LA RUE DE SOLFÉRINO VUE PAR LES GAULLISTES AU CŒUR DE L’ACTION AU TEMPS DU RPF

par Bernard Lachaise

Nous avons sélectionné quelques extraits de témoignages publiés par certains acteurs de l’aventure RPF entre 1947 et 1955. Chacun évoque à sa manière, avec ses souvenirs et ses mots, la rue de Solférino.

L’installation – Évoquée par Claude Mauriac, secrétaire particulier du Général en 1946-1947 :

« Le 7 juillet 1947 :  il (de Gaulle) me demanda si j’avais entendu parler des bureaux que nous devions avoir rue de Solférino (je pense bien : c’est à ma sœur Luce Le Ray qu’on avait promis cet appartement. Elle dut y renoncer lorsqu’elle sut que de Gaulle le voulait !)…

Le 27 septembre 1947 :  à mon retour de vacances, j’ai vu à deux reprises de Gaulle, la première à l’hôtel La Pérouse le dimanche 31 août puis une seconde dans nos nouveaux bureaux du 5 de la rue de Solférino où il travaillait ce jour-là pour la première fois (17 septembre)… »

 

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L’installation – Évoquée par Jacques Baumel, membre du comité exécutif du RPF en 1947 :

« Bozel a fini par mettre la main, dans le VIIe arrondissement, sur un discret hôtel particulier appartenant aux héritiers de François de Curel, l’auteur de l’Âme en folie. Le Général, après une visite en règle, donna son accord et, à l’été 1947, nous nous installons tant bien que mal, tassés les uns sur les autres, au 5 de la rue de Solférino »

 

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L’organisation des lieux – Vue par André Astoux, délégué régional du RPF en 1949 :

« Le 31 mars 1949, je fus appelé à me rendre rue de Solférino où le général de Gaulle voulait me voir. Au rez-de-chaussée de l’immeuble logeait le gardien, M. de la Barre. La petite pièce à droite en entrant servait de réception. On s’y retrouvait entre amis. Colombe surveillait les allées et venues. Dans un recoin, Simone Lavoix assurait le fonctionnement du standard téléphonique. Face aux escaliers, la grande salle de conférence abritait nos réunions. Au 1er étage, l’étage du Général, se tenaient les aides de camp, le capitaine Guy et le commandant de Bonneval, le secrétariat dont le chef était Claude Mauriac, assisté des trois secrétaires qui venaient du quai Branly et de Simone Millaud. Plus tard arriva Raymonde Lacombe. Par la suite le grand bureau de Claude Mauriac fut divisé en deux. Une partie occupée par Xavier de Beaulaincourt, le dernier secrétaire particulier du Général, l’autre servant de bureau de passage à G. Pompidou et O. Guichard. Le deuxième étage était réservé au secrétariat général et aux services. Jacques Soustelle occupait le bureau situé au-dessus de celui du Général. Dans les bureaux voisins se trouvaient Jacques Baumel, le préfet Pompéi et le colonel Servais. Le bureau du général de Gaulle était aussi simple que les autres. Un planisphère étalé sur le mur rappelait la dimension des préoccupations de celui qui travaillait là… »

 

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L’organisation des lieux – Vue par Jacques Baumel :

« Au rez-de-chaussée, la loge du gardien et une salle destinée aux réunions du conseil de direction. Le 1er étage accueille le bureau du Général. Les meubles, achetés aux Galeries Lafayette ou au Bon Marché, constituent avec quelques planisphères, l’essentiel du décor. Une austérité franciscaine. Les officiers d’ordonnance et le secrétariat jouxtent le bureau de De Gaulle tandis qu’au 2e étage, Bozel s’occupe des finances -souvent aléatoires- et que Soustelle, Pompei, le colonel Sémidéi dit  » Servais  » et d’autres assurent la section de l’action politique. En tant que responsable de l’action professionnelle et sociale, je partage le 3e étage avec Malraux qui conserve une antenne rue de Solférino en dépit du fait qu’il avait gardé pour lui et son équipe de propagande le vaste et luxueux appartement de l’Opéra… »

 

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Le cérémonial des réunions des délégués dans la salle du rez-de-chaussée – Décrit par Pierre Lefranc, chargé de mission du RPF en 1947 :

« Environ une fois par mois, les chargés de mission du RPF étaient réunis par de Gaulle dans la salle du rez-de-chaussée du petit immeuble de la rue de Solférino.

Une vaste table recouverte d’un tapis vert occupait toute la place.  » Le Général  » annonçait de Bonneval. Le silence se faisait et le Général, avant de prendre place, effectuait un tour de table en serrant les mains. Il s’asseyait ensuite au centre avec le secrétaire général à sa droite, Soustelle puis Terrenoire ; à sa gauche, parfois Malraux, parfois un autre…Nous étions une quinzaine…Chacun dressait un bref tableau de sa région…Des discussions s’élevaient souvent au cours de ces réunions et parfois de véritables heurts se produisaient… »

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Le cérémonial des réunions des délégués dans la salle du rez-de-chaussée – Évoqué par Jean Cluchard, chargé de mission puis délégué régional du RPF entre 1947-1953 :

« À dix heures précises, le Général entrait dans la grande salle du rez-de-chaussée, accompagné de Jacques Soustelle et d’André Malraux. Jacques Baumel, Marc Jacquet, chargé des questions agricoles ou un autre membre du conseil de direction, se joignaient à nous. Avant de prendre place, il faisait lentement le tour de la grande table recouverte d’un tapis vert, et nous serrait individuellement la main. Au cours de cette réunion, chaque délégué exposait le plus succinctement possible les multiples problèmes de sa région et répondait aux questions que le Général lui posait parfois. Personnellement, j’évoquais principalement le développement et les difficultés de notre implantation locale (responsables, comités, adhésions) réservant aux entretiens de l’après-midi avec le secrétaire général et les responsables nationaux présents au centre, les questions politiques et de propagande. Lorsqu’il s’agissait d’un problème particulièrement grave, principalement électoral nécessitant une décision importante, je sollicitais une audience particulière que le Général m’accordait sans difficultés, faisant preuve chaque fois à mon égard d’une aimable courtoisie. Je ressortais parfois de son petit bureau fier de la confiance accordée mais toujours plein d’une joie émotionnelle difficile à décrire. Ces entretiens qui dépassaient rarement dix minutes eurent lieu à quatre reprises au cours de la période 1949-1951 … »

 

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Le cérémonial des réunions des délégués dans la salle du rez-de-chaussée – Vu par Jacques Baumel :

« Dès le début de notre installation rue de Solférino, le Général inaugura une sorte d’emploi du temps protocolaire. Une fois par semaine, il quittait Colombey pour se rendre à Paris. Il séjournait un jour ou deux à l’hôtel La Pérouse et venait le mercredi rue de Solférino où il tenait son  » conseil des ministres  » dans la salle de réunion du rez-de-chaussée.

En cette fin de mois de juin 1947, le Général est arrivé rue de Solférino comme tous les mercredis…Nous sommes réunis autour de la grande table recouverte de feutrine verte. Le général entre, nous nous levons. Il serre la main de chacun… »

 

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