LE 5 RUE DE SOLFÉRINO AVANT LE RPF

par Jacques Milloux

Espoir n°131, juin 2002

Pour les gaullistes de la première génération, nul doute qu’avec la Boisserie, le 5 de la rue de Solférino, à Paris, est l’édifice privilégié où plane encore la grande ombre de Charles de Gaulle. C’est là que de 1947 à 1958, le Général avait son bureau. Pièce austère, ornée de quelques souvenirs, d’où il préparait le redressement de la République. Nombreux y furent les visiteurs du début, avec les grands succès électoraux du RPF, puis se raréfiant de plus en plus lors de ce qu’il est convenu d’appeler « la traversée du désert », après la mise en sommeil du Rassemblement. Le Général y venait le mercredi, à l’écoute de quelques fidèles, peu nombreux, si j’en crois cette confidence du colonel de Bonneval à Bernard Marin : « venez le voir, cela lui fera plaisir ; il n’a personne aujourd’hui ». En 1958, l’homme le plus seul de France allait à nouveau la sauver. Cet immeuble qui vit tant d’espérances, et aussi tant d’amertume, où l’on ne pénètre pas sans nostalgie, voyons un peu quelle est son histoire.

La rue de Solférino fut ouverte en 1866, dans le cadre des grands travaux ordonnés par Napoléon III au baron Haussmann, dans un quartier déjà construit. L’édifice le plus notable étant l’hôtel de Salm, jadis occupé par quelques gloires napoléoniennes, aujourd’hui musée de la Légion d’honneur et siège de la Grande Chancellerie. Le nom de la rue est un hommage à la victoire française sur les Autrichiens en 1859, en Italie.

C’est en 1900 seulement que la famille Dusart-Cuvier fit construire ce bel hôtel particulier au 5 de la rue de Solférino, nous disent les services du cadastre. Il fut acquis en 1923 par les consorts de la famille de Curel, dont le plus illustre fut François de Curel, auteur dramatique, membre de l’Académie française, et père de la dernière propriétaire, sa fille Françoise (1898-1965). Celle-ci n’occupant pas les lieux, l’immeuble fut loué en 1947 par le RPF qui en fit son siège : conseil de direction, secrétariat général, propagande nationale un peu plus tard…  Il connut une grande activité jusqu’aux élections législatives de 1951, perdues par les gaullistes en raison de la loi inique des apparentements.

Au décès de Françoise de Curel, en 1965, il fut acquis le 27 juillet 1965 par la société Lille-Saint-Germain, fondée par messieurs Foccart, Hildebrand et Lefranc, en vue de procéder à certaines opérations non politiques. Le 7 juin 1978, cette même société en fit donation à l’Institut Charles de Gaulle, fondé en 1970, et dont le premier président fut André Malraux. Enfin, le 16 décembre 1991, l’Institut Charles de Gaulle en fit donation à la Fondation Charles de Gaulle, devant notaire, en présence de Pierre Lefranc, en tant que vice-président de l’Institut Charles de Gaulle et de Geoffroy de Courcel, représentant de la Fondation. Depuis 1970, le 5 de la rue de Solférino abrite les services de l’Institut et de la Fondation Charles de Gaulle. C’est aujourd’hui une ruche très fréquentée et active.

Deux curiosités à proximité. En face du 5, se trouve l’ancien ministère de l’Information où fut exécuté Philippe Henriot le 28 juin 1944 et qui fut le siège du parti socialiste. En sous-sol, passe une rivière qui rejoint les égouts de Paris, la Bièvre.

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