir même. Il est très rare qu’un visiteur soit reçu à la Boisserie. C’est une retraite bien protégée, même des communications téléphoniques.

Les chargés de mission, chacun responsable de l’implantation du mouvement dans plusieurs départements, sont réunis dans cette même salle du rez-de-chaussée, environ une fois par mois en temps normal, plus souvent à l’approche des élections et de Gaulle convoque séparément l’un ou l’autre.

Les problèmes financiers commandèrent en 1949 le regroupement rue de Solférino des services installés dans des locaux extérieurs. C’est ainsi qu’André Malraux se vit dans l’obligation de quitter les prestigieux bureaux de la place de l’Opéra pour une modeste pièce di dernier étage, sous les combles de la rue de Solférino […].

Extrait d’Espoir, n°131, juin 2002

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