LE LEADERSHIP, UNE NOTION À LA FOIS CLASSIQUE ET CONTEMPORAINE

par Sarah-Maria Matta, Pierre Turk et Lara Kik
Étudiants BBA05

Avec une base en histoire politique et histoire des relations internationales, Frédéric Fogacci est directeur des études et de la recherche à la Fondation Charles de Gaule : il travaille sur la défense, les institutions et les relations internationales. Nous avons eu la chance de le rencontrer et de discuter dans le cadre d’un séminaire sur le leadership.

Parlez-nous du projet d’un Institut Charles de Gaulle à l’ESA. Quelles seront les activités, la place des étudiants, la structure de l’institut ?

C’est un projet commun entre la fondation Charles de Gaulle et le Liban car le général de Gaulle a vécu deux ans au Liban, entre 1929 et 1931, et l’ESA est l’ancien hôpital militaire de la France libre. L’idée de cet institut est de proposer tous les biais de collaboration possible avec la jeunesse libanaise, grâce à l’ESA.

Cet institut sera un lieu de rencontres culturelles ouvert à tous : conférences, écrivains, artistes, expositions. Il sera aussi un lieu de rencontres pour les écoliers en mettant en place des ateliers pédagogiques, puisque le réseau des écoles françaises au Liban est le plus dynamique du monde. L’institut sera aussi un centre de recherche, avec des séminaires et des chercheurs, un lieu pour produire et formaliser autour de sujets tels que le leadership ou la géopolitique. Il y a aussi un projet architectural autour de la structure de l’institut qui est pensé aussi pour faire écho à la vision de de Gaulle qui voyait le Liban comme berceau de confluences où l’Europe et le Moyen-Orient se rejoignent. C’est un travail de mémoire : le général de Gaulle a toujours considéré que le Liban était le point d’entrée de la France au Moyen-Orient.

Est-ce que l’on peut parler de la notion de leadership de la même façon, que ce soit dans le monde des entreprises ou dans le monde étatique ? Les notions de vision, de valeurs, ou de gouvernance, changent-t-elles ?

Partir d’un modèle de leadership politique peut enrichir ceux qui se lancent dans un domaine des affaires. Le leadership est connecté à la notion d’intérêt public et aux enjeux futurs comme la responsabilité sociale et environnementale. De Gaule par exemple, a une ambition d’intérêt public, en étant un dirigeant politique avec une vision économique. Il faut saisir l’opportunité de considérer le business de manière nouvelle : le monde de demain va nous obliger à repenser le business en termes d’intérêt général et de responsabilité écologique en conciliant l’intérêt public avec une logique sociale. EDF par exemple est une entreprise étatique qui est porteuse d’une forte éthique de service public, mais avec une vision industrielle au service des gens.

Comment pensez-vous que la notion de leadership pourrait évoluer avec des mouvements qui montent en puissance sur les réseaux sociaux (BLM, révolutions arabes, hashtags, etc.). Est-ce que l’on peut parler de leadership numérique ?

Les réseaux sociaux posent la question de l’influence et de la segmentation. Ce qui est quelque peu dangereux avec les réseaux sociaux c’est que l’on peut être enfermé, on peut arriver à s’informer par le biais de confirmation, et nous amener à dialoguer uniquement avec des gens qui sont d’accords avec nous, et, plus on prend cette habitude, plus c’est difficile de se confronter à des opinions.

On voit apparaitre des mouvements avec une existence numérique très forte. Mais, ces mouvements sont-ils fondé et structurés ? Si l’on voit les débats sur Twitter ou Facebook, on peut penser que les sociétés explosent, que les gens ne s’entendent plus. Sur les réseaux sociaux, on peut parfois écrire sur que l’on pense à un moment donné, sans réfléchir plus avant.

Le leader est quelqu’un qui a la capacité à dépasser l’instant ; les réseaux sociaux peuvent constituer un outil pour appréhender l’évolution de la société, mais ils ne gouvernent pas, ils ne doivent pas mettre en danger le fonctionnement démocratique. Je pense qu’à un moment on ira vers une certaine forme de régulations des réseaux sociaux, car sinon, les états démocratiques peuvent être en danger, comparé à des états comme la Chine qui contrôlent le débat numérique. Même si les réseaux sociaux fluidifient le dialogue entre les gens, on ne construit pas son opinion sur les réseaux sociaux, ceux-ci restent un lieu de débat.

X