La Fondation Charles de Gaulle a eu l’excellente idée de réimprimer la brochure que le Service d’Information de la France Libre au Levant (Syrie-Liban) avait consacré à la tournée de cinq semaines effectuée par le général de Gaulle en Syrie et au Liban au cours de l’été 1942.

Cette réimpression comble un manque, car la plaquette était devenue quasi-introuvable. Certes la Bibliothèque Nationale de France dispose de deux exemplaires originaux tels qu’ils étaient sortis des presses du journal La Syrie et l’Orient. De grande taille (31 cm sur 22 cm), cet album richement illustré de 64 pages avait été imprimé sur un papier glacé blanc et les reproductions photographiques étaient d’excellent qualité. Dans le contexte de pénurie générale, cela en faisait un produit de luxe. Certes, il ne s’agit pas d’un fac-simile mais ce que l’on perd en termes de présentation, on le gagne par ailleurs car il ne s’agit pas du retirage de l’original seul mais de sa version enrichie en 1990 par une préface Jean Gaulmier, l’auteur de la plaquette de 1942 qui n’était pas signée. La brochure de 1990 avait été imprimée en 400 exemplaires numérotés, à l’initiative de l’historien Gérard D. Khoury, par la commune de Saint-Marc Jaumegarde (Bouches-du-Rhône) à l’occasion du centenaire de la naissance du général de Gaulle. Cette brochure n’a pas été déposée à la Bibliothèque Nationale mais la Fondation Charles de Gaulle en conservait un exemplaire.

Que dit la préface de Jean Gaulmier de 1990 ? Elle dit plusieurs choses importantes, mais la plus importante est celle qui clôt le texte : ce voyage, qui a quasiment disparu de la mémoire collective – pour n’y avoir, à vrai dire, jamais vraiment pénétré – fut un incontestable succès. Le parcours ultérieur de Jean Gaulmier, après cette tournée de 1942 qu’il a couvert comme directeur du Service d’Information, garantit l’authenticité du témoignage. Le 7 juin 1945, en effet, il faisait partie des huit « intellectuels anti-fascistes [1] » qui s’étaient rendus dans le bureau du Délégué général à Beyrouth le 7 juin 1945 pour se désolidariser de la politique française en Syrie. C’est aussi un homme qui en novembre 1965 avait pris haut et fort ses distances avec le général de Gaulle en publiant dans le journal Le Monde une tribune sans concession à l’égard de celui qu’il décrit, trois ans avant mai 68, « comme un homme seul qui assène au peuple français son mépris [2] ». Le témoignage de Gaulmier sur le voyage de 1942 est donc celui d’un homme libre : il en est d’autant plus précieux [3]. Que dit Gaulmier ? Il dit que le succès populaire de cette tournée fut aussi massif qu’inattendu :

Ce voyage, d’un bout à l’autre fut triomphal [4], se souvient-il en 1990. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, de Gaulle fut accueilli non seulement par les autorités officielles, mais par les populations diverses du Liban et de Syrie, avec un enthousiasme spontané touchant au délire. Moi-même qui, résidant en Syrie depuis quinze ans, connaissais la réserve quelque peu distante des nationalistes syriens en certaines régions, comme Hama où j’avais vécu trois ans, j’en fus littéralement stupéfait.

Pas moins instructive, la motivation qui a conduit Gaulmier à composer cette brochure :

C’est pourquoi, rentré à Beyrouth, je résolus de publier cette plaquette : elle démontrait à Sir Edward Spears et à ses agents que la France Libre – c’est-à-dire la France, décidément conservait une place de choix dans le cœur des Syriens et des Libanais…

La tournée de 1942 est restée longtemps la grande absente de la mémoire gaullienne : elle figure d’ailleurs dans le chapitre « Intermède » des Mémoires de guerre. Elle ne fut pas connue non plus des contemporains en dehors des deux États visités. Il y avait à cela des raisons naturelles, et d’autres qui l’étaient moins et justifiaient une bataille des images et des mots.  La métropole n’avait pas de raison de s’intéresser à cette tournée levantine du chef de la France Libre. Avant-guerre déjà, le Levant restait éloigné des préoccupations françaises. S’il pouvait fournir une matière exotique ou romanesque aux abonnés de L’Illustration ou aux lecteurs de Pierre Benoît [5], le mandat français apparaissait à d’autres à la fois inutile et coûteux. Inutile, parce que les œuvres fondées dans les deux pays par les congrégations catholiques et plus récemment par l’Alliance Israélite Universelle et la Mission Laïque Française n’avaient pas eu besoin du mandat pour se déployer avec succès. Coûteux, le mandat l’était depuis la révolte druze de 1925, devenue une révolte nationale, qui avait nécessité un déploiement militaire important pour un résultat mitigé. Signe du désintérêt du public français pour les affaires levantines : il avait fallu attendre près de quinze jours avant que le quotidien assomptionniste La Croix[6] ne consacrât un article à la signature du traité franco-libanais en 1936, un événement historique pourtant. À partir de 1939, le sujet disparaissait entièrement des préoccupations des Français sauf de ceux y avaient un proche. Non-événement aux yeux de la presse vichyste qui n’y dispose plus de correspondants, la tournée du général de Gaulle n’est pas même mentionnée par celle-ci qui ne veut rien savoir des actions des « occupants actuels du Liban et de la Syrie [7] » selon l’expression d’usage. Mais du côté allié aussi l’événement passa inaperçu, et pour cause : il battait en brèche, et à un double titre, le discours constant de l’ambassadeur de Grande-Bretagne en Syrie et au Liban, Louis Spears. Celui-ci fut en effet, avec Robert Vansittart, sous-secrétaire d’État permanent des Affaires Étrangères, le premier des opposants au projet national gaullien après le 18 juin 1940 [8]. À l’automne 1944 encore, Spears menait un combat d’arrière-garde pour empêcher la reconnaissance du Gouvernement Provisoire de la République Française présidée par de Gaulle [9]. En août 1942, le succès populaire du général de Gaulle en Syrie et au Liban pourrait être de nature à faire évoluer les esprits en faveur de la France Combattante. C’est d’ailleurs un rappel de Londres [10] qui oblige de Gaulle à mettre un terme à son séjour en septembre. Le deuxième risque pour le chef de la légation britannique était de voir cette tournée contredire les rapports au Foreign Office qui présentaient de Gaulle et les Français Libres comme impopulaires, faisant courir des risques sécuritaires à la région placée sous commandement général britannique. Or l’image renvoyée par l’accueil chaleureux réservé au chef du Comité National de Libération par les populations, les Troupes Spéciales du Levant composées d’autochtones, par les dignitaires religieux et les chefs d’État des deux pays levantins est de nature à contredire la ligne politique définie par Churchill et mise en œuvre par Spears qui consistait à précipiter la fin du mandat français sans traité d’alliance puis que Comité Français de Libération Nationale n’avait pas la capacité juridique de traité n’étant pas reconnu par les Alliés, ce qui signifierait l’évacuation complète des troupes françaises à la fin du conflit. De manière plus anecdotique, si Reuters et la presse alliée ne couvrent pas l’événement comme il conviendrait, c’est parce que la personne sur laquelle se porte en général leur attention, l’ambassadeur britannique, Spears, s’est déclaré malade et a de ce fait décliné l’invitation du général de Gaulle. La presse libanaise francophone est, quant à elle, dominée, par deux titres, l’un et l’autre prestigieux : Le Jour, plus proche de la ligne britannique d’accélération du processus d’indépendance et L’Orient, qui avait rallié de Gaulle dès juillet 1941 et souhaitait le maintien d’un lien contractuel fort avec la France. On peut penser que ce dernier a rendu compte avec précisions des étapes de ce voyage. Malheureusement, l’année 1942 du journal L’Orient est la manquante dans les archives de L’Orient-Le Jour et d’ailleurs la seule à l’être. Les exemplaires des deux titres conservés à la Bibliothèques Nationales pour ces années ne sont plus consultables en raison de leur état, même sur demande. Les traces de cette tournée sont donc limitées.

On comprend mieux, de ce fait, les efforts accomplis par Jean Gaulmier pour faire en sorte que ce voyage ne disparaisse pas des mémoires. Outre la plaquette qui aide à reconstituer le parcours suivi par de Gaulle, le voyage a fait l’objet d’une couverture photographique de grand qualité assurée par le « service photo » de l’Armée du Levant. Certains des tirages originaux sont conservés dans le fonds photographique de la Fondation Charles de Gaulle. D’autres ont été retrouvés par hasard dans les sous-sols de l’ambassade de France à Beyrouth à l’occasion du déménagement de cartons d’archives vers la France. Enfin, un petit film d’actualités [11] complétait le dispositif. À Beyrouth comme ailleurs, l’enthousiasme d’équipes de volontaires a compensé le manque de moyens humains et matériels au service de « la France qui se bat ». Rendant compte de l’état d’esprit qui régnait au Service de l’Information, Gaulmier évoque « cet esprit de jeunesse, de courage allègre et d’espoir absolu dans les forces vives de la patrie, ce climat des soldats de l’an II » : « l’esprit de la France Libre [12] ». Si le Service d’Information ne fait pas partie des 412 Comités répartis sur 42 pays répertoriés par la France Libre en 1942 [13], car il relève de la souveraineté française, il fut comme certains d’entre eux une véritable pépinière de talents. Michel Écochard, qui a illustré la plaquette par des dessins, était un urbaniste talentueux. Architecte au sein du Service des Antiquités du mandat depuis 1932 à 1944, il a côtoyé une autre grande figure de l’archéologie et de la France Libre, Henri Seyrig [14]. On lui doit la restauration du Palais Azem à Damas et la construction, en 1936, d’un Musée archéologique qui, de manière novatrice, élimine tout éclairage direct. En 1940, il a été nommé directeur du service de l’Urbanisme en Syrie (Syrie-Liban). Mais si le plan-directeur de l’extension nord de Damas a pu entrer en vigueur, le plan d’aménagement de Beyrouth dressé en 1943-1944 est resté dans les cartons [15]. Autre espace d’innovation : Radio-Levant, dirigée par Jean Gaulmier. Figure originale, Jean Gaulmier avait délaissé Paris où il avait étudié la philosophie et les Lettres à la Sorbonne pour s’engager à 23 ans comme simple soldat dans le 17e Régiment des Tirailleurs Sénégalais basé à Beyrouth avec l’idée de pratiquer les rudiments d’arabe acquis à l’École des Langues Orientales sur les conseils de Louis Massignon. Devenu conseiller de l’Instruction Publique en Syrie, mobilisé en 1939, il avait rejoint la France Libre en 1941. Radio-Levant était un poste multilingue qui émet en français, en arabe, en anglais, en tchèque, en polonais, en turc, en arménien et en kurde [16]. Parmi les collaborateurs, Ethel Adnan une jeune femme qui se fera un nom pendant la guerre civile libanaise en tant qu’écrivain engagée [17], et qui fut aussi poétesse et peintre. Née à Beyrouth de mère grecque, chrétienne, et de père syrien, musulman, Ethel Adnan participe de la culture de l’échange et de l’ouverture promue par Radio-Levant. Soucieuse de toucher le plus grand nombre, la radio ne se contentait pas de la lecture quotidienne du coran – du lundi au samedi – mais programmait les chansons d’Oum Kalthoum et fit passer Joséphine Baker à l’antenne lorsque fut de passage à Beyrouth.

La carte liminaire de la plaquette permet de suivre dans ses grandes lignes le parcours du général de Gaulle du 11 août au 8 septembre 1942. Arrivé à Beyrouth le 11 août, de Gaulle se rend dans le Mont-Liban le 15 pour saluer dans sa résidence d’été le patriarche maronite Monseigneur Arida. Traversant le village de Hammana où a séjourné Lamartine il est salué par une impressionnante danse des sabres exécutée par des femmes du village. À Sofar, il visite le centre de convalescence de la France combattante. Le 16 août, il est à Damas ; le 17 août, à Soueida, capitale du Djebel druze, d’où il gagne Palmyre le 19 août, puis Deir ez-Zor sur l’Euphrate et la ville d’Alep dans le centre de la Syrie, puis le 21 août Hama, Homs et le port de Lattaquié. Il est de retour à Beyrouth le 22 août, à Tripoli dans le Liban-nord le 31 août, le 1er septepbre à Beyrouth pour la fête nationale libanaise, puis  le 2 dans le Liban-sud à Tyr et Saïda (Sidon), puis le 8 septembre dans la Bekaa, à Zahlé et Baalbeck.

De Gaulle a choisi de tirer profit du prestige acquis par les Forces Françaises Libres à Bir Hakeim – car pour la France Libre, cette bataille en est une – pour établir un lien direct avec les dirigeants, les religieux et les populations syrienne et libanaise, leur faire accepter l’idée que l’indépendance proclamée en 1941 devra attendre la fin du conflit pour être mise en place de manière effective et pour montrer aux alliés que la France Combattante est reconnue comme la France et que sa présence au Levant est légitime. Ce voyage est donc un manifeste. Pour sa préparation, de Gaulle a pu compter sur une personnalité remarquable : le général Catroux, Délégué général de la France Combattante et commandant supérieur au Levant, un « homme de cœur et de caractère, connaissant admirablement le monde arabe, diplomate remarquable et parfait administrateur », écrit Gaulmier dans sa préface de 1990. Catroux est aussi un « marocain » : c’est ainsi que l’on désigne les disciples de Lyautey [18], soucieux du respect des particularismes et des croyances et convaincu que le premier devoir d’une puissance protectrice est de se faire apprécier [19]. Le voyage-manifeste du général de Gaulle au Levant dit trois choses : la France est encore forte ; la France est moderne et ouverte ; nous, Français, avons une certaine idée du Levant.

Le déplacement du général de Gaulle est d’abord une tournée militaire : revue des troupes, visite des soldats convalescents à Sofar, des blessés de guerre – anciens de Bir Hakeim pour beaucoup – à l’Hôpital Maurice Rottier de Beyrouth, remise de décorations, inspection de l’aviso La Moqueuse dans le port de Beyrouth. À noter : à Alep, de Gaulle « a accordé une audience particulière aux officiers de l’armée anglaise » (p. 32), une façon de rappeler les termes de l’accord de Gaulle-Lyttleton arraché de haute lutte en juillet 1941 : les troupes sont commandées par un général français là où elles sont majoritairement françaises, c’est-à-dire au Liban et en Syrie. C’est aussi une image de modernité et d’ouverture que la plaquette cherche à mettre en avant : archéologues, ingénieurs français ont contribué à la modernisation des deux États : la technique lie le passé et l’avenir. Dans un puissant raccourci, Écochard ramasse en un dessin la raffinerie pétrolière de Tripoli construite pendant la guerre et la citadelle de la capitale du nord édifiée par le Comte de Toulouse, entourée de villas levantines aux triples arcades. L’ouverture, c’est aussi cette photo en pleine page (p. 13) qui représente un soldat africain blessé se faire remettre, en pyjama, sa décoration par de Gaulle. Plus qu’une manière de signaler la diversité des recrutements et par conséquent le potentiel de la France Libre, cette photo est une marque de courage, compte-tenu du regard porté sur les personnes de couleur au Levant et les pratiques britanniques de séparation [20]. La photo et l’échange de regards veut exprimer le respect. La modernité, c’est aussi la modernité politique : il est d’emblée rappelé que le Liban (comme la Syrie) est une République. « Le premier soin du général de Gaulle, à son arrivée à Beyrouth, est de rendre une visite protocolaire à Son Excellence Alfred Naccache, Président de la République Libanaise », est-il indiqué. On rappelle aussi que les deux États sont indépendants et intègreront les futures Nations Unies comme des acteurs internationaux de plein droit. Et la signature de traités est considérée comme une évidence entre pays amis et alliés. Mais le point le plus intéressant parce que le plus original est la vision du Levant portée par de Gaulle telle qu’elle apparaît en creux dans le reportage photographique. Ce n’est pas l’accent mis sur la coexistence islamo-chrétienne et encore moins l’attention portée aux particularismes qui constituent les éléments originaux de cette tournée : les deux relèvent de l’approche traditionnelle de l’armée française « en terre d’Islam » et dans l’Empire [21], y compris les hommages rendus aux troupes autochtones (chasseurs libanais, soldats druzes, tcherkesses…) qui constituent les Troupes Spéciales du Levant, noyau des futures armées nationales. L’élément intéressant est le rapport établi entre le civil et le religieux, l’Église ou la Mosquée et l’État. De Gaulle a réfléchi à la question au cours de son premier séjour au Levant : à son ami le Colonel Mayer, il écrit de Beyrouth, le 2 janvier 1931 : « Le goût que nous avons du principe, du système, de l’allégorie donne des résultats bizarres [22]. » À la différence de l’Irak et de la Transjordanie sous mandat britannique, qui ont à leur tête des monarques dotés d’une légitimité religieuse en tant que descendants du Prophète, le Liban et la Syrie sont des Républiques dotées depuis 1926 et 1930 de constitutions. Par conséquent, ni la voie marocaine [23] ni encore moins la voie jacobine pratiquée en Algérie ne sauraient convenir aux États levantins. L’importance accordée au sacré traverse en effet toute la société, quel que soit le culte pratiqué : de Gaulle a pu le constater ; d’autre part, l’attachement aux rites, la relation entretenue avec les religieux constituent des éléments structurants de la société levantine : ainsi le Liban ne compte-t-il pas moins de 18 communautés reconnues administrativement. Dans ce contexte, comment concilier le renforcement indispensable de l’État avec une diversité ethnico-confessionnelle infra-étatique constitutive des deux sociétés ? L’approche du général de Gaulle telle qu’elle s’est exprimée au cours de ce voyage-manifeste consiste à distinguer nettement le politique du socio-religieux en témoignant d’un même respect pour l’un comme pour l’autre mais en jouant de l’ordre protocolaire et du temps consacré à chacun pour indiquer la voie d’une articulation opérante des deux ordres. Le temps consacré aux chefs d’État et au personnel gouvernemental vient en premier mais reste court dans la part publique du voyage tandis que les rencontres avec les populations et leurs chefs religieux constituent la plus grande part de la tournée. L’élément politique, dès lors, disparaît de la photo. La voie proposée par de Gaulle semble être celle du double refus : refus de la fragmentation des États sur une base ethnico-religieuse et refus de l’absorption des différences dans un tout réducteur. Pour le chef de la France Combattante, les religieux au Levant sont les dépositaires de l’histoire longue des peuples, et cela commande le respect.

Cependant, si les photos de ce voyage gardent toute leur force et mériteraient d’être présentées pour elles-mêmes avec des légendes réduites au minimum, force est de constater que cette plaquette est aussi marquée par son époque. Elle « date », ce qui la rend d’autant plus intéressante. Aussi la réimpression de la plaquette de 1942 par la Fondation Charles de Gaulle avec la « note liminaire » de Jean Gaulmier de 1990 est particulièrement bienvenue car elle permet un double dialogue avec le temps, à plus de 80 et 40 ans de distance. La suite des événements, l’ouverture des archives permettent de procéder à une relecture de ces documents.

En octobre 1943, une année après la tournée du général de Gaulle, le nouveau Parlement libanais issu des urnes et le nouveau gouvernement annoncent leur décision unilatérale de mettre un terme au mandat sans traité d’alliance avec la France. Le successeur de Catroux, le diplomate Jean Helleu utilise la manière forte à la demande du général de Gaulle depuis Alger. Helleu prend l’initiative d’embastiller le gouvernement loin de Beyrouth provoquant un soulèvement populaire. En mai 1945, une relève de troupes françaises, formée de troupes coloniales, provoque en Syrie un mouvement de mécontentement populaire. À la demande également du général de Gaulle, le général Oliva-Roget recourt à son tour à la manière forte et le 29 mai 1945, le Parlement syrien est bombardé par l’artillerie française. Le mécontentement est tel que Harry de Villoutreys, Compagnon de la Libération [24], meurt lynché par la foule. Le personnel civil et militaire français doit être exfiltré par les forces britanniques qui rétablissent l’ordre.

Que s’est-il passé en un an qui expliquerait ce basculement ? La brochure réimprimée par la Fondation Charles de Gaulle apporte des éléments de réponse. La faute à l’impérialisme britannique ? Telle est l’analyse de Jean Gaulmier en 1990 encore :

Winston Churchill d’abord : quelle que soit la reconnaissance que les Français doivent à ce magnifique chef de de guerre, il faut savoir qu’il n’avait jamais admis de bon cœur que la France eût obtenu un mandat en 1922 dans ce Proche-Orient qu’en bon impérialiste britannique, il considérait comme le domaine exclusif des Anglais. Il avait pris soin en 1941 de nommer au Levant, Edward Spears qui multipliait les intrigues plus ou moins machiavéliques pour saper l’autorité française auprès des autorités locales. […] Jouant tour à tour de l’amabilité et de l’ironie, de la flatterie et de la colère, rappelant tantôt qu’il était un député tory influent aux Communes et tantôt qu’il était général de l’armée anglaise, Spears était – ou du moins se croyait – un potentat à Beyrouth.

La volonté active de Churchill et de Spears d’obtenir l’évacuation totale des troupes françaises au Proche-Orient à l’issue de la guerre est aujourd’hui très documentée. Elle fait l’objet d’un consensus historiographique. Ce qui reste en revanche un objet d’étude, c’est la motivation de Churchill. L’impérialisme ? Un zèle impérial ou une sympathie pour la cause arabe pouvaient animer certains agents sur le terrain ; ce n’est pas le cas de Churchill : lorsqu’il avait été Secrétaire d’État aux Colonies en 1921-1922, il s’était surtout inquiété de l’état des finances britanniques [25]. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en mai 1940, son souci n’était certes pas d’étendre l’Empire britannique mais de maintenir celui-ci et de prévenir des mouvements populaires et des dissidences qui porteraient préjudice à l’effort de guerre. Or la Grande-Bretagne se trouve confrontée à un double risque, de nature à mettre en danger la sécurité de la région et la permanence des positions britanniques : le danger d’une jonction avec les forces de l’Axe sur la base de l’anti-impérialisme et de l’antisionisme ; le risque d’un délitement de l’alliance entre le sionisme institutionnel et la Grande-Bretagne, alliance dont Chaïm Weizmann, le président de l’Organisation Sioniste Mondiale et de l’Agence Juive, a été la cheville ouvrière depuis 1917. Ces craintes prennent un tour critique avec le soulèvement d’avril 1941 en Irak qui fait appel à l’Allemagne nazie, soulèvement accompagné de voies de fait contre la communauté juive qui prennent l’allure de véritables pogromes. D’autre part, le pari britannique de Weizmann est de plus en plus contesté au sein des instances sionistes. David ben Gourion, directeur exécutif de l’Agence Juive, compte de plus en plus sur l’appui américain. Or les États-Unis se présentent au Moyen-Orient comme une puissance anti-impérialiste qui privilégie les relations commerciales, pour l’approvisionnement en pétrole notamment. Des groupes sionistes dissidents sont d’autre part tentés par le recours à la violence. La difficulté de Weizmann à défendre l’alliance anglo-sioniste tient au fait que Churchill n’a pas tenu sa promesse de 1939 d’abolir le Livre blanc britannique avec ses quotas migratoires très restrictifs du point de vue sioniste. Considérant que l’Entente Cordiale entre la France et la Grande-Bretagne est caduque depuis juin 1940, Churchill s’estime autorisé à lever la clause suspensive de l’accord signé entre l’émir Fayçal et Chaïm Weizmann le 3 janvier 1919, à savoir l’accession à l’indépendance complète de la Syrie qui serait placée sous la direction de l’émir hachémite. Fayçal est décédé en 1933, mais deux membres de la famille hachémite règnent en Irak et en Transjordanie. À cette condition, l’émir acceptait l’établissement d’un foyer national juif en Palestine. Si Spears est choisi par Churchill comme premier ambassadeur de Grande-Bretagne à Beyrouth, ce n’est pas pour ses connaissances arabes : il n’en a aucune. Ni pour ses qualités de diplomate : il n’appartient pas au Foreign Office et sa brutalité lui a aliéné l’essentiel de l’establishment britannique. Si Churchill l’a choisi c’est en raison de sa bonne connaissance des services secrets, de la vie politique française et parce que sa nomination est de nature à rassurer les sionistes : en 1937, il s’est impliqué dans un projet de promotion immobilière à Tel Aviv au côté d’une figure sioniste importante, le colonel Kisch [26] ; en 1938-1940, il s’intéresse à un projet d’émigration de juifs tchécoslovaques et apporte son assistance à un collaborateur juif en Roumanie qui souhaite gagner la Palestine [27] ; enfin, il utilise son entregent pour l’achat de terrains à des propriétaires arabes au bénéfice d’acheteurs du Yichouv [28]. Spears parviendra à rassurer les sionistes jusqu’en 1944, date à laquelle une partie d’entre eux le considèrent désormais comme dangereux. En présentant ce dernier comme l’« incarnation de la morgue britannique », Gaulmier apporte une information intéressante sur le regard que le personnel de la Délégation générale à Beyrouth portait sur ce « personnage complexe » par. Aujourd’hui, les archives britanniques permettent de porter un regard différent sur Spears : isolé au Parlement comme au sein de la bonne société britannique, Spears est considéré selon les cas comme un « escroc » (« a crook »), un « affairiste » (« a carpet bagger »), mais surtout – et il semble que ce soit le reproche le plus grave -, Spears apparaît comme profondément « unenglish » dans ses manières [29].

Autre enseignement de cette réimpression : quel qu’ait été l’activisme déployé par Spears et par sa Mission – et il était important -, les difficultés rencontrées à partir de 1943 tenaient à d’autres facteurs, plus structurels. Dans l’album, il y a des absents de taille : ceux qui ne sont pas venus et ceux qui n’ont pas été invités et ceux dont les photos n’ont pas été retenues. Absents de taille au Liban : le chef de l’opposition, Béchara el-Khoury, président du parti Destour, soutenu par le journal Le Jour, élu président de la République – au suffrage indirect – le 21 septembre 1943 ; les jésuites, qui gardent leurs distances [30]. Absent de la partie syrienne du voyage : Jamil Mardam bey, qui est en réalité le grand homme politique syrien », avec qui Catroux avait commencé à négocier en juillet-octobre 1941 [31]. Le Président de la République syrienne que salue de Gaulle sur les photos, le Cheikh Taggeddine, a été nommé par les Français et n’a aucune légitimité nationale. La brochure, bien sûr, omet de préciser que la Constitution des deux États a été suspendue au début de la guerre et que la Constitution libanaise l’avait déjà été une première fois auparavant ; elle ne rappelle pas que depuis 1937 la France n’a pas su ou pas pu résister aux pressions régionales et la ratification des deux traités s’est trouvée suspendue du côté français depuis lors. Parmi les photos qui n’ont pas été retenues, il y en a une qui dit beaucoup : dans la résidence d’été du patriarche maronite, Catroux s’en prend à Mgr Arida. De Gaulle, en arrière-plan, se trouve entre les deux visiblement soucieux. Effectivement, le patriarche maronite depuis 1937 ainsi que l’archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Moubarak, se montrent de plus en plus critiques vis-à-vis de la politique mandataire jugée insuffisamment favorable aux intérêts maronites et trop « laïque » au point d’hésiter entre le maintien de l’alliance avec la France dans le cadre du Grand-Liban ou un repli sur un petit Liban chrétien.

Les discordances que l’on peut noter entre les photos et le texte, d’une part, la réalité syro-libanaise en 1942, de l’autre, tient au public visé par le Service d’Information : non pas les Libanais et les Syriens mais les Britanniques, à Beyrouth et à Londres, et les Français partout dans le monde. Or non seulement les impératifs de la communication française libre à l’égard de ses ressortissants et de ses alliés ne coïncident pas en tous points avec les attentes des élites de deux États indépendants, mais elles sont même parfois contradictoires. Gaulmier reconnaît « avoir contribué, de 1941 à 1944, à la création du mythe gaulliste [32] ». En témoigne effectivement l’épilogue de la plaquette :

Jamais la France n’a été aussi bien comprise, peut-on y lire, aussi profondément aimée qu’à présent qu’elle paraît au monde incarnée dans un Chef à l’esprit clair, aux vues hardies, dans un Chef sans peur et sans reproche […].

L’influence des orientalistes [33] est sensible dans le texte de la plaquette dont le ton se fait parfait paternalise. « L’heure est venue où les enfants de la France d’Outre-Mer reconnaissent les bienfaits dont ils sont redevables à la Mère-Patrie » : telle est la légende qui accompagne la photo d’un tirailleur sénégalais blessé au combat et décoré par de Gaulle, à rebours de ce que semble dire la photo. Si certaines formules font aujourd’hui sourire, elles correspondaient au style de l’époque. Certains passages du texte pouvaient en revanche et non sans raison faire grincer des dents : qui peut nier, dit la brochure, que « la France Combattante ait fait rayonner un incontestable progrès dans cet Orient qui s’éveille ? ». C’est oublier que le Liban peut s’enorgueillir de compter parmi ses villes la plus ancienne zone urbanisée, habitée sans discontinuité depuis 6000 ans, Jbeil (Byblos) et que les intellectuels libanais furent le fer de lance du mouvement de Réveil arabe au XIXème siècle, la Nahda. Le grand nombre d’uniformes français sur les photos, l’omniprésence du général de Gaulle ont pour fonction d’asseoir la légitimité de la France Combattante et de son chef. Pour le personnel politique syrien et libanais, cet affichage vient rappeler le retour à une administration militaire après des années de haut-commissariat civil alors même que le risque d’invasion par les forces de l’Axe s’est dissipé depuis un an. Cet affichage peut faire craindre une mauvaise volonté française à la fin du conflit, lors de la remise du mandat. Enfin, le texte et les photos l’affirment : la France et son chef sont les garants de l’harmonie interconfessionnels au sein des deux États. Présentés comme la pierre de voûte de l’édifice, ils n’apparaissent donc pas comme d’authentiques artisans de l’indépendance qu’ils ont pourtant proclamée. Enfin, s’agissant d’un document de « propagande », selon la terminologie en vigueur à l’époque, il était naturel que d’autres influences que françaises soient gommées mais celles-ci étaient bien connues des élites : l’Université Américaine de Beyrouth, par exemple, était un foyer culturel majeur dans le monde arabe. Elle avait été fondée en 1866, sous le nom de Syrian Protestant College, soit neuf ans avant l’Université jésuite Saint-Joseph.

Si le document préparé par Jean Gaulmier est un document d’un intérêt documentaire indéniable, il a raté sa principale cible la Mission Spears – mais pouvait-il en être autrement ? – et a peut-être même été contre-productif. Pris à partie dans le prologue de la plaquette, certes pas nominalement – mais chacun aura compris -, l’ambassadeur britannique ne pouvait que répliquer et la plaquette de cette tournée qu’il avait boycottée pouvait lui fournir des armes. La pression exercée sur la France pour l’organisation d’élections législatives au Liban apparaissait d’autant plus justifiée que la brochure renvoyait l’image d’un pays tout à fait stable. Pour de Gaulle, cette tournée fut aussi à double-tranchant. La ferveur populaire le conforta dans l’idée que la France Combattante était bien reconnue par les populations comme la « vraie France ». Mais on peut penser aussi que cette expérience fut la cause de l’erreur d’appréciation commise en 1943 et en 1945 : l’amitié pour la France et les questions de souveraineté nationale étaient deux choses différentes.

L’insertion du général de Gaulle dans l’histoire libanaise et syrienne est donc nécessairement complexe – et passionnante -. Cette réimpression vient nous le rappeler. Mise à la portée du chercheur, elle constitue un document précieux à croiser avec l’ensemble du fonds photographique, les récits des acteurs français, libanais, britanniques et autres, et les nombreux fonds d’archives dont le croisement fait émerger d’autres facettes de cette tournée proche-orientale.

[1] C’est l’expression qu’utilise le général Beynet dans son compte-rendu à de Gaulle. Maurice Albord, L’Armée française et les États du Levant : 1936-1946, Paris, CNRS éd., 2000, p. 515-516.

[2] Jean Gaulmier, « Mea culpa », Le Monde, 13 novembre 1965.

[3] Pour un récit détaillé de ce voyage, voir J. Gaulmier, « Rencontres avec le général de Gaulle, 1941-1944 », Espoir, n°68, septembre 1989.

[4] C’est Jean Gaulmier qui souligne.

[5] Voir Pierre Benoît, La Châtelaine du Liban, Paris, Albin Michel, 1924, roman adapté au cinéma dès 1926 (film muet réalisé par Marco de Gastyne) puis en 1934 par le réalisateur Jean Epstein.

[6] Damien Ramia, « La signature du traité franco-libanais », La Croix, 26 novembre 1936. Le traité a été signé le 13 novembre 1936.

[7] Dépêche de l’Office Français d’Information (OFI, Vichy) « L’agitation au Proche-Orient », Le Temps, 8 juillet 1942, p. 1.

[8] C. de Fouchécour, « Le Comité Vansittart et les débuts de la France Libre », Guerres Mondiales et Conflits Contemporains, avril-juin 2020, n°278, p. 23-41.

[9] Au point de tenter de faire croire au Foreign Office, par l’intermédiaire du MI6, qu’un « Bureau noir » français au Proche-Orient était compromis dans le meurtre du ministre-résident Lord Moyne le 6 novembre 1944. James Barr, A Line in the sand. Britain, France and the struggle that shaped the middle-east, Londres, Simon & Schuster, 2011, p. 287-291

[10] « Le 7 septembre [1942], M. Eden, exprimant à Pleven et à Dejean l’irritation de son gouvernement quant à mon attitude au Levant, laissait prévoir qu’un événement prochain à Madagascar exigerait qu’on s’entendît. » C. de Gaulle, Mémoires de guerre [1954-1956-1959], Paris, Plon/Omnibus, 1994, p. 300. On notera que le récit de la tournée de 1942 au Levant figure dans un chapitre intitulé « Intermède » (c’est le chapitre qui ouvre le deuxième tome des Mémoires de guerre, sous-titré « L’Unité »).

[11] Ce film peut être visionné gratuitement sur le site de l’INA.

[12] « Mea Culpa », Le Monde, 13 novembre 1965.

[13] Décret n° 349 « énumérant les Comités de la France Libre à l’étranger » du 28 août 1942 dans Le Journal Officiel de la France Libre, Paris, Direction des journaux officiels, 1995, p. 113-114.

[14] Jérôme Bocquet, « Henri Seyrig, un gaulliste dans la décolonisation », Syria. Archéologie, Art et Histoire, III, 2016, p. 49-91.

[15] Myra Prince, « Le Beyrouth d’Écochard : le plan manqué d’une rationalité française » dans Carole H. Dagher, Myra Prince, Des Liens et des Lieux : mémoires libano-françaises, Paris, Geuthner, 2021, p. 91-119.

[16] Pour un exemple de grille hebdomadaire, Service Historique de la Défense, Papiers Catroux, Carton 2, quotidien La Syrie et le Proche-Orient, 21 novembre 1943, p. 3. Sur Radio-Levant, voir Gilbert Pilleul, « Le service d’information et de radio-diffusion du Levant (1941-1944), Espoir, n° 77.

[17] Avec Sitt Maria Rose, Paris, éd. des Femmes, 1978.

[18] Catroux lui a consacré une biographie : Lyautey le Marocain, Paris, Hachette, 1953.

[19] Sur le mandat de la France au Levant, il écrit : « Sans doute ce régime était-il précaire et ne nous conférait-il qu’une souveraineté limitée et provisoire. Mais le délai qu’il accordait à la France lui ouvrait la possibilité de se créer dans ces régions, à la faveur de sa présence, des amitiés, d’y enraciner des intérêts capables de survivre à la levée de la tutelle, et de s’y préparer pour l’avenir une situation privilégiée. »  Général Catroux, Deux Missions en Moyen-Orient (1919-1922), Paris, Plon, 1958, p. 133.

[20] Les sentiments de Spears lui-même à l’égard des Tirailleurs Sénégalais sont, de son propre aveu, « complexes ». Évoquant son expérience d’officier de liaison pendant la première guerre mondiale, il écrivait dans un ouvrage publié en 1939 : « Personnellement, les Sénégalais me remplissaient d’un sentiment complexe fait de sympathie, de pitié et de crainte. J’avais vu se baigner dans la Somme ces splendides statues de bronze. Ces mêmes hommes en uniforme, ressemblaient à des singes habillés […]. » Edward Spears, Prélude à la victoire [titre original. : Prelude to Victory (1939], Paris, Presses de la Cité, p. 241.

[21] Voir C. de Gaulle, La France et son armée suivi de L’Histoire des Troupes du Levant [présenté par Hervé Gaymard], Paris, Perrin, 2011.

[22] C. de Gaulle, Lettres, notes et carnets. Tome 2 : 1919-juin 1940, Paris, Plon, 1980, p. 359.

[23] Le sultan, Mohamed ben Youssef, futur Mohamed V, est l’autorité politique et religieuse de la nation marocaine sous protectorat français.

[24] Officier dans le 1er Régiment de Spahis Marocains stationné à Damas, Harry de Villoutreys est le seul officier avec le chef d’escadron Paul Jourdier à rallier les Britanniques, le 30 juin 1940. À Idlib (Syrie) où il s’est rendu le 17 juin 1945 pour empêcher la défection de l’un de ses escadrons, il est pris à partie et meurt sous les coups des émeutiers. Vladimir Trouplin, Dictionnaire des Compagnons de la Libération, Bordeaux, Elytis, 2010, p. 1066.

[25] Le 10 octobre 1921, il écrivait en privé à Arthur Balfour : « nous nous trouvons engagés en Palestine dans une politique sioniste qui fédère contre elle les neuf dixièmes de la population et une proportion égale d’officiers britanniques. […] Il est clair que nous ne pouvons pas garder année après année ces pays en suspens à notre charge parce que la Société des Nations est incapable de parvenir à une décision à leur sujet. » Cité par Michael J. Cohen, Churchill and the Jews (1985), Londres-New York, Routledge, 2013, p. 122.

[26] Il s’agit du projet de la Tel Aviv Foreshore Company. Saint Antony’s College, Middle East Centre (Oxford), Spears Papers, 4/1. Le Colonel Kisch a servi comme officier dans l’Armée britannique pendant la Première Guerre Mondiale avant de rejoindre en 1922 l’Organisation Sioniste Mondiale.

[27] Churchill Archives Centre (Cambridge), SPRS 1/18 et 1/182.

[28] Négib Armanazi à SE le Président du Conseil des Ministres syrien, 12 septembre 1945. Archives Nationales, 457 AP 122.

[29] Max Egremont, Under Two Flags. The Life of Major-General Sir Edward Spears, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1997, p. 112, 114, 132, 137, 142, 215, 241 et 257 et Patrick Coghill, “Notes of Wartime Jottings”, p. 16-19, St Anthony’s College (Oxford), Middle East Archives Centre, GB-165-061 Coghill Collection 1/1.

[30] Sur l’attitude des jésuites de l’Université Saint-Joseph, voir Christian Taoutel dans Alya Aglan, Julie d’Andurain, Fayçal Chérif, Mohamed Lazar Gharbi, Hedi Jellab, Pierre Vermeren (dir.), Le Monde arabe et la seconde guerre mondiale. Tome 1, Paris, Maisonneuve & Larose, 2022, « Le Liban dans la guerre vu depuis l’Université Saint-Joseph de Beyrouth » dans p. 137-145.

[31] Sur l’échec des négociations entre la France Libre et le Bloc National conduit par Farouk Mardam bey de juillet à octobre 1941, voir Salma Mardam Bey, La Syrie et la France. Bilan d’une équivoque (1939-1945), Paris, L’Harmattan, 1994, p. 64-70.

[32] J. Gaulmier, « Mea culpa », Le Monde, 13 novembre 1965.

[33] Jean Gaulmier consacra sa thèse à Volney (1757-1820) auteur du Voyage en Syrie et en Égypte (1787).

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