Transcription de la lettre manuscrite du général de Boissieu à Bernard de Gaulle
du 28 août 1962 à Colombey avec enveloppe du 30 août 1962

En-tête : « Le général de Gaulle l’ex officier d’ordonnance par intérim »

 

Colombey

Ce 28 août

 

Mon cher Bernard,

Elisabeth et moi avons été très touchés de ta lettre et de ce nouveau témoignage d’affection.

Certes j’ai passé quelques instants difficiles dans cette DS 19, mais j’étais vraiment très réconforté par la tenue impeccable, en pareilles circonstances, de mon beau-père (ce qui n’étonnera personne) mais surtout de ma belle-mère qui a fait mon admiration. Lorsque j’ai demandé énergiquement (avec une voix de commandement m’a dit le Général après coup !) +++ de se pencher en avant, Madame Mère n’a accepté de se baisser un peu qu’après que le Général n’ait eu donné le bon exemple… Arrivé à Villacoublay elle m’a demandé de ne pas oublier « les petits poulets » qui étaient dans le coffre, car on en avait besoin pour le déjeuner du lendemain ! Nous avons mangé lesdits poulets avec précaution de peur de nous casser les dents sur une balle !

Cet attentat aura eu au moins un résultat celui de me permettre de convaincre ton oncle que sa sécurité ne peut être assurée dans les voyages dits « privés » ; il ne peut plus être question, dans l’ambiance actuelle, de voyages privés avec convois légers c’est impossible ! Je crois qu’il m’a écouté avec attention et qu’il se rend compte lui-même que ce n’est plus convenable.

J’ai reçu à Saint-Dizier avant-hier mon congé définitif d’aide-de-camp « in partibus », le Général ne voulant plus que je partage les risques en même temps que lui. J’avoue que, pour Elisabeth, c’était un peu trop dur… de supporter tant de menaces à la fois.

Partage avec Sylvie toutes nos meilleures affections.

Alain

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