HOMMAGE AU PASTEUR ALBERT CHAUDIER
par Pierre Lefranc
Revue Espoir n°46, mars 1984
Le gaullisme vient de perdre un de ses fidèles artisans, et l’Institut un ami.
Albert Chaudier nous quittés au terme d’une longue maladie.
Cet homme avait choisi d’affronter son temps et le destin ne l’a pas ménagé.
Pasteur à Limoges, il joua un rôle si important dans la Résistance qu’il fut choisi pour présider le Comité départemental de la Libération et son action en cette période extrêmement difficile évita certainement de grands malheurs à la capitale du Limousin. Ses souvenirs passionnants ont été publiés en 1980 par Lavauzelle sous le titre : Limoges 1944-1947 – Capitale du maquis.
En 1947, lorsque le général de Gaulle lança le Rassemblement du peuple français, Albert Chaudier fut le premier à le rejoindre et fut aussitôt désigné comme délégué du mouvement pour la Haute-Vienne.
En 1951, avec un admirable désintéressement, il accepta qu’un autre que lui fût candidat aux élections législatives et, à la demande du Général, vint s’installer à Paris pour occuper des fonctions de confiance au siège national.
Ensuite, demeurant au service de la cause qu’il avait choisie dès l’Occupation, il appartint à plusieurs cabinets de ministres gaullistes et le Général le choisit comme membre associé du Conseil économique et social.
Dès la création de l’Institut, Albert Chaudier le rejoignit : acceptant la lourde charge d’archiviste, il entreprit de mettre en ordre les innombrables documents qui s’étaient accumulés au cours des années du RPF et de la période présidentielle.
Des difficultés de santé, aggravées par des deuils cruels, contraignirent en 1980 Albert Chaudier à quitter ce poste où ses connaissances de l’histoire avaient rendu d’inestimables services.
Albert Chaudier était un homme de culture et de pensée pour qui le gaullisme représentait une entreprise aussi morale que politique. Il s’y était consacré avec toute la foi temporelle dont il disposait. Il ne calculait pas et a toujours donné plus qu’il ne recevait. Une telle générosité est rare et mérite d’être saluée avec respect.
Je le revois dans son bureau de la rue de Solferino, ses yeux pétillants derrière ses lunettes, prêt à rire de ses propres naïvetés et pardonnant déjà à ceux qui en avaient profité.
Quelle émotion l’envahissait lorsqu’il lisait pour son visiteur l’un des pathétiques et déchirants poèmes écrits par sa fille Ariane dramatiquement arrachée à son affection.
Cherchant plus loin, je revois avec lui la période mouvementée de lancement du RPF, en 1947, lorsque nous étions, lui et moi, jetés au bas des tribunes par les communistes qui s’opposaient à ce que se fassent entendre les voix qui défendaient la liberté de parole au nom du gaullisme. Chambres d’hôtel ou modestes permanences de Limoges, Brive, Cahors ou Périgueux, que de réunions y avons-nous tenues ensemble, animés par la même espérance !
Et notre rencontre en 1958, de Gaulle étant de retour aux affaires, notre accolade silencieuse, les larmes aux yeux.
La Nation est ingrate avec ses vrais serviteurs mais nous ne vous oublierons pas, cher Albert Chaudier, vous étiez de ceux grâce au courage, à l’opiniâtreté et aux sacrifices desquels la France a gardé son visage et retrouvé sa mission.