Etape 10 – Histoire de la motte castrale

Le tertre de Colombey-les-Deux-Eglises

A la demande de la Fondation Charles de Gaulle, nous avons été amenés à réaliser une prospection suivie d’un relevé topographique d’un tertre situé à 50 m au nord de la croix de Lorraine qui domine le Mémorial.

Localisation

Département de la Haute- Marne

Commune de Colombey-les-Deux-Eglises

Lieu-dit : La Montagne au nord-ouest du village

L’érosion différentielle a dégagé cette colline dans les calcaires et les marnes grises jurassiques du Kimméridgien supérieur (âge 155 à 151 million d’années) (Fig. 1). Un carottage profond de 25 m a été pratiqué par le BRGM en 1971, au sommet de cette colline et a permis de déterminer 25 niveaux géologiques (Fig. 2). Si on se limite aux huit niveaux supérieurs, nous observons une alternance de bancs calcaires coquilliers et de marnes dont l’épaisseur respective est inférieure à 1 m.

Une borne installée par l’IGN fournit la référence altimétrique NGF (Nivellement général de France) : 398, 10 m.

Les vestiges

  1. Le tertre est implanté en bordure du talus naturel de la colline (392 m). Il se compose d’un tertre quadrangulaire mesurant 32 m de côté au sommet. Le sommet présente une déclivité du nord vers le sud. La partie nord (32 m x 22) a une altitude comprise entre 398 et 396 tandis que la partie sud oscille entre 396 et 394 m. Aucune structure n’est visible en surface et aucune céramique de construction ou de céramique domestique n’a été observée. Toutefois, l’altitude plus élevée de la partie nord-ouest pourrait correspondre à l’emplacement d’un bâtiment disparu. Les flancs du tertre sont raides et présentent une hauteur de 4 m sur trois côtés sauf au sud où elle n’est que de 2, 50 m. Ce flanc méridional, moins élevé que les autres en raison de la pente naturelle présente en son milieu une échancrure qui pourrait correspondre à un ancien système d’accès.
  2. Le fossé est taillé dans les calcaires et les marnes. Il dessine un U avec les côtés Ouest-Nord-Est. Sa largeur est comprise entre 4 et 6 m à la base et entre 13 et 15 m à l’ouverture. Le talus extérieur est plus fortement marqué dans l’angle nord-ouest où il atteint 3 m que dans l’angle nord-est où il n’est que de 2 m. Au sud, le fossé fait place à un replat, sorte de plateforme large de 10 m et longue de 69 m pour une altitude de 391 m et qui peut correspondre à la basse-cour.

Le volume des déblais provenant du creusement des fossés peut être évalué à 3365 m3. Une partie de ce volume a été rejeté vers l’intérieur contribuant ainsi à surélever la plateforme de 1 à 2 m du côté sud et de 2 à 3,50 m dans la partie nord.

  1. Le bourrelé extérieur. Sur les côtés Ouest, Nord, Est, le fossé conserve la trace d’une levée de terre large de 1 m et dont la hauteur se réduit à 0, 25 m ; il témoigne de l’existence d’une ligne de défense extérieure sur laquelle a pu trouver place une protection en bois, type palissade ou simple haie.

 

Conclusion

Le tertre correspond en tous points aux vestiges d’un habitat défensif médiéval. A partir des années 1970, la recherche en histoire et archéologie médiévale a multiplié les enquêtes de terrain qui ont permis de découvrir un très grand nombre de sites comparables à celui de Colombey-les-Deux-Eglises en Champagne comme dans toute l’Europe.

Ils appartiennent à deux catégories voisines.

 

La première catégorie est désignée dans le vocabulaire médiéval sous le nom de « maison » ou « maison basse » ou « maison plane » et se compose d’un habitat à pans de bois et murs en pisé (mélange de terre et de paille) servant de résidence à une famille. A proximité, se trouvent les bâtiments à fonction agricole. La protection est assurée par les fossés dont la profondeur n’excède pas la hauteur qu’un homme peut atteindre en rejetant seul les pelletés de terre. Une palissade en bois percée d’une porte en bois ou en pierre complète la défense. Un tel édifice sert à assurer une protection sommaire aux personnes et aux biens contre les dangers du quotidien qu’ils viennent des animaux sauvages ou du voisinage.

La seconde catégorie est appelé « maison forte ». La largeur du fossé peut atteindre des dimensions importantes car l’emploi de tout type d’outils et d’engins est autorisé. Le constructeur peut entourer la plateforme d’un mur en pierre au sommet duquel peuvent s’accrocher des éléments en bois comme des tourelles et des bretèches pour améliorer la défense.

Pour l’une comme pour l’autre, nul besoin d’autorisation pour le propriétaire. Les autorités princières considéraient que ces défenses domestiques ne constituaient aucun danger pour leur autorité et elles laissaient libre cours aux initiatives privées.

Seuls des sondages et fouilles archéologiques permettraient de vérifier la présence, la disposition et la nature de structures d’habitat et de protection à la surface du tertre pour qu’on puisse attribuer Colombey-les-Deux-Eglises à l’une ou l’autre catégorie. Au vu des seules prospections de surface, nous penchons pour la première catégorie car aucune structure en pierre n’est visible.

L’espace champenois a livré un nombre élevé de sites de ce genre qui a donné lieu à des inventaires détaillés réalisés sous la direction de Michel Bur2. Ces édifices sont l’oeuvre de petits seigneurs, vassaux ou alleutiers3 agissant pour leur propre compte. Grâce aux archives, nous pouvons situer la montée en puissance de la petite aristocratie locale au XIIIe et début XIVe siècle.

Ces vestiges ne doivent pas être confondus avec les châteaux, oeuvres de princes (ducs, comtes, évêques) ou de puissants seigneurs qui prennent la forme de châteaux à motte tronconique et basse-cour aux Xe-XIIe s. puis de châteaux polygonaux ou quadrangulaires au XIIIe-XVe s.

Lire l’historique de Colombey et voir le plan topographique-Echelle (1-500)

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