La Constitution de 1958

Un compromis initial

Investi comme chef du gouvernement le 1er juin 1958, le général de Gaulle lance rapidement le processus de rédaction de la nouvelle constitution : depuis les discours de Bayeux et d’Epinal (1946), il a défini la constitution de la IVe République, et la faiblesse du gouvernement devant une assemblée élue au scrutin proportionnel (donc incapable de dégager une majorité durable et solide) comme la cause de l’impuissance du pouvoir politique à agir. Cependant, son retour au pouvoir a été conditionné par les garanties qu’il a données aux grands chefs de partis de la IVe République de ne pas modifier trop brutalement l’équilibre des institutions. Si le nouveau texte, dont Michel Debré est l’un des architectes, va dans le sens d’un renforcement du pouvoir exécutif souhaité par le Général, il n’en s’agit donc cependant pas moins d’un compromis, et de grands leaders de la IVe République, comme Guy Mollet, secrétaire général de la SFIO (socialiste), sont associés à sa rédaction. Fruit du travail d’un comité d’experts et d’un comité interministériel, le projet est soumis à un Comité consultatif constitutionnel, présidé par Paul Reynaud, puis au Conseil d’Etat.

Le 4 septembre, le général de Gaulle présente le texte aux Français, Place de la République, et le leur soumet par référendum : 82% des votants l’approuvent, seuls les communistes et les radicaux s’étant prononcés contre.

Une évolution dans la tradition républicaine française

Incontestablement, le texte de 1958 renforce le rôle du chef de l’Etat, et limite les pouvoirs de l’Assemblée nationale. La création du Conseil constitutionnel, par exemple, a pour effet que l’Assemblée ne sera plus elle-même juge de la constitutionnalité des lois. Le retour au scrutin majoritaire de circonscription favorise la création de majorités de gouvernement stables et disciplinées. Cependant, le texte recèle également des ambiguïtés, et cette constitution donne aussi des gages aux tenants d’une interprétation parlementariste du Régime : le chef de l’Etat n’est pas encore élu par les français au suffrage universel, mais par un collège comprenant parlementaires, conseillers généraux et représentants des conseils municipaux (en tout 80000 personnes). En outre, si le chef de l’Etat se voit reconnaître le droit de nommer son Premier ministre et si ses prérogatives sont définies dès l’article 5 de la Constitution, l’article 20 stipule que le Premier ministre, chef du gouvernement « détermine et conduit » la politique de la Nation. Certains y verront l’existence d’une « double constitution » dans le texte de 1958, selon qu’en est donnée une interprétation parlementaire ou présidentialiste, que le référendum d’octobre 1962 sur l’élection du président de la République au suffrage universel viendra trancher..

Dès lors, c’est la volonté du général de Gaulle de « façonner » les institutions, selon son expression, notamment en imposant son autorité à son Premier ministre, de même, la volonté de certains gaullistes, comme Jacques Chaban-Delmas, de définir, dès 1959, un « domaine réservé » du chef de l’Etat, comprenant la Défense et les Affaires étrangères, qui définissent le modèle institutionnel de la Ve République autant que le texte lui-même.

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