COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION ÉCRIVAINS

Sous la direction d’Alfred Gilder et François Broche

Éditions Glyphe, 496 pages, 26 €

Jamais sans doute dans notre longue histoire une épopée collective basée sur l’engagement volontaire allant jusqu’au don de soi n’a réuni à un tel point des individus aux origines si diverses, aux sensibilités spirituelles, morales, politiques si éloignées, et parfois franchement antagonistes. Avec Alfred Gilder et ses camarades de l’Association des écrivains combattants, avec mes amis de l’Association des Familles de Compagnon et de la Société des Amis du musée de l’Ordre de la Libération, et avec le soutien du général Christian Baptiste, délégué national de l’Ordre, nous avons souhaité porter sur la « chevalerie exceptionnelle » fondée par le général de Gaulle, un autre regard sur des héros paraissant trop souvent hors d’atteinte pour le commun des mortels. Nous les avons donc abordés en nous penchant sur leurs écrits.

En réalité, très peu de Compagnons sont les auteurs d’une œuvre spécifiquement littéraire : c’est, bien sûr, le cas de Malraux, Gary et Jean Cassou. Je mets à part Winston Churchill, auteur d’une histoire de la Seconde Guerre mondiale en douze volumes qui lui a valu d’obtenir le prix Nobel de littérature en 1953, ce qui fut une relative déception car il souhaitait plutôt le prix Nobel de la paix…

Il n’empêche : plusieurs Compagnons sont devenus des écrivains à part entière. Je pense surtout aux auteurs à succès que furent le colonel Rémy, avec ses Mémoires d’un agent secret de la France Libre en sept volumes, Dominique Ponchardier avec les aventures de son Gorille en pas moins de 64 volumes (sans compter une bonne quinzaine d’adaptations pour le cinéma ou la télévision), ou encore Maurice Schumann, auteur d’une vingtaine de livres – essais, romans, récits historiques, qui lui valurent d’être élu à l’Académie française en 1974. Tous ont laissé une œuvre inspirée de l’histoire dont ils avaient été les protagonistes.

En outre, nombreux furent ceux  qui ont écrit : mémorialistes, épistoliers, historiens, auteurs de témoignages et de récits sur l’épopée, ou encore spécialistes dans leur discipline, tels Louis Armand, auteur de Propos ferroviaires, de François Jacob, prix Nobel de physiologie et de médecine, spécialiste des bactéries lysogènes, du docteur Charmot, auteur d’études de référence sur les troubles mentaux chroniques post-typhiques, ou de Jean-Pierre Vernant, pour qui la pensée et la société de la Grèce antique n’avaient aucun secret…

Ces quelques exemples donnent une idée de l’extraordinaire diversité de talents et de compétences des Compagnons. Avec Alfred Gilder, nous en avons sélectionné une bonne centaine (dont quatre femmes) et nous avons demandé à soixante-quinze auteurs (parmi lesquels Hervé Gaymard, qui a traité du Compagnon savoyard Joseph Perceval, ancien de la 2e DB qui tombera dans une embuscade en Indochine) de les présenter. L’ensemble réserve plusieurs découvertes et même quelques surprises. Saviez-vous que Félix Eboué avait publié une savante étude sur la clef musicale des langages tambourinés et sifflés ? que François Garbit, lieutenant au Bataillon de marche n° 3, grièvement blessé en Syrie, vouait à l’Afrique noire une passion qui lui avait inspiré cette émouvante invocation : « Afrique, je t’aime jusqu’à la mort » ? que Philippe Ragueneau, ancien de la DFL, du BCRA et du maquis de Saint-Marcel, avait publié 16 récits dont les  héros  se nomment Moune, Gros-Mimi, Petit-Lulu et Tiburce – des chats dont le QI supporterait la comparaison avec n’importe quel prix Nobel ? que Christian Pineau avait publié une douzaine de contes pour enfants ? que Jean de Milleret, ancien chef des FFI du Sud-Ouest, était un proche du grand écrivain argentin Jorge Luis Borges, auquel il a consacré un ouvrage de référence ?

Moi non plus !

Comme le rappelle le général Baptiste dans sa préface, chaque Compagnon avait une histoire et des intérêts particuliers. Ils n’étaient pas issus du même moule portant l’estampille de la croix de Lorraine : « Ce recueil ne contribue pas seulement à mieux faire connaître les Compagnons, écrit le délégué national de l’Ordre, il les rend plus proches de nous, il possède l’appréciable vertu de ne pas les renvoyer sempiternellement à un passé certes héroïque et glorieux, mais figé. »

François Broche

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