« MON SEUL RIVAL INTERNATIONAL, C’EST TINTIN ! » – CHARLES DE GAULLE

par Didier Quentin
Député de la Charente-Maritime

Alors que le général de Gaulle rédige le troisième volume « Le Terme » de ses Mémoires d’Espoir, restés malheureusement inachevés, André Malraux vient lui rendre visite à Colombey pour un entretien en vue de la publication de son livre : Les chênes qu’on abat…. A travers les fenêtres, ils aperçoivent les « vieilles terres rongées par les âges »*, recouvertes de neige jusqu’à perte de vue…

Cet entretien est rapporté par André Malraux dans son ouvrage Les Chênes qu’on abat…, paru en 1971, quelques mois après la mort du Général.

C’est au cours de cet échange que l’inattendu survint, le général de Gaulle déclarant : « Au fond, vous savez, mon seul rival international, c’est Tintin ! ». Il aurait ajouté dans un demi-sourire : « nous sommes les petits qui ne se laissent pas avoir par les grands. On ne s’en aperçoit pas à cause de ma taille ! ».

Il n’est pas certain que le Général ait tenu de tels propos ; mais une chose est sûre, c’est que cette réplique est devenue l’une des plus fameuses attribuées au Général. Étonnante, aussi, est la justification que fait de Gaulle de sa comparaison avec Tintin : « nous sommes les petits qui ne se laissent pas avoir par les grands ».

En affirmant ce caractère réfractaire et irréductible, c’est à un autre personnage de bande-dessinée, auquel on pense spontanément. Un personnage qui porte une moustache, plutôt qu’une houppette : Astérix ! D’ailleurs, certains de ses ministres ont rapporté que le Général s’amusait parfois à ajouter un « ix », à la fin de leurs noms…

Le Gaulois coïncide mieux, d’ailleurs, avec l’esprit du gaullisme, parce qu’il est celui qui résiste héroïquement face à un envahisseur étranger. Pour preuve, dès la publication des premiers épisodes d’Astérix, ses auteurs, Goscinny et Uderzo, ont été soupçonnés de vouloir faire l’apologie du Général…

Pourtant, c’est bien à Tintin que se réfère le général de Gaulle : Tintin l’intrépide reporter qui parcourt le monde, toujours entouré de compagnons fidèles et hauts en couleur. Certains ont estimé qu’il s’agissait là d’un pied-de-nez aux soixante-huitards qui dénigraient la figure du héros. C’est sans doute vouloir trop faire dire à un bon mot…

Même si, c’est avec humour qu’Hergé répondait, le 4 avril 1973, à l’Institut Charles de Gaulle qui l’avait sollicité pour parler du Général et de sa comparaison avec Tintin : « J’y découvre une simplicité, voire une humilité, qui restituent au personnage une dimension humaine ».

Il ajoutait « Ainsi donc, descendu de ses sommets, débarrassé de ses nuées et de son fil spécial, le général de Gaulle se retrouve les pieds sur terre, comme les petits hommes que nous sommes : petits hommes qu’il continue, d’ailleurs, de dominer de sa véritable hauteur ».

Finalement, la formule liée à Tintin traduit bien l’art du contre-pied propre au Général, son aptitude à surprendre ses interlocuteurs, en étant là où on ne l’attend pas, comme lors de l’appel du 18 juin à Londres, ou encore à Phnom-Penh en 1966, et surtout dans le discours : « Vive le Québec, vive le Québec libre ! »…

Enfin, je me souviens d’un colloque des députés tintinophiles, sur le thème : « Tintin est-il de droite ou de gauche ? ». J’y avais affirmé : « Tintin est gaulliste, et je dirais même mieux : gaullien, car comme le Général, il a le mépris de l’argent et du luxe ; il n’aime pas « les communistes séparatistes, proches des Soviets », pas plus que « le capitalisme façon pétrodollar ». À l’image du Général, Tintin n’incarne ni la droite, ni la gauche !

Découvrez la lettre d’Hergé adressée à l’Institut Charles de Gaulle, le 4 Avril 1973 :

*De Gaulle, Mémoires de guerre –Tome 3 – Le Salut, 1944-1946

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