« Juin 1940 et les premières heures de la Résistance » – Témoignage du docteur Guy Vourc’h.

[…] Si j’en crois mes impressions locales de Finistérien, et je n’ai aucune raison de douter des autres départements bretons, si nos hommes avaient eu les moyens de partir (et par le réduit breton constitué ils auraient eu ces moyens), je ne crois pas exagéré d’avancer que la Bretagne eût fourni aux Forces françaises libres plusieurs centaines de mille de combattants.

Evoquons l’île de Sein, où ces possibilités existèrent plus qu’ailleurs. Tous les jeunes hommes s’en allèrent, et ce départ eut de la grandeur : le recteur de l’île, en surplis, vint à la cale donner absolution et bénédiction… Allez, enfants de la patrie… On les vit dans les Forces navales françaises libres, dans les commandos et autres unités. Ce n’est pas à Londres, parmi les sédentaires des services, qu’ils s’incrustèrent. Inspectant l’une de ces premières unités des FFL d’Angleterre, le général de Gaulle interrogeait les soldats sur leurs lieux d’origine. Devant le nombre des Iliens, il eut cette exclamation : « Sein est donc le quart de la France ! » Et, durant leur absence de cinq années, les vieux pêcheurs demeurés dans l’île livrèrent aux familles privées de leur soutien un pourcentage de leur pêche. Pour marquer l’estime où l’on tenait les Iliens, une commune du littoral, Plomodiern, leur fit parvenir en don gracieux, en dépit du Boche, en dépit aussi du service du Ravitaillement vichyssois, 6 tonnes de denrées alimentaires diverses : légumes, farine, beurre, lard. Le retour de ces guerriers en 1945 fut digne de leur départ : lorsque, dans le bateau qui faisait liaison avec le continent, on reconnaissait les uniformes des commandos ou autres permissionnaires, les cloches de l’église sonnaient à toute volée et les enfants de l’école venaient au débarcadère pour faire cortège à ceux qui, pour la patrie, s’étaient bien battus. […].

Guy Vourc’h
Témoignage publié dans Les départements meurtris : Le Finistère, octobre 1948