« VIVRE INTENSÉMENT »
LE GÉNÉRAL DELESTRAINT, PREMIER CHEF DE L’ARMÉE SECRÈTE, COMPAGNON DE LA LIBÉRATION

par François-Yves Guillin

Texte publié dans Espoir n°121, décembre 1999

Charles Delestraint

Charles Delestraint est né à Biache-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), le 12 mars 1879. Il est issu d’une famille du Nord.

Sorti de Saint-Cyr en 1900, il servit dans les chasseurs à pied, jusqu’à la guerre de 1914. Dès le début, après une action d’éclat, il tombe dans une embuscade et reste prisonnier jusqu’en fin 1918.

Ayant terminé l’École de guerre entreprise en avril 1914, il opte en 1923 pour les chars de combat. Après avoir commandé en second l’École des Chars, il est nommé colonel en 1932, commandant le 505ème RCC de Vannes. C’est fin 1936 qu’il est nommé à Metz en tant que général de brigade. Il a sous ses ordres, dès 1937, le colonel de Gaulle, commandant le 507ème RCC. La conjonction de leurs théories sur les divisions cuirassées sera le ciment initial qui les réunira quelques années plus tard pour une tout autre cause.

Même au cours de la « drôle de guerre », il tente en vain de convaincre le Haut commandement sur un emploi plus rationnel des chars. A la tête de la 2ème Division, puis du Groupement des 2ème et 4ème divisions, il lutte, malgré l’écrasante supériorité des Allemands, parfois avec succès, toujours avec courage contre un ennemi qui a intégré les théories de l’arme blindée. L’armistice intervient.

Mis au cadre de réserve en tant que général de division, il retrouve sa famille à Bourg-en-Bresse, où il se fixe en attendant la reprise de la lutte. Dans ce but, il rameute les anciens des chars, les réunit en des journées, des repas, où, toutes portes fermées, il leur parle de De Gaulle, de la Résistance à l’ennemi.

Lorsque Jean Moulin reçoit du général de Gaulle la mission de parvenir à l’union des Mouvements de Résistance, à la fusion des groupes paramilitaires, il rencontre en août 1942 le général Delestraint, dont on lui a parlé. De Gaulle, informé, donne son entier accord. Désormais, le général Delestraint, sous le pseudonyme de général Vidal, sera le chef de l’Armée secrète.

Le Lysander

D’abord en zone sud bientôt occupée, il remplit sa mission malgré les obstacles et les données nouvelles : les maquis naissent partout. Avec Jean Moulin, le Général se rend à Londres en partant de Villevieux (Jura). De Gaulle étend leur mission aux deux zones, avec des pouvoirs élargis. Le Lysander qui ramène en France Jean Moulin, le général Delestraint et Christian Pineau atterrit à Melay (Saône-et-Loire) dans la nuit du 19 au 20 mars 1943.

Le rôle de Vidal nécessite des déplacements nombreux. A Paris, le 9 juin, à un rendez-vous donné, il trouve Abwehr et Gestapo, réunis pour l’arrêter… Interrogé en vain, incarcéré à Fresnes, présenté devant le Tribunal militaire allemand de Paris, il est envoyé en camp de concentration : le Struthof, puis Dachau. Il sait redonner l’espoir à ceux qui sont confrontés à la désespérance.

A Dachau, dix jours avant la libération du camp, le 19 avril 1945, il est assassiné par les SS.

En août 1942, il avait écrit ses phrases :

« Me désapproprier de moi-même. Vivre intensément pour Dieu, à qui je confie ma famille, tous ceux qui me sont le plus chers, pour ma patrie, pour mes frères…

« Vivre libre et joyeux patient, en dépit de la botte allemande et de l’étouffement français…

« Être exact. »

Secrétaire général de l’Association du Souvenir du général Delestraint.
Ce texte a été publié dans la Revue de la France libre, n° 282, 2e trimestre 1993.

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