Avec cette série de podcasts sur l’idée de participation qu’ouvre ici la Fondation, la (relative) modernité de la forme répond à celle du sujet. Etrange destin que celui de cette idée gaullienne : peu considérée à l’époque de l’Association capital-travail, quand à la fin des années 1940 elle s’opposait frontalement à la mainmise du Parti communiste sur le monde ouvrier, mal comprise à l’époque de l’amendement Vallon et du référendum avorté de 1969, elle ressurgit régulièrement dans le débat actuel, car elle apporte à la fois une réponse à la question de la rémunération, par l’intéressement, mais aussi à celle du sens du travail : dans l’esprit gaullien, la participation ne se limite pas aux résultats, mais associe les travailleurs aux choix stratégiques de l’entreprise, et entend leur donner une vision d’ensemble de l’utilité du travail fourni.
Certes, l’histoire de la participation peut sembler entrecoupée. Les réalisations, partant des textes de 1959 et 1967, peuvent sembler modestes comparées aux aspirations gaulliennes. Mais c’est précisément l’intérêt du récit que donnent Lionel Tourtier et Jacques Godfrain de montrer que l’idée a essaimé, et que c’est à l’échelle de l’entreprise qu’il faut juger de ses avancées, plus qu’à celle des choix publics. Fondamentalement, l’objectif de participation relève d’une double volonté de dépassement. D’abord, dépasser l’opposition entre le domaine économique et le domaine social, refuser que la politique sociale de l’entreprise soit uniquement réduite à la seule feuille de paie. C’est dans ce domaine que les oppositions, Lionel Tourtier et Jacques Godfrain insistent sur ce point, ne viennent pas seulement du patronat, mais également des syndicats, qui peuvent y voir un principe déstabilisateur, démobilisateur. Mais l’autre idée forte est de réconcilier les Français avec le monde de l’entreprise, de faire connaitre l’entreprise, son fonctionnement, ses contraintes, son environnement, bref, de répondre à une forme d’inculture économique assez propre à notre pays.
Comme toujours, il convient de partir de l’histoire pour aller vers l’actualité de l’idée, que l’on retrouve à travers les nouvelles formes de travail, particulièrement dans les domaines innovants et concurrentiels. En effet, deux points animeront la réflexion que développera cette série de podcasts :
- La globalisation, d’abord, la mise en place d’un actionnariat salarié internationalisé, qui limite la dimension « nationale » des entreprises, à l’exception des PME. Dans ce domaine, la financiarisation pèse précisément sur le cœur même des entreprises, la capacité à innover, à investir sur le moyen terme, en les enfermant dans un « court terme » permanent. La course à la rentabilité pèse en outre sur les enjeux de responsabilité sociale et écologique de l’entreprise, sur les enjeux de renouvellement des générations et de féminisation des fonctions de direction. La participation est donc une arme de réappropriation, mais elle ne peut reposer que sur un cadre légal précis, faute de quoi elle sera limitée aux petites et moyennes structures. On ajoutera dans ce domaine qu’elle ne doit pas non plus, dans l’esprit gaullien, constituer un outil de déséquilibre pour la pyramide salariale dans l’entreprise.
- La dimension numérique ensuite, qui avec la crise sanitaire, amène à revisiter certains fondements de la notion même d’entreprise : la participation est paradoxalement liée au concept de start-up, peu hiérarchisée, que la crise sanitaire actuelle renforce en externalisant le travail, ou en limitant l’accès au siège, qui reste un lieu de sociabilité et d’identité commun à l’entreprise. Cette dématérialisation finit par créer une relation très limitée au cadre de l’entreprise, « réduite à la feuille de paie ». La participation retrouve un avenir et une actualité par sa capacité à recréer du lien et de l’intérêt commun face à la crise actuelle de ce modèle entrepreneurial.
C’est donc une réflexion de long terme, fondée sur l’histoire, mais ouverte sur l’avenir, qu’ouvre la Fondation, réflexion à laquelle nous vous convions.