L’ASSOCIATION NATIONALE POUR LE SOUTIEN AU GÉNÉRAL DE GAULLE
par Sonia Eloy
Espoir n°131, juin 2002
Le « cinq » – 5, rue de Solférino – siège du bureau parisien du général de Gaulle, a abrité le RPF et, à partir de 1958 et du retour du Général au pouvoir, l’Association nationale pour le soutien au général de Gaulle. A la mort du Général, l’Association nationale est devenue « d’Action et de Fidélité » et c’est à elle que succédèrent le Centre de Recherche, l’Institut et aujourd’hui la Fondation Charles de Gaulle.
L’ambition de l’Association nationale était contenue dans son intitulé ; nous cherchions à expliquer et à défendre les vues et les convictions du Général. Notre premier président fut Bernard Dupérier, aviateur héroïque de la bataille d’Angleterre, puis Henri Gorce-Franklin, grand résistant et enfin Pierre Lefranc, combattant de la France Libre de la première heure. A la fin des années soixante, nous nous réunissions une fois par semaine chez Félix Bruneau et son épouse Simone* avec des journalistes (je me souviens de Georges Broussine, André Frossard et Pierre Sandhal avec qui j’ai travaillé). Ces réunions se passaient le plus souvent dans un immeuble du parc de Saint-Cloud dont Félix Bruneau était le conservateur et parfois dans la bibliothèque du « 5 », presque entièrement occupée par une grande table ovale recouverte d’un tapis vert.
A l’époque, parmi les collaborateurs permanents, je citerai en premier lieu Colinot, le gardien. Ex sous-officier FFL, il avait suivi le Général partout depuis 1940 et défendait avec vigueur l’entrée du « 5 ». Emile Fauquenot était le directeur administratif de la maison, je travaillais avec lui et étais chargée des relations avec les délégués départementaux tandis qu’il s’occupait des DOM-TOM. Il avait une grande gentillesse et une remarquable patience, il m’a beaucoup conseillée ainsi que Georgette Rocafulle, la secrétaire du président. Grâce à eux, j’ai appris à rédiger et à utiliser toutes les formules de politesse.
De 1960 à 1965, nous avons été engagés dans toutes les consultations nationales, référendums et élection présidentielle. Pour moi, ce fut l’apprentissage des batailles électorales, la participation au choix des slogans, des affiches, la distribution des affichettes dont nos délégués de province étaient si friands et qu’ils réclamaient avec insistance. Après les référendums vint la première élection du président de la République au suffrage universel (1965). C’était la première fois qu’une telle élection avait lieu et nous n’avions aucune référence. Ce fut un grand moment. Le fait de mettre de Gaulle en ballottage fut considéré comme une victoire de l’opposition personnifiée par Lecanuet et Mitterrand. Aujourd’hui, n’importe lequel de nos candidats serait bien heureux de rassembler 40% des voix dès le premier tour !
Mai 68 a éclaté comme une bombe sur nos têtes (peut-être trop insouciantes ?). Une barricade fut érigée devant le 5, rue de Solférino sur le trottoir d’en face et un beau matin de mai, on nous gratifia d’un pavé (un petit) qui brisa ma fenêtre et retomba sur mon bureau. Je le pris, grimpai sur la balustrade et le renvoyai. Je pense, peut-être avec prétention, qu’ils en furent fort étonnés, car ils n’en renvoyèrent pas d’autres. Plus tard, les CRS passèrent et les jeunes gens s’enfuirent comme des moineaux.
Pendant que les nuits d’émeutes se succédaient au Quartier latin, nous recevions de plus en plus de gens rue de Solférino. Entre autres, des députés UNR dont certains demandaient le départ du Général. Un petit gros du Midi s’exprima d’une manière tellement grossière que je me sentis obligée de le conduire en haut de l’escalier et, comme il ne s’y attendait pas, de l’y précipiter.
Le 11 mai, pour permettre à la majorité silencieuse de s’exprimer, nous créons les Comités pour la Défense de la République (CDR). Ils s’implantent dans tout le pays par l’intermédiaire de nos délégués, pour s’opposer à ceux qui veulent renverser de Gaulle. La grève générale s’instaure, les manifestations se succèdent, plus de trains, plus d’essence, tout déplacement devient difficile. Heureusement, le téléphone fonctionne et nous commençons à prévoir l’organisation d’une manifestation pour le 30 mai. Avec le retour du général de Gaulle, après son échappée non prévue du 29 à Baden-Baden, une manifestation d’une immense envergure se déroule donc tout juste après son allocution à la radio. Nous sommes partis du 5, rue de Solférino pas très optimistes, un petit groupe d’une dizaine de personnes avec un drapeau, en direction de la place de la Concorde, et là, nous nous trouvons submergés par la foule immense que l’on sait. Quelques jours auparavant, François Mitterrand avait annoncé sa candidature à la présidence de la République, Mendès France aussi avait manifesté son opposition impatiente.
De Gaulle vivant, notre dernière bataille fut le malencontreux référendum du 27 avril 1969. Nous n’y croyons pas mais espérions, contre toute raison, un succès. L’opposition des divers groupes d’intérêt était trop forte, le texte trop long, trop compliqué. On a pensé que le Général voulait supprimer le Sénat, alors qu’il s’agissait de le transformer et le rendre plus représentatif des forces vives de la nation. C’était une première tentative de régionalisation et ce fut l’échec.
Après le départ du Général, notre association change de nom et se transforme en Association pour la fidélité au général de Gaulle. Pierre Lefranc et Olivier Germain-Thomas créent un Centre de recherches et d’études, lequel servira de base à l’Institut Charles de Gaulle, dont les premiers membres et le premier président, André Malraux, sont désignés par le général de Gaulle peu de temps avant sa mort.
Une fois encore, le 12 novembre 1970, nous nous sommes rassemblés pour entourer la dépouille du Général. Une dizaine de cars nous embarquent comme d’habitude place de la Concorde. Il fait très beau et très froid, la tristesse nous submerge. Rie ne sera plus pareil.
L’Institut et la Fondation, installés dans notre vieil immeuble, organisent des débats, des conférences et déplacements et s’emploient à toucher un nouveau et jeune public avec les « Amis ». Ainsi, s’efforcent-ils avec succès de continuer à faire vivre et mieux connaître le général de Gaulle.
*NDLR : Simone Bruneau, qui vient de nous quitter, a occupé pendant de longues années des fonctions de secrétaire au RPF auprès du général de Gaulle, qui l’a tenait en haute estime.