« ALAIN LARCAN : DE L’INVENTION DE LA MÉDECINE D’URGENCE À L’ÉRUDITION GAULLISTE »

par David Valence
Directeur-adjoint de la Fondation Charles de Gaulle (2010-2014)
David Valence est actuellement député des Vosges.

Texte publié dans Espoir n°169, été 2012

Un homme de son temps… et pourtant d’un autre temps : tel était Ie professeur Larcan, qui s’est éteint il y a quelques jours à son domicile d’Amance, en Meurthe-et-Moselle.

De son temps, et même en avance sur lui, ce pionnier de la médecine d’urgence l’était assurément quand, au début des années 1960, il posa les jalons de ce qui deviendrait ensuite le Service d’aide médicale urgente (SAMU, dans la Meurthe-et-Moselle. Ce grand enseignant ne s’est jamais lassé de transmettre à ses élèves son amour de la médecine, qui était d’abord et avant tout un amour du prochain. D’autres ont dit, et diront les qualités médicales et de pédagogue de ce praticien qui avait la passion de la France, et l’a servie avec dévouement dans la réserve militaire, jusqu’à devenir médecin général des armées, avec rang d’officier général. D’autres encore célébreront en lui un grand Lorrain, passionné par l’histoire de cette terre d’échanges et de résistances qui fut rattachée à la France en 1766.  Des responsabilités éminentes étaient venues couronner le médecin et Nancéen, sans que sa modestie s’en trouve affectée : la présidence de l’Académie de médecine ou celle de l’Académie de Stanislas, notamment.

Mais pour la Fondation Charles de Gaulle le professeur Larcan fut d’abord un savant : à la fois incomparable d’érudition et plein de bonté, disponible. Pupille de la Nation, Alain Larcan avait en quelque sorte reçu le général de Gaulle en héritage. Son père tombé aux Riceys, dans l’Aube, un 17 juin 1940, ne parlait-il pas avec espoir, dans sa dernière lettre de l’auteur de La France et son armée ? Alain Larcan eut à cœur sa vie durant, de cultiver cette admiration paternelle.  Il admira le de Gaulle de la Libération et de la reconstruction. Il admira le de Gaulle du RPF et adolescent, l’écouta vouer la IVe République aux gémonies dans de grands rassemblements de foules. Il admira le de Gaulle constituant de 1958, le de Gaulle modernisateur des années 1960, le de Gaulle tâtonnant pour trouver avec la participation une voie plus juste que celle du capitalisme financier.

Or, cette admiration pour de Gaulle donna de nombreux fruits, qui sont autant d’ouvrages jetés hors de toutes les séries. Le Professeur Larcan travaillait à ses livres avec une méticulosité qui rappelaient les érudits du XIXe siècle. Il était, dans le travail intellectuel, d’un autre temps par l’ambition et la méthode. Il s’agissait toujours pour lui de « faire la part des circonstances biographiques, de l’esprit du siècle » chez de Gaulle afin d’étudier « ce je ne sais quoi ou l’on aboutit toujours [avec lui] et qui est le génie individuel et inexpliqué ».

Ces quelques mots disent l’ampleur du travail accompli, et sa riche ambiguïté. Les travaux d’Alain Larcan sur de Gaulle mêlent volontiers l’exégèse à une approche plus originale de la singularité gaullienne. C’est pourquoi un historien contemporain, issu du circuit universitaire « classique », n’aurait sans doute pas pu écrire le De Gaulle inventaire. La culture, l’esprit, la foi qu’Alain Larcan publia en 1994, après avoir soutenu son doctorat d’Etat en philosophie. Cette originalité fait tout le prix du livre. Et les professionnels de l’histoire sont aujourd’hui les premiers à reconnaître leur dette vis-à-vis du travail colossal achevé par l’intéressé. Neuf ans avant son De Gaulle inventaire, le professeur Larcan avait déjà recherché, avec Pierre Messmer, les sources de la pensée militaires du général de Gaulle dans un ouvrage très précieux sur les Ecrits militaires de Charles de Gaulle.

Ce gaullien assumé avait rejoint le Conseil scientifique de la Fondation Charles de gaulle dès sa création, avant d’en prendre la présidence en 1999. Ses prédécesseurs avaient pour nom Bernard tricot et Maurice Vaïsse. Aidé de Frédérique Neau-Dufour, puis de Claire Fredj et de Philippe Oulmont, le professeur Larcan anima le Conseil scientifique de la Fondation Charles de Gaulle avec dévouement et détermination. Il eut notamment la joie d’organiser en 2009 le colloque « De Gaulle, chrétien, homme d’Etat » au collège des Bernardins et d’y voir abordé un aspect essentiel et cependant méconnu de la personnalité comme de l’action du général de Gaulle. Démissionnaire pour raisons de santé fin 2011, le professeur Larcan avait été nommé président d’honneur du Conseil scientifique, sur la suggestion de son successeur, le professeur Gilles Le Béguec.

Il laisse, sur de Gaulle, une œuvre foisonnante et passionnée… et à ceux qui l’ont connu le souvenir d’un homme d’une immense culture, animé jusqu’au bout par le goût d’apprendre, de comprendre et d’expliquer.

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