SERMON DU PASTEUR ALBERT CHAUDIER

Temple protestant de Limoges

18 juin 1944

« Avant toutes choses, nous saluons tous ces morts. Parmi eux peut-être s’en trouvaient-ils quelques-uns jeunes ou adultes, qui relevaient de nos Eglises, mais ceci n’importe en rien. Nous les saluons tous avec respect, avec douleur, avec tendresse. Entre tant et tant de victimes civiles de cette guerre avilissante, on comprendra qu’en les associant étroitement à ces innombrables, innocentes comme elles, qui les ont précédées dans l’éternité, nous leur fassions une place à part. leur fin, avec plus de raffinements terrifiants que celle de beaucoup d’autres et à un degré inégalé jusqu’alors, à notre connaissance, sur la terre française, fut un indicible martyre. Nous saluons tous ces morts, si proches de nous par la distance de leur pauvre sépulcre, bien plus proches encore de notre cœur déchiré. Nous ne cherchons pas à rejoindre, en une évocation trop désolante, leurs pauvres restes mêlés dans le charnier calciné qui fut une église ; nous rejoindrons leur âme dans l’invisible, où ils sont enfin promus à l’inviolable liberté des enfants de Dieu et nous les remettons à l’amour de Celui qui étend sur l’inqualifiable carnage deux bras de crucifié. Nous invoquons sur tous ces sacrifiés et en leur nom sur ceux qui devront les remplacer dans la France épuisée de demain, l’Esprit qui perpétue les souvenirs salutaires, qui fait germer les sanglants holocaustes en moissons de bonheur, de justice et de paix, et par qui les morts deviennent, pour les reconstructions à venir, des bâtisseurs, à côté des vivants.

L’épouvante qui s’est ainsi répandue sur un petit bourg de notre Limousin nous dicte un autre devoir que celui de rendre hommage aux victimes et de pleurer sur elles. La conscience humaine et la conscience chrétienne se rejoignent pour se dresser contre de pareilles tueries. »

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