De Gaulle et l’Afrique (5)

La force noire au combat : de la colonne Leclerc à la Force L

La situation britannique s’améliore à l’automne 1942, ce qui rend possible la grande opération vers la mer. Les moyens de la colonne se sont un peu étoffés. C’est avec 3 000 hommes, montés sur 350 véhicules et appuyés par 16 avions, que Leclerc s’élance vers le nord au départ du Tibesti peu avant Noël. Tous les postes italiens du Fezzan tombent les uns après les autres. Le 24 janvier 1943, les avant-gardes de Leclerc rencontrent dans Tripoli celles de la VIIIe Armée de Montgomery. La mer est atteinte.

Il faut désormais poursuivre un ennemi –allemand cette fois– qui reflue vers la Tunisie. Rapidement renforcée en hommes, véhicules et équipements, la colonne Leclerc  devient la Force L. Elle garde le flanc occidental du gros de la VIIIe Armée et s’illustre en arrêtant le 10 mars une contre-attaque de Panzers à Ksar Rhilane. Elle entre la première à Gabès le 29 mars 1943. Le 20 mai suivant, elle participe au défilé de la victoire dans Tunis libéré.

Il devient alors évident que la prochaine étape sera le continent et peut-être la France. Mais la maigre colonne sortie du désert doit, pour y être présente, croître encore en nombre, s’équiper, se former. Ce travail prend du temps de l’été 1943 à l’été 1944. Leclerc déclarerait plus tard que « la constitution de la 2ème DB fut [s]a plus belle victoire ».

Accueilli à Douala par le colonel Leclerc le 9 octobre 1940, le général de Gaulle comprend très vite que les soldats de l’Empire vont jouer un rôle important dans la guerre. Des hommes venus de Dakar rejoignent ainsi les troupes de Leclerc à l’automne 1940 : ces renforts lui permettent de pénétrer au Gabon et d’obtenir le ralliement à la France Libre de ce territoire. A la mi-novembre 1940, toute l’AEF est désormais derrière de Gaulle.

Le chef de la France Libre nomme alors Leclerc commandant militaire du Tchad. Ce territoire revêt un intérêt stratégique évident. Encadré dans sa partie méridionale par des territoires alliés (Nigeria, Congo belge, Soudan anglo-égyptien), il est bordé au nord et au nord-est par la Libye italienne et par l’Afrique occidentale française, toujours sous contrôle de Vichy. De cet horizon peuvent surgir des menaces ; mais il recèle aussi des possibilités de conquêtes. De Gaulle assigne donc à Leclerc la mission de prendre la tête d’une force française qui, partie du Tchad, se dirigerait vers la côte méditerranéenne (mouvement sud-nord), en liaison avec une force britannique sortant d’Egypte, qui longerait le littoral (mouvement est-ouest). La manœuvre devait permettre de prendre en tenaille les armées italiennes.

Le colonel Leclerc arrive à Fort-Lamy (N’Djaména aujourd’hui) le 2 décembre 1940. Il prend la tête d’une colonne de 400 hommes (150 Européens et 250 Africains, soit 250 combattants et 150 conducteurs et aides) et ne dispose que d’un équipement médiocre : cent mauvais camions et un canon. Leclerc et ses hommes partent le 25 janvier 1941 en direction de la forteresse de Koufra, à 2 000 kilomètres au nord-est.  Après les combats décisifs livrés à la Compagnie saharienne mobile italienne les 18 et 19 février, Leclerc met le siège devant la citadelle. Elle rend les armes le 1er mars. C’est le premier succès de rang d’une armée française depuis l’été 1940. Engageant l’avenir, le colonel Leclerc jure alors de ne « déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg ».

Les mois qui suivent sont consacrés à la préparation de l’opération permettant de rejoindre les Britanniques au bord de la Méditerranée, à 2 200 kilomètres au nord. L’arrêt de l’offensive britannique du début 1942 et la contre-attaque de Rommel en direction du Caire ajournent ce projet. Leclerc attaque alors  victorieusement les postes italiens du Fezzan. Le succès des raids que lui et ses hommes opèrent est relayé à la radio de Londres. Ces annonces soutiennent le moral des Français de métropole, à l’heure où les Alliés connaissent de dures épreuves.

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